Résumé
Une nouvelle conjoncture mondiale s’est mise en place à la fin des années 2000. Comme tout grand tournant dans l’histoire du capitalisme, celle-ci combine de façon originale des dimensions économiques et géopolitiques. Dans le contexte où la crise de 2008 continue d’exercer des effets sociaux ravageurs, des processus politiques et sociaux considérables ont profondément modifié la configuration géopolitique qui s’était mise en place après la disparition de l’URSS en 1991. Les gouvernements Sarkozy et Hollande ont saisi les opportunités créées par cette nouvelle conjoncture. Ils multiplient les interventions militaires en Afrique, où la France possède des intérêts économiques et politico-militaires primordiaux et promeuvent une intense diplomatie militaro-économique au Moyen-Orient. Cependant, l’interventionnisme militaire, que les gouvernements français tentent de faire soutenir par l’UE en l’utilisant comme ‘un avantage comparatif’ vis-à-vis de leurs partenaires, est impuissant à arrêter ou même enrayer les conflits. Et il place la France dans un engrenage dangereux.
Une nouvelle conjoncture internationale s’est ouverte à la fin des années 2000
Une conjonction de facteurs économiques et géopolitiques
Une hypothèse constitutive de cet article est qu’un changement majeur dans la conjoncture économique et géopolitique mondiale a eu lieu à partir de la fin des années 2000. Les deux dimensions doivent être prises en compte car l’état de l’économie mondiale, en tant que totalité systémique, résulte de combinaison de la dynamique d’accumulation du capital, largement contrôlée par quelques centaines de grands groupes pour l’essentiel originaires des grands pays capitalistes développés, et de l’organisation du système interétatique. Du point de vue économique, la crise de 2008 s’est transformée en une crise qui se traduit par des niveaux de chômage inconnus depuis des décennies, et en Europe par une ‘grande récession’ dont même les responsables politiques admettent que pour y mettre fin, les politiques d’austérité sont une condition nécessaire, mais nullement suffisante2. L’intégration de la Chine à l’économie mondiale, quelques années après la disparition de l’URSS (1991), a certes permis à l’accumulation du capital réalisés par les grands groupes, de retrouver une certaine vigueur pendant une dizaine d’années. Une conséquence est que depuis la crise de 2008, l’économie mondiale est encore plus dépendante de l’état de l’économie chinoise, qui est scruté avec beaucoup d’inquiétudes. Car si la croissance de l’économie mondiale dépend de celle de la Chine, l’accumulation du capital en Chine dépend dans une large mesure de l’état de l’économie mondiale. En Chine, les surcapacités de production qui s’accumulent dans les secteurs de la construction, des équipements industriels, des mines s’accompagnent sans surprise d’une baisse du taux de rentabilité des grandes entreprises, lourdement endettées3. La prospérité du capital financier, au sens de capital porteur de revenus financiers (dividendes, intérêt, royalties, etc.), globalement renforcée depuis la crise de 2008, produit des conséquences qui s’entrelacent avec le ralentissement de l’accumulation du capital. D’où le diagnostic établi par François Chesnais il y a plus de trois ans «qu’aucune «sortie de crise» ne se dessine pour le capital au plan mondial, dans un horizon de temps prévisible»4.
Sur le plan géopolitique, à la fin des années 2000, trois facteurs majeurs ont mis fin à la situation qui avait été créée par la disparition de l’URSS. L’affaiblissement de la domination politique des Etats-Unis en constitue le trait le plus spectaculaire. Le coût économique des guerres en Irak et en Afghanistan est colossal5 et la contribution des dépenses engagées pour ces guerres à l’aggravation du déficit budgétaire des Etats-Unis qu’elles provoquent est significative, même si ce n’est pas la plus importante6. Le coût géopolitique est plus élevé encore. Ces guerres ont créé des ondes de choc incontrôlées au Moyen-Orient et en Afrique où elles ont aggravé le chaos qui existe depuis des dizaines d’années dans certains pays. De plus, la décision de l’Administration Bush a produit ce résultat remarquable de faciliter l’émergence de l’Iran comme puissance régionale, avec laquelle les Etats-Unis doivent aujourd’hui composer7.
La situation actuelle dément donc totalement les prévisions de domination de l’ «empire» qui avaient été formulées par ses thuriféraires, mais aussi par ses critiques, au lendemain de la disparition de l’URSS. Pour les néoconservateurs, la disparition de l’URSS devait consolider l’hégémonie des Etats-Unis pendant des décennies, facilitant l’imposition de la ‘démocratie’ grâce à l’usage de la puissance militaire (le nation-building) dont le renversement de Saddam Hussein était la première grande étape. Selon eux, la guerre en Irak serait évidemment de courte durée et d’un faible coût8.Du côté des critiques de la politique américaine, y compris marxistes, le qualificatif d’’empire’ fut également abondamment utilisé au début des années 2000, car il semblait le mieux refléter la mise sous tutelle par les Etats-Unis de l’ensemble de la planète, y compris des autres pays impérialistes (un terme jugé par contre démodé). Les débats qui eurent lieu à cette époque9 révèlent également l’erreur d’appréciation qui fut faite sur la capacité des Etats-Unis à conforter leur domination. Car les Etats-Unis, bien que bénéficiaires des transformations économiques et géopolitiques des années 1990, n’étaient pas ‘hors la crise’ et leurs dirigeants n’avaient ni les moyens, ni la volonté de gérer les convulsions planétaires produites par la disparition de l’URSS et le développement fortement inégal provoqué par la mondialisation du capital. Dans ce cadre analytique, il était donc possible d’affirmer avant qu’elle fut mise en œuvre que la décision prise par G.W. Bush de mener la guerre en Irak possédait un niveau élevé d’aventurisme, au sens définitionnel de comportements dont le sujet ne maîtrise pas les conséquences10.
