La ministre du Travail, Myriam El Khomri, a décidé de maintenir dans son projet de loi les mesures sur la médecine du travail, contestées par la profession. Elle s’en est justifiée le 22 mars dernier devant les sénateurs.
La levée de bouclier des professionnels de la santé au travail n’a pas fait hésiter Myriam El Khomri. L’article 44 [http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/projets/pl3600.pdf] de son projet de loi, consacré à la médecine du travail, reste inchangé. Au grand dam du Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST), qui continue à dénoncer notamment trois mesures du texte.
La première consiste à demander au médecin du travail d’estimer l’aptitude d’un salarié à assurer la sécurité de tierces personnes, «ce qui le transformerait en médecin de contrôle», déplore le secrétaire général du SNPST, Jean-Michel Sterdyniak. Les médecins seraient par exemple amenés à donner l’autorisation de voler ou non aux pilotes des compagnies aériennes.«Cela briserait la confiance avec les salariés», commente Jean-Michel Sterdyniak.
Des médecins licencieurs?
L’article 44 faciliterait également les licenciements, via l’abrogation de l’obligation de reclassement pesant sur l’employeur en cas d’inaptitude. Celui-ci n’aura plus à se justifier s’il ne trouve pas de solution. Ce faisant, le texte confie au médecin du travail un pouvoir de licenciement via l’avis d’inaptitude. «Des responsabilités qui incombent normalement à l’employeur», selon Jean-Michel Sterdyniak.
Enfin, la contestation de l’inaptitude ne serait plus instruite par l’Inspection du travail, avec le concours de médecins inspecteurs compétents, mais par les prud’hommes. En cas de litiges, ces derniers seront chargés de désigner un expert, dont les compétences en santé au travail ne sont pas assurées.
Avant de défendre son texte en commission à l’Assemblée nationale, hier mardi, la ministre du Travail a été interpelée sur la médecine du travail par les sénateurs, lors de la séance du 22 mars. Interrogée par Catherine Deroche, sénatrice Les Républicains, sur le manque de médecins du travail pour assurer le suivi de tous les salariés, Myriam El Khomri a reconnu «une pénurie des ressources médicales, non pas de notre fait, mais en raison du déficit de candidatures». «Songez que, pour 80 postes ouverts, seulement 60 personnes présentent leur candidature ! a-t-elle déclaré. On anticipe le passage de 5000 à 2500 médecins du travail d’ici à 2020. Il faut donc repenser l’organisation de la discipline en conséquence.».
Suivi médical au rabais
Selon la ministre, les salariés bénéficieront désormais d’«une réunion de sensibilisation aux risques professionnels, qui pourra être réalisée par des infirmiers ou par des préventeurs, sous l’autorité du médecin du travail». Les visites médicales d’embauche et périodiques seront réservées aux postes à risques. Une réduction importante du suivi médical justifiée par la pénurie de médecins et le «passage d’une logique de réparation à une logique de prévention». En clair, mettre davantage l’accent sur la prévention des maladies professionnelles que sur leur dépistage, à l’instar de ce que propose le troisième plan santé au travail lancé en décembre 2015.
Interrogée sur le burn out, la ministre a néanmoins annoncé que le rapport d’analyse sur les modalités de sa reconnaissance, lancé suite à la loi dite Rebsamen du 17 août 2015 sur le dialogue social, devait être remis fin mars «et non en juin, comme il était initialement prévu». De façon à être en mesure d’engager plus rapidement un travail destiné à améliorer le dispositif. (Publié dans Santé &Travail, le 30 mars 2016)
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