Par diverses Agences brésiliennes
Le Centre national de défense des droits de l’Homme, un organisme parrainé par la Conférence épiscopale du Brésil, s’est montré préoccupé par un possible «nettoyage social» des sans-abri, au motif de la célébration de la Coupe du monde de foot de 2014.
S’est joint à cette association, afin d’exprimer également ses craintes au Gouvernement de Dilma Roussef (du Parti des travailleurs), le Conseil national des procureurs généraux de justice. Des représentants des deux organismes se sont rencontrés d’abord avec le ministre du Secrétariat général de la présidence, Gilbert Carvalho, afin de lui faire part de leurs craintes. Ces personnes portent actuellement une attention toute particulière aux villes qui accueilleront les matches de la Coupe.
Les organisations craignent que la dite «hygiénisation» de ceux qui, pour différentes raisons, vivent dans la rue, soit un euphémisme pour donner les mains libres aux bourreaux des personnes sans défense, invisibles pour la société «officielle», mais qui pourraient être vues par les millions de touristes qui arriveront au Brésil l’année prochaine. Sans compter que le pape François vient à Rio de Janeiro dans trois mois et que plus de deux millions de personnes seront présentes dans la capitale carioca à l’occasion des Journées mondiales de la Jeunesse [1] – les JMJ, organisées par l’Eglise catholique pour le 23 au 28 juillet 2013; les JMJ Rio 2013 ont leur logo et vendent des licences pour la fabrication de produits dérivés comme le claironne le site des JMJRio 2013 [1]. De plus, un des thèmes mis en relief est le suivant, sur fond d’une photo panoramique de Rio est: «La sécurité, une priorité pour les JMJ-Rio 2013».
Au cours des quinze derniers mois, 195 dits «vagabonds» ont été assassinés, la plupart brûlés par des anonymes, comme ce fut le cas de Jorge Affonso, 49 ans, assassiné ce dimanche 28 avril 2013 à Jacupiranga, dans l’Etat de São Paulo.
A Goiânia, c’est une Commission du Ministère des droits de l’Homme qui a été envoyée pour analyser les 29 derniers assassinats de personnes sans abri.
Selon des chiffres officiels de l’Institut brésilien de géographie et de statistique, il existe au Brésil non moins de 1,8 million de personnes vivant dans les rues et ce sont moins de 25% des municipalités qui mènent des politiques spécifiques à l’égard de ces personnes.
A São Paulo seulement, on calcule qu’environ 15’000 personnes n’ont pas de maison, et que 5’000 sont dans cette situation depuis plus de dix ans. Malgré le fait qu’en 2009 le Gouvernement du président de l’époque, Lula da Silva, ait lancé le Programme de politique nationale en faveur des dits «vagabonds», les autorités tendent à fermer les yeux sur cette cruelle réalité.
Pourtant, pour le sociologue Mauricio Botrel, du Centre national des droits de l’Homme, il ne fait pas de doute que les politiques locales en faveur de ces personnes sont indispensables, cela pour éviter un «nettoyage social» effectué généralement dans l’obscurité de la nuit et applaudi en silence par les bien-pensants.
Le Procureur général de l’Etat du Río Grande do Sul, Eduardo Veiga, président du Groupe de travail national sur les droits de l’Homme, a affirmé que les Ministères publics des Etats [fédéraux] étaient en train d’être encouragés à financer l’implantation de comités municipaux en faveur des sans-abri dans tout le pays.
Que les craintes exprimées par certains Evêques et Procureurs généraux ne sont pas infondées, c’est ce que révèle d’ailleurs le précédent de Rio, lorsque des reporters de la Folha de São Paulo ont découvert en 2009 que la mairie de Rio se mettait soudain à «recueillir» des «vagabonds» afin de faire bonne impression auprès de la Commission du Comité olympique (outre la FIFA de Sepp Blatter, dont «l’intégrité» dans le business du foot est à peu près à hauteur de celle de Berlusconi dans la gestion politique de son «entreprise Italie» durant des années…) censé donner aussi un préavis sur la présence du Mondial dans la capitale carioca.
María Cristina Bore, présidente nationale des Politiques de la rue, a affirmé qu’une opération de nettoyage social des sans-abri «était à l’ordre du jour», au motif du Mondial.
Policiers paulistes suspectés de «nettoyage social»
Des chercheurs de São Paulo pensent que les derniers massacres d’indigents sans-abri pourraient être l’œuvre d’«escadrons de la mort» qui essaient d’éliminer plus de 10’000 mendiants vivant dans les rues de la plus grande ville du Brésil.
Travaillant sur de nombreuses d’hypothèses, mais sans pistes définitives, les chercheurs de São Paulo essaient de résoudre le dramatique puzzle des derniers assassinats d’indigents sans-abri qui ont mis la ville en état de choc et qui font craindre que les «escadrons de la mort» [qui renvoient aux pires pratiques des dictatures militaires et de la police militaire brésilienne dont des membres faisaient des «heures supplémentaires»] soient en train de réaliser de macabres tâches de «nettoyage social» dans les rues paulistes.