Aujourd’hui, une erreur symétrique à celle qui fut faite par l’assimilation des Etats-Unis à un empire ‘informel’ mais sans limite serait de négliger le poids de la puissance politico-militaire dans les décisions de l’Administration. Le partenariat transpacifique (TPP) vise parmi d’autres objectifs, à ‘contenir’ les ambitions chinoises par des moyens économiques et militaires, il nourrit la militarisation des alliés régionaux des Etats-Unis, et de façon significative celui du Japon. Les documents stratégiques rappellent que 60% des forces armées américaines doivent être basées dans la région Asie-Pacifique et les ventes d’armes américaines aux Etats de la région accompagnent la hausse considérable des budgets militaires. Les visées militaires sont à ce point patentes que des dirigeants de pays Asiatiques (en particulier l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la Malaisie) ont fait part de leurs inquiétudes quant à l’utilisation du TTP contre la Chine11.
Les fissures du système inter-étatique, qui ébranlent sérieusement l’édifice, constituent un deuxième facteur dans l’avènement de la nouvelle conjoncture internationale. La domination solidement ancrée du capital financier et la mise en œuvre des politiques d’ajustement structurel ont accéléré l’implosion de dizaines d’Etats, qualifiés d’«Etats faillis» par le Département d’Etat des Etats-Unis, depuis 2001, d’«Etats sous tension» par la Banque mondiale et d’ «Etats fragiles» par l’OCDE qui en dénombrait 51 en 201312. Or, la ‘forme Etat’ demeure absolument indispensable pour la reproduction des rapports sociaux fondés sur l’exploitation et la domination; et les pays dominants de la planète prennent soin que tous les Etats, y compris ceux déclarés ‘faillis’, bénéficient de la légitimité auprès de leurs populations grâce à leur statut de membres de la ‘communauté internationale’ (l’ONU).
Enfin, la situation géopolitique est totalement modifiée depuis 2011 à la suite du mouvement révolutionnaire qui a renversé la dictature de Ben Ali et dont l’écho a été entendu dans d’autres pays d’Afrique et du Moyen-Orient. Les mobilisations de millions de personnes dans les rues aboutissent au renversement ou tout au moins à l’affaiblissement des régimes dont la longue existence a reposé sur le soutien des pays dominants, et dont la survie en dépend encore plus. La décomposition accélérée d’un certain nombre d’entre eux requiert une ingérence militaire directe des pays dominants, c’est particulièrement le cas en Afrique.
La France saisit les opportunités
Pendant la période de guerre froide, la diplomatie gaulliste a adopté une position d’autonomie vis-à-vis des Etats-Unis. Il ne s’agissait pas d’un comportement superficiel ou d’un trait personnel du fondateur de la V° République qui était au contraire convaincu que la France pouvait exploiter l’antagonisme Est-Ouest et jouer, à sa juste place, un rôle dans la défense de l’ordre mondial. Les relations entre les Etats-Unis et la France n’excluaient donc pas les désaccords, mais dans un cadre qui était communément accepté. En plus du statut conféré par l’arme nucléaire et le siège de membre permanent au Conseil de sécurité, les ambitions gaullistes étaient essentiellement centrées sur l’Afrique. Les Etats-Unis acceptaient cette vision. Ainsi, l’Administration américaine a traditionnellement considéré l’Afrique comme procédant «d’une responsabilité Européenne particulière» de la même façon que les Européens doivent reconnaître «la responsabilité américaine en Amérique latine», selon les termes d’un membre de l’Administration Kennedy13. La position de l’Administration Clinton fut à peu près la même, d’autant plus que le retrait catastrophique des forces américaines de Somalie, en octobre 1993, a créé un traumatisme durable.
La position hostile à la guerre des Etats-Unis en Irak qui a été défendue par Dominique de Villepin à l’ONU en 2003, qui correspondait d’ailleurs à une position très majoritaire à l’échelle mondiale14, s’inscrit dans cette tradition d’autonomie de la diplomatie française. Elle constituait donc un important correctif aux années 1990 au cours desquelles la France avait contribué à son propre affaiblissement au Moyen-Orient en participant à la guerre contre Saddam Hussein, qui avait été depuis les années 1970 ‘notre meilleur ami’.
L’impasse politique dans laquelle les Etats-Unis se sont trouvés à la suite de l’invasion de l’Irak a donc ouvert une fenêtre d’opportunité à la France et a facilité, quelques années plus tard, l’activisme militaro-diplomatique de la France en Afrique. La France touche en quelque sorte les dividendes de la position défendue en 2003 par Dominique de Villepin à l’ONU. A la fin des années 2000, la France était en effet, au sein du ‘bloc transatlantique’15, la mieux à même de prendre les initiatives destinées à faire face au chaos qui résultait de l’effondrement des appareils d’Etat de plusieurs pays d’Afrique. On peut même affirmer sans erreur qu’elle était la seule à pouvoir le faire. En effet, les deux autres grandes puissances militaires occidentales n’ont aujourd’hui pas la capacité et la volonté de prendre une part active en Afrique: les Etats-Unis peinent à sortir de leur enlisement au Moyen-Orient et le Royaume-Uni, dont le désengagement militaire en Afrique est ancien, est encore secoué par l’implication du gouvernement Blair dans la guerre en Irak. De plus, les militaires et les services de renseignements officiels et parallèles français disposent d’une connaissance du terrain inégalé, ce qui est reconnu même par les militaires Américains (voir plus loin)16.L’Administration et l’Etat-major américains placent manifestement une grande confiance dans l’engagement militaire de la France17.
Les enjeux de la présence française en Afrique
En réalité, les interventions militaires de la France en Afrique résultent d’un ensemble de facteurs convergents, et il faut se garder de toute recherche monocausale. Les intérêts économiques et géopolitiques enracinés depuis des décennies fournissent une trame explicative sur laquelle d’autres éléments viennent s’accrocher. On peut citer: l’influence exercée dans la vie politique et médiatique par des fractions du patronat très implantées en Afrique, l’importance pour les militaires de la forte présence des armées dans les anciennes colonies subsahariennes qui permet d’amoindrir le traumatisme créé par les défaites en Indochine et en Algérie, ou encore les choix propres des Présidents de droite puis de gauche dont elle constitue le ‘domaine réservé’, une notion qui n’a pas de fondement juridique, mais qui est conforme aux institutions de la V° République. On mesure donc l’épaisseur sociale et politique de ce qui est parfois nommé lafranceafrique, trop souvent réduite à des réseaux quasi conspiratifs dont l’acte de décès est périodiquement annoncé.
