Nicaragua. «Malgré l’assaut répressif d’ampleur, le mouvement social profond n’est pas brisé»

Guillermo Fernández Maldonado, responsable de la mission du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, mission expulsée du Nicaragua

Par notre correspondant
à Managua

1.- Les «élites» au pouvoir ont une certaine crainte des mobilisations sociales. Rien ne fait plus peur à ces «élites» qu’une manifestation dans la rue, sur une place ou une marche, où tout peut arriver. Les rues, les ronds-points et les places sont les lieux où l’invisible devient visible.

2.- Les rues, les ronds-points et les places sont des espaces de visibilité, où les conflits sociaux et politiques ne peuvent être cachés. Ils se nourrissent des mêmes problèmes qui en changent l’aspect. Les rues sont ce qu’elles sont, parce qu’elles reflètent ce qui se passe dans la société: c’est une scène sociale et politique par nature.

3.- Les contradictions qui existent dans la société sont mises en scène dans les rues, les ronds-points et les places, bref, elles sont le théâtre de revendications et de conflits où les gens «à pied» peuvent manifester et exprimer leur mécontentement ou leur rejet du pouvoir.

4.- Lorsque le pouvoir autoritaire craint et réprime les citoyens «ordinaires» qui s’expriment sur des espaces publics, c’est un bon indice que les évolutions sociales commencent à être présentes dans les décisions politiques.

5.- Les événements sociaux et politiques des sociétés mûrissent dans l’ombre, sans aucun contrôle; les événements qui ont mûri convergent et s’articulent d’une manière qui n’est pas visible pour l’establishment; alors ce ne peut qu’être le destin qui emporte tout et tous. Dès lors, pour le pouvoir l’émergence d’un mouvement social est due à une énorme conspiration, car il ne peut que nier ou méconnaître le développement souterrain des processus politiques et sociaux.

6.- Malgré une répression généralisée, le Nicaragua est aujourd’hui différent, les fonctionnaires corrompus ne se pavanent pas dans les rues parce que les gens se signalent publiquement contre eux; ils leur font savoir qu’ils sont indésirables, méprisables, répréhensibles, misérables. Ils luttent contre eux, contre leurs pratiques et leur façon de répandre la haine et le mensonge, et leurs façons de s’approprier les biens et les ressources de l’Etat ainsi que de contrôler les institutions.

7.- Depuis le 18 avril, les rues de nombreuses villes du pays ont commencé à s’animer, à se réchauffer: des marches massives, des grèves générales, des prises de contrôle d’universités, des manifestations de paysans, En outre, la récession économique est de retour. Le mois d’avril a été le début d’une époque confuse, pleine d’inconnues et d’espoirs. Elle marque également le début de l’affaiblissement irréversible de la dictature Ortega-Murillo.

8.- L’économie nationale se concentre sur l’extraction des ressources naturelles, avec peu de «valeur ajoutée». A partir de 2016, le mirage dans lequel l’économie nicaraguayenne fonctionnait bien a commencé à disparaître. Une fois de plus, un cycle de prix exceptionnellement élevés pour les biens exportés (commodities) n’a pas été utilisé pour initier une transformation de l’économie.

9.- La transformation des matières premières en est encore à ses débuts. La tendance est que nous passerons directement du secteur primaire au secteur dit des services. Les problèmes n’ont pas changé au cours des 30 dernières années: manque de force de travail qualifiée et d’infrastructures, faible productivité, faible éducation, corruption, etc.

10.- La «prospérité économique» relative repose sur : 1° les prix des matières premières destinées à l’exportation; 2° les envois de fonds des familles émigrés; 3° les sommes issues d’opérations financières illicites; 4° les investissements étrangers directs; 5° les fonds en provenance du Venezuela (qui se sont asséchés); et 6° les prêts des institutions internationales (Banque interaméricaine de développement, Banque centro-américaine d’intégration économique, Banque mondiale).

11.- Toute baisse des revenus issus d’un ou de plusieurs des six sources mentionnées entraîne un ralentissement ou une contraction de la consommation, provoquant une récession économique nationale, avec un impact négatif sur le niveau de vie de la population. La crise est imparable en raison du manque d’investissements et de la paralysie des décisions économiques.

