Italie. «Les propagateurs du venin raciste sont transformés en simples exécutants de sentences émises par le «fameux peuple souverain…»

Matteo Salvini en février 2018

Entretien avec Pietro Basso conduit par le site en ligne
Il pane e le rose

Le premier aspect, dans l’affrontement au nouveau gouvernement, est la férocité de son attaque contre les immigré·e·s, sur les plans de la propagande et des faits. Quelle est la signification de cette politique?

Pietro Basso: Il y a un gouffre entre le discours vulgaire et démagogique de Matteo Salvini [1] et la fonction réelle de la politique migratoire du gouvernement Lega-Cinque Stelle [2]. M. Salvini se pose en sauveur de l’Italie contre le raz-de-marée des immigrés. De quel raz-de-marée s’agit-il? Les mouvements migratoires vers l’Italie – comme ceux vers l’Europe en général – sont aujourd’hui les plus bas des deux dernières décennies, essentiellement à cause des décrets et de la politique du ministre de l’Intérieur Marco Minniti [de 2016 à 2018, membre du Parti démocratique – PD ; il fut membre du PCI], poursuivie de manière encore plus brutale par l’actuel ministre de la police [Matteo Salvini].

Dès lors, pour comprendre la politique menée par le nouveau gouvernement italien, il faut se demander qui sont les immigré·e·s sur lesquels il s’acharne. D’éventuels actionnaires d’Unicredit [UniCredit Banca]? Des dirigeants potentiels de Fincantieri [construction navale]? De possibles directeurs du téléjournal? De futurs grands commis de l’Etat? Des rentiers de luxe? Pas vraiment.

Globalement, ce sont des candidats à la récolte des tomates, des oranges, des pommes ou de la roquette, payés 2 à 3 euros l’heure, des aspirants aux nettoyages d’appartements et de bureaux, des «élus» pour les travaux les plus lourds dans la construction, les industries alimentaires ou le textile. Au mieux, ce sont des veinards qui finiront dans les industries du cuir de la Valle del Chiampo [une vallée préalpine, dans le Nord-Est de l’Italie], où de nombreux salariés africains détruisent leur santé contre un salaire très relativement honnête, dans des entreprises aux mains de sangsues de la Lega. Bref, des prolétaires voués à la pire exploitation par le travail. Et c’est d’autant plus vrai avec les récents contingents de la traite esclavagiste qui arrivent, depuis l’Afrique et sous le commandement de l’Italie et de l’Union européenne (UE): hommes et femmes ayant des niveaux d’instruction modestes voire très modestes, à la différence de l’émigration de masse syrienne de 2015 ou des immigrés africains d’il y a une vingtaine d’années, formée de personnes beaucoup plus scolarisées.

Ce que vous nommez la férocité de la propagande et des agissements n’a pas pour but de fermer les frontières. En effet, en même temps que le ministre Salvini donnait de la voix contre l’Aquarius [3] (probablement pour régler ses comptes avec cette ONG ou avec les ONG en général, dans le but de réserver le territoire de la Méditerranée aux militaires, peut-être sur ordre de l’Organisation du traité atlantique Nord, l’OTAN), au moins trois autres embarcations débarquaient, dans des ports italiens du Sud, bien plus de migrants qu’il n’y en avait sur l’Aquarius. Peu après, le même ministre imposteur s’attaquait au navire Diciotti [4], vraisemblablement pour régler ses comptes avec les Gardes-côtes, considérés comme trop indisciplinés. Quant au président de la région du Frioul-Vénétie [depuis mai 2018], Massimiliano Fedriga, membre de la Lega comme le ministre Salvini, n’a pas hésité à faire appel aux gardes forestiers pour la surveillance de la frontière du Nord-Est, où le passage des migrants se poursuit, surtout depuis que les entrées par le Sud sont devenues plus difficiles.

Récemment, la Confindustria et les industriels de Vénétie ont rappelé à leur commis au gouvernement que, malgré le faible taux de croissance économique, il est nécessaire de faire venir quelque 200’000 immigrés chaque année.

Matteo Salvini et Luigi di Maio, en bons petits chiens de garde du patronat, le savent bien. C’est pourquoi – et à l’instar de leurs prédécesseurs Marco Minniti et Matteo Renzi – leur but est tout autre que la stricte limitation de l’immigration. Il s’agit de terroriser les nouveaux arrivants, de les humilier au-delà du supportable, jusque dans leur intimité, afin de les amener à accepter sans sourcilier, pour s’en sortir, les formes les plus extrêmes et les plus dégradantes de l’exploitation au travail. [Voir à ce sujet l’article publié sur ce site en date du 14 août 2018]

N’oublions pas que depuis une dizaine d’années, les protagonistes des luttes syndicales parmi les plus dures d’Italie se sont déroulées dans les secteurs les plus «investis» par les migrants, dans la logistique et parmi les ouvriers agricoles. Ces dernières ont levé le voile sur les abominables conditions de travail dans les campagnes.

Alors le gouvernement Lega-Cinq Etoiles met en garde les nouveaux immigrés: «Cela suffit! Soyez reconnaissants de pouvoir être ici et de trimer pour nous». C’est le message que le gouvernement adresse à ceux qui arrivent ou qui prévoient d’arriver en Italie. L’objectif n’est pas zéro immigration, c’est immigration à zéro droit, destinée à alimenter le travail et la production au noir, et à fournir les manœuvres des entreprises générales (entre autres dans la construction) et des sous-traitants. Où finiront, les 100 immigrés du navire Diciotti, qui ont été pris en charge par l’Eglise, mis à part les 13 qui ont été hospitalisés?