En tout état de cause, l’intensification des interventions militaires n’a rien de surprenant, même si elle a semé le trouble y compris dans « la gauche de la gauche »18. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 rappelle que «Le Sahel, de la Mauritanie à la Corne de l’Afrique, ainsi qu’une partie de l’Afrique subsaharienne – notamment le Golfe de Guinée et les pays riverains – sont des zones prioritaires pour la France: le Livre blanc 2013 se distingue en particulier par la place accordée au continent africain … [De plus] la sécurité de la zone qui s’étend des rives de la Méditerranée orientale au Golfe Arabo-Persique constitue une priorité en soi»19.Ce recentrage sur la zone de présence traditionnelle de la France grâce au désengagement d’Afghanistan est, selon des militaires, une source d’efficacité opérationnelle accrue20.
Cette section rappelle donc l’importance économique de l’Afrique pour la France et elle prend le contre-pied des thèses ‘déclinistes’ qui suggèrent un désintérêt, voire un désengagement des grands groupes français. Elle analyse ensuite l’importance du continent du point de vue militaire, et l’expérience majeure que les armées françaises tirent de leur présence active dans les conflits, certes différents des guerres inter-impérialistes, et qui ont évidemment valeur d’enseignement pour d’autres conflits qui ont lieu dans le monde.
A la recherche du ‘miracle’ africain
Dans le contexte où les effets de la crise ouverte en 2008 continuent d’exercer leurs effets dévastateurs à l’échelle mondiale, les annonces répétées d’un ‘miracle Africain’ visent à apaiser les craintes. Le principal signe auxquels se raccrochent les discours est celui d’un taux de croissance du PIB supérieur à celui de l’économie mondiale depuis le début de la décennie 2000. Pourtant, le continent Africain n’a pas globalement modifié sa place en tant que territoire d’accueil des investissements directs à l’étranger (IDE) effectués par les sociétés transnationales au cours des années 2000. Sa part reste obstinément en-dessous de 3% du stock total d’IDE, elle a même été inférieure en 2013 à celle des années 1990-1995. De plus, le nombre de projets d’IDE ‘créateurs de capacités de production’ (greenfield), qui ont, pour les pays d’accueil, des effets en principe plus bénéfiques que les IDE destinés à racheter des entreprises existantes (en général des entreprises publiques au moment de leurs privatisations) étaient en 2013 inferieurs au nombre de projets réalisés en 2003, respectivement de 1% dans les pays développés, de 6% dans les pays en développement et de 12% en Afrique21.
En réalité, la croissance du PIB, très différenciée selon les pays et très souvent même à l’intérieur des pays, est extrêmement fragile, elle repose sur des choix sélectifs opérés par les grands groupes industriels et financiers. Elle est accompagnée sur le continent Africain d’une diminution du secteur manufacturier dans la valeur ajoutée au cours de la décennie 2000. Au cours des années 2000-2011, la part de la valeur ajoutée dans le PIB est tombée à 11% alors qu’elle était de 14% au cours des années 1990-199922. La croissance macroéconomique repose sur une extraversion renforcée des productions agricoles et un déficit croissant dans la balance commerciale des biens alimentaires. L’Afrique exporte des produits agricoles, mais importe massivement son alimentation, en particulier des céréales pour nourrir sa population23.
L’Afrique subsaharienne souffre également l’emprise du capital financier. Les institutions financières internationales se félicitent que les pays de la région subsaharienne aient accédé aux marchés financiers internationaux pour l’émission de bons du trésor, elles y voient les promesses d’un développement puissant. En fait, les gouvernements émettent des titres de la dette qui sont considérés comme «spéculatifs» par les agences de notation. Cette très médiocre notation mérite récompense: les investisseurs financiers prêtent donc à des taux d’intérêt très élevés, qui se situent toujours à plus de 3% (300 points de base, disent les spécialistes) au-dessus du taux interbancaire de référence (LIBOR), et parfois beaucoup plus haut (7% au-dessus du LIBOR) pour le Sénégal24. Ces exigences des prêteurs s’accompagnent de programmes de compression des déficits publics qui visent à juguler l’augmentation de la dette publique, consécutive à la montée des intérêts payés25, sans compter les risques de change élevés – on peut dire inévitables – pour les pays emprunteurs puisque ils émettent leurs emprunts en dollars26.
Il est vrai que la constitution de foyers d’accumulation du capital productif principalement dans les industries extractives, produit une concentration ouvrière, qui se combine avec les mouvements populaires conduits contre les gouvernements. La recension établie par les agences de presse AFP et Reuters indique une progression continue depuis 2000 des mouvements de protestation dans 52 pays d’Afrique, avec en tête les actions pour les augmentations de salaire27.
Une importance persistante pour les entreprises françaises
Il ne manque pas de discours qui soulignent le déclin des positions des intérêts économiques de la France en Afrique. Cet affaiblissement reflète la détérioration plus générale de l’industrie française sur de très nombreux marchés mondiaux qui profite surtout à la Chine, dont la progression des positions sur le continent est impressionnante. Cependant, la France bénéficie sur le continent africain de deux atouts précieux et à ce jour inégalés: d’une part, un enracinement parfois séculaire de groupes agro-alimentaires, manufacturiers et financiers et, d’autre part ,la proximité des dirigeants de la France et de ceux de ses anciennes colonies qui lui donne un ‘droit spécial’ d’ingérence militaire lorsqu’elle celle-ci correspond à des intérêts stratégiques.
Ces dimensions historiques, économiques et politiques totalement entrelacées expliquent deux évolutions significatives. D’abord, au cours de la période 2000-2013, les IDE réalisés par les entreprises françaises en Afrique ont progressé deux fois plus vite que leurs IDE totaux28. Ensuite, la part des pays Africains dans le total des IDE français a triplé, passant de 1,5% à 4,6% (tableau 1), ceci sans compter les investissements réalisés sur place par les filiales de droit national des groupes français29.
