La grande famine qui sévit en Ukraine en 1932-1933 a provoqué et provoque encore bien des débats. Par-delà les interrogations qui visent le processus même de ce drame, la question est de savoir quand la famine débute et pourquoi? Quelles sont les responsabilités de Staline dans son déclenchement et sa prolongation? Le Holodomor, pour reprendre le néologisme forgé en Ukraine, divise historiens russes et ukrainiens. Les archives récemment ouvertes éclairent pourtant à nouveaux frais ce crime de masse dont Nicolas Werth retrace tant la genèse que le déroulement.
Nous publions ci-dessous la première partie de cette importante et ample contribution; la seconde paraîtra sur notre site le 18 juillet 2014. Dans une mise en perspective de l’actualité de la «question ukrainienne», l’histoire au présent ne peut faire l’économie du Holodomor. Cet article de Nicolas Werth a été originalement publié dans la revue d’histoire Vingtième Siècle, N° 121, janvier-mars 2014.
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Notre connaissance de la grande famine qui a frappé, en 1932-1933, l’Ukraine et le Kouban, cette riche région agricole du Caucase du Nord majoritairement peuplée d’Ukrainiens bien qu’administrativement rattachée à la république de Russie, a considérablement progressé depuis une vingtaine d’années. Aujourd’hui, cette catastrophe majeure de l’histoire européenne du 20e siècle commence enfin à être reconnue à sa juste mesure comme le premier acte d’un terrible cycle de violence perpétré, entre le début des années 1930 et la fin de la Seconde Guerre mondiale, par les deux grands régimes totalitaires qu’ont été le nazisme et le stalinisme, contre les populations civiles d’une immense région au cœur de l’Europe que l’historien Timothy Snyder a justement défini comme les Bloodlands [1].
La grande famine ukrainienne de 1932-1933, soulignons-le d’emblée, ne fut pas une famine comme les autres, dans la lignée des nombreuses famines qui, à intervalles réguliers, frappaient des régions de l’Empire russe. Elle ne fut précédée d’aucun cataclysme météorologique (sécheresse ou inondations) qui crée les conditions d’une telle catastrophe.
Comme l’a justement écrit le pionnier des études sur ce drame, l’historien James Mace, la famine ukrainienne fut une «man-made famine» [2], la conséquence directe d’une politique d’extrême violence (la collectivisation forcée des campagnes) mise en œuvre à partir du début de l’année 1930 par le régime stalinien. Ce dernier entendait prélever sur la paysannerie un lourd tribut afin de réaliser «l’accumulation socialiste primitive» indispensable à l’industrialisation accélérée du pays, et imposer un contrôle politique sur les campagnes, restées jusqu’alors largement en dehors du «système de valeurs» du régime. Conséquence directe, mais évidemment inattendue et encore moins «programmée» d’une politique, la famine fut, en Ukraine et au Kouban, aggravée à partir de l’automne 1932 par la volonté inébranlable de Staline de briser, par l’arme de la faim, les résistances paysannes à la collectivisation et aux prélèvements démesurés sur les récoltes, particulièrement fortes dans ces régions. Le dictateur considérait en outre que la paysannerie constituait la colonne vertébrale du nationalisme ukrainien jugé, dans ce moment de crise économique et politique, comme le principal obstacle à l’édification du système stalinien et à la consolidation de l’Union soviétique comme «nouvel Empire de nations».
Jusqu’à la perestroïka gorbatchévienne, cette famine, qui fit environ trois millions et demi de victimes en Ukraine et au Kouban [3], fut totalement passée sous silence par le régime soviétique, y compris lors du «dégel» khrouchtchévien, au cours duquel un certain nombre de crimes de Staline avaient été dénoncés, notamment dans le fameux «Discours secret» prononcé à huis clos, le 24 février 1956, par Nikita Khrouchtchev, à la fin des travaux du 20e Congrès du Parti communiste d’Union soviétique.
