Hommage. «Notre ami, notre camarade Michel Husson»

Par Henri Wilno

C’est avec consternation que nous avons appris le décès de Michel Husson, sans doute un des plus brillants des économistes marxistes français actuels qui n’a jamais séparé son travail de recherche d’une volonté inébranlable de changer le monde. Il avait choisi son côté de la barricade au voisinage de sa vingtième année (il était né en 1949) et, depuis, s’y tenait. Il était par ailleurs animé d’un humour caustique qui n’épargnait pas sa propre personne.

Il fut un des piliers de la cellule «Ministère des Finances» de la LCR et, surtout, un élément central de de son groupe de travail économique. Il était toujours disponible pour l’animation de formations économiques… mais aussi pour les initiatives et manifestations. Il quitta la LCR en 2007 et n’appartint jamais au NPA mais acceptait sans problème de fournir des interviews et articles à notre presse et à celle de la IV° internationale. Il choisit de s’investir dans le mouvement altermondialiste et dans ATTAC et son conseil scientifique.

Economiste et statisticien, Michel possédait à la fois une grande connaissance de l’histoire économique et la capacité de manier avec aisance séries statistiques et outils économétriques. Malgré sa compétence reconnue, il resta presque toujours une sorte de marginal étranger au «cercle de la raison» économique (pour reprendre l’expression du courtisan multicartes Alain Minc). En effet, Michel ne cachait pas ses convictions, travaillait sur des sujets comme la réduction du temps de travail, et démontait de façon argumentée les faux-semblants théoriques et empiriques des productions des économistes néolibéraux.

Pour Michel, les économistes marxistes ne pouvaient se contenter de reprendre de façon actualisée le livre I du Capital mais devaient se coltiner la réalité du capitalisme actuel en utilisant les données statistiques disponibles et en n’ignorant pas les travaux d’économistes non marxistes. Mais il a toujours fait de la lutte des classes une réalité non pas « à côté » des mécanismes économiques mais au cœur de ceux-ci.

Il était l’auteur de nombreux ouvrages, avait contribué à des nombreux autres et produit un nombre considérable d’articles que l’on trouvera sur son site http://hussonet.free.fr/. Depuis des années, il mettait en lumière la baisse des gains de productivité des principales économies capitalistes et leur conséquence : un système économique et social de plus en plus régressif.

Michel nous manquera en tant que personne et aussi en tant que penseur dont nous attendions les publications pour clarifier notre point de vue. Face à sa fin soudaine, le NPA adresse sa plus profonde solidarité à sa famille et tous ses proches. (19 juillet 2021)

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Michel Husson. «La place qu’il tenait amicalement dans un combat collectif» 

Par Jean-Marie Harribey

Michel Husson nous a quittés. La nouvelle nous laisse sans voix. Faut-il rendre d’abord hommage à l’économiste hors pair qu’il était ou bien à l’homme pétri de gentillesse et d’humour ravageur, doté d’un sens pédagogue peu commun pour décortiquer les études les plus techniques?

Michel Husson fait partie d’une génération d’économistes-statisticiens, formés à la rigueur scientifique tout en possédant une culture d’économie politique critique fondée à la meilleure source: Marx. Il compte parmi les quelques rares analystes ayant consacré leur travail à analyser l’évolution du capitalisme contemporain mondialisé et financiarisé en utilisant les concepts de suraccumulation du capital et de taux de profit dont l’évolution rythme les transformations du capitalisme. Des transformations dont les conséquences sur le travail, la répartition des revenus, la protection sociale ont été au centre de ses préoccupations pendant toute la période néolibérale. Michel Husson fut entre autres l’un les plus ardents défenseurs de la réduction du temps de travail et ses travaux récents montraient encore l’enjeu qu’elle représentait même au temps de la crise sanitaire. Et le moindre de ses mérites n’est pas de s’être dégagé d’une culture productiviste, trop longtemps véhiculée par les mouvements progressistes, pour prendre en compte la crise écologique et associer sa résolution à celle de la crise sociale.

On n’aura une idée de l’ampleur du travail accompli par Michel Husson en regardant son site «hussonet», qui est une mine documentaire sans pareille, constitué autant de textes courts et pédagogiques que d’analyses approfondies grâce à une maîtrise des outils économétriques lui permettant de montrer l’inanité de beaucoup de travaux académiques se réclamant de l’orthodoxie, comme la baisse des salaires qui devrait soi-disant augmenter l’emploi, ou bien, lui le mathématicien-statisticien, de mettre en évidence la prétention scientifique des modèles néoclassiques.

Mais cette maîtrise qu’il déployait professionnellement, notamment à l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES) dans la dernière partie de sa carrière, il la mettait à disposition en participant le plus activement possible aux associations engagées dans la bataille sociale: Attac, la Fondation Copernic, les Economistes atterrés, sans parler de ses engagements syndicaux et politiques. On ne compte plus ses contributions à des œuvres collectives sur la crise du capitalisme, les retraites ou la dette publique, notamment sa participation à l’Audit de la dette publique grecque en 2015 à Athènes.

On aura aussi un aperçu de l’intelligence de son humour si on lit la citation grotesque d’un économiste bien-pensant le concernant, qu’il avait mise en exergue de son site: Michel Husson, «idéologue inconnu du monde académique se livrant à une critique incompétente».

C’est que Michel Husson restera aussi pour sa contribution à la démystification de la prétendue épistémologie de l’économie néoclassique, car, pour lui, ce qui importait sans doute le plus, c’était de replacer l’économie dans le cadre des rapports sociaux d’exploitation et d’aliénation. Du point de vue de Michel Husson, l’analyse en termes de classes n’a pas pris une ride. Que son message puisse être poursuivi dans les batailles sociales qui restent devant nous. Sa disparition nous bouleverse. Pas seulement pour son talent qui s’en va, mais pour la place qu’il tenait amicalement dans un combat collectif. (19 juillet 2021)

 

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