12.- Avec le gouvernement Ortega-Murillo, nous sommes encore plus dépendants des exportations de biens primaires. Qu’ils soient agricoles, d’élevage ou miniers, ils sont en fin de compte des matières premières. La faiblesse est massive dans les domaines de la transformation-industrialisation des produits primaires et dans le soutien aux petites et moyennes entreprises qui génèrent 90% de l’emploi industriel urbain.

13.- Le pays continue, depuis plus d’un siècle, de vendre des produits primaires et d’importer des produits manufacturés. Le gouvernement n’a pas été en mesure de diversifier les exportations ou même d’encourager/faciliter la transformation des matières premières locales.

14.- Le gouvernement Ortega-Murillo n’a pas tenté de modifier la matrice productive d’accumulation(d’investissements), ni de réduire la dépendance économique basée sur l’exportation de matières premières. Il a plutôt approfondi les traits historiques de l’économie nationale en s’adaptant aux hauts et aux bas de l’économie mondiale et de celles des Etats-Unis.

15.- Au contexte international marqué par bas prix du café [à nouveau en recul depuis 2016, après une hausse qui a été limitée dans le temps] auquel doivent s’affronter les producteurs de café. Ils ont déjà des difficultés à couvrir leurs coûts de production. A cela s’ajoutent les difficultés découlant de la crise sociopolitique, exacerbées par la répression; autrement dit, la perte d’une partie de la production en raison du manque de force de travail pour la récolte et du manque de financement (ligne de crédit) qui ne fait que compliquer les perspectives du secteur. Cette situation aura un fort impact sur l’économie nationale.

16.- Le taux de change surévalué du cordoba (par rapport au dollar) a abouti à ce que l’importation de biens de l’étranger est moins chère que leur production dans le pays. Par contre, les opérations commerciales et financières sont plus rentables que les investissements dans l’activité agricole ou industrielle. Tout cela a accentué la vulnérabilité de l’économie et accru sa dépendance à l’égard des prêts, des dons et des envois de fonds des familles émigrées.

17.- Le Nicaragua, au-delà des effets pesants dus à son insertion dans la division internationale du travail, est massivement en retard dans la mise en place de préconditions nécessaires – infrastructures matérielles –, si ce n’est suffisantes, pour assurer (au plan national et régional) un certain développement socio-économique durable, qui inclut une contraction des inégalités.

18.- Le nombre d’utilisateurs d’Internet ou d’ordinateurs est insuffisant dans le pays. L’investissement dans la recherche est extrêmement faible ou inexistant, alors que les recommandations internationales indiquent que 1% du produit intérieur brut (PIB) est un investissement minimum dans les domaines scientifique et technologique.

19.- Pour faire face à un tel handicap doit être mise en œuvre une politique publique sur le moyen terme qui tende à réduire l’asymétrie économique qui accentue la paupérisation et précarisation d’une majorité de la population et qui fasse obstacle à quelques «niches de développement technologique» qui sont en général la traduction d’un processus de sous-traitance dans la chaîne mondialisée de création de valeur.

20.- Les facteurs critiques se sont aggravés depuis l’adoption du modèle néolibéral en maintenant un marché intérieur déprimé, des salaires insuffisants, des niveaux inacceptables de pauvreté, aucun accès aux soins de santé universels, des disparités régionales énormes, un secteur éducatif obligatoire qui a une durée limitée à six ans.

21.- D’autre part, le Nicaragua a l’une des plus fortes concentrations de revenus, ce qui représente un obstacle à l’insertion égalitaire de la population dans un développement économique socialement et écologiquement durable. Et comme on l’a vu dans d’autres pays, ce sont les fortes réductions des inégalités qui permettent – et sont aussi le résultat – ce type de développement. D’où l’importance immédiate de proposer une imposition fiscale directe progressive afin de remédier à la marginalisation sociale (redistribution des revenus).

22.- Le gouvernement Ortega-Murillo a décidé de ne pas divulguer toutes les informations sociales (éducation, logement, santé, pauvreté, etc.) qui confirmeraient l’inefficacité de sa politique sociale se manifestant par des taux élevés d’analphabétisme, un système de santé de mauvaise qualité, une éducation inefficace et l’augmentation de la pauvreté ces dernières années.

