Egypte: sous les élections le processus révolutionnaire

sissiPar Jacques Chastaing

Toute la scène politique et médiatique égyptienne depuis le plébiscite raté de Sissi des 14 et 15 janvier 2014 est marquée par l’élection présidentielle et, au centre de celle-ci, par la candidature du maréchal Sissi.

On a d’abord eu droit en janvier, février et mars au feuilleton quotidien pendant plus de deux mois des hésitations de Sissi à se présenter : un jour, je me présente, un jour, je ne me présente pas.

Sissi a hésité longtemps parce qu’en janvier 2014, il avait cru se faire plébisciter haut la main mais qu’il avait été au contraire désavoué très largement, notamment par la jeunesse et les salariés qui ont massivement boudé la participation au scrutin. De plus, l’échec de son référendum coïncidant à peu près avec sa promesse d’augmenter le salaire minimum d’une partie des fonctionnaires fin janvier, cela avait déclenché une large vague de grèves de fin janvier à fin mars de tous ceux qui dans la fonction publique étaient exclus de la hausse du salaire minimum et qui s’était étendue en partie à d’autres secteurs. Le gouvernement Hazem El-Beblaoui [9 juillet 2013-1er mars 2014] avait dû démissionner fin février pour tenter de calmer la colère populaire. Sissi, désavoué dans les urnes et contesté dans la rue, n’avait guère envie d’être le troisième président renversé par une future révolution.

Mais finalement, fin mars, il a quand même annoncé sa candidature.

Il a démissionné de son poste de ministre de la Défense et de l’armée pour n’être, paraît-il, qu’un «simple candidat civil». Cependant l’Etat tout entier est mis à son service – on ne sait même plus s’il y a un président en Egypte, ou si c’est Sissi qui est déjà président – et on a droit depuis à un déluge d’affiches, banderoles, manifestations, déclarations et articles de presse, radio ou télé vantant ses mille qualités. Un journal populaire n’a pas hésité à dire en ce début mai que Sissi descendait du prophète et qu’il avait déjà rencontré dieu deux fois! Nul doute que les morts se lèvent de leurs tombes pour aller voter pour une telle déité.

Face à cette quasi-divinité, comme seul candidat concurrent du genre humain, Hamdine Sabahi, socialiste nassérien. A la dernière élection présidentielle de juin 2012, il était arrivé troisième à la surprise de tous, et très largement en tête dans les villes du Caire et d’Alexandrie, en particulier dans les quartiers populaires où il avait fait 5 à 6 fois plus de suffrages parfois que les deux premiers, les candidats de l’armée et des Frères musulmans. Certains disent même qu’il aurait dû gagner le scrutin, s’il n’y avait pas eu autant de tricheries. Quoi qu’il en soit, Sabahi avait su, à ce moment, représenter la révolution pour beaucoup de gens, même si lui-même et son parti ne sont pas révolutionnaires, et peut-être la représente-t-il encore pour certains aujourd’hui, même si c’est plus par défaut cette fois d’autres candidats vraiment révolutionnaires.

En effet, lui et son parti sont bien loin de la révolution. Leurs candidatures sous étiquette des Frères musulmans en 2012 puis leur soutien au régime militaire de juillet à novembre 2013 les ont bien discrédités auprès de tous les révolutionnaires sincères.

Hamdine Sabahi, 3 avril 2014
Hamdine Sabahi, 3 avril 2014

Aujourd’hui, pour juger de sa «radicalité», il suffit de dire, que, selon Sabahi, dans cette élection présidentielle de 2014, il y a deux bons candidats, l’un étant seulement un peu plus bon que l’autre. Et pour prouver ce qu’il dit, il n’a pas encore exclu, s’il n’était pas élu, de participer au gouvernement de Sissi. Ainsi, si Sabahi a obtenu le soutien de certains partis d’opposition, des Socialistes révolutionnaires aux libéraux du Parti Constitutionnel, ce n’est pas tant parce qu’ils voteront pour lui, mais plutôt parce qu’ils voteront contre Sissi.

