Par Elias Ioakimoglou
La formation d’une opposition de gauche unifiée et organisée afin d’intervenir dans la formulation des décisions gouvernementales – même au moyen du jeu de l’«ambiguïté créative» [formule du ministre des Finances Varoufakis], semble être le choix politique le meilleur pour les forces radicales au sein de SYRIZA.
Un paysage concurrentiel
L’accord du gouvernement grec avec les dirigeants de la zone euro a mis en quarantaine le «virus» de SYRIZA pour les quatre prochains mois. Cela afin de ne pas contaminer l’ensemble de la zone euro par une politique contre l’austérité; une politique d’austérité qui est essentielle pour la stratégie néolibérale afin de répondre à la crise. L’entente qui a abouti à placer le «virus» de SYRIZA en quarantaine limite la mise en œuvre de cette partie du programme qui ferait de la Grèce un modèle pour la mise en déséquilibre de l’austérité et donc une source potentielle de «contamination» pour l’Europe.
Le gouvernement grec est contraint de se limiter à des tâches bourgeoises de modernisation: limiter l’évasion fiscale, exonération fiscale de certaines couches, réduire la bureaucratie et combattre d’autres pathologies de l’Etat. Elles devraient, normalement, appartenir aux missions de forces politiques bourgeoises. L’élimination des lois liées aux mémorandums n’a pas été décidée.
Dans le même temps, les dirigeants de la zone euro ont mis en sourdine leurs menaces concernant la déstabilisation globale du système financier et ont accepté un vague programme qui peut être présenté, pour l’essentiel, comme une continuation de l’ancien. Alors que le gouvernement veut le présenter comme une nouveauté. En fait, c’est une suspension temporaire, d’un commun accord, de décisions entre les deux parties; positions qui si elles devaient être menées à leur terme impliqueraient un changement radical dans les rapports de forces. Le conflit final reste donc en suspens et celui qui sortira dans la meilleure position de cette trêve sera celui qui aura préparé au mieux les conditions dans lesquelles les prochaines négociations auront lieu.
Il s’agit de définir champ des décisions politiques qui peuvent être prises. L’une ou l’autre partie peut préparer le terrain et les conditions subjectives de la prochaine grande bataille, celle des négociations fixées en juin. En restant, jusqu’à cette échéance, dans les limites de l’équilibre imposé par l’accord de février.
Le gouvernement grec s’engage dans ce «jeu» avec la tactique de l’«ambiguïté créative», à savoir des initiatives visant à la clarification du texte général de l’accord. Il peut donc prendre des décisions à la limite, ou même violer la limite – marquée «interdite» – jusqu’à ce qu’il se heurte aux réactions et aux menaces de l’adversaire.
Equilibre délicat et sondage de popularité
Dans ce contexte, le centre de gravité gauche du programme SYRIZA – qui est la redistribution des revenus – se verra imposer des limites sévères à ses pulsations. Mais pas complètement. Voir: la protection de la résidence principale (contre l’expropriation), les mesures d’allégement fiscal pour les faibles revenus et le fardeau de l’imposition sur les hauts revenus, accroître les paiements des employeurs à l’Etat et aux fonds de pension, protéger les allocations de retraite de nouvelles réductions et peut-être quelques éléments supplémentaires.
En outre, les réformes qui peuvent être mises en œuvre par le gouvernement – dans les conditions prévues par l’accord de quatre mois (jusqu’en juin) – ne concernent pas des domaines négligeables dans le contexte présent: l’éducation, la démocratie, la modernisation de l’appareil d’Etat, les droits des migrants, en commençant par réduire la répression et plus. Pour ces raisons, le soutien au gouvernement dans de larges secteurs de la population restera probablement élevé.
C’est un gouvernement avec un grand potentiel de maintien de son audience dans l’opinion, mais qui doit se préparer aux pressions extérieures, à des développements imprévus tels qu’une forte et brutale baisse des recettes publiques et des critiques qu’il reçoit des forces de gauche au sein de SYRIZA. C’est le terrain sur lequel doivent agir les forces de la gauche radicale située au sein du parti pour renforcer le caractère de gauche de SYRIZA et avoir un impact sur le cours du gouvernement.
En ayant à l’esprit cette situation, il est clair qu’un affrontement violent, sans timing, de courants ou d’individus avec la majorité du parti, qui disposent de soutien dans l’opinion publique, mènera à l’isolement, à la diffamation et à l’expulsion. La formation d’une opposition de gauche unie et organisée au sein du parti qui interviendra dans les décisions politiques clés – et même au moyen du jeu des «ambiguïtés créatives» – va s’affirmer comme le choix politique le meilleur pour les forces radicales de SYRIZA.
La création d’une opposition unie de gauche est urgente. Parce que le risque est trop grand que se consolident les caractéristiques actuelles de la politique du gouvernement, d’une part parce que ce dernier obtient une acceptation forte au sein du parti et, d’autre part, parce qu’un gouvernement de centre gauche «radical» peut obtenir, peut-être, une certaine autonomie par rapport à la zone euro (avec son approbation, bien sûr) lors du prochain accord. (Publié dans le quinzomadaire de DEA, Labor Left, du 4 mars 2015; traduction Antonis Martalis; édition Rédaction A l’Encontre)
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Elias Ioakimoglou est conseiller scientifique de l’Institut du travail GSEE (syndicat du secteur privé) de 1993 jusqu’à aujourd’hui. Il est également chercheur auprès de la Fédération syndicale des employés de banque de Grèce.
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