23.- Les secteurs sociaux et politiques progressistes, soucieux du bon fonctionnement de l’économie du pays, devraient encourager un nouveau gouvernement à favoriser une production alimentaire nationale. On ne peut que souhaiter qu’une politique de souveraineté alimentaire – «manger d’abord» – soit promue afin de changer les effets destructeurs de la configuration productive actuelle sur l’agriculture nationale, sur les forêts et afin de protéger et conserver les ressources aquifères.

24.- Un gouvernement progressiste devrait comprendre que la lutte contre la pauvreté ne peut pas dépendre d’abord du prix des matières premières et du seul rôle redistributif de l’Etat, mais de politiques visant à moyen terme à une reconfiguration du modèle productif et, conjointement, du système éducatif avec ses prolongements dans le domaine de la technologie (des éléments embryonnaires de cette possibilité peuvent se constater dans certaines pratiques médicales qui impliquent une collaboration internationale; or, le pouvoir a réprimé des médecins illustrant ce processus possible dans l’Hospital Escuela Oscar Danilo Rosales Argüello, HEODRA, dans la ville de Leon).

«Estudiante», «terrorista», «polecilla»: 9 lettres, une preuve?

25.- La société nicaraguayenne vit aujourd’hui un cumul de malheurs et de dommages que nous ne pouvons sous-estimer. Toutefois, malgré l’assaut répressif du régime, le mouvement social n’est pas brisé. La critique du gouvernement est qualifiée de «droite et pro-impérialiste». Les défenseurs du gouvernement ne donnent aucun argument et ne fournissent aucune donnée pour valider ces affirmations. Ils se sont érigés en gardiens d’un régime prétendument de gauche et socialiste. Cette dérive politique s’incarne dans les personnalités elles-mêmes.

26.- D’adversité en adversité et de crise en crise, le Nicaragua a connu très peu de périodes de prospérité matérielle plus ou moins longues et d’attentes de progrès crédibles et durables.

27.- Les secteurs progressistes doivent analyser les éventuels progrès qu’aurait réalisés ce gouvernement. Mais ils doivent surtout établir la réalité des graves erreurs commises et leur soubassement. Il s’agit d’erreurs économiques, politiques, sociales, environnementales qui ont fait obstacle à des transformations nécessaires et attendues.

28.- Le gouvernement Ortega-Murillo disposait de ressources économiques pour amorcer une transformation effective et commencer à résoudre le retard dans les domaines de la santé, de l’éducation, du logement, etc. Mais la gestion irresponsable et corrompue de ces ressources a empêché le début de transformations indispensables.

29.- Le gouvernement Ortega-Murillo est un gouvernement qui a consolidé des pratiques anciennes et des formes caudillistes et/ou dictatoriales. L’histoire politique du Nicaragua est marquée par des figures de seigneurs de guerre et/ou de dictateurs, avec des processus démocratiques déficients. Les historiens se doivent d’apprendre aux gens à penser par eux-mêmes pour ce qui a trait auxdites erreurs du passé.

30.- Malgré le processus démocratique enregistré en 1990, le gouvernement Ortega-Murillo (2007) n’a pas approfondi la démocratisation, bien au contraire. Il a cherché à affaiblir et à contrôler les mouvements sociaux, les syndicats, les partis politiques et la société civile en général.

31.- Ortega et Murillo conclurent, étant donné que le système sociopolitique autoritaire fonctionnait sur la base d’une alliance avec le grand capital, qu’ils pouvaient réaliser des opérations chirurgicales importantes dans l’organisation des relations sociales et institutionnelles, sans altérer le caractère proclamé du régime et surtout sans compromettre leur pouvoir politique.

32.- Le régime ne s’est pas rendu compte qu’il jouissait chaque jour de moins en moins de la légitimité minimale pour gouverner en raison du manque de contact avec la population, comme en témoigne l’abstention de 70% lors des élections présidentielle et législatives de 2016 et des municipales de 2017.

33.- Les sondages truqués commandés par le gouvernement l’empêchaient de percevoir la diminution de la patience des citoyens «ordinaires». Aujourd’hui, depuis avril 2018, a pris fin la relation de coexistence entre le gouvernement et la société.

34.- Le gouvernement Ortega-Murillo a parlé d’éthique et de lutte contre la corruption, mais a fini par se perdre dans la corruption de tous les côtés. L’impunité et l’héritage sinistre que laissera le régime Ortega-Murillo fonctionnent comme éléments destructeurs de la société nicaraguayenne et causent de graves préjudices aux citoyens et à différents secteurs sociaux.