On parle très peu, malheureusement, d’un important instrument de la production étatique des migrations «clandestines», celles qui sont de manière impérative privées de permis de séjour: les décrets successifs qui définissent, année après année, le nombre de régularisations de nouveaux immigrés. En moyenne, durant la décennie écoulée – à l’exception de 2011 – des plafonds dérisoires ont été appliqués: autour de 13’000 à 14’000 par an, dont un grand nombre ont trait à la conversion de permis de séjour de personnes déjà présentes sur sol italien. Ce qui signifie, concrètement, que des centaines de milliers d’immigrés, privés des droits les plus élémentaires liés au permis de séjour, ont été mis à la disposition des entreprises privées et publiques, mais aussi de la criminalité organisée, étant donné leur situation des plus précaires. Quelque 600’000 immigrés se trouvent dans cette situation, contraints à vivre sans permis.

Salvini a promis, au cours de sa campagne électorale, de tous les expulser; Silvio Berlusconi [5] a renchéri: «nous en expulserons un million». Misérables bobards destinés, d’une part, à intimider les intéressés et, d’autre part, à donner l’impression aux autochtones précaires ou au chômage, que l’on s’intéresse à eux: nous, à droite, nous pensons à vous; nous allons vous débarrasser de ces redoutables concurrents. Cette hostilité envers les travailleurs immigrés et cette volonté de les laisser sans droits caractérise non seulement la droite historique classique, mais également le parti-blog de Beppe Grillo [6] et son enfant les Cinq Etoiles.

Matteo Salvini présent à la réunion du «business» italien: le Forum Ambrosetti du 8 septembre 2018. Il explique, entre autres,
l’importance d’un plan d’investissement en Afrique et une politique sélective des migrants, se revendiquant de l’exemple helvétique

La nécessité d’une immigration zéro droits met en concordance totale le gouvernement Lega-Cinq Etoiles et l’Union européenne. Cette dernière pratique une sélection sans pitié des migrant·e·s qui tentent d’arriver en Europe: régularisations et octroi du statut de réfugié au compte-gouttes, militarisation des frontières européennes, externalisation de la construction de camps en Libye et dans toute l’Afrique du Nord. Les seules divergences avec l’Union européenne (UE) résident dans la répartition des coûts et des bénéfices de ce nouveau trafic d’esclaves, mais pas sur sa poursuite ni sur ses modalités.

Pour les «palais» de Bruxelles et de Rome, les 30’000 morts de ces 15 dernières années dans la Méditerranée (rien que de janvier à août 2018, 1600 décès ont été recensés officiellement, soit une augmentation de 400% par rapport à 2017), les terribles souffrances endurées par les migrants, les assassinats, les tortures, les viols et autres atrocités, sont en quelque sorte une nécessité. Les rapports sont excellents, entre les gouvernants européens et romains et les bandes de petits trafiquants ou celles de la grande criminalité organisée qui se chargent des sales besognes et qui prospèrent ainsi, alors qu’il suffirait de peu pour les éradiquer.

Mais il y a un autre aspect important de cette politique anti-prolétarienne multi-facettes. Ces agressions contre les migrants se doublent d’attaques contre ceux qui sont reclus dans les divers centres de détention (les Hotspots, Cara, Cie, Cpr, Cas, etc.) [7]. Ils sont décrits comme des profiteurs auxquels on coupe les vivres et on impose le travail gratuit obligatoire pour les municipalités, procédure héritée des gouvernements précédents et d’une circulaire du ministre Angelino Alfano [qui a traversé, de mai 2008 à juin 2018, plusieurs gouvernements de droite, de gauche ou du centre]. A leur tour, ces mauvais traitements à l’égard des migrants détenus dans les centres sont liés à la menace permanente d’expulsion. Elle plane sur les immigrés sans permis de séjour, destinée à les contraindre à se casser les reins au travail et à se garder de toute protestation.

Parallèlement, le gouvernement n’omet pas de s’attaquer aux immigrés réguliers: s’il voyait le jour, le revenu de citoyenneté [une version italienne très réduite d’un revenu universel de base] ne serait pas octroyé aux immigrés au chômage. Cela fait longtemps, à quelques exceptions près, que la propagande étatique présente les travailleurs immigrés comme un poids pour les caisses publiques, comme une présence malvenue pour la société, comme la cause du mal-être social. Ce qui amène certains immigrés à se ranger du côté des autorités et de leur croisade contre les nouveaux arrivants.

Il est clair que ces attaques sont destinées à créer un mur de méfiance, d’hostilité et même de haine entre prolétaires immigrés et «autochtones». Il s’agit de diviser ainsi la classe laborieuse pour l’affaiblir dans son entier. Ecraser et dévaloriser le travail salarié des immigrés, «irréguliers» ou « réguliers », a notamment comme résultat de dévaloriser le travail des salariés autochtones. Depuis trois décennies, le système Italie régresse dans le marché mondial, au profit des concurrents européens, des nouveaux capitalismes émergents et de celui encore plus agressif des Etats-Unis. Pour limiter les dégâts, ce système veut imposer la norme du travail low cost et muet.

Bref, le racisme, les discriminations, les vexations contre les immigrés récents ou de plus longue date sont des armes patronales qui doivent être combattues en tant que telles.

Ne pensez-vous pas que l’antiracisme strictement humanitaire, à la Roberto Saviano [8] notamment, peut rendre la compréhension de ces réalités plus difficile?