Malgré les nombreux témoignages rassemblés par la communauté ukrainienne émigrée au Canada et aux Etats-Unis [4], il fallut attendre le milieu des années 1980 pour voir paraître, sous la plume de l’historien britannique Robert Conquest, le premier ouvrage majeur consacré à cette famine et fondé, pour l’essentiel, sur ces sources de l’émigration [5]. Avec la disparition de l’URSS et l’ouverture des fonds soviétiques, l’accès à un certain nombre d’archives longtemps fermées, comme les résolutions secrètes du Politburo et du Comité central du Parti communiste d’Ukraine, la correspondance entre Staline et ses plus proches collaborateurs, Viatcheslav Molotov et Lazare Kaganovitch, les rapports de la police politique sur la situation dans les campagnes, ou encore les lettres des paysans affamés interceptées par la censure postale pour éviter que la nouvelle de la famine ne se répandît à travers le pays, a permis aux historiens de mieux comprendre les causes de la famine. Les historiens ont alors pu analyser les mécanismes politiques et économiques à l’œuvre, évaluer les responsabilités des plus hauts dirigeants soviétiques dans la genèse puis dans l’aggravation, intentionnelle à partir de l’automne 1932, de la famine en Ukraine et au Kouban, rendre compte enfin des souffrances indicibles endurées par les populations affamées privées de tout secours, soumises à un véritable blocus, à un «châtiment par la faim» pour avoir résisté à l’imposition du système kolkhozien vécu par un grand nombre de paysans comme un «second servage».
Après plus d’un demi-siècle de silence absolu sur cette tragédie, la grande famine ukrainienne de 1932-1933 est donc devenue non seulement un véritable sujet d’histoire, mais aussi un enjeu majeur de mémoire. Il était temps que la lumière fût faite sur le plus grand crime de masse du stalinisme, un crime qui, par son envergure, n’est comparable qu’aux crimes nazis perpétrés quelques années plus tard.
Vu l’ampleur du sujet, nous avons choisi, dans le cadre limité de cet article, de nous concentrer sur quelques aspects de la question: reconstituer à grands traits les étapes de la catastrophe à travers les processus de décision politique qui ont conduit à la famine et à son aggravation, en nous concentrant plus particulièrement sur la période cruciale qui va de l’été 1932 au début de l’année 1933. Une fois la famine à son apogée (début 1933-juillet 1933), analyser quelques thèmes éclairés par les sources aujourd’hui disponibles: que nous disent-elles sur la réalité de la famine et la vision qu’en eurent les responsables politiques et policiers au niveau régional et local? Quid des aides débloquées, in extremis et au compte-gouttes, pour les affamés? Comment les autorités locales ont-elles organisé dans les campagnes décimées les travaux des champs pour assurer la nouvelle récolte? Comment s’est manifestée l’extraordinaire régression-brutalisation sociale qui accompagna la famine? Dans la conclusion, nous reviendrons sur les débats et les controverses qui divisent les historiens sur le sujet.