35.- Le gouvernement Ortega-Murillo s’est construit, en s’appuyant sur la corruption, une hégémonie presque totale dans les institutions gouvernementales. En d’autres termes, il a favorisé un consensus au sommet, consolidé par l’achat d’adhésions et, sur cette base, aucun contrepoids significatif n’a pu émerger.

36.- Le principal déficit de la justice nicaraguayenne n’est pas l’ensemble des lois, mais l’écart entre les lois existantes et leur application. Et cela avec la circonstance aggravante que le gouvernement Ortega-Murillo a perverti le système juridique et judiciaire étatique à son profit.

37.- Face à ce désastre, un niveau élevé d’impunité prévaut au Nicaragua. Les principaux bénéficiaires en sont les membres de la «classe politique» et des milieux d’affaires. Dès lors, dans le futur, il s’agira de renforcer le respect du cadre juridique par les organismes publics chargés de rendre la justice, ou au moins de veiller à ce que la conformité aux prescriptions de la loi ne soit pas une chimère.

Ortega en compagnie d’un responsable de la police le mercredi
5 septembre

38.- Le système judiciaire nicaraguayen est en lambeaux. L’un des plus grands défis d’un possible gouvernement progressiste à venir est de le reconstruire afin qu’il puisse s’acquitter de son mandat constitutionnel. Il est indispensable de réaliser qu’aucun changement matériel n’est suffisant s’il ne s’accompagne pas d’un changement culturel.

39.- Le gouvernement Ortega-Murillo souffre, d’un certain point de vue, des conséquences négatives d’un leadership personnalisé, autoritaire et vertical. Ce modèle de leadership finit par générer un type de conduite caractérisé par la déification du seigneur de guerre et l’exigence d’inconditionnalité.

40.- Les partisans du gouvernement Ortega-Murillo reçoivent les «instructions» suivantes: vous ne pensez pas, vous obéissez seulement; vous n’agissez pas, vous exécutez seulement; vous ne décidez pas, vous obéissez seulement; vous allez être la main et la parole de la volonté du leader.

41.- Dans le parti au pouvoir, les relations sont basées sur le degré d’inconditionnalité, de dépendance et d’attitude servile; seuls sont considérés comme militants ceux qui acceptent tout sans condition et qui sont incapables de manifester un désaccord quelconque.

42.- Cela appauvrit la possibilité d’une discussion ouverte et d’envisager d’autres options. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que beaucoup de décisions du gouvernement aient été improvisées et finissent par faire beaucoup de tort au pays.

43.- La présence décisive de ce type de leadership bloque l’émergence de directions alternatives. Ainsi sont accentuées les caractéristiques d’un gouvernement centralisateur, verticaliste, rentier et clientéliste. Ce qui ne peut que faire obstacle à toute dynamique démocratique; à l’inverse, cela favorise la dictature d’une personne (ou du binôme Ortega-Murillo).

44.- La contradiction entre l’expansion de la démocratie, d’une part, et une culture politique militariste autoritaire de commandement vertical non délibératif, d’autre part, aboutit à considérer les abus de pouvoir comme normaux. Au nom de la prétendue «deuxième étape de la révolution» (formule utilisée par Daniel Ortega lors des élections de 2016), les frontières entre la sphère publique de l’Etat et celle du parti-Etat-présidentiel-familial se sont progressivement effacées.

45.- En considérant que ces frontières doivent être gommées se créent les conditions politico-institutionnelles pour une corruption massive, ce qui a caractérisé le gouvernement Ortega-Murillo à tous les niveaux.

46.- La conception et la pratique de la politique comme un affrontement entre ami et ennemi ont fini par instaurer dans la société nicaraguayenne une culture de sectarisme, de méfiance et de non-reconnaissance de l’autre, ce qui entrave considérablement les possibilités de dialogue et d’accords, même si elles sont minimales.

47.- Pour les corrompus et leurs alliés, l’impunité est une ressource de plus pour couvrir leurs méfaits. Dire la vérité est facile quand cette vérité ne dérange pas le pouvoir et assure l’applaudissement unanime des larbins. Ce qui est difficile, c’est de dire des vérités qui visent le mensonge, l’hypocrisie, l’insolence, la corruption, l’impunité et le cynisme de ceux qui gouvernent et de leurs pantins. La corruption et l’impunité ont ensanglanté le pays.