Il s’agit là d’un antiracisme sommaire qui ne va pas aux racines capitalistes des politiques à la Salvini. Il donne l’illusion qu’il existe une solution relativement simple, pacifique et légale, qui passe par la réglementation des canaux de l’émigration, de l’accueil et de l’intégration. Sa campagne pour le «modèle Riace» [9] tourne autour du concept les immigrés sont une richesse pour l’Italie, les accueillir n’est pas seulement un acte humain, mais aussi avantageux.

Nul doute que l’immigration constitue une ressource précieuse pour l’économie italienne et pour la revalorisation de zones et de paysages laissés à l’abandon. Nous partageons également un certain nombre de dénonciations de Saviano, notamment lorsqu’il qualifie Salvini de «ministre de la délinquance et des bas-fonds». Effectivement, plus on durcit la politique d’«illégalisation» des immigrés, plus on crée de murs, d’interdits, de situations irrégulières, plus la délinquance organisée prospère, ennemie de quelque régularisation que ce soit.

Cependant, le point de vue de Saviano, à savoir un capitalisme démocratique compassionnel, capable d’intégrer les populations immigrées avec respect et dignité, passe à côté des réalités et des contradictions sociales explosives de ce système qui génère des mouvements migratoires toujours plus importants à l’échelle mondiale, constituant des menaces contre l’ordre établi.

Il est certes erroné de prétendre qu’une invasion de migrants africains est en cours. Mais il est aussi clair que la situation en Afrique – pour ne mentionner que ce continent proche de l’Europe – est explosive. De puissants mouvements migratoires s’y produisent, dus à la brutale invasion de type néocoloniale du continent, du Nord au Sud et d’Est en Ouest, une agression dans laquelle se trouvent des entreprises et le gouvernement italiens. L’essentiel de ces mouvements migratoires est interne à l’Afrique, mais la tendance à émigrer hors du continent est clairement en augmentation et va de plus en plus concerner des masses de déracinés.

Pour nous, la seule réponse envisageable alternative à celle du gouvernement Lega-Cinque Stelle et de l’UE, est d’aller à la racine de ces processus. Nous devons nous attaquer aux causes, nous devons commencer par dénoncer l’invasion économique et le nouveau pillage de l’Afrique, nous mobiliser pour l’annulation de la dette étrangère, exiger le retrait des troupes italiennes et de l’OTAN de la Méditerranée et de l’Afrique, revendiquer la restitution des terres dépouillées par le land grabbing [10], etc.

En Italie, comme en Europe, il existe une surabondance de force de travail précarisée, sous-utilisée ou durablement sans-emploi. Et les futurs processus d’informatisation-robotisation, déjà amorcés, accentueront le profond mal-être social qui en découle et sur lequel autant la Lega que les Cinque Stelle font leur beurre. C’est pourquoi la situation actuelle ne peut que devenir explosive à terme.

Pris en étau entre les Etats-Unis et la Chine, les capitalistes italiens et européens, à plus forte raison ceux d’Allemagne qui imposèrent le très dur Hartz-IV [11] il y a une quinzaine d’années, ont un besoin croissant de force de travail ultra-précaire, à très bas «coût».

Dans ce contexte, le racisme anti-immigrés est une arme nécessaire de division et d’exploitation des salarié·e·s. Le cours des événements qui ont porté au pouvoir, en Italie, en Autriche, en Pologne, en Hongrie, en République tchèque – et aux portes du pouvoir en France et en Suède – des partis centrés sur l’attaque contre les immigrés, correspond à la nécessité, pour les forces patronales et leurs associés, de trouver un dérivatif au mécontentement et aux souffrances de pans entiers des salariés «autochtones», souvent appauvris, et de les orienter contre les immigrés, avant qu’ils n’explosent contre le patronat.

La surproduction de force de travail [la «surpopulation relative» dans ses diverses formes] n’est pas spécifique à l’Afrique et à l’Europe, c’est une réalité globale, un des principaux symptômes de la gigantesque crise structurelle dans laquelle nous sommes entrés avec la récession de 2008. C’est une crise historique, asymétrique mais nullement résolue, contenue jusqu’ici par les exceptionnelles mesures anticycliques prises en Occident et en Chine. Dans ce qui reste le plus puissant centre du capitalisme global, sous l’administration du président Trump, aux Etats-Unis est mise en place une politique protectionniste et une relance du militarisme. Elles accentuent la concurrence à l’échelle mondiale entre les pays, c’est-à-dire entre les exploité·e·s et aggravent les risques de guerre.

Les mesures gouvernementales contre les migrants font partie de ces tendances partout dans le monde (le mur érigé entre l’Inde et le Bangladesh en est une illustration de plus), parce qu’elles contribuent à accroître les profits, à sortir de la crise aux dépens des salarié·e·s, à contenir voire à prévenir les mouvements de salarié·e·s, en les opposant les uns aux autres. Tout cela n’a rien d’inévitable. Néanmoins, seule une bataille de classe anticapitaliste et anti-coloniale des plus dures et difficile permettra de s’y opposer et d’inverser le cours des choses. Les solutions non traumatisantes, dictées par les bons sentiments – certes fort respectables – sont vouées à l’insuccès du fait de la profondeur et de la violence des antagonismes sociaux.

Ceux qui apprécient les dénonciations faites par Roberto Saviano, ainsi que les militants des collectifs No Borders, mobilisés autour de la solidarité envers les frères de classe réprimés aux frontières, peuvent, ne serait-ce que sur la base de leurs motivations et de leur pratique, ressentir la nécessité d’une compréhension des racines effective de la tragique situation présente.

