Ce voyage, tardif, d’Obama ne peut être séparé de la nouvelle stratégie militaire, liée au contrôle des ressources en Afrique, en compétition avec la Chine qui a pris quelques longueurs d’avances. En 2012, l’AFRICOM (Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique) a mis en place un déploiement de 3000 hommes qui implique l’entraînement de troupes spécialisées dans divers pays africains et le développement de bases pour l’utilisation de drones et de forces navales d’intervention. L’objectif, comme le disait le Pentagone en janvier 2012: «travailler avec des alliés afin d’établir un contrôle sur les zones non gouvernées», avec, y compris, un visage humanitaire comme le présentait la conseillère alors d’Obama Samantha Power. Le 14 juin 2012, le Washington Post publiait un article insistant sur l’extension de petites bases américaines dans des régions stratégiques pour ce qui a traits aux ressources naturelles et à des objectifs politico-stratégiques. Plus d’une douzaine de ces bases ont été établies. L’importance des opérations de petites Unités de forces spéciales, sous l’administration Obama, est mise en relief par diverses études. (Rédaction A l’Encontre)

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Il Ă©tait temps! Quatre ans et demi Ă la Maison Blanche, sans jamais aller en Afrique, Ă l’exception d’une escale au Ghana, en 2009. Il Ă©tait donc temps, estime ce matin le site Dakaractu, que le prĂ©sident AmĂ©ricain foule de nouveau le sol Africain. Alors pour ĂŞtre tout Ă fait exact et contrairement Ă ce qui se dit ça et lĂ , la tournĂ©e du prĂ©sident amĂ©ricain constitue en rĂ©alitĂ© la troisième visite que le locataire de la Maison Blanche effectue sur le sol africain. Car mĂŞme si certains semblent volontairement l’escamoter, c’est bien d’Egypte que Barack Obama avait livrĂ© son mĂ©morable message en direction du monde musulman.
Cette fois-ci, Barack Obama foulera respectivement les sols du SĂ©nĂ©gal, de la Tanzanie et de l’Afrique du Sud. Trois pays sur les 54 que compte le continent noir. Autant dire que ça n’est pas franchement fameux, commente avec un brin de mauvaise foi le site GuinĂ©e Conakry. Il est un pays, en particulier, oĂą l’on peine Ă dissimuler son amertume. Ce pays c’est bien Ă©videmment le Kenya. Et pourtant, sur place, on avait prĂ©vu de lui organiser une grande fĂŞte de retour Ă la maison. Seulement voilĂ , une fois de plus, le prĂ©sident amĂ©ricain «snobera» le pays de son père, regrette le quotidien de Nairobi The Kenya Today, citĂ© par le Courrier international, le journal qui y voit un signe de dĂ©dain pour sa famille et pour le pays tout entier.
Sauf que Barack Obama, lui, a donc prĂ©fĂ©rĂ© des pays rĂ©putĂ©s pour leur stabilitĂ© politique, prĂ©cise le quotidien britannique The Guardian, avant de rappeler que le vainqueur des rĂ©centes Ă©lections au Kenya doit comparaĂ®tre devant la Cour internationale de justice pour crime contre l’humanitĂ©.
Le voyage de Barack Obama se rĂ©sumerait ainsi Ă une forme de satisfĂ©cit dĂ©mocratique dĂ©livrĂ© aux pays visitĂ©s. A ce titre, c’est vrai que le SĂ©nĂ©gal est sorti la tĂŞte haute de la dernière prĂ©sidentielle. La Tanzanie, par la qualitĂ© de sa dĂ©mocratie a su quant Ă elle prĂ©server l’hĂ©ritage de son premier et charismatique prĂ©sident. Quant Ă l’Afrique du Sud, au-delĂ de ce qu’on peut reprocher au rĂ©gime de Jacob Zuma, elle reste une des meilleures expĂ©riences de lutte pour l’égalitĂ© et la dĂ©mocratisation sur le continent. Et si l’on ajoute Ă cela l’exemple de Mandela, on comprend aisĂ©ment le choix de l’étape sud-africaine.