Enfin, il y a le troisième grand camp, celui du boycott ou l’abstention, considérant ce scrutin comme une farce et le résultat acquis d’avance, étant donné les moyens financiers de Sissi, l’Etat à son service et sa capacité à truquer les résultats. Ce sont d’abord les Frères musulmans qui n’ont toujours pas digéré la révolution qui les a renversés en juin 2013 et qui subissent de plein fouet la très violente répression qui les vise. Ils sont la majorité des 21’000 arrestations, 2100 morts et 1200 condamnations à mort qu’ont fait les 10 mois de pouvoir de Sissi, soit presque autant que durant tout le régime de Moubarak. Mais il y a aussi des révolutionnaires qui ne sont pas convaincus par Sabahi.

L’enjeu dans ces élections ne sera pas tant de savoir qui sera élu, ce sera Sissi – et en ce sens ce scrutin s’apparente à un référendum – que comment il sera élu. Et pour mesurer cela il faudra compter les voix de Sabahi mais aussi le taux d’abstention. C’est cela qui donnera la tonalité de l’après scrutin présidentiel: la possibilité ou l’imminence mais aussi la force, l’ampleur et la conscience du mouvement social, la révolution d’un côté et les marges de manœuvre de Sissi face à ça – c’est-à-dire la contre-révolution de l’autre.

Ce que signifie la candidature de Sissi

Au-delà du pittoresque électoral, il faut se demander plus sérieusement pourquoi Sissi a tout de même fait le choix de se présenter.

Tout simplement parce que dans la situation de tension sociale extrême que connaît le pays, tout ce que l’Egypte compte de riches, de propriétaires, de capitalistes et de notables ne peut pas se permettre un jeu démocratique sérieux qui ne pourrait que permettre aux exploité·e·s de mieux prendre conscience de leurs intérêts et mieux s’organiser. Ils ne peuvent pas s’appuyer sur les hommes politiques et partis des démocrates et libéraux trop faibles pour maîtriser une situation sociale où l’extrême misère de l’immense majorité – 40% des Egyptiens gagnent moins d’un euro par jour – côtoie l’opulence et la richesse provocatrice d’une petite minorité. Or cette situation s’est encore aggravée depuis la révolution du 25 janvier 2011 alors qu’en même temps des millions de pauvres se sont éveillés à la vie politique. C’est explosif.

Sissi l’a bien signifié: il a déclaré tout récemment qu’il lui faudrait bien 25 ans pour arriver à mettre une démocratie en place en Egypte. Autrement dit, jamais!

Alors pourquoi malgré tout, sa participation à ce jeu électoral, même truqué?

Parce que l’armée a plus d’une fois tenté des coups de force et coups d’Etat depuis le 25 janvier 2011 mais qu’elle n’a jamais osé aller jusqu’au bout, jamais osé briser de front la révolution, briser la classe ouvrière. Ce n’est pas qu’elle ne le veuille pas. Elle en rêve. Mais à chaque fois qu’elle a essayé, elle a eu droit à une riposte populaire qui l’a fait reculer.

Et là encore récemment, en novembre 2013, elle avait à nouveau entamé ce processus de contre-révolution en utilisant le prétexte de la lutte contre le terrorisme islamiste, soi-disant pour protéger la révolution du 30 juin, en réalité afin de s’attaquer violemment à toutes les libertés démocratiques, et finalement, son but, afin d’interdire de fait les grèves et les manifestations. Ce processus devait culminer le 15 janvier 2014, jour où Sissi comptait se faire plébisciter et finir d’asseoir complètement sa dictature. Mais, désavoué dans le plébiscite et contesté par la vague de grèves pour le salaire minimum, il a reculé, le gouvernement Beblaoui est tombé. Sissi a alors attendu que les grèves se calment et, pour les désamorcer, en reculant le plus souvent – au moins en paroles – devant les revendications ouvrières. Mais les grèves ne se calmant pas vraiment (1044 recensées en février et encore 321 en mars), il a alors décidé de se présenter aux élections, mais cette fois-ci ce n’était plus pour échapper à leur pression mais tout simplement pour qu’elles s’arrêtent.