Tableau 1: Evolution (2000-2013) des IDE français en Afrique et de la zone Franc en proportion des IDE français totaux
Part de la région dans le total des IDE sortants de France | 2000 | 2013 |
Zone Franc | 0,5 | 0,9 |
Afrique | 1,5 | 4,6 |
Source : Auteur, partir de la base de données de la CNUCED.
On peut donc parler d’une consolidation des positions française sur le continent Africain, puisque celui-ci occupe une part croissante dans les IDE français. Cette consolidation des intérêts économiques français s’est traduite par une forte pénétration hors de la zone franc (tels que l’Angola, le Nigéria, l’Afrique du sud), mais elle ne s’est pas faite au détriment de celle-ci (tableau 1). En somme, les fortes positions occupées dans les anciennes colonies (zone franc) ont été utilisés par les grands groupes français comme une rampe de lancement pour la conquête de nouveaux marchés. Les données fournies dans cet article indiquent que l’objectif a été tenu. Des propositions d’étendre la «Zone CFA» aux pays limitrophes pour en faire un bloc régional sont mêmes faites dans plusieurs rapports30.
On constate une polarisation des IDE français vers l’Afrique et le Moyen-Orient encore plus forte lorsque l’on s’intéresse aux secteurs de l’industrie et de la distribution (donc hors secteur financier). Les effectifs employés et le chiffre d’affaires réalisé par les groupes français présents dans ces deux régions représentent plus de 10% de leurs emplois et chiffre d’affaires à l’étranger (hors UE).
Tableau 2 : Implantation des groupes français internationalisés par grandes zones géographiques
Effectifs | en % | Chiffre d’affaires | en % | Nombre de filiales | En % | Effectif/filiale | CA par filiales (millions d’euros) | |
(milliers) | (en milliards d’euros) | |||||||
Maghreb et Moyen-Orient | 225,2 | 4,8 | 35,8 | 3,3 | 1751 | 5,6 | 128,6 | 20,4 |
Afrique francophone | 80,5 | 1,7 | 14,1 | 1,3 | 533 | 1,7 | 151,1 | 26,5 |
Afrique non francophone | 55,8 | 1,2 | 13,1 | 1,2 | 486 | 1,6 | 114,7 | 27,0 |
Total | 361,5 | 7,7 | 63,0 | 5,8 | 2770,2 | 8,9 | 394,4 | 73,9 |
Ensemble hors Union européenne | 2 673,2 | 57,2 | 549,5 | 51,0 | 15130 | 48,8 | 176,7 | 36,3 |
Ensemble des régions | 4 671,2 | 100,0 | 1077,7 | 100 | 31 004 | 100,0 | 150,7 | 34,8 |
Source : enquête FATS 2012
La présence des groupes français est géographiquement très diversifiée. Le tableau 3 indique pour un certain nombre de pays la part des IDE réalisés par la France ainsi que sa place dans le classement des pays investisseurs
Tableau 3 : Part des IDE français dans le total des IDE entrants dans les pays Africains
Pays investi | Part de la France (%) | Position de la France dans les IDE entrants dans le pays | Période de référence |
Benin | 38,9 | 1 | 2001-2012 |
Cameroun | 81,1 | 1 | 2001-2012 |
Congo | 62,3 | 1 | 2001-2012 |
Gabon | 67,9 | 1 | 2001-2012 |
Liban | 55,2 | 1 | 2001-2012 |
Maroc | 23,1 | 1 | 2004-2012 |
Sénégal | 45 | 1 | 2011-2012 |
Tchad | 53 | 1 | 2001-2012 |
Tunisie | 46,4 | 1 | 2001-2012 |
Angola | 30,8 | 2 | 2001-2012 |
Arabie saoudite | 8,3 | 2 | 2005-2010 |
Egypte | 15,7 | 2 | 2001-2012 |
Algérie | 14 | 3 | 2007_2013 |
Libye | 21,8 | 3 | 2001-2012 |
Qatar | 2,7 | 8 | 2008-2009 |
Source : Auteur, à partir de la base de données CNUCED
De fait, de nombreux groupes français, solidement implantés depuis des décennies et dont la sécurité est assurée par la présence de l’armée française, considèrent l’Afrique comme une base majeure de leurs activités. Un rapport rédigé par des hommes d’affaires rappelle que, du point de vue du financement, «ils n’ont que l’embarras du choix […]: AFD, BEI, Caisse de dépôts et de consignations (CDC), Banque mondiale, Exim Bank, AMIDA, etc. »31.
L’intérêt économique de l’Afrique est encore plus évident lorsqu’on observe les secteurs et les groupes industriels concernés. Il est difficile d’imaginer ce que serait le capitalisme français sans la présence du groupe Total (et naguère ELF) qui assure 30% de sa production pétrolière grâce à l’Afrique, ou sans celle d’Areva, dont la présence au Niger est une des causes de l’intervention française au Mali fin 2012. Ce ne sont pas les seuls groupes à avoir construit leur puissance grâce à leur présence en Afrique. En 2013, le groupe Bolloré a réalisé 21% de son chiffre d’affaires en Afrique, soit plus que dans l’UE (hors France), ce qui est assez rare pour un groupe français d’envergure mondiale. Les bénéfices réalisés par le groupe Bolloré reposent essentiellement (par exemple à 90% en 2013) sur ceux réalisés par ses activités en Afrique. La filiale africaine du groupe Bolloré (Bolloré Africa Logistics) revendique la première place dans le transport et de la logistique en Afrique, avec un réseau de 250 filiales et 24’000 employés dans 46 pays, soit l’essentiel de sa présence internationale (55 pays)32. L’activité du groupe Orange (ex France-Télécom), dont l’histoire et le positionnement de marché sont pourtant très différents de Bolloré, repose également fortement sur l’Afrique et le Moyen-Orient. En 2013, le groupe a réalisé la moitié de son chiffre d’affaires en France, et dans les activités ‘Reste du monde’, l’Afrique et le Moyen-Orient ont représenté 51% de l’activité (dont 15% en Egypte).