Hormis les raisons stratégiques que vous développez ici, n’y a-t-il pas des raisons tactiques qui expliquent la férocité de l’attaque gouvernementale contre les immigré·e·s? Notamment les difficultés que la Lega et les Cinque Stelle ont à donner suite à leurs promesses électorales.

Certainement. Le succès de ces deux partis est étroitement lié à leurs promesses de rendre aux salariés une grande partie de ce qui leur a été dérobé en 30 ans de politiques néolibérales. Mais ils n’en ont pas les moyens. Sans s’attaquer aux capitalistes, aux banques et à la Bourse – ce qui est tout sauf leurs intentions – ils n’y parviendront pas. Ils ont promis un grand nombre d’abattements fiscaux tant aux petits et moyens entrepreneurs qu’au grand capital, dans le but de faire de l’Italie le plus grand paradis fiscal du continent. Bref, ils n’ont aucune marge pour des mesures sociales et ils le savent très bien.

Il s’ensuit la recherche d’un bouc émissaire, à savoir les immigrés, rendus coupables de tous les maux. Eux que la gauche (?), selon ses dires, aurait systématiquement fait passer avant les Italiens. Eux que Lega et Cinque Stelle prétendent renvoyer massivement chez eux, ce qui est tout à fait illusoire, preuve en est le fait que même sous Salvini les rapatriements effectifs de sans-papiers sont peu nombreux. Eux à qui ils ôteront les «privilèges», alors qu’ils ont déjà des droits plus que restreints.

Au-delà de leur aspect déclamatoire, ces mesures ne favoriseront pas les Italiens, mais uniquement les entrepreneurs et parasites qui sucent le sang des immigrés. «Il faut en remontrer à ces profiteurs qui vivent à notre crochet» ont affirmé les représentants des deux partis gouvernementaux. Sur cette base, ils se sont posés en vengeurs des Italiens lésés et vexés par les immigrés et ont accédé au gouvernement. C’est là un trait politique que l’on retrouve dans toute l’Europe depuis quatre décennies, en Italie depuis 25 ans. Une propagande systématique, obsessionnelle, capable de toute affabulation et de toute infamie.

Elle passe par nombre de médias, traditionnels et nouveaux, elle a ses opérateurs actifs sur les réseaux sociaux et elle sait très bien mettre à profit les normes légales anti-immigrés. Au cours de ces décennies, les ministres ont changé, mais pas le fond, le venin raciste d’Etat, qui s’est diffusé au niveau populaire, du fait de l’absence, presque complète, de réels antidotes, le premier d’entre eux résidant dans les mobilisations sociales. Cela a laissé la voie libre aux manipulations cyniques de l’Etat qui instrumentalise les humiliations, les peurs, l’ignorance de larges couches de salarié·e·s, dans un contexte d’aggravation de leurs conditions de vie, y compris de fragilisation desdites couches moyennes.

Il faut toutefois se garder d’une interprétation des faits fort répandue: Matteo Salvini, en s’attaquant aux plus démunis – les immigrés – afin de rassembler des suffrages, réalise ce que veulent les gens. C’est un point de vue qui place la source du racisme parmi les couches populaires, les plaçant à l’origine des violences et des discriminations contre les migrants. Ce faisant, on inverse les termes du processus réel. Car le racisme, en tant qu’arme de la classe des exploiteurs a deux sources inépuisables: le marché, autrement dit le capital (les entreprises sont porteuses d’une division du travail reposant, entre autres, sur des discriminations raciales) et l’Etat du capital. Les médias, pour l’essentiel aux mains du capital et de l’Etat, constituent une courroie de transmission œuvrant 24h/24 à la diffusion de ces inégalités et préjugés. Et, au bout de la chaîne, se trouvent les salariés «autochtones» (et non pas les capitalistes ni les gouvernants qui n’ont pas besoin d’être instruits de la sorte).

Aujourd’hui nous sommes parvenus à un point critique de ce parcours; une série d’événements indiquent que le poison raciste fait ses ravages, non seulement parmi une «aristocratie» des salariés (ceux qui s’identifient à un statut de privilégié), mais aussi et surtout parmi les plus démunis (âgés, pauvres ou chômeurs). Ces progrès ont principalement des causes matérielles: l’insécurité sociale et personnelle qui tenaille tant de travailleurs, craignant de ce fait la concurrence voire la simple présence de populations immigrées, redoutant le futur.

Tout cela a rendu crédible l’inversion des tenants et aboutissants de la réalité, faisant du peuple l’initiateur de ce processus, celui qui aurait amené Matteo Salvini et Luigi Di Maio à mettre en route leurs politiques férocement anti-immigrés. Bref, les propagateurs du venin raciste sont ainsi transformés en simples exécutants de sentences émises par le peuple, le fameux peuple souverain

 

Le pourcentage des travailleurs pauvres (en «moyenne nationale») se situe en Italie en quatrième position: après ceux de la Roumanie, de l’Espagne et de la Grèce.

 

Quel genre de mobilisation est à même d’affronter ce racisme d’Etat qui prend racine dans les couches populaires?

De premières réactions contre les effets les plus tragiques de cette politique – assassinats et coups portés à des immigrés, surexploitation sur le lieu de travail, refoulements en Libye, fermeture des frontières, séquestrations d’êtres humains, comme avec le navire Diciotti, etc. – ont eu lieu. En perspective, il s’agit de construire une riposte qui aille à la racine et puisse acquérir une dimension de masse, un objectif nécessaire pour faire obstacle et rendre caduque cette politique et le gouvernement Lega-Cinque Stelle qui la porte.