48.- L’histoire politique du Nicaragua nous enseigne que les dictatures visent toujours l’intelligence, la compréhension, parce que l’une de leurs sources de pouvoir réside dans l’ignorance des citoyens «ordinaires» qu’elles oppriment. Lorsqu’une protestation sociale massive de venant «d’en bas» surgit, le pouvoir autoritaire accuse l’ingérence étrangère ou les secteurs étrangers de vouloir organiser un coup d’Etat.

49.- Le binôme Ortega-Murillo quittera le pouvoir et laissera, après son départ, les scories d’une prétendue «classe politique de la nouvelle classe sociale» aux caractéristiques encore plus abâtardie et aux capacités encore inférieures. Le défi pour un nouveau gouvernement sera de sévir contre la corruption et d’engager des procédures d’enquête, en particulier concernant les cas les plus connus.

50.- De nombreux ministères et institutions gouvernementales ont été gérés de manière inopérante. Ils ont augmenté leur personnel pour des raisons de clientélisme et de corruption. Leurs directions ont été confiées à des personnes de confiance du couple présidentiel, mais très souvent avec peu ou pas de formation professionnelle, ne disposant d’aucune connaissance des activités qu’elles avaient à gérer.

51.- Un prochain gouvernement se devra d’éliminer ce gâchis gouvernemental. Il se devra d’éliminer l’impunité, la corruption de tout l’appareil judiciaire, de nettoyer les institutions policières, etc.

52.- Le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) présenté à Managua et à Genève le 29 août 2018 souligne les violations des droits de l’homme qui ont eu lieu: le recours disproportionné à la force par la police; des disparitions forcées, exécutions extrajudiciaires ; les campagnes de discrédit, de harcèlement et d’intimidation ; les licenciements arbitraires, la torture ; les viols de femmes en détention ; l’obstruction à l’accès aux soins de santé ; des groupes armés opérant avec l’accord des autorités.

Denis Moncada Colindres

53.- Suite à l’expulsion de la mission du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) – signifiée par une lettre, datée du 30 août, du ministre des Affaires étrangères du Nicaragua, Denis Moncada Colindres – le gouvernement Ortega-Murillo continue de s’isoler internationalement encore plus. Il est devenu clair que le gouvernement est responsable de la terreur et du massacre de la population non armée. Tous les jours, les jeunes hommes et les jeunes femmes risquent de plus en plus d’être arrêtés.

54.- Le gouvernement Ortega-Murillo n’est pas conscient (ou refuse de l’être) que dans un contexte où tensions diverses avec les institutions internationales (de l’OEA aux Etats-Unis, en passant par l’UE) sont profondes, l’expulsion de la mission du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) augmentera, de manière plus que probable, le large isolement international. Ce dernier alimentera à sa façon la crise politique et sociale interne.

55.- Le gouvernement Ortega-Murillo a multiplié les prises de position publiques et a organisé des rassemblements pour faire croire à sa base qu’il est en train de gagner et pour décourager les autres citoyens «ordinaires». Il promeut la judiciarisation de la politique (politisation de la justice) afin d’emprisonner les leaders sociaux et d’en faire la preuve d’une sortie de crise.

56.- En réalité, ce gouvernement qui n’a quasiment pas de soutien international [à l’exception avant tout de Cuba et du régime de Maduro et de Morales en Bolivie] a perdu le respect d’une grande majorité de la population et doit faire face à une énorme crise économique. Stratégiquement, avec l’expulsion de la mission du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, le gouvernement Ortega-Murillo a encore accru sa perte de légitimité.

57.- Le rapport rendu public le 29 août au Nicaragua a été transmis, selon le chef de la Mission des Nations Unies au Nicaragua pour les droits de l’homme, aux quinze membres du Conseil de sécurité des Nations Unies. Une réunion est prévue le 5 septembre.