CĂ´tĂ© polĂ©mique, cette fois-ci, le voyage de Barack Obama, avant mĂŞme d’avoir dĂ©butĂ©, avait dĂ©jĂ suscitĂ© l’ire de la presse amĂ©ricaine, laquelle a rĂ©vĂ©lĂ© qu’il pourrait coĂ»ter aux contribuables amĂ©ricains quelque 100 millions de dollars. Une somme qui apparaĂ®t aux yeux de beaucoup de commentateurs comme astronomique en pĂ©riode de crise.
Et puis au SĂ©nĂ©gal, oĂą le prĂ©sident amĂ©ricain est attendu aujourd’hui, lĂ aussi, voilĂ plusieurs jours maintenant que la presse se montre plutĂ´t vĂ©hĂ©mente. On y dĂ©nonce surtout le dĂ©lire de mesures sĂ©curitaires pour encadrer le sĂ©jour de Barack Obama et notamment l’interdiction formelle de saluer les AmĂ©ricains, de mettre les mains dans les proches et mĂŞme de tĂ©lĂ©phoner, Ă©crit le journal Le Populaire, qui dĂ©nonce ainsi la paranoĂŻa yankee. 56 vĂ©hicules dont 14 limousines seront dĂ©ployĂ©s. Des bateaux et navires amphibies mouillent d’ores et dĂ©jĂ au large des cĂ´tes dakaroises. Et que dire encore du vrombissement permanent des hĂ©licoptères qui sillonnent le ciel? D’oĂą ce commentaire du journal L’Observateur: les Etats-Unis, dit-il, prennent le contrĂ´le du SĂ©nĂ©gal. Depuis samedi dernier, sur la corniche ouest, les tentes qui faisaient office de cabanes ont Ă©tĂ© enlevĂ©es. Quant aux chauffeurs de taxi, ils ont l’interdiction de stationner sur les lieux ou mĂŞme de prendre des clients aux alentours. Mais le pire, sans doute, c’est encore le nettoyage en grande pompe, poursuit le journal, dans la commune de GorĂ©e. C’est en effet sur cette Ă®le, situĂ©e au large de Dakar et oĂą le prĂ©sident amĂ©ricain doit venir visiter la Maison des esclaves, cette Ă®le que l’histoire dĂ©crit comme le lieu de captivitĂ© oĂą auraient transitĂ© ses ancĂŞtres vers sa patrie d’aujourd’hui, que des opĂ©rations de sĂ©curisation ont lieu depuis plusieurs jours. Le site Sene News Ă©voque notamment des arrestations et des personnes menottĂ©es, liĂ©es en chaĂ®ne, pour entrer dans une chaloupe la nuit, mais aussi des jets de pierre et des coups de feu tirĂ©s en l’air. Un tableau bien sombre.
Et l’article de poursuivre: gardons-nous de verser dans le lyrisme et l’angĂ©lisme. MĂŞme si, ce 26 juin, jour anniversaire du Centenaire d’AimĂ© CĂ©saire, Barak Obama foulera le continent noir, ne recherchons pas pour autant une proximitĂ© identitaire dans le fait que Barack Hussein Obama soit un descendant d’africain. Etre africain n’est pas un extrait de naissance. C’est un extrait de conscience.
Et son confrère du journal burkinabé Le Pays de conclure ce matin: ils étaient nombreux à voir en Obama le messie qui réglerait les problèmes de l’Afrique d’un coup de baguette magique. Ceux-là sont déçus. A présent les Africains doivent se convaincre que personne n’a le devoir de faire leur bonheur à leur place. Il peut arriver que quelqu’un leur indique la voie, les aide à l’emprunter, mais il leur appartient, au premier chef, de faire le chemin, leur chemin. (26 juin 2013, revue de presse internationale, France Culture)


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