Rutte: armement contre sécurité sociale

Mark Rutte, au siège de l’OTAN à Bruxelles, 4 avril 2025.

Par Francisco Louça

Mark Rutte, le flamboyant secrétaire général de l’OTAN [depuis le 1er octobre 2024, premier ministre des Pays-Bas d’octobre 2010 à juillet 2024], a déclaré lors d’une conférence de presse, dans les derniers jours de l’année dernière, que «lorsque vous regardez ce que les pays dépensent pour les retraites, la sécurité sociale et la santé, nous avons besoin d’une fraction de cela pour garantir que les dépenses de défense atteignent un niveau qui nous permette de maintenir à long terme notre dissuasion». Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de relire cette phrase pour en reconnaître la clarté. Pour les dirigeants de l’OTAN, ce n’est pas une question de discrétion, c’est une question de franc-parler: ils nous disent qu’il faut vraiment réduire les dépenses de retraite ou de santé pour financer les armements.

Trois mois plus tard, et réalisant que Trump s’affirme comme le plus grand danger pour l’Europe, ce discours est devenu plus confus, mais aussi plus insistant sur la nécessité de changer la stratégie d’investissement de l’Europe. En un mot, ces dirigeants veulent que ce qui est nécessaire pour l’armement soit prélevé sur la sécurité sociale ou les retraites. Fini le temps où l’Union européenne annonçait des plans verts ou des investissements massifs dans la «transition énergétique», le nouveau vert est devenu marron ou noir.

La Commission est ainsi passée d’un discours environnementaliste à un discours guerrier, et il y a même des dirigeants qui prévoient une guerre dans trois ans. Une fois de plus, le champion de la démesure, Rutte, nous a carrément sommés d’apprendre le russe, la langue des nouveaux maîtres qui nous guettent à nos frontières, si nous n’acceptions pas ce dévoiement de ressources pour financer la guerre.

Le problème, c’est que les données ne collent pas. Les pays de l’Union européenne dépensent chaque année trois fois plus que la Russie en armement. En d’autres termes, chaque année, l’écart entre leur capacité militaire et celle des forces armées russes se creuse; et elles se sont montrées inopérantes face à un adversaire faible comme l’Ukraine. L’Europe dispose d’une supériorité militaire gigantesque sur la Russie (et, soit dit en passant, dépense plus en dépenses militaires que la Chine). (3 avril 2025, traduction rédaction A l’Encontre)

Francisco Louça est professeur d’économie à l’Université de Lisbonne. Un des animateurs du Bloco de Esquerda. Se présente à Braga à l’occasion des législatives de mai 2025, entre autres pour mener le combat contre l’extrême droite. Cette brève intervention fait partie d’un podcast hebdomadaire sur le site du quotidien Publico, conjointement au journaliste Fernando Alvez et à la poétesse Rita Taborda Duarte.

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