Prologue d’une famine meurtrière
En 1931, les organismes soviétiques de collecte d’État parvinrent, au plan national, à tirer d’une récolte très médiocre (soixante-neuf millions de tonnes de céréales, 20 % inférieurs à la récolte exceptionnelle de 1930) un chiffre record de vingt-trois millions de tonnes, dont cinq millions furent exportés [6]. En raison des mauvais résultats en Sibérie occidentale et au Kazakhstan, l’Ukraine, le Kouban et les régions de la Volga, les trois principaux greniers à blé du pays, furent alors particulièrement sollicités. En 1931, l’Ukraine fut ainsi ponctionnée à hauteur de 43% de sa récolte globale [7], un prélèvement exceptionnel qui acheva de désorganiser le cycle productif déjà sévèrement perturbé par la collectivisation forcée et la dékoulakisation. De nombreux kolkhozes durent céder, pour remplir le plan de 1931, une partie des semences indispensables pour la future moisson, compromettant ainsi gravement l’avenir [8]. Dès février-mars 1932, les rapports du Département secret-politique de l’OGPU envoyés aux principaux dirigeants soviétiques évoquaient des foyers isolés de difficultés alimentaires, fait que confirmait le premier secrétaire du Parti communiste ukrainien, Stanislas Kossior, dans une lettre adressée le 26 avril 1932 à Staline. Selon lui, ces «cas isolés» s’expliquaient par «les excès et les déviations des fonctionnaires locaux qui en avaient fait un peu trop lors de la dernière campagne de collecte […]. Il faut cependant rejeter catégoriquement, ajoutait-il, tout propos concernant une prétendue “famine” en Ukraine» [9]. Au cours des semaines suivantes, qui correspondaient à la traditionnelle soudure entre deux récoltes, la situation alimentaire s’aggrava, à tel point que Grigory Petrovskii, le président du comité exécutif des soviets d’Ukraine, et Vlas Tchoubar, le chef du gouvernement ukrainien, se résolurent, le 10 juin 1932, à adresser, chacun de leur côté, une longue lettre à Staline et à Molotov, dans laquelle ils décrivaient la situation désormais critique des campagnes ukrainiennes. «Au moins cent districts (contre soixante et un début mai) ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence, écrivait Petrovskii. J’ai visité de nombreux villages et j’y ai vu partout des affamés […]. Les femmes pleurent, les hommes aussi parfois.» La critique va très loin: «Pourquoi avez-vous créé artificiellement la famine, on avait une récolte, pourquoi avez-vous tout confisqué? Même sous l’Ancien Régime, personne n’aurait agi ainsi!» [10] Tchoubar comme Petrovskii imputent la situation aux «vertiges du succès» des fonctionnaires locaux, omettant de rappeler que ces derniers obéissaient à un ordre précis: remplir le plan à tout prix. Ils pointent le danger: si le moujik est trop faible pour travailler, la récolte de 1932 sera catastrophique. Tchoubar demande une aide d’urgence, au demeurant fort modeste, d’un million de pouds (seize mille tonnes) de céréales. Petrovskii s’enhardit à demander un peu plus: un million et demi à deux millions de pouds (vingt-quatre mille à trente-deux mille tonnes) [11].
Ces demandes restent sans réponse. Devant une assemblée de responsables du Parti, Molotov, le chef du gouvernement soviétique, déclare le 12 juin: «Même si nous sommes confrontés aujourd’hui au spectre de la famine, surtout dans les zones productrices de céréales, les plans de collecte doivent à tout prix être remplis [12].» Une semaine plus tard, le 18 juin 1932, Staline livre à Kaganovitch son sentiment: selon lui, la situation en Ukraine résulte d’une «approche mécaniste du dernier plan de collecte […]. La situation réelle de chaque kolkhoze n’a pas été prise en compte [13]». Il est hors de question cependant, explique-t-il, de diminuer le plan pour 1932. Or, celui-ci a été fixé très haut, à 29,5 millions de tonnes (soit 25 % de plus que l’année précédente) pour une récolte «programmée» de 90 millions de tonnes, qui ne sera, en réalité, que de 67 millions [14]. Le 21 juin, Staline et Molotov envoient à la direction du Parti communiste ukrainien un télégramme très ferme rappelant «qu’aucune diminution du plan de livraison dû par les kolkhozes et les sovkhozes ne sera tolérée et aucun délai supplémentaire accordé [15]».
Moscou prend conscience du «problème ukrainien»
À la 3e Conférence du Parti ukrainien, qui se réunit à Kharkov du 6 au 10 juillet, l’immense majorité des orateurs (secrétaires des comités de district ou de région) jugent «irréalisable» le plan de collecte imposé par Moscou. Néanmoins, Molotov et Kaganovitch, dépêchés pour l’occasion à Kharkov, interviennent dans les débats de façon particulièrement brutale, n’hésitant pas à affirmer que «toute tentative de faire baisser le plan est un acte fondamentalement anti-Parti et anti-bolchevique». Sous leur pression, les délégués de la conférence finissent par entériner le plan réclamé par Moscou pour 1932: l’Ukraine devra livrer 5,84 millions de tonnes de céréales [16].