Pour la première fois depuis que les enquêtes ont été commencées, il y a un peu plus d’une semaine, en cette fin avril 2013, le commissaire Luiz Fernando Lopes Teixeira a incorporé des policiers et des gardiens de sécurité parmi ceux que l’on soupçonne être les auteurs de ces attaques brutales, perpétrées dans la capitale économique et financière du Brésil, qui ont provoqué la mort de douze mendiants au cours des dernières semaines.
Jusqu’à présent, trois hypothèses étaient avancées pour expliquer les attaques: des jeunes néonazis ou skinheads; des matons engagés par des commerçants du centre de la ville pour se défaire des mendiants indésirables ; ou alors une dispute interne entre les pauvres eux-mêmes.
Mais au cours des dernières heures s’est renforcée l’idée selon laquelle il s’agirait de groupes de «nettoyage social» intégrés par des policiers et même des gardiens de sécurité (liés à des firmes privées dites de sécurité, qui souvent engagent des policiers, parfois expulsés de la police à cause de comportements inacceptables).
Des escadrons organisés
«Il est clair qu’il s’agit d’un crime effectué par un ‘groupe organisé’ (ce qui exige une plus grande protection sociale pour les habitants de la rue) et que ce n’est pas une action isolée», a commenté Pedro Montenegro, le défenseur général du peuple (Ombudsman) du Secrétariat national des droits de l’Homme.
L’hypothèse prend toute sa force quand on considère que les cas de São Paulo se différencient des assassinats de mendiants dans les rues d’autres villes brésiliennes, qui ont eux presque toujours un caractère isolé et occasionnel. Le massacre de la ville pauliste a eu un plus grand impact, de par la quantité de victimes que ces attentats clairement planifiés ont fait en peu de jours.
Des faits similaires se sont produits dans les années nonante à Río de Janeiro, où, pendant plusieurs années, des centaines d’enfants et d’adolescents avaient été assassinés par des escadrons de la mort, composés dans de nombreux cas par des agents de police en congé, engagés par les commerçants locaux pour « nettoyer » la zone de délinquants présumés et de personnes commettant des délits mineurs.
Actuellement, les autorités de la plus grande ville du Brésil – avec 10,5 millions d’habitants – craignent que ces pratiques d’homicides ne soient en train de s’installer là où vivent près de 10’400 sans-abri, selon des calculs de la Pastorale catholique du «peuple de la rue» de São Paulo.
Mais l’inquiétude pauliste s’étend à d’autres zones, comme la ville méridionale de Porto Alegre, où il existe la crainte que des groupes de fanatiques se livrent à de nouveaux attentats, comme l’a expliqué Clarina Glock, la journaliste qui coordonne la publication du journal Boca de rua [voir son site : http://bocaderua.com.br/ ] fait par des personnes vivant dans la rue.
Dans cette ville du sud du pays, il n’existe pas les groupes traditionnels de São Paulo qui discriminent et attaquent ceux qui viennent du Nordeste, la région qui est source de la plus grande migration interne du Brésil. La journaliste ajoute que «oui, il y a des groupes de skinheads, et la lenteur avec laquelle les criminels de São Paulo sont identifiés peut stimuler des attaques semblables dans d’autres lieux».
En plus, des cas de São Paulo, d’autres mendiants ont été assassinés la semaine passée dans l’Etat de Pernambuco (nord-est) par des hommes qui leur ont tiré dessus depuis un véhicule en marche.
La police soupçonne que ces homicides ont été commis par une bande de tueurs sévissant dans la ville de Recife, capitale de Pernambuco, et qui fait déjà l’objet d’une enquête pour d’autres attaques contre des personnes sans-abri.
Ainsi, le panorama des plus dépossédé·e·s au Brésil – et en Amérique latine en général – est toujours plus dramatique, parce qu’à la pauvreté et à l’abandon s’ajoutent maintenant les haines «sociales» qui font que beaucoup de gens s’érigent en juges et décident de faire justice eux-mêmes.
En juin 1990, Amnesty International a publié une information sur les violations des Droits de l’Homme perpétrées dans les principales villes brésiliennes qui arrivait à la conclusion que, de plus en plus, la police répondait à la violence sociale croissante en prenant elle-même la justice en main. Ce document donnait l’alerte sur des pratiques telles que l’exécution extrajudiciaire d’enfants et d’adultes par la police et les escadrons de la mort, l’utilisation de la torture par les agents de sécurité et les traitements inhumains subis par les détenus. Quatorze ans plus tard, les violations des Droits de l’Homme en relation avec la violence urbaine continuent à être un problème qu’il est nécessaire d’affronter. (Traduction A l’Encontre)
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[1] Ainsi parmi les principales propositions des JMJRio 2013, on trouve la réponse suivante pour celles et ceux – jeunes dévots – qui veulent faire, avec une efficacité commerciale et en jonction avec les organisateurs des JMJ, des produits dérivés avec le logo JMJ Rio2013: «L’association de son produit aux concepts et aux valeurs liés aux Journées, une ample exposition médiatique avec forte divulgation, une ouverture des canaux de vente, une augmentation des ventes, en plus de notre assistance pour un meilleur développement et utilisation du partenariat.» (Réd. A l’Encontre)
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