L’amorce d’une représentation politique de ces grèves massives précipite la candidature Sissi

Un putsch violent contre ces grèves n’était pas sûr d’être victorieux. En tout cas l’armée a dû en juger ainsi puisqu’elle ne l’a pas tenté. La répression étant impuissante à arrêter ces grèves, elles se montraient de jour en jour de plus en plus dangereuses. Elles avaient en effet un côté politique évident malgré ce que disent tous les commentateurs ici et les partis et syndicats en Egypte, qui essaient de dissimuler systématiquement cet aspect. Elles associaient aux revendications économiques, la revendication de «dégager» les dirigeants d’entreprises corrompus (autrement dit, tous), dégager donc tous les «petits Moubarak». Ce n’est à vrai dire pas nouveau. C’était déjà ce que voulaient les manifestants de la révolution de janvier 2011 quand ils scandaient «Pain, justice sociale, liberté». Ils voulaient déjà la chute de tous les petits Moubarak à tous les échelons de l’Etat et de l’économie. L’armée avait coupé court à cette dynamique en leur octroyant la chute du seul Moubarak. Il en avait été de même en juin 2013, où le peuple dans la rue associait ses revendications économiques à la chute de tous les patrons et directeurs et à la démission de Morsi. L’armée encore avait sauvé le système en lâchant le seul Morsi et en détournant la colère populaire sur le terrain religieux, contre les Frères musulmans.

Grève du personnel médical, mars 2014
Grève du personnel médical, mars 2014

Plus grave encore pour le régime, non seulement la démagogie antiterroriste ne marchait plus, mais ces grèves connaissaient aussi un début de coordination interprofessionnelle et inter-catégorielle à l’échelle nationale impulsée par le comité central de grève élu des médecins publics sous contrôle de son assemblée générale nationale. La coordination a repris à son compte toutes les revendications du moment unifiant de fait le mouvement en cours. Ce qui ne s’était jamais fait en Egypte. Et ce qui avait comme logique immédiate de porter le mouvement social sur la scène politique. On avait commencé à le voir lorsque Sissi, usant de ce qu’il croyait être son autorité, leur avait demandé d’arrêter leur mouvement. La coordination lui avait répondu publiquement et vertement en se faisant alors la représentante de toutes les classes pauvres d’Egypte, amorçant un programme pour elles, mais aussi pour toute l’Egypte, et renvoyant dans les cordes Sissi, qui depuis ne s’était plus exprimé, de peur de politiser de plus en plus le mouvement social et d’y perdre tout crédit.

C’est probablement à ce moment que les riches d’Egypte, comprenant le danger, ont convaincu Sissi de se présenter malgré ses réticences.

Enfin ces grèves de février et mars 2014 créaient peu à peu un climat politique de liberté où les bouches des démocrates révolutionnaires, des journalistes, artistes, écrivains recommençaient à s’ouvrir… après qu’ils eurent été complètement démoralisés tout autant par la répression que par des mois de collaboration de leurs partis soi-disant démocrates à la dictature de Sissi. On voyait même des juges libérer des révolutionnaires condamnés peu de temps auparavant. L’autorité de la dictature prenait l’eau. Elle perdait l’initiative.

Cela faisait à nouveau germer chez les possédants le spectre d’une alliance de fait entre le mouvement des exploités et ceux des révolutionnaires démocrates regardant de ce côté qui auraient pu alors donner une expression politique au mouvement des classes pauvres. Enfin ces grèves et ce climat commençaient à entraîner un certain nombre de policiers de base à entrer en lutte pour des revalorisations de salaire. L’appareil d’Etat semblait lui-même gangrené. Il fallait arrêter ça de toute urgence. Or la répression semblait avoir trouvé ses limites.

Sissi: entre le désir de dictature, la démagogie anti-islamiste
et ses promesses électorales pour les classes pauvres

Pour les arrêter et reprendre les choses en main, l’initiative qui leur échappait, il ne restait plus aux possédants que les promesses et donc des élections, le vieux truc de la démocratie représentative qui promet pour demain afin de faire quitter la rue et reprendre le travail aujourd’hui.

Pour ce faire Sissi a tout promis. En tout cas le premier ministre. Si Sissi est élu, il y aura – a-t-il promis – des discussions pour l’extension du salaire minimum, la renationalisation des entreprises privatisées, l’arrêt des privatisations, des investissements dans le secteur textile, l’amélioration des conditions de travail et des protections sociales, revoir en mieux les droits des syndicats, etc., etc. Bref, tout ce que demandaient les grévistes.

Le danger pour le pouvoir, c’est que les grévistes vont s’en souvenir. Comme ils se sont souvenus de la promesse d’augmentation du salaire minimum fin janvier.

