En Grèce, ce 15 juillet est un jour de protestation contre le troisième plan d’austérité imposé, de fait, par l’ensemble des institutions internationales, c’est-à-dire l’Eurogroupe (réunion informelle des ministres des Finances) la Banque centrale européenne, le FMI et les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE. Certes, le gouvernement de coalition (CDU/CSU-SPD) allemand dispose d’un poids prépondérant. Mais, au-delà de divergences traduisant des intérêts secondaires particuliers, tous les gouvernements de l’UE ont avalisé ce diktat. Il fallait infliger une défaite au gouvernement grec dont la colonne vertébrale est Syriza.
Ce 15 juillet aussi un jour de protestation contre l’acceptation, le dos au mur, de ce programme pluriannuel d’austérité par le premier ministre Alexis Tsipras. Il a déclaré, hier, à la télévision qu’«il ne croyait pas dans cet accord», mais, en substance, qu’il n’y avait pas d’autre solution. Et qu’il ne fallait pas sauter hors du navire de l’euro.
Ce midi, une première manifestation a eu lieu à Athènes, appelée par ADEDY (Confédération syndicale des services publics). Elle partait de la place Klathmonos pour aboutir à la place Syntagma (de la Constitution). Le mot d’ordre: «Non au nouveau mémorandum. Non à l’austérité. Non aux privatisations. Luttons jusqu’à la victoire». Gregoris Kalomenis, membre de la direction d’ADEDY, a mis au centre de son discours: la nécessité de continuer la lutte contre l’austérité, quel que soit le gouvernement. L’organisation «de masse» du KKE (PC), le PAME, a organisé une autre manifestation. Ce sectarisme conduit à une division irresponsable dans les rangs des salarié·e·s. Ce soir est convoqué un rassemblement, à 19h30, devant le Parlement. Au moment où les députés débattront de ce troisième mémorandum.
Les déclarations d’opposition contre l’accord, en provenance des sections locales et régionales de Syriza, se multiplient. Un texte d’opposition à l’accord a déjà réuni la signature de 109 membres du Comité central de Syriza, soit une majorité absolue. Le secrétaire organisationnel de Syriza, Tassos Koronakis, s’est déclaré opposé à l’accord. Il a demandé que le gouvernement démissionne et qu’un gouvernement intérimaire soit nommé jusqu’à des élections anticipées en novembre. Cela à partir d’une «connexion» dans le temps avec les élections en Espagne, et, disons-le, d’une illusion sur la position de la direction de Podemos.
Le Courant de gauche (Lafazanis) et le Red Network s’opposent à cette proposition qui impliquerait une application «intérimaire» de l’accord. Ils appellent au rejet de l’accord.
C’est dans ce contexte qu’il faut saisir le sens de l’appel du Red Network (DEA) – diffusé aujourd’hui – dont nous publions la traduction ci-dessous. Le Red Network est membre de la Plateforme de gauche, aux côtés du Courant de gauche, au sein de Syriza. (Feuille diffusée par le MPS/BFS lors de la manifestation de solidarité avec le peuple grec, le 15 juillet à Genève)
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«Pas d’autre nouveau mémorandum en notre nom!»
Par le Red Network
A peine une semaine après le massif OXI! [61,3%] glissé dans les urnes lors du référendum du 5 juillet, le noyau dirigeant au sein du gouvernement et Alexis Tsipras sont revenus de «négociations» à Bruxelles où ils ont donné leur accord à un Mémorandum de dimension colossale, socialement et fiscalement plus dur que les deux précédents [2010 et 2012] et son caractère colonial est bien plus marqué.
• Ce Mémorandum menace d’écraser la majorité sociale qui vit de son travail et qui a souffert au cours de cinq années de politiques d’austérité extrêmes sous les précédents deux Mémorandums qui ont détruit ce qui restait de ses acquis après de nombreuses années.
Tsipras et le gouvernement ont trahi l’OXI! fracassant du peuple grec en signant un accord bien pire que la proposition Juncker [président de la Commission européenne] qui était refusée lors du référendum du 5 juillet, sur insistance du gouvernement.
Ce Mémorandum, avec ses clauses coloniales sans précédent, complète l’œuvre désastreuse de transformation de la Grèce en colonie de la dette au sein de l’Union européenne. C’est un déshonneur pour la gauche dans la mesure où il a été accepté en son nom ainsi que par la direction d’un parti de la gauche [Syriza] et par un gouvernement dominé par ce parti, lequel a gagné le pouvoir gouvernemental [le 25 janvier 2015] précisément en raison de son engagement historique en faveur de l’abolition des Mémorandums et du rejet de l’austérité.
• Ce nouveau Mémorandum, en pratique et en essence, renverse le gouvernement dirigé par Syriza: programmatiquement mais aussi politiquement dès lors qu’il transforme Syriza en un gouvernement d’austérité dont la composition pro-austérité sera croissante (plus encore après le retrait de ministres de la gauche ainsi que la possible ouverture au camp de l’austérité de la droite affirmée).