Cette riposte au gouvernement, au patronat et à l’UE, ne doit cependant pas être confinée à l’antiracisme, elle doit être portée également sur le terrain des causes du mal-être social qui est le lot des prolétaires autochtones et immigrés. Elle doit s’attaquer aux mécanismes de l’exploitation du travail. Pour tourner la page de décennies de sacrifices et de précarisation des conditions de travail, une riposte devrait s’articuler, notamment, sur des revendications telles que:

  • de fortes augmentations salariales pour tous et toutes, déconnectées de la productivité des entreprises;
  • la réduction drastique et généralisée des horaires de travail (la seule solution envisageable face à la coexistence de la surexploitation intensive du travail et au chômage);
  • un salaire moyen garanti aux précaires et aux chômeurs, financé par un prélèvement fiscal sur les revenus de la classe capitaliste et sur les hauts revenus en général.

Certes, une telle réponse ne peut être portée que si la masse des salarié·e·s autochtones et immigrés et des jeunes nés sans privilèges se l’approprie.

Par ailleurs, les militant·e·s qui comprennent la nécessité et l’urgence de réagir aux politiques anti-immigrés de la Lega et Cinque Stelle se doivent de développer, sur la durée, une explication pédagogique en direction des travailleurs et travailleuses autochtones afin que puissent être assimilées les raisons pour lesquelles ils sont aussi des proies du racisme d’Etat. Ils ne tireront aucun bénéfice d’une sorte de passivité et, à plus forte raison, d’un soutien à ces politiques. Leur intérêt réel réside dans diverses formes d’opposition à ces politiques. La division raciale ou nationale des salarié·e·s n’a jamais rien valu de bon aux opprimé·e·s.

A ceux qui prétendent que les immigrés constituent une concurrence déloyale pour les salarié·e·s, il faut opposer non seulement des revendications unifiantes, mais des exemples de luttes décidées menées ces dernières années en Italie. Par exemple, celles des bagagistes ou des chauffeurs, menées par des salariés de dizaines de nationalités différentes, avec l’appui des Syndicats indépendants Cobas [12].

De même, si nous regardons autour de nous, au-delà des frontières, nous pouvons non seulement constater les mobilisations sociales – avec leurs forces et faiblesses – qui ont explosé en Grèce et en France; où les premiers conflits transnationaux chez Amazon et Ryanair; ainsi que ceux qui ont éclaté divers pays arabes, en Chine, au Bangladesh, en Afrique du Sud et dans de nombreux pays d’Afrique noire et d’Amérique latine. Ils traduisent un potentiel de résistance et de riposte que d’aucuns veulent effacer de la mémoire collective.

Les prolétaires ne viennent pas du Sud du monde pour se faire traiter en esclaves. Ils viennent pour rechercher une vie digne, qu’on leur nie dans leurs pays de résidence ou de naissance. Ce sont les lois anti-immigrés et la propagande d’Etat qui les infériorisent et les criminalisent, les contraignant à accepter des conditions de travail, de logement, de vie que même quelques fractions des dominants sont contraints de considérer, sous certains aspects, comme indignes. Nous devons donc viser à mettre fin à cette manière de les rançonner, et imposer leur régularisation sans conditions ainsi qu’une complète égalité de traitement de tous les salarié·e·s dans tous les domaines!

Ce ne sont pas les travailleurs immigrés qui ont supprimé l’échelle mobile des salaires [adaptation des salaires au coût de la vie], le contrat national [au profit des contrats d’entreprise], la santé quasi gratuite [avec désormais des dépenses de santé inférieures au seuil de risque selon les prescriptions de l’OMS], ce ne sont pas eux qui ont imposé le Fiscal Compact [les mesures européennes d’austérité pour réduire la dette publique], le Jobs Act [13], la réforme Fornero [14]. Ils ne se sont pas enrichis sur le dos du blocage des salaires, sur l’allongement de la durée du travail, sur les contraintes budgétaires liées au service de la dette d’Etat [appropriée comme revenu pour les détenteurs d’obligations et autres produits financiers]. Ils ont autant souffert de tout cela que les autres salarié·e·s. Pour mettre fin à ces maudites décennies de reculs sociaux tous azimuts – «subis» suite à une passivité ordonnée par les options d’appareils syndicaux – il s’agit d’ouvrir les voies d’une unité pratique contre les vrais ennemis de classe: le patronat, les banques, le gouvernement Salvini et Di Maio, la Banque centrale européenne, l’Union européenne comme un proto-Etat. Battons-nous de concert avec nos frères de classe immigrés. Selon l’expression qui a marqué toute l’histoire des salarié·e·s, conflictuelle par définition : «Divisés (comme aujourd’hui), nous ne sommes rien; unis nous deviendrons forts».

Souvenons-nous qu’à une certaine époque, au lieu de marcher à reculons, nous avons conquis de meilleurs salaires, réduit la durée du travail, élargi la démocratie au sein de l’entreprise comme au sein des syndicats, obtenu un système de santé national, porté dans l’école les thèmes sociaux les plus brûlants, introduit les droits à l’avortement et au divorce.