Un autre aspect, souvent négligé, reflète l’importance de l’Afrique pour le capitalisme français. Le nombre d’entreprises françaises exportatrices vers le continent est disproportionné par rapport au volume des échanges. Alors que les flux d’exportations vers ce continent ont compté pour 6% des échanges totaux de la France en 2013, le nombre d’entreprises françaises s’est élevé à un peu plus de 40’00033 sur un total de 120’700 entreprises exportatrices. Pour comparaison, le nombre total d’entreprises exportatrices vers l’Asie atteignait un peu moins de 30’000, alors que le part de ce continent dans les exportations françaises a représenté 12,6% des exportations totales de la France. On voit donc que le continent nourrit l’activité d’une partie importante des PME exportatrices françaises, ce qui révèle, au-delà des échanges commerciaux, une densité de liens sociaux entre la métropole et les anciennes colonies.
Lorsque ‘marchés’ et conflits armés font bon ménage
La consolidation des intérêts économiques de la France en Afrique ne dément pas seulement les discours ‘déclinistes’ sur l’importance du ‘pré carré’ africain. Elle pose la question des relations entre cette consolidation et l’abondance des conflits armés que connaît le continent. La « mondialisation-réellement-existante » fonctionne aux antipodes des modèles élaborés par l’économie orthodoxe. La liberté de circulation des capitaux et des marchandises (mais pas celle des êtres humains) doit conduire à la paix et à la démocratie. Version contemporaine du ‘doux commerce’ espéré par Montesquieu, cette thèse au format ‘pdf’(pour peace-democracy- free markets) qui fut énoncée après la disparition de l’URSS est contredite depuis plus de vingt ans. L’accumulation de conflits armés ‘localisés’ dans les pays ‘périphériques’ des pays développés, puis des conflits impliquant directement des armées de pays développés (guerres en Afghanistan et en Irak, en Yougoslavie), s’est même accélérée depuis 2011 (Libye, Mali, RCA, Ukraine). Le nombre total de conflits est resté à peu près le même depuis le début des années 2000, oscillant entre 33 et 37 par an. Les dirigeants des grands groupes ne sont d’ailleurs pas dupes. Ils placent pour la première fois depuis dix ans les conflits géopolitiques au rang le plus haut des risques les plus élevés à court terme et même dans les dix prochaines années encourus par le business34.
L’Afrique est particulièrement concernée par les conflits armés. La Banque mondiale, en se fondant sur la base de données de Uppsala Conflict Data Program (UCDP), signale qu’en 2013, il y avait 13 conflits armés ‘intra-étatiques’, mais qui impliquaient des réseaux internationaux (y compris d’autres gouvernements) , un nombre qui a doublé depuis 2005, le point le plus bas depuis la disparition de l’URSS (AFDB, 2014,p.113)35. Néanmoins, les évolutions des IDE décrites depuis 2000 le montrent, les groupes français, pas plus que leurs homologues étrangers, ne sont découragés par le chaos provoqué par les guerres. Le comité qui regroupe les entreprises françaises en Afrique (CIAN) nous explique pourquoi: «Les grandes entreprises – Total, Carrefour, Bolloré, Société générale ou Somdiaa –, qui ont leurs aises à l’international et fréquentent l’Afrique de longue date, […] savent “transformer le risque en opportunités”. Elles ne se laissent pas impressionner par l’absence de visibilité politique, juridique et sociale, qui est le lot de nombreux pays africains, car elles ont appris que cette opacité – et les risques qui en découlent – est “compensée par un retour sur investissement élevé”»36.
Après plus de trois décennies de conflits armés qui sont pérennes pour nombre d’entre eux, la position défendue par la Banque mondiale jusqu’au début des années 2000 n’est donc plus tenable. Selon les analyses de ses économistes37, les ‘guerres civiles’ reflétaient une ‘mauvaise gouvernance’ et plus généralement l’absence d’adhésion aux règles qui fondent la mondialisation: ouverture des marchés, démocratie et paix. A l’inverse de ces thèses, les guerres pour les ressources sont une composante de la mondialisation38. L’exploitation des ressources ne serait souvent pas possible sans les technologies et les compétences des grands groupes occidentaux. Les transferts d’argent par les grands groupes et les élites locales sont organisés avec le soutien des grandes banques multinationales39. De plus, ces guerres sont connectées aux pays développés par plusieurs canaux et acteurs: leurs gouvernements (en particulier par les détournements de fonds vers les partis politiques40), leurs places financières via le recyclage de l’argent tiré de la prédation des ressources minérales vers les paradis fiscaux (Européens ou non), les marchés de consommation industrielle ou des ménages qui se trouvent pour l’essentiel dans les pays développés.
Un enjeu militaire essentiel
Au cours de la période 2002-2011, l’Afrique du Nord a compté pour 2,7% et l’Afrique subsaharienne pour 1,6% des livraisons d’armes de la France. Seul le Maroc est un client important de la France. La détresse financière des pays de la zone subsaharienne qui les saigne – ils figurent en bas du classement du développement humain –limite les possibilités d’exportations françaises. Celles-ci portent principalement sur l’équipement des forces terrestres et des unités d’élites ainsi que des navires patrouilleurs, et sont donc utilisées pour des opérations principalement dirigées contre les populations.
En dépit de la faible solvabilité de son marché militaire, le continent Africain possède une importance majeure pour la France au point qu’un rapport parlementaire pose la question «Le ministre de la défense, ministre de l’Afrique?» et fournit les éléments pour répondre par l’affirmative41. Depuis l’accession à l’indépendance des anciennes colonies, les liens militaires sont demeurés très denses. En mars 2015, la France comptait environ 7100 militaires engagés sur les théâtres d’opérations extérieures, dont plus de 70% en Afrique. Du point de vue de la défense, les partenariats passés avec les pays Africains, qui ont conduit à la présence de 30’000 militaires présents dans 7 pays42 au début des années 1960, ont été progressivement reconsidérés au cours des années 2000. En 2013, la France avait 52 attachés de défense et 24 accords de défense ou de coopération en Afrique pour un budget de plus d’un milliard d’euros par an43. Enfin, depuis le début des années 1960, la France est intervenue militairement à près de quarante reprises sur le sol africain dans les cinquante dernières années44.