Il aura en outre un effet destructeur sur Syriza lui-même: en lui faisant du chantage pour qu’il devienne un champion de l’instauration de politiques d’austérité; en rompant ses liens avec la majorité de la classe laborieuse et en l’affrontant; en se transformant en un parti social-libéral de l’austérité et de l’autoritarisme.
Le nouveau Mémorandum porte un double coup aux principes fondamentaux de la gauche et à sa force morale en trompant les gens qui croyaient en ses promesses de longue date d’abolir les Mémorandums et d’abattre l’austérité mais aussi à toutes les personnes qui ont contribué au fracassant OXI! exprimé lors du référendum.
Il blanchit le système de l’austérité et les partis pro-austérité en leur donnant la chance d’affirmer que Syriza et la gauche ont donné leur accord à un Mémorandum pire que les leurs. Il nous entrave dans le combat contre le capitalisme local et international, les faisant apparaître comme tout-puissants et à même d’écraser et d’humilier un gouvernement de gauche.
• Pour toutes ces raisons, le nouveau Mémorandum impose le danger sérieux d’une désillusion massive parmi la gauche et au sein des mouvements sociaux tout en créant le risque que le mécontentement populaire soit exploité par la droite, l’extrême droite et les fascistes.
Si tous ces dangers découlent pourtant de cet accord, si ces premières conséquences sont déjà visibles, la lutte pour son renversement n’est toutefois pas vaine. Au contraire, le potentiel de bloquer et de renverser le nouveau Mémorandum, mais aussi celui de hisser le drapeau de la gauche, que certains, de manière criminelle, veulent piétiner, est grand!
Le peuple du OXI! – cette force populaire massive, cette alliance de classe des travailleurs, des pauvres et des jeunes qui a émergé lors de la bataille du référendum – existe encore. Il nous prouve que la volonté de lutter ainsi que la colère face à leurs conditions non seulement se sont maintenues mais qu’elles se sont accumulées au cœur de la société. La direction de la bataille contre le nouveau Mémorandum peut revenir dans de nouvelles mains! Cela signifie que la lutte continuera avec le même objectif de toujours: abolir les Mémorandums et renverser l’austérité.
Et Syriza, aussi – le Syriza de gauche, avec son âme radicale – continue d’exister. Le gouvernement et les modérés du parti considèrent à juste titre qu’il peut être un obstacle dans la gestion et la mise en œuvre du nouveau Mémorandum, soulevant des menaces de mesures disciplinaires et d’expulsions. Ils exigent la discipline autour des décisions du parti.
Mais, par-dessus tout, ce qui compte pour la gauche est sa discipline autour de son programme et de sa stratégie politique – y compris l’abolition des Mémorandums, le renversement de l’austérité, le renoncement à la dette et la mise en œuvre de mesures de base articulées autour du programme de Thessalonique de Syriza [exposé en septembre 2014]. Soit une discipline face aux principes inviolables et aux valeurs de la gauche; ainsi qu’une discipline autour des décisions collectives qui sont prises pour réaliser ces deux points.
• Pour Syriza, cela signifie une discipline acceptée face au programme de son Congrès fondateur, à ses engagements préélectoraux, au programme de Thessalonique et au mandat populaire des élections du 25 janvier tout comme au OXI! du 5 juillet.
Nous sommes le Syriza qui respecte tout cela et qui fait appel à la discipline de la part de ceux qui osent fouler aux pieds le double mandat populaire ainsi que les principes, valeurs et décisions collectives de Syriza. Pour la gauche, la discipline ne signifie pas une discipline aux décisions arbitraires du «leader» et au petit cercle qui gravite autour de lui!
Il est désormais temps pour ce Syriza d’entrer dans la bataille et d’empêcher la décision désastreuse de signer ce nouveau Mémorandum.
• Enfin, et ce n’est pas le moins important, il y a aussi la gauche au-delà de Syriza, celle des mouvements sociaux et du vote OXI! Quels que soient les erreurs commises et les désaccords que nous avons pu avoir, nous nous sommes retrouvés dans la rue et dans les luttes de ces dernières années et nous avons gagné la bataille référendaire du 5 juillet. Dans ce nouveau cycle de luttes sociales et politiques, nous devons et pouvons nous battre côte à côte!
Cette bataille qui est la nôtre et aussi, en même temps, une bataille contre la démoralisation et la déception – pour un nouvel engagement de notre part dans la lutte de masse. Sans moraliser et non pas parce qu’il s’agirait de notre «devoir», mais sur la base autant de la raison que de l’imagination, sur la conviction réaliste que nous pouvons gagner ensemble: le peuple d’OXI!, et le parti d’OXI! qui est Syriza, les forces de Syriza mais aussi les forces du reste de la gauche, celles pour qui NON signifie NON, qui ne peut être transformé en un peut-être ou, pire encore, en un «oui». Ensemble, nous pouvons entrer dans cette bataille et aussi la gagner!
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