C’était une époque, celle des années 1960 et début 1970, au cours de laquelle le patronat a dû baisser le ton, alors que nous parvenions à modifier les rapports de force en notre faveur, à travers les luttes unitaires entre les salariés du nord et du sud de l’Italie. Or, ces derniers étaient des immigré·e·s internes. Au début des années 1960, les quartiers périphériques de Milan, peuplés majoritairement par des travailleurs méridionaux, étaient encore des territoires à part. A Turin, il y avait encore des bars et restaurants interdits aux chiens et aux méridionaux… Les luttes des années 1960 et suivantes, à l’avant-garde desquelles il y avait nombre d’étudiants et de travailleurs méridionaux, balayèrent toute cette boue, ce que même les efforts de la Lega Nord, mère de la Lega actuelle de Salvini, n’ont pu remettre entièrement en question.

Aujourd’hui, «on» veut nous opposer aux millions de travailleurs fuyant le sous-développement, les guerres, le land grabbing, les désastres écologiques, l’étranglement par la dette publique, autant de causes générées par les dominants de chez nous, par les transnationales, par les gouvernements occidentaux qui dominent le monde, par les guerres dévastatrices conduites sous l’égide de l’OTAN.

Le destin des travailleurs immigrés est le nôtre, aujourd’hui plus que jamais, alors que nous devons faire face à un ennemi de classe à la fois national et mondialisé. N’oublions pas que les patrons de la Bourse de Milan, de Fiat Chrysler Automobile, du géant sidérurgique Ilva [an voie d’être racheté par Arcelor-Mittal], des détenteurs des titres de la dette de l’Etat, ceux qui imposent les réformes sociales, ceux qui contrôlent l’armée, misent sur cette division. Ce constat devrait rendre encore plus évidente la nécessité d’une union internationaliste – certes à construire dans une période difficile – des masses laborieuses.

Cette dernière affirmation montre combien sont déformants certains discours, colportés y compris à gauche, sur l’aspect «un peu xénophobe» de ce gouvernement qui pourrait toutefois mener des politiques favorables au monde du travail… Or ces illusions se sont déjà heurtées au Décret dignité [15].

En effet. Dans la mesure où l’activité essentielle de ce gouvernement a consisté jusqu’ici dans l’agression contre les immigrés et demandeurs d’asile, après trois mois de vie, il devait donner quelque signe d’une activité de restitution de ce qui a été perdu. Il a donc produit le Décret dignité. C’est un nom pompeux, destiné à rendre gigantesques les petites miettes mises sur la table.

Il y a eu ainsi le Décret dans sa version 1.0. Le patronat a aussitôt réagi, le Décret 1.0 a donné lieu à une nouvelle version, le Décret 2.0, dépouillé d’une grande partie de ses miettes et qui maintient le voucher [16]. Les chefs du M5S étaient partis en guerre contre le Jobs Act, pour réintroduire l’article 18 de la Loi sur le travail [article de l’ancienne loi sur le travail instituant une protection contre les licenciements dans les entreprises de plus de 15 salarié·e·s, abrogé en 2015]. En fait, cela s’est terminé en eau de boudin. Les normes légales qui, pendant plus de vingt ans, ont précarisé les rapports de travail, démultiplié les types de contrats, vidé les conventions collectives de travail de leur contenu, attaqué les salaires, réduit la démocratie sur les lieux de travail et les représentations des salarié·e·s dans l’entreprise, bref tout l’instrumentarium anti-ouvrier des divers gouvernements passés, de droite, du centre et de gauche, est resté intact.

La grande révolution dans les rapports de travail qu’aurait dû représenter le Décret dignité, signée par le ministre Di Maio (une personne qui ignore ce que signifie travailler et ce qu’est la dignité) ressemble, en plus petit, au subterfuge de Renzi. Ce dernier avait introduit les 80 euros [17] pour mettre en place le Jobs Act [la première mesure ayant précédé la seconde de dix mois…].

A ceux qui croient encore que l’on peut concéder de généreuses garanties sociales venant «du haut», on peut opposer le slogan des mouvements pour le droit au logement de Rome: les droits s’obtiennent en luttant. Mais il y a des gens qui reconnaissent la valeur des luttes, tout en pensant qu’un gouvernement populiste peut être perméable aux demandes venant d’en bas. Telle aurait été l’attitude du M5S à l’égard du TAV [18]…

Il est clair que dans un contexte de crise capitaliste sans débouchés et de déchaînement de la concurrence intercapitaliste mondialisée [avec une armée de réserve industrielle aussi mondialisée], seule des mobilisations d’ampleur, les plus larges possible, peuvent sinon arracher des améliorations matérielles et légales, du moins bloquer des aggravations. Le reste relève de l’illusion.

Nous en avons fait l’expérience à Rome et à Turin, avec les administrations municipales du Mouvement Cinq Etoiles, notamment en matière de négation du droit au logement et d’expulsion de locataires. Quant au TAV, il y a eu peut-être quelques modifications du tracé de la ligne, une faible augmentation des indemnités pour une infime minorité des travailleurs précaires. Mais ce sont d’infimes détails, des fils ténus, comparés au char blindé ferroviaire qui est en train de prendre forme.

L’une des caractéristiques de ceux qui, à gauche, donnent des bons points à ce gouvernement, est le silence total sur la politique internationale et sur la signification de la politique à l’égard de l’UE, qui se concrétise sur un mode «anti-allemand» et «anti-français».

Nous avons qualifié cela très rapidement de gouvernement aux contours nettement trumpiste [par référence au gouvernement Trump des Etats-Unis]. A la fin du mois de juin, à Washington, le président du Conseil des ministres, Giuseppe Conte, a adhéré à toutes les requêtes de l’axe Wall Street-Pentagone [le ministère des armées des Etats-Unis]: sur la forte augmentation des dépenses militaires, la confirmation de l’acquisition des avions de combat F-35, l’acceptation de jouer un rôle de premier plan en Méditerranée, en Afrique et au Moyen-Orient dans la guerre au djihadisme, aux émigrés d’Afrique, aux influences russe et chinoise au Moyen-Orient.

