Philippe Oudot – Journal du Jura
Nous publions ci-dessous l’article paru dans Le Journal du Jura, écrit par Phlippe Oudot qui suit, avec attention les «développements» dans l’usine. Il est nécessaire toutefois de rappeler quelques faits récents.
En février 2007, un accord salarial a été passé. Son contenu, selon la direction de Swissmetal, est le suivant: «Les négociations salariales 2007 menées entre Swissmetal – UMS Usines Métallurgiques Suisses SA, les commissions d’entreprise et les commissions des employés des deux sites en Suisse se sont achevées ce mardi 13 février. Après un débat constructif, les parties se sont entendues sur une augmentation moyenne de salaire de 2 % rétroactive au 1.1.2007. Cette augmentation se décompose comme suit: 1.5 % d’augmentation générale pour tous les employés et tous les ouvriers en Suisse (sauf les cadres) et 0.5 % d’augmentation individuelle. Cette dernière tiendra compte de la performance individuelle ou sera utilisée pour des corrections de classification professionnelle ou d’égalité de salaire homme-femme.»
Le terme augmentation relève du ridicule. Il s’agit d’un rattrapage partiel, a posteriori, du salaire par rapport à l’augmentation du coût de la vie; donc la mesure est biaisée puisqu’elle ne prend en compte ni les hausses d’assurances maladie, ni celles des RC voitures, ni celles des cotisations au deuxième pilier. En outre, dans une entreprise où les travailleurs et travailleuses sont , en partie, déchirée par un conflit dont l’issue n’a pas été victorieux (la seule possibilité de modifier le rapport de force aurait été une occupation productive), introduire des «augmentations individualisées» aboutit à diviser encore les les salarié·e·s.
La stratégie de Swissmetal ressort aussi bien de la convention collective – hors du cadre de la convention nationale existant en Allemagne, mais avec l’accord de l’IGMetall (la FTMH allemande) et de la commission d’entreprise – envisagée pour fin 2008 à Lüdenscheid. La direction du groupe ne cache pas son objectifs: accroître la productivité, flexibiliser les heures de travail, réduire les coûts unitaires salariaux. Autrement dit dégager le profit maximum dans une situation difficile.
Voici sa déclaration: «Swissmetal Lüdenscheid GmbH a conclu avec IG Metall, l’organisation patronale de l’industrie métallurgique et électrique de la Rhénanie-Westphalie, ainsi qu’avec le comité d’entreprise du site de Lüdenscheid, une convention collective d’entreprise, remplaçant la convention collective rénovée de l’ancienne entreprise Busch-Jaeger Metallwerk GmbH (aujourd’hui Swissmetal Lüdenscheid GmbH), qui a expiré à la fin de l’année 2006. Avec la convention collective d’entreprise, Swissmetal Lüdenscheid GmbH demeure hors de la convention collective sectorielle, valable en principe pour toutes les branches sur l’ensemble du territoire national.
Les éléments majeurs de la convention sont d’une part les réglementations de transition visant à intégrer Swissmetal Lüdenscheid GmbH dans la convention collective sectorielle – et rattraper ainsi successivement, en l’espace de 18 mois, les augmentations tarifaires non effectuées pendant toute la durée de l’ancienne convention collective rénovée p. ex. – et d’autre part, la contribution importante fournie par l’ensemble du personnel afin d’assouplir les horaires de travail. C’est ainsi qu’il existe des accords relatifs à l’assouplissement des horaires de travail pour les sites Swissmetal de Dornach et de Lüdenscheid. Les efforts vont se poursuivre pour que le site de Reconvilier bénéficie également d’un tel accord.
L’assouplissement des horaires de travail est particulièrement important, car cela permet à l’entreprise d’ajuster les capacités de production aux fluctuations conjoncturelles, ces dernières pouvant être très marquées dans l’industrie de produits semi-finis en cuivre. Dans la convention nouvellement conclue, Swissmetal réaffirme son engagement pour le site de Lüdenscheid, ouvrant ainsi la voie à son évolution à long terme.»
Une partie de l’opération de la direction de Swissmetal s’appuie sur l’ évolution du prix du cuivre et d’autres non-ferreux. Il avoir à la mémoire que le prix du cuivre a explosé en 2006, jusqu’à atteindre le prix «délirant» de 8800 dollars la tonne, avant de se dégonfler assez vite, mais pour rester à des niveaux au-dessus de 5000 dollars. Cette hausse a permis de gonfler les résultats de diverses entreprises, y compris de Swismetal. Depuis février 2007, le prix est remonté de quelques pourcents.