La centralité du rôle de l’Afrique pour la France, en plus des intérêts économiques, demeure incontestable pour au moins quatre raisons: son statut international, les enjeux capacitaires et technologiques, et les ventes d’armes. D’abord, compte tenu des conflits qui déchirent le continent, la présence militaire de la France dans ces zones a une résonance mondiale et consolide son statut de membre permanent du CSNU (Conseil de Sécurité des Nations Unies). Elle conforte la préservation du “rang mondial” de la France dont elle constitue avec la détention de l’arme nucléaire, l’autre pilier historique. Le représentant permanent de la France auprès des Nations unies rappelle que: «L’Afrique représente 70% de l’activité du Conseil de sécurité des Nations unies, signe des crises qu’elle traverse. Dans la mesure où les résolutions sont présentées par les Etats membres, cela amène la France à être à l’origine de 60% des textes, concernant par exemple le Mali, la Côted’Ivoire, la RDC ou la RCA»45.
Sous l’angle croisé des enjeux capacitaires et technologiques, les opérations militaires sont également importantes. Elles permettent de déterminer ou de confirmer des développements technologiques. Les interventions en Afghanistan et en Libye ont montré la nécessité de disposer de drones de catégorie MALE46. De plus, l’interaction entre la DGA (Direction générale de l’armement) et les militaires engagés dans les conflits en Afrique permet d’améliorer le niveau de qualité et de performances des matériels47.
Ensuite, la multiplication des interventions militaires est nécessaire pour maintenir l’expertise et développer de nouvelles compétences, en particulier dans le domaine des opérations qualifiées de sécuritisation dans les zones massivement peuplées. Aux Etats-Unis, l’intérêt pour les doctrines de la “guerre urbaine” a fortement augmenté dans les années 1990, car les responsables savaient qu’ils auraient à faire face à des populations hostiles lors d’interventions extérieures, mais également face à d’éventuels “ennemis de l’intérieur”48. La France est dotée d’une longue expérience en Afrique, mais, comme le rappelle un expert militaire de ce type d’opérations, :«la guerre des Balkans [a été] un laboratoire pour la pensée stratégique»49. On peut ajouter que la professionnalisation des armées décidée par le président Chirac en 1996 avait pour objectif de préparer l’armée française à ces opérations “urbaines”. C’est pourquoi «les Balkans [ont été] la matrice de la nouvelle Armée française professionnelle»50. Il va sans dire que la multiplication des interventions depuis 2007 augmente considérablement l’expertise des militaires. Elle suscite une certaine admiration de la part des responsables américains qui considèrent qu’une raison du succès français tient à l’existence de corps historiquement centrés sur les opérations coloniales (marines et légionnaires)51.
Enfin, du point de vue industriel, il est non seulement indispensable que les équipements militaires soient testés par les armées nationales avant d’être proposés à l’exportation, mais leur utilisation dans des conditions réelles peut constituer un atout concurrentiel52. Les interventions militaires représentent donc un moyen irremplaçable de promotion des exportations car il bénéficie auprès des pays clients d’un label “combat-proven” (sic, testé en combat). Un rapport parlementaire destiné à renforcer un peu plus le dispositif de soutien aux exportations d’armes rappelle ainsi que: «La qualité internationalement reconnue aux armées françaises est telle que les matériels opérés par ses hommes bénéficient, au travers des retours d’expériences (RETEX), d’un avantage souvent décisif en termes de crédibilité auprès des acheteurs potentiels»53. Même si on oublie le contexte d’enthousiasme qui prévalait à la fin 2014, l’argument peut jouer, et d’abord vis-à-vis des gouvernements Africains soucieux d’organiser le contrôle répressif de leurs populations. La France équipe les forces terrestres et les unités d’élites, auxquelles elle fournit par exemple des véhicules blindés ainsi que des frégates nécessaires à la lutte contre la piraterie.
En 2013, le PDG de Dassault, anticipant les contrats de vente du Rafale annoncés début 2015, avait déclaré que «l’opération au Mali a donc eu une influence positive sur l’image du Rafale, comme avant celle effectuée en Libye »54. Cette position est partagée par les dirigeants des sept grands groupes industriels : «Équiper l’armée française qui dispose de matériels et systèmes parmi les plus performants au monde et qui démontrent régulièrement leurs qualités en opérations extérieures reste pour les États clients un gage de crédibilité renforcée et donc un avantage compétitif important»55.De fait, les dividendes des guerres sont d’ores et déjà engrangés. A la fin avril 2015, le ministre de la défense J.Y. Le Drian annonçait que l’industrie française avait déjà enregistré auprès des pays étrangers un montant de commandes de 15 milliards d’euros, un record historique56. (26 juin 2015, à suivre)
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1 François Hollande, lors de sa visite du site de Dassault aviation à Mérignac, 4 mars 2015, http://www.elysee.fr/declarations/article/visite-du-site-de-dassault-aviation-a-merignac-3/
2Wall Street Journal, « Q&A: ECB President Mario Draghi”, 23 février 2012 et plus récemment The Economist, « TakingEurope’s pulse “, 7 mai 2015.
3 IMF, 2015, p.38.
4 F. Chesnais, « Aux racines de la crise économique mondiale », 3 janvier 2012, http://alencontre.org/economie/aux-racines-de-la-crise-economique-mondiale.html
5 Voir l’ouvrage de J. Stiglitz et L. Bilmes, The Three Trillion Dollar War, Penguin Books, 2008. A la fin juin 2015, le coût total était estimé à 4,4 trillion de dollars, voir http://costsofwar.org/
6 Sur la période 2009-2019, les conséquences de la récession de 2008 et des mesures budgétaires prises pour y faire face comptent pour 44% du déficit budgétaire, les réductions d’impôts prises sous la présidence Bush 41%, et le coût des guerres 15%, Center on Budget and Policy Priorities « Economic Downturn and Legacy of Bush Policies Continue to Drive Large Deficits », 28 février 2013.