En peu de mots: militarisme à outrance, alors que les soi-disant souverainistes de Rome – un terme inepte dans le monde contemporain où le souverain unique et absolu est le capital mondialisé – font le sale boulot y compris pour le Pentagone et Wall Street. C’est la caractéristique principale de ce gouvernement, ce qui caractérise tout son travail. […]

(Traduction et édition par Dario Lopreno et Charles-André Udry. Dans une ultime réponse Pietro Basso aborde le thème d’un «souverainisme» qui infiltre les positions de divers courants de gauche, en Italie et en Europe. Etant donné l’importance de ce thème, dans le contexte politique qui marque de multiples pays de l’UE, il nous semble important d’aborder cette question de manière plus développée que sous la forme contrainte et abrégée d’une réponse lors d’un entretien. Ce que le site alencontre.org fera dans les semaines à venir. – Réd. A l’Encontre)

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Il pane e le rose (Le pain et les roses) est un site internet indépendant d’information, ayant comme objectif «de construire des réseaux nationaux de collectifs qui documentent les processus de résistance et de lutte à différentes échelles territoriales». Il diffuse des analyses et prises de position de différentes instances syndicales, politiques, associatives (cf. http://www.pane-rose.it/files/index.php). Pietro Basso et professeur associé de sociologie auprès de l’Université de Venise. Depuis des années les thèmes liés aux «migrations» sont au centre de ses préoccupations analytiques et militantes. (Réd.)

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[1] Matteo Salvini, est le dirigeant de la Lega (ex-Lega Nord), officiellement ministre de l’Intérieur (police) et vice-président du Conseil des ministres, depuis juin 2018. De facto, il est président du Conseil des ministres qui est dirigé officiellement Giuseppe Conte). [ndt]

[2] La Lega et le Movimento Cinque Stelle (M5S, Mouvement Cinq Etoiles) ont formé le gouvernement italien depuis début juin 2018, suite aux élections du 4 mars, les votants (73% de participation) ayant accordé 33% des votes au M5S et 17% à la Lega. [ndt]

[3] L’Aquarius est un bateau, basé en Sicile, à Catane, de l’ONG SOS-Méditerranée en collaboration avec Médecins sans frontières. Il se porte au secours des migrants de la Méditerranée depuis plus de deux ans. Au mois de juin dernier Malte d’abord, puis l’Italie lui interdisent d’accoster, alors qu’il a 630 migrants à bord. L’Espagne finit par l’accueillir. Suite à ce bras de fer, l’Italie l’interdit d’accostage et Gibraltar lui retire son pavillon; actuellement il navigue sous pavillon panaméen. Il est reparti en mer le samedi 15 septembre, après 19 jours d’escale. [ndt]

[4] Le Diciotti est un navire des gardes-côtes italiens. En août dernier, alors qu’il avait à bord 170 migrants, recueillis dans les eaux territoriales italiennes, près de Lampedusa en Méditerranée, il s’est vu interdire le débarquement de ses passagers, restant ainsi bloqué, dans le port de Catane, pendant six jours. Après quoi le débarquement a été autorisé, les migrant·e·s ayant été pris en charge par l’Eglise, l’Albanie et l’Irlande. C’était la troisième confrontation de ce type entre le Diciotti, des gardes-côtes et le gouvernement. Après quoi, la Cour de justice de Palerme a ouvert une enquête, toujours pendante, contre le ministre de l’intérieur, Matteo Salvini, pour «séquestration de personnes, arrestations illégales et abus de pouvoir». [ndt]

[5] Silvio Berlusconi est à la tête d’un capital de près de 7 milliards de dollars et d’un parti (Forza Italia jusqu’en 2009, Popolo della Libertà de 2009 à 2013, de nouveau Forza Italia dès 2013). Il était président du Conseil des ministres en 1994/95, de 2001 à 2006 et de 2008 à 2011. [ndt]

[6] Beppe Grillo lance, en 2005, un blog politique protestataire qui devient extrêmement populaire et sur la base duquel il fonde, en 2009, le Movimento Cinque Stelle (M5S, Mouvement Cinq Etoiles). Peu avant les élections de mars 2018, il cède sa place de patron au nouveau leader Luigi Di Maio. Ce devient le «chef politique» central du M5S. Les membres de Cinq Etoiles sont encore souvent nommés les grillini. [ndt]

[7] Il s’agit là des méandres du labyrinthe du système d’asile italien. Les hotspots sont des centres de tri institués en Italie (et aussi en Grèce), afin d’aider l’Etat «à remplir ses obligations en vertu de la législation européenne, et d’identifier rapidement, enregistrer et prendre les empreintes digitales des migrants arrivants». Autrement dit, ce sont des centres de tri expéditifs pour les immigrants non légaux, où on leur octroie le label de requérants d’asile ou bien où on leur inflige celui de requérants d’asile non recevables ou d’immigrants économiques à rejeter. Les Cara sont les Centre d’accueil gouvernementaux pour requérants d’asile (Centri di Accoglienza governativi per Richiedenti Asilo). Les CIE sont les Centres d’identification et d’expulsion (Centri di identificazione ed espulsione), devenus, avec la réforme (en cours), les CPR, Centres de permanence et de rapatriement (Centri di Permanenza e Rimpatrio). Les CAS sont les Centres d’accueil extraordinaires (Centri di Accoglienza Straordinaria). (Voir Commission européenne, L’approche des hotspots pour gérer des afflux migratoires exceptionnels, Bruxelles, septembre 2015 et Fabio Colombo, «Il sistema di accoglienza dei migranti in Italia, spiegato per bene», revue on line Lenius, 02/08/2017). [ndt]