Le graphique ci-dessous, montrant l’évolution de l’action Swissmeetall-UMS sur un an (mars 2006 à mars 2007) montre, à lui seul, les manoeuvres financières et industrielles de la direction (CAU.)
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Depuis plusieurs semaines, des rumeurs persistantes circulent à propos de nouveaux licenciements que Swissmetal pourrait annoncer prochainement. Qu’ils soient fondés ou non, ces bruits surviennent alors que la direction se prépare à restructurer le groupe en vue de la prochaine mise en service de sa nouvelle presse, à Dornach. C’est sans doute ce qui explique que la direction ait finalement accepté de négocier un plan social. Interpellé à ce propos, Sam Furrer, responsable de la communication, se refuse à tout commentaire.
En charge du secteur Industrie pour la Suisse alémanique au sein d’Unia, Beda Moor rappelle quant à lui que cette demande vient des commissions de Dornach. Après les restructurations opérées depuis 2003, de nombreux collaborateurs du site soleurois avaient perdu leur emploi. Juste avant le début de la grève à la Boillat en janvier 2006, Swissmetal avait encore annoncé le licenciement d’une trentaine de collaborateurs, une moitié à Reconvilier, et l’autre à Dornach. C’était d’ailleurs une des étincelles qui avaient mis le feu aux poudres.
Dans ce contexte d’incertitude, les commissions du site alémanique avaient alors sollicité Unia pour exiger de Swissmetal un plan social. Objectif: offrir une meilleure protection aux employés qui pourraient être touchés à l’avenir par de nouvelles mesures d’économie. Avec l’appui d’Unia, les commissions de Dornach avaient donc élaboré un projet de plan social présenté en août 2006 à la direction de Swissmetal.
«Ce n’est finalement qu’en novembre que celle-ci a réagi en estimant l’idée raisonnable, à condition que les commissions de Reconvilier soient associées à la démarche», indique Beda Moor. A ses yeux, Swissmetal cherche ainsi à améliorer l’image négative qu’a l’entreprise en matière de gestion du personnel. Les négociations concrètes ont démarré en décembre et se poursuivent, Swissmetal souhaitant évidemment revoir à la baisse les propositions des commissions. Les discussions étant confidentielles, Beda Moor indique simplement que si les parties ont pu se mettre d’accord sur quelques points, de grosses divergences demeurent sur d’autres.
De source bien informée, il semble que la direction mette la pression pour que les négociations aboutissent rapidement. Avant la publication des chiffres 2006 et l’assemblée générale. Ce qui est sûr, relève le syndicaliste, «c’est que nous avons le mandat de négocier un plan social digne de ce nom, et pas un plan au rabais». Il doit non seulement contenir un volet financier – des indemnités en fonction de l’âge et de l’ancienneté -, mais aussi des mesures d’accompagnement dans le domaine de la formation ou du placement. En clair, pas question d’avaler n’importe quoi. /PHO
-–– Un coup boursier pour cacher la débâcle –––
Les rumeurs de licenciements ne surprennent pas X. Y., fin connaisseur du groupe. Il observe que si la conjoncture et la vente de matières ont permis à Swissmetal de faire illusion jusqu’à présent, l’heure de vérité a sonné, les résultats 2006 étant catastrophiques. Alors que la Boillat réalisait 58 à 60 mios de valeur ajoutée brute (VAB) par an, elle aurait à peine dépassé 30 mios en 2006… Calculée par employé, la VAB avoisinerait 120 000 fr. au lieu de 160 000, et cela en ayant renoncé à tout développement de nouveaux produits. Et la situation n’est guère plus brillante du côté de Dornach.
Pour tenter de camoufler la vérité, Martin Hellweg va donc tenter un nouveau coup de bluff: grâce à la mise en service prochaine de la presse de Dornach, il devrait annoncer que Swissmetal fera des économies et peut donc réduire massivement son personnel – on parle de près de 200 postes entre les trois sites, dont une centaine à Dornach, et une quarantaine à Reconvilier. Cette annonce devrait intervenir avant l’assemblée générale. «C’est le genre de nouvelle que les actionnaires adorent ! Mais en réalité, ce n’est que du vent, car sa presse est un mouton à cinq pattes qui ne fonctionnera jamais!», assène-t-il. Un autre observateur estime que ces futurs licenciements seraient une bonne occasion pour le CEO Martin Hellweg de tirer sa révérence: Aujourd’hui en effet, sa stratégie se trouve dans une impasse totale et partir sur ce coup boursier lui permettrait de s’en aller la tête haute. /pho.
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