7 Voir G. Friedman, “Strategic Reversal: The United States, Iran, and the Middle East Analysis”, 24Novembre 2014
8 Par exemple Lindsay, le conseiller du ministre de la défense Rumsfeld, avançait un coût de 100 à 200 milliards de dollars maximum, Elisabeth Bumiller « Threats And Responses: The Cost; White House Cuts Estimate Of Cost Of WarWith Iraq, New York Times, 31Decembre 2002.
9 Voir par exemple le débat dans ATTAC, dans Carré rouge et sur le site A l’encontre.
10 C’est cette position que F. Chesnais et moi avons défendue à l’époque.
11 Public Citizen, Memo To Reporters, April 28, 2015.
12L’OCDE note que 26 des 51 ‘Etats fragiles’ appartiennent aux pays à ‘revenus moyens supérieurs’. L’implosion étatique ne concerne donc plus seulement la catégorie des pays ‘laissés pour compte’, OECD, Fragile States 2014 : Domestic Revenue Mobilisation in Fragile States, Paris, 2014.
13 G. Ball, sous-secrétaire d’Etat, cité dans Peter J. Schraeder, “Cold War to Cold Peace: Explaining U.S.-French Competition in Francophone Africa”, Political Science Quarterly, Vol. 115, No. 3, 2000, pp. 395-419
14Ewen MacAskill and Julian Borger, « Iraq war was illegal and breached UN charter, says Annan », The Guardian, 16 septembre 2004.
15 J’ai proposé en 2003, alors que l’’unilatéralisme’ des Etats-Unis atteignait son apogée, la notion de bloc transtlantique hiérarchisé comme cristallisation de la domination des Etats-Unis et de leurs alliés sur la planète. Pour une actualisation, C. Serfati, « The transatlantic bloc of states and the political economy of the Transatlantic Trade and Investment Partnership”, Work Organisation, Labour&Globalisation, Vol. 9, No. 1, Spring 2015.
16 Selon un haut fonctionnaire en charge des questions africaines, la région subsaharienne est « l’une des rares – sinon la seule – où l’expertise de la France est plus importante que celle des États-Unis », ” ‘Hollande l’Africain’ ? La politique africaine de la France à la croisée des chemins. Interview de Yves Gounin”, Actuelle de l’Ifri, septembre 2012, http://ifri.labinnovation.fr/fr/publications/editoriaux/lafrique-questions/lafrique-questions-ndeg13-hollande-lafricain-politique-0
17Defense News, “France Displaces Britain as Key US Military Ally”, 19 mars 2015.
18 Voir Jean Batou, « Afrique : Redéploiement de l’impérialisme français et sidération humanitaire de la gauche »,Contretemps, http://www.contretemps.eu/interventions/afrique-red%C3%A9ploiement-imp%C3%A9rialisme-fran%C3%A7ais-sid%C3%A9ration-humanitaire-gauched
19 P.13. Voir également le rapport ‘bi-partisan’ « Sahel : Pour une approche globale », Rapport d’information n° 720 (2012-2013) de MM. Jean-Pierre Chevènement et Gérard Larcher, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées », Sénat, 3 juillet 2013.
20 O. Tramond, P. Seigneur, “Operation Serval Another Beau Geste of France in Sub-Saharan Africa?”, MILITARY REVIEW, Novembre-Décembre 2014
21 UNCTAD, 2014, Web table 19. “Value of greenfield FDI projects, by destination, 2003-2013”.
22 UNCTAD, The Economic Development in Africa Report 2014, Geneva.
23 M. A. Rakotoarisoa, Ma. Iafrate, M.Paschali “Why has Africa become a net food importer? Explaining Africa agricultural and food trade deficits”, Food and agriculture organization of the United Nations Rome 2011
24 Un taux d’intérêt de 7% double la somme initiale à rembourser en environ 8 ans.
25 Entre 2012 et 2015 (prévision), le montant du service de la dette en proportion du PIB passera de 9,6% en 2012 à 11,8% en 2015
26 Un rapport évalue les pertes qui résulteraient d’une dévaluation des monnaies nationales par rapport au dollar à un montant équivalent à 1,13% du PIB des pays de la région, Judith E. Tyson, « Sub-SaharanAfrica International Sovereign Bonds. Part II : Risks for Issuers », Overseas Development Institute, Janvier 2015.
27 AFDB (avec l’OCDE et Le PNUD) ,African Economic Outlook, 2014.
28 Ils ont été multipliés par 6,6 contre 3,4 pour les IDE totaux réalisés en Afrique. Source : base de données CNUCED.
29 Ainsi que le Conseil des Investissements en Afrique (CIAN) le rappelle, « la spécificité de la présence française en Afrique est l’implantation locale or les investissements réalisés par les filiales de droit local ne sont pas comptabilisés dans ce stock », Rapport 2015, Les entreprises françaises et l’Afrique, Le MOCI, Hors-série, Décembre 204, p.12.
30 Par exemple, H. Védrine et alii, « Un partenariat pour l’avenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France », Rapport au Ministre de L’économie et des Finances, Décembre 2013
31 Institut Montaigne, « Afrique-France : mettre en pratique le co-développement », Contribution au XXVIe sommet Afrique-France, Décembre 2013, p.22.
32 Bolloré, Rapport d’activité 2013.
33 Douanes, « Les opérateurs du commerce extérieur de la France. Données et tableauxAnnée 2014 – résultats provisoires », douane – http://lekiosque.finances.gouv.fr/etudes/thematiques/A2014_operateurs_prov.pdf
34World Economic Forum, Global Risks 2015, 10th Edition, Geneva.
35 Centre de Développement de l’OCDE, African Economic Outlook 2014. Global Value Chains and Africa’s Industrialisation, Paris, 2014.
36Cité dans Alain Faujas, « Afrique-France : place au business » Jeune Afrique, vendredi 6 février 2015
37 Par exemple, dans un article qui provoqua un large débat, Paul Collier and Anke Hoeffler, “Greed and Grievance in Civil Wars,” Oxford Economic Papers, Vol. 56, No. 4, 2004, pp. 563–595.