L’armée et les possédants ont donc concédé la démocratie électorale et des libertés au mouvement ouvrier… mais pour tenter de l’arrêter. Malheureusement, le mouvement ouvrier n’a pas su trouver en son sein un candidat qui aurait pu continuer ce mouvement social sur le terrain politique électoral. Si Sabahi, qui est un simple faire-valoir démocratique du tour de passe-passe des possédants, représente malgré lui, par certains aspects, ce mouvement social et la révolution, ce n’est que par défaut de cet autre candidat. Autrement dit, dans la mise en scène par l’armée de la présidentielle, il joue le rôle du révolutionnaire. Mais comme on le sait, dans le théâtre, ce ne sont pas tant les pièces et la qualité des acteurs qui comptent mais ce qu’en fait le public. «Figaro» de Beaumarchais [1778] a contribué à faire tomber la noblesse française. Les batailles d’«Hernani» autour de la pièce de Victor Hugo [présentée en février 1830] du même nom et les gilets rouges qu’on arborait dans les théâtres ont été le prélude de la révolution de 1830. Et plus proche de nous et en Egypte, on se souvient que la pétition très institutionnelle et respectueuse «Tamarod» (rébellion) demandant des élections présidentielles anticipées à Morsi, s’est transformée en révolution de rue le 30 juin 2013, lorsque les classes populaires s’en sont emparées.

Ce scrutin est donc tout à la fois le résultat de la pression de la révolution et en même temps un artifice pour l’enterrer. C’est du fait de ce double aspect que les révolutionnaires anti-Sissi en Egypte hésitent et se partagent entre les tactiques de ceux qui soutiendront la candidature Sabahi et de ceux qui veulent boycotter le scrutin.

Bien sûr, depuis la suspension du noyau central de la vague de grèves (textile, postiers, médecins, transports) en avril pour l’essentiel, le gouvernement se montre dur avec celles qui persistent [1], contre des grévistes et les syndicalistes; arrestations, condamnations, violences policières… Et en même temps contre le mouvement démocratique qui pourrait être ce pont entre les classes populaires et leur expression politique, le «Mouvement du 6 avril» [2], qui a été interdit et dont des dirigeants sont en prison.

Toutefois, le gouvernement ne peut pas dépasser un certain niveau de répression parce que Sissi est cette fois-ci en campagne et qu’il doit ménager sa clientèle électorale qui est faite aussi d’espoirs et d’illusions de pauvres et de travailleurs, qu’ils soient nassériens, syndicalistes ou féministes (anti-islamistes). En effet, des syndicats ouvriers indépendants ou des syndicats de paysans qui voient en lui un futur Nasser le soutiennent tout comme des organisations féministes qui voient en lui un rempart contre le retour de l’obscurantisme islamiste et enfin des nassériens eux-mêmes qui croient voir plus en Sissi qu’en Sabahi, l’héritier de Nasser.

Alors Sissi navigue à vue entre la répression nécessaire pour faire comprendre qu’avec lui tout n’est pas permis, la répression démagogique exagérée, quasi théâtrale, des Frères musulmans dans des procès où ont été condamnés à mort plus de 1000 membres de la Confrérie, pour continuer à dire qu’il est le seul à pouvoir empêcher le terrorisme islamiste et la guerre civile et, enfin, des concessions verbales mais aussi des gestes concrets en direction de toutes ses clientèles électorales.

Evidemment, au lendemain des élections, si Sissi est largement plébiscité, il faut s’attendre à une marche accélérée vers la dictature. Si par contre l’abstention et les suffrages pour Sabahi sont nombreux au point que la victoire de Sissi ne paraisse pas si éclatante que ça, il est plus que probable qu’à nouveau, les classes populaires redescendront dans la rue car leur situation est intenable, la misère est épouvantable. Le prétexte pourrait bien en être l’arrêt des subventions aux produits de première nécessité sur lesquelles Sissi s’est engagé et qui avait déjà été le point de départ du soulèvement populaire de décembre 2012 qui avait conduit Morsi à fuir le palais présidentiel encerclé par la foule. Et il y a bien des Egyptiens pour se souvenir aussi qu’en janvier 2011, les ouvriers ont attendu la paie de la fin du mois pour partir en lutte contre le régime. Or les élections ont lieu un 27 mai…

La démocratie représentative et les pays pauvres

En fait en Egypte, comme dans la plupart des pays pauvres, il n’y a pas de démocratie possible sauf celle, directe, qu’imposent les mouvements d’en bas, telle que le montre l’intifada permanente des peuples, de l’Egypte à la Tunisie en passant par la Palestine.