58.- S’agissant d’une réunion de la plus haute instance politique des Nations Unies, la récente décision d’expulsion de la Mission du HCDH prise par les autorités de Managua, qui a fait l’objet d’une large couverture dans la presse internationale, pourrait amener le Conseil de sécurité à examiner le cas de la crise sociopolitique au Nicaragua. Le débat prévu aura une audience internationale, quand bien même la position traditionnelle, dans un cadre de cette espèce, de la Russie et de la Chine se résumera à l’affirmation d’une «non-ingérence dans les affaires intérieures d’un pays». Quant à l’ingérence des Etats-Unis dans son arrière-cour, elle relève d’une tradition, ce qui permet à d’aucuns d’ignorer la situation interne d’un pays, sa crise sociopolitique, les mobilisations populaires démocratiques et d’appuyer les gouvernements en place, tout en concédant parfois «certaines erreurs».

59.- L’intention d’Ortega-Murillo de rester au pouvoir à tout prix s’explique par le fait qu’un départ du gouvernement pourrait signifier, pour les membres du cercle restreint du pouvoir, le risque d’être soumis à une enquête sur leur fortune inexplicable. Pour cette raison, le Nicaragua subit de facto une occupation militaire interne par les paramilitaires.

60.- Le gouvernement tente de minimiser les protestations et utilise tous les médias sous son contrôle pour convaincre la population que la situation s’est normalisée; cependant, la réalité montre chaque jour le contraire.

61.- Après 145 jours de protestation sociale, il y a plus de 481 tués par des bandes paramilitaires, plus de 3962 blessés, 1338 détenus par des groupes armés non autorisés (parapoliciers), 300 prisonniers politiques condamnés lors de procès sommaires dans tout le pays, 30’000 réfugiés dans différents pays (dont quelque 23’000 au Costa Rica).

A la gauche traditionnelle je pose une question: combien de morts sont nécessaires pour reconnaître que le gouvernement Ortega-Murillo n’est ni de gauche, ni progressiste, ni socialiste? Avec Ortega-Murillo, le somozisme renaît au Nicaragua.

62.- Si les événements prennent le cours que nous pouvons espérer, nous sommes au seuil d’une «transformation», la quatrième en près de deux siècles d’existence de notre pays, avec sa propre vie : indépendance en 1821, révolution libérale de 1893, révolution sandiniste en 1979 et révolution civique en 2018.

Ce qui se passe dans la politique et l’économie de notre pays ne peut plus continuer à l’identique de ce qui s’est passé dans les dernières décennies, marquées par l’injustice, l’opacité, l’impunité et la corruption. Des changements interviendront dans la vie des Nicaraguayens. Il s’agit de changements évidents, indispensable, qui n’en sont qu’à leurs balbutiements. Ils frappent déjà à la porte. Les gens ne sont pas stupides. (Managua, 4 septembre 2018; traduction A l’Encontre)

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«Vamos Nicaragua»

Cette récente vidéo réunit des anciens responsables du FSLN, parmi lesquels, dans l’ordre d’apparition, Víctor Hugo Tinoco, Lea Guido, Hugo Torres Jiménez, Julio López Campos, Dora María Téllez, Roberto Samcam Ruiz, Mónica Baltodano, Luis Carrión Cruz. Sur cette vidéo, ils affirment les raisons de leur rejet de l’orteguisme qui a rompu avec le sandinisme. (Réd. A l’Encontre)

VAMOS NICARAGUA

VAMOS NICARAGUAPersonajes históricos, protagonistas del sandinismo y de la revolución, quienes en su momento lucharon contra la dictadura somocista, hoy unidos en este video, declaran su rechazo al orteguismo, a la conducta asesina de Ortega y Murillo y llaman a los verdaderos sandinistas, a los que realmente defienden los ideales de Sandino, a sumarse a la lucha cívica del pueblo, a la lucha por una Nicaragua libre, democrática, en justicia y paz, de todos y para todos.Víctor Hugo TinocoEx vicecanciller y ex diputadoLea Guido LópezEx ministra de salud y ex representante de la OPSComandante Guerrillero Hugo Torres JiménezGeneral en retiroEx diputado al ParlacenJulio López CamposEx secretario de relaciones internacionales FSLNComandante Guerrillera Dora María TéllezEx ministra de saludEx diputadaRoberto Samcam RuizMayor en retiroEx jefe de BLIComandante Guerrillera Mónica Baltodano M.Ex diputadaEx miembro de la dirección del FSLNComandante de la Revolución Luis Carrión CruzEx ministro de industria#CIDH #OEA #ONU #GritoporNicaragua #SOSNicaragua

Gepostet von Nicaragua Linda am Mittwoch, 5. September 2018

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