38 A. Aknin et C. Serfati, « Guerres pour les ressources, rente et mondialisation », Mondes en développement, 2008/3,n° 143.
39 Lee A. Sheppard, une spécialiste des questions de ‘prix de transfert’ qui permettent aux grands groupes multinationaux d’échapper aux impôts (mais également de recycler des capitaux ‘sales’) est très critique contre les initiatives de l’OCDE « L’objectif du traité proposé par l’OCDE était de rendre la vie plus facile aux firmes multinationales allemandes, américaines, britanniques et françaises en s’assurant que la taxation de leur opérations hors de leur pays d’origine soit limitée, grâce au concept d’établissement permanent et une comptabilité séparée », « Is Transfer Pricing Worth Salvaging?, Tax Notes, 30 juillet 2012,p.467.
40 Voir par exemple les déclarations de R. Bourgi, un homme clé des réseaux Foccart, dans Laurent Valdiguié, « Bourgi : “J’ai vu Chirac et Villepin compter les billets” », Le JDD, http://www.lejdd.fr/Politique/Actualite/L-avocat-Robert-Bourgi-raconte-comment-il-a-convoye-jusqu-a-l-Elysee-les-millions-des-chefs-d-Etat-africains-interview-387001
41 Jean-Claude Guibal, et Philippe Baumel, Rapport de la mission d’information sur la stabilité et le développement de l’Afrique francophone , Assemblée Nationale, 6 mai 2015 n°2746, 2015,p.138.
42 Sénégal, Madagascar, République centrafricaine, Côte d’Ivoire, Tchad, Gabon et Djibouti.
43 Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie Bockel, « la présence de la France dans une Afrique convoitée », Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Sénat, n° 104, 9 octobre 2013.
44Direction de l’information légale et administrative,« Du Tchad au Mali : les interventions de l’armée française depuis 1981 », Chronologies thématiques, mis à jour le 30 janvier 2013, http://www.vie-publique.fr/chronologie/chronos-thematiques/du-tchad-au-mali-interventions-armee-francaise-depuis-1981.html. L’ONG Survie parle d’une cinquantaine d’interventions entre 1960 et 2009,cfSurvie, 2009« Que fait l’armée française en Afrique ?”,Dossier noir, n°23.
45Id., p.282.
46 Xavier Pintat et Daniel Reiner, « Projet de loi de finances pour 2012 : Défense : équipement des forces », Sénat, 17 novembre 2011.
47 Cf Jean-Michel Fourgous, « la réactivité de la DGA montre l’intérêt de sa présence auprès des forces pour raccourcir la boucle du retour d’expérience », «Rapport sur le projet de loi de finances pour 2012 », Assemblée Nationale, n°3805, 12 octobre 2011, p.43.
48 C. Serfati, La mondialisation armée, Textuel, La Discorde, 2001, Paris. Une étude consacrée à la ’lutte contre-subversive’ considère que “La réflexion sur la subversion intérieure réapparaît au début des années 1970, parallèlement à l’émergence du ’problème de l’immigration » Mathieu Rigouste, « L’ennemi intérieur, de la guerre coloniale au contrôle sécuritaire », Cultures & Conflits, automne 2007, p.161.
49 Michel Goya, “L’Armée française face au siège de Sarajevo, le combat urbain dans la pensée tactique et opérationnelle »,2012, http://www.defense.gouv.fr/irsem/publications/lettre-de-l-irsem/les-lettres-de-l-irsem-2012-2013/2012-lettre-de-l-irsem/lettre-de-l-irsem-n-5-2012/releve-strategique/dossier-special-les-20-ans-du-siege-de-sarajevo-les-balkans-un-laboratoire-pour-la-pensee-strategique/l-armee-francaise-face-au-siege-de-sarajevo-le-combat-urbain-dans-la-pensee-tactique-et-operationnelle
50 Id.
51Voir par exemple, Michael Shurkin France’s War in Mali Lessons for an Expeditionary Army, RAND Corporation (RR-770), 2014,p.31.
52 On peut ajouter que leur utilisation oblige à passer de nouvelles commandes aux industriels. Ainsi, quelque 20 % des matériels terrestres de retour de l’opération Barkhane sont irrécupérables, Audition du général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées, Assemblée Nationale, 21 mai 2015.
53 Nathalie Chabanne et M. Yves Foulon, Rapport d’information sur le dispositif de soutien aux exportations d’armement, Assemblée Nationale, n°2469, 17 décembre 2014, p.68.
54 Éric Trappier, président-directeur général de Dassault Aviation, Assemblée Nationale, 11 septembre 2013.
55 Jean Guisnel, “Les industriels de l’armement entendus à l’Élysée », Le Point.fr, 16 avril 2014.
56. Dominique Gallois, « 2015, année record pour l’industrie de l’armement de la France Le Monde, 30 avril 2014.
Autant je plussoie quant aux liens, à mon avis infiniment même plus incestueux quant aux rapports entre la hiérarchie militaire et le secteur des affaires en Afrique, via notamment le “recyclage” des généraux en 2S largement sous-estimé, autant l’idée d’un laboratoire “contre-insurrectionnel” en Afrique qui devrait trouver son plein épanouissement en métropole, me semble être une vieille lune sans fondement, qui ignore superbement la rupture fondamentale que fut le putsch de 1961, ses suites et ses traumatismes. Tirer cette conclusion du texte du colonel Goya donné en citation est d’ailleurs passablement lunaire. Connaissant par ailleurs le colonel Goya et ses écrits, que ce soit les leçons de l’Algérie ou celles du fameux COIN, c’est franchement du gros n’importe quoi. La question de l’intervention de l’armée sur le territoire national a été posée par une députée (du PS) à Marseille et, à ma connaissance, dans ce que j’ai lu des tous les militaires d’active (ou en 2S !) qui s’expriment (et ils sont tout de même assez nombreux) elle a suscité une levée de boucliers assez unanime CONTRE cette idée. Cela n’empêche pas bien entendu qu’il existe des officiers supérieurs et généraux très très à droite.