[8] Roberto Saviano est l’auteur de Gomorra, en 2006, traduit dans de nombreuses langues, vendu dans près d’un tiers des pays de la planète, adapté en film et en série, un livre sur et contre la Camorra extrêmement bien documenté… Il vit sous protection policière permanente, protection que le ministre de l’intérieur Salvini menace de lui retirer. En juin il a publié, dans le quotidien Le Monde, un article intitulé «Le nouveau gouvernement italien a déjà causé trop de mal »(21/06/2018), qui l’a mis en conflit public avec Salvini. [ndt]

[9] Riace est un petit centre urbain d’Italie du Sud (au sud de la Calabre), de plus de 2000 habitants. On y trouve 1700 personnes qui ont accueilli plus de 600 réfugiés, le tout vivant en harmonie. Riace étant une cité à l’origine peu prospère.On vit mieux aujourd’hui, bien qu’entourée par les clans de la ‘Ndrangheta (en quelque sorte la Mafia calabraise). Cette situation, qui a débuté en 1998 avec le débarquement de 184 réfugiés sur les rivages de la cité, l’a rendue célèbre au point de devenir le «modèle Riace». [ndt]

[10] Le land grabbing est l’accaparement des terres par des entités extérieures à l’Afrique, capitalistes privées ou gouvernementales, qui achètent les terres, en l’occurrence africaines, en vue d’exportations allant de produits alimentaires de base, de minerais ou de biocarburants. A l’heure actuelle, il semble qu’une surface équivalent aux 2/3 de la France a été ainsi spoliée. (https://landmatrix.org/en/get-the-idea/agricultural-drivers/ et Mary N. Taylor, Land-grabbing and the Financialization of Agricultural Land, entretien publié dans Lefteast, en date du 21 mai 2018 [ndt]

[11] La réforme Hartz-IV est la dernière tranche des réformes de la législation du travail adoptées en Allemagne, entre 2003 et 2005 (gouvernement de Gerhard Schröder, Parti social-démocrate et Verts). Ces réformes ont permis de multiplier les jobs précaires, les emplois temporaires ou atypiques, les travaux à bas salaire, etc. [ndt]

[12] Les Cobas (Comités de base) ou Syndicats indépendants Cobas (SI-Cobas) sont des syndicats interprofessionnels, qui ne sont pas rattachés aux grandes centrales syndicales italiennes (CGIL, CISL, UIL). [ndt]

[13] Le Jobs Act, une série de dispositions législatives sur le travail, adopté par le Parlement en mars 2015, a flexibilisé les licenciements, les horaires de travail,les salaires. Il a remis en cause une partie des droits au chômage et aux vacances, tout en accordant des abattements fiscaux aux entreprises qui engagent des travailleurs.[ndt]

[14] La ministre du Travail et des Affaires sociales, Elsa Fornero, a patronné la promulgation d’une loi de réforme du système de retraites, en vigueur dès janvier 2012, faisant passer le versement des retraites du système rétributif au système contributif. Ce qui représente une précarisation des conditions de retraite, les rentes versées aux assurés étant ainsi liées au niveau des cotisations. [ndt]

[15] Le Décret dignité (Décret urgent pour la dignité des travailleurs et des entreprises), est un décret (loi, caduque, promulgé par l’exécutif) qui a été transformé en loi permanente (votée par le Parlement cet été), censé remonter un peu la pente des multiples remises en cause des conditions contractuelles de travail de ces dernières années. Il s’est vite transformé en une stabilisation de ces «remises en cause», à quelques détails près. Le ministre du Travail et dirigeant du M5S, Luigi Di Maio, qui a lancé ce Décret en grandes pompes, à commencer par sa dénomination, a fini lui-même par déclarer (avouer) «je sais très bien que notre intervention ne pourra en rien empêcher la baisse des coûts du travail » (Voir «Decreto dignità, stretta sulle imprese che lasciano l’Italia entro 5 anni da aiuti pubblici. Via libera dal Cdm», quotidien La Repubblica, Rome, 02/07/2018). [ndt]

[16] Le voucher consiste, très synthétiquement, dans la possibilité de rémunérer 7.5 euros l’heure des travaux dits «occasionnels» ou «accessoires». Il a été voté en 2003, par le gouvernement Berlusconi, supprimé en mars 2017 par le gouvernement Gentiloni (PD), réintroduit en juillet 2017 par le même gouvernement et maintenu, après des promesses contradictoires, par le Décret dignité du gouvernement actuel Lega-Cinq Etoiles. [ndt]

[17] Le gouvernement dit de centre gauche de Matteo Renzi (du Parti démocratique, PD) a fait passer, en mai 2014, une allocation de 80 euros mensuels pour les salaires inférieurs à 500 euros par mois à plein temps, une sorte d’aide aux patrons qui sous-paient leurs travailleurs. [ndt]

[18] Le Treno Alta Velocita (TAV), Train à grande vitesse Turin-Lyon, relié au Réseau européen de transports, est un chantier pharaonique, qui devrait durer au minimum douze ans, posant mille problèmes graves et nullement résolus sur les plans de l’environnement et de la santé au travail, ce qui n’a pas empêché le chantier de démarrer. [ndt]

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