De grosses interrogations balayées par la direction
Philippe Oudot-Journal du Jura
Suite au licenciement des cadres et de nombreux collaborateurs de la Boillat, au printemps dernier, la sécurité semble plutôt aléatoire dans l’usine de Reconvilier. Qu’il s’agisse de la sécurité du personnel ou de l’environnement.
Il y a un peu plus de quatre semaines, le four Solo explosait à la Boillat, le couvercle de l’installation étant projeté à une dizaine de mètres. Cette installation est un four de recuit utilisé pour ramollir la matière durcie lors des opérations de déformation, afin de pouvoir continuer à la travailler. «Selon toute vraisemblance, explique un ancien employé de la Boillat qui connaît bien ce four, «il y a eu mélange d’oxygène et d’hydrogène alors que ces deux éléments sont normalement confinés dans des chambres séparées. L’explosion peut s’expliquer par une erreur de manipulation – le personnel n’étant plus assez bien formé – ou en raison d’un joint défectueux qui aurait dû être changé.» Par chance, l’incident a eu lieu un samedi matin vers 10 h, alors que personne ne travaillait à proximité de la machine. Mais que se serait-il passé si l’explosion avait eu lieu en semaine?
Comme le relève notre interlocuteur, cet incident n’est apparemment que la pointe de l’iceberg. De par la nature de ses activités, la Boillat est en effet une entreprise à risques. «Jusqu’à la grève, nous avons toujours porté la plus grande attention à la sécurité et à l’entretien des machines. Le problème, c’est que les cadres et nombre de personnes très au fait de ces questions ont été licenciés ou ont donné leur congé, écœurés», explique un ancien cadre. Si bien qu’aujourd’hui, il ne reste plus qu’une poignée de collaborateurs, sans doute compétents, mais qui ne peuvent être à la fois au four et au moulin. D’où de sérieux problèmes. Des problèmes aggravés par les coupes de Swissmetal dans les budgets d’entretien et de maintenance.
C’est d’ailleurs pour cette raison que la commune de Reconvilier s’était adressée au beco Economie bernoise au printemps dernier, afin de demander aux autorités cantonales de s’assurer que les normes étaient bien respectées. Une délégation de spécialistes s’était rendue sur place et n’avait pas constaté de problèmes particuliers.
Risques de dioxine
Dans le secteur de la fonderie, le degré de sécurité a également reculé. Mis à part les deux installations de coulées fils, la Boillat possède deux gros fours, un Wertli et un Technica de 10 tonnes. Le premier est à l’arrêt depuis la grève, alors que le second est utilisé au gré des arrivages de matières à fondre. Soit des métaux purs, des retours de matière, ainsi que des tournures (copeaux d’usinage que les clients récupèrent et retournent à la Boillat pour y être refondus). Mais avant cette opération, ces copeaux passent dans une installation spéciale appelée Dunford pour y être débarrassés des résidus d’huiles et d’émulsions utilisées lors de l’usinage. En fait, ces résidus sont brûlés dans un premier four, les fumées sont récupérées et brûlées dans un second avant de subir un ultime traitement pour éviter tout risque de pollution à la dioxine. Le passage dans l’installation Dunford écarte aussi les risques d’incendie, les résidus d’huiles étant très inflammables.
Mais ces derniers temps, le Dunford ne fonctionne pratiquement plus, du fait que Swissmetal ne reçoit presque plus de tournures. Un signe clair qui illustre la perte de clients… Et quand il y a des tournures, il arrive que, pressés par le temps et le besoin urgent de matière, les responsables de la fonderie «sautent» l’étape du Dunford. C’est ce qui s’est passé il y a quelques semaines. Résultat: des flammes ont jailli du four, se sont engouffrées dans la hotte d’aspiration et ont risqué de bouter le feu aux filtres. Avec, à la clé, le dégagement quasi certain de dioxine dans l’atmosphère.
Usure prématurée
Mais ce n’est pas tout: l’installation Technica est un four dit «à induction» qui ne peut être entièrement vidé, sauf pour les travaux de révision. Cela signifie qu’il doit toujours contenir du métal en fusion. Si le métal devait se figer, le four Technica, utilisé pour produire de nombreuses spécialités Boillat,serait hors d’usage. Parmi les alliages qui y sont produits, on trouve notamment les maillechorts. Ces alliages contiennent passablement de nickel, un métal très corrosif qui attaque les parois réfractaires du four. Voilà pourquoi après avoir fait du maillechort, le four doit être «rincé» en y fondant des alliages exempts de nickel, explique un ancien cadre. Mais aujourd’hui, avec le manque récurrent de matière à fondre, il arrive qu’on laisse du maillechort au fond du four. Résultat: les parois réfractaires se dégradent à grande vitesse. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que les deux fours (de fusion et de coulée) de la Technica sont à l’arrêt depuis plus de deux semaines.
Normalement, explique un ancien Boillat, la réfection des parois du four se fait environ tous les trois ans. La dernière a été effectuée durant la pause estivale de 2005, si bien que le four aurait dû tenir jusqu’à l’été 2008. La réfection actuelle démontre bien que l’usure est anormale, poursuit notre interlocuteur. Et d’expliquer que sans cette opération, le risque d’une rupture de conduite du circuit d’eau serait non négligeable. Or, le contact d’eau avec du métal en fusion entraînerait une réaction chimique immédiate, l’eau se séparant en oxygène et en hydrogène, ce qui provoquerait l’explosion du four. Avec toutes les conséquences qu’on peut imaginer.
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