On en a encore un exemple flagrant avec ce qui arrive aux nouveaux syndicats indépendants d’Egypte. La mobilisation des classes populaires est à l’origine de la chute de Moubarak comme à celle de Morsi. Avec cette formidable poussée populaire, sont apparus une foule de syndicats indépendants et deux nouvelles confédérations indépendantes l’EFITU [Egyptian Federation of Independent Trade Unions] et l’EDLC [Egyptian Democratic Labour Congress], opposés à l’ancien syndicat ETUF [Egyptian Trade Union Federation], courroie de transmission du pouvoir. Mais si la foule des militants et syndicats de base est à l’origine de la multitude de luttes qui ont déjà occasionné deux révolutions et fait tomber quatre gouvernements, les deux confédérations ont été incapables d’organiser quoi que ce soit de sérieux ou d’ampleur depuis qu’elles existent. De plus, le dirigeant et fondateur de l’EFITU, Kamal Abou Aïta, est devenu ministre du Travail dans le précédent gouvernement sous la tutelle de Sissi, demandant aux ouvriers d’arrêter les grèves et de produire plus, pendant que le dirigeant de l’EDLC a pris position en ce début d’année pour Sissi avec un discours du même type. Bien sûr, les deux dirigeants ont perdu leur crédit, le second a même été démissionné par les militants de l’EDLC. Du coup, du fait aussi que dans les sommets syndicaux, on voit d’autres dirigeants se prononcer pour Sissi, environ 80 syndicats indépendants ont publié ce début mai une déclaration affirmant qu’ils ne se prononçaient pour aucun des deux candidats.

Mais on voit bien que la machine à corrompre ou intimider dans ces pays pauvres et dictatoriaux ne laissera aucun espace de contestation à la coordination institutionnelle d’organisations de masse, bref aux sommets des syndicats. C’est pour cela que ces syndicats indépendants qui réclament des droits, des protections ou des lois pour les plus pauvres ne peuvent les obtenir que dans le cadre d’une politique effectivement révolutionnaire.

La poussée des classes populaires en Egypte est incessante depuis trois ans et il est probable qu’elle continuera encore dans la période à venir. En même temps, jusqu’à présent, ces classes populaires n’ont pas trouvé d’expression politique et ont été de ce fait baladées, trompées, bafouées. Toute la question de la situation en Egypte se résume à la question de la construction d’une direction révolutionnaire sachant exprimer la situation. On en a vu une ébauche avec la coordination de février-mars à l’initiative du mouvement des médecins. Puisse-t-elle en être une amorce et une prémisse. Dès lors, la révolution égyptienne, plus encore qu’à ses débuts, se fera entendre dans le monde entier.

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Cette contribution de Jacques Chastaing s’intègre aux divers articles que nous publions sur le site A l’Encontre, cela en vue non seulement d’informer nos lectrices et lecteurs sur les développements socio-politiques d’un pays décisif dans toute la région, mais aussi pour qu’ils puissent saisir les diverses nuances d’approches politiques d’une situation complexe et dynamique. (Réd. A l’Encontre)

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[1] Sur las quatre premiers mois de l’année, 70% des protestations étaient d’origine sociale alors que la presse met surtout en scène les manifestations des Frères musulmans pour mieux justifier la politique anti-islamiste du gouvernement. Et encore maintenant, seulement sur la semaine du 6 au 12 mai, on recensait malgré tout dans la presse – qui est donc très loin de tout couvrir – des mouvements des travailleurs précaires de l’éducation de Minya et Sharqiya, des hôpitaux de Hehia et d’Alexandrie qui continuaient malgré la suspension le 9 mai de la grève nationale de deux mois des médecins, des petits commerçants sur les marchés à Alexandrie et Port-Saïd, des travailleurs d’une usine d’isolants électriques, d’une usine de tapis à Mahala, d’une usine de ciment près du Caire, d’une usine textile de Samanoud, des boulangeries publiques de Suez, des services administratifs de police de la mer Rouge, de conducteurs de transports publics à Shebin el Kom, de chômeurs pour le droit à la santé…

[2] Mouvement d’étudiants qui ont soutenu la grève des ouvriers du textile de Mahala le 6 avril 2008, point de départ de ce qui va mener à la chute de Moubarak.

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