L’opposition manifestée par les responsables ukrainiens ne passe évidemment pas inaperçue de Staline, comme le révèle la correspondance, récemment publiée, qu’il échange avec Kaganovitch. Au cours du mois de juillet 1932, premier mois de la nouvelle campagne de collecte, le blé ne «rentre pas»: fin juillet, à peine 48 000 tonnes ont été livrées, soit sept fois moins qu’en juillet 1931 [17]!
Les rapports de la police politique évoquent une vague de départs sans précédent des paysans des kolkhozes, mais aussi une montée inquiétante des troubles dans les campagnes ukrainiennes: alors que les rumeurs se multiplient sur la prochaine dissolution des kolkhozes, les paysans, par dizaines de milliers, reprennent leurs vaches et leurs chevaux, pillent les silos où sont stockés les blés, se partagent les outils et les machines, moissonnent des lopins qu’ils se sont distribués à titre individuel. L’Ukraine est clairement l’épicentre des troubles paysans: sur les 1 630 émeutes et manifestations de masse recensées, fin juillet, par l’OGPU dans l’ensemble du pays depuis le début de l’année 1932, 1 096 se déroulent en Ukraine et au Kouban, principalement à partir du mois de mai [18]. Cette agitation, tout comme l’opposition d’un grand nombre de responsables communistes ukrainiens de la «base» au plan de collectes, inquiète considérablement Staline. Le 11 août, celui-ci envoie une longue lettre à Kaganovitch, capitale pour comprendre l’histoire de la famine ukrainienne. Il écrit notamment:
«Le plus important maintenant, c’est l’Ukraine. Les affaires de l’Ukraine vont lamentablement mal. Ça va mal du côté du Parti. On dit que dans deux régions d’Ukraine (celle de Kiev et celle de Dniepropetrovsk) environ cinquante comités de district se sont exprimés contre le plan de collecte après l’avoir déclaré non réaliste. Dans les autres comités de district on affirme que les choses ne vont pas mieux. À quoi cela ressemble-t-il? Ce n’est plus un Parti, c’est un Parlement, une caricature de Parlement. Au lieu de diriger, [Stanislas] Kossior n’a cessé de louvoyer entre les directives du Comité central du Parti et les demandes des comités de district: le voilà enfoncé jusqu’à la garde […] Ça va mal du côté des soviets. Tchoubar n’est pas un dirigeant. Ça va mal du côté du GPU. [Stanislas] Redens n’est pas de taille à diriger la lutte contre la contre-révolution dans une république aussi grande et aussi spécifique que l’Ukraine. Si nous n’entreprenons pas immédiatement le redressement de la situation en Ukraine, nous pouvons perdre l’Ukraine. Ayez à l’esprit que [Józef] Pilsudski ne sommeille pas, son antenne d’espionnage en Ukraine est beaucoup plus forte que ne le pensent Redens et Kossior. Ayez également à l’esprit que dans le Parti communiste ukrainien (cinq cents mille membres, ha, ha!) on ne trouve pas peu (non, pas peu!) d’éléments pourris, de petliouriens conscients et inconscients, et enfin des agents directs de Pilsudski. Sitôt que les choses empireront, ces éléments ne traîneront pas pour ouvrir un front à l’intérieur (et hors) du Parti, contre le Parti. Le plus grave, c’est que les dirigeants ukrainiens ne voient pas ces dangers [19].»
Dans cette même lettre, Staline propose à Kaganovitch de prendre la direction du Parti ukrainien, de remplacer à la tête du GPU d’Ukraine Stanislas Redens par Vsevolod Balitskii, de limoger Tchoubar. Et de conclure:
«Il faut transformer l’Ukraine, dans les plus brefs délais, en véritable forteresse de l’URSS, en république véritablement exemplaire. Ne pas lésiner sur les moyens. Sans ces mesures (renforcement économique et politique de l’Ukraine, et en premier lieu, de ses districts frontaliers, etc.) nous risquons de perdre l’Ukraine [20].»
Pour Staline, l’Ukraine est vulnérable, non en raison de la famine