Le journal Le Monde vient de consacrer un éditorial très critique à l’égard de la pétition qui s’insurge contre la reconnaissance officielle d’un statut de «première dame» à l’épouse du président de la République. C’est une chose de clarifier les moyens mis au service de la ou du compagnon du président ou de la présidente, c’en est une autre d’officialiser un statut de première dame. Il semblerait d’ailleurs qu’il n’en soit désormais plus question, Emmanuel Macron ayant sans doute compris qu’il risquait de perdre encore en popularité en s’obstinant à vouloir institutionnaliser un tel statut.
Soyons clair, la critique adressée à un éventuel statut de première dame n’est pas dirigée contre Brigitte Macron intuitu personae. Je me suis d’ailleurs élevé durant la campagne contre les critiques sexistes dont elle avait été l’objet. L’enjeu concerne nos institutions et leur pratique: nous n’en pouvons plus de cette monarchie républicaine! Nous avons élu une personne, pas une famille royale!
Des exemples en dehors de l’Hexagone
Le Monde, qui ne parle d’ailleurs que de «l’épouse» du président (et non «du conjoint»), laissant entendre que le président serait nécessairement un homme, va chercher des exemples très contestables dans notre histoire récente – ainsi, au-delà de la très belle personne qu’était Danielle Mitterrand, avouons que le ménage à trois auquel elle participait sans broncher publiquement avait tout de même un côté assez rétro.
Mieux vaudrait regarder ce qui se passe ailleurs en Europe et notamment en Allemagne. Monsieur Merkel a-t-il un statut de «premier homme»? Et Monsieur May? Madame Zapatero, quand son mari était président du conseil de l’Espagne, a-t-elle arrêté sa carrière d’artiste lyrique? Les exemples sont légion et ont en commun d’être situés dans des pays où l’Etat est incarné par un président sans pouvoir (l’Allemagne) ou par un roi ou une reine qui n’en a guère plus. Faudra-t-il donc rétablir la royauté en France pour faire de notre pays une vraie république démocratique? A comparer la pratique du pouvoir en France et dans les pays scandinaves, on serait tenté de répondre par l’affirmative!
Société d’ordres
Enfin, à ceux qui estimeront que tout ceci est une querelle subalterne qui masque des sujets bien plus importants, tels que les ordonnances modifiant le code du Travail ou le démantèlement de l’ISF, je dirai: pas du tout. La façon dont le pouvoir politique s’incarne, dont il se met en scène est tout sauf une question secondaire. Le président est un homme comme les autres, il est à notre service. Nous l’avons élu pour diriger le pays, et nous le renverrons au terme de son mandat s’il ne nous donne pas satisfaction. Tout ce qui tend à en faire un être d’exception, un dieu de l’Olympe, au-delà des responsabilités éminentes qui sont les siennes, vient affaiblir l’idéal d’égalité qui est au cœur de la promesse démocratique républicaine.
A accorder un statut particulier aux dirigeants politiques, en donnant à croire qu’ils sont hors du commun, au sens le plus strict, on légitime une société d’ordres, y compris dans le champ économique. Pourquoi alors s’étonner que les rois et reines et autres princes et princesses qui dirigent nos entreprises s’imaginent eux aussi avoir tous les droits et se versent des revenus mirifiques, qui échappent à l’entendement du commun des mortels? (Chronique d’Alteréco, 10 août 2017)
Ceux et celles qui dirigent nos entreprises ne s’imaginent pas avoir tous les droits, ils les ONT!
en particulier grâce à des politiques qui depuis 35 ans au moins passent leur temps à “libérer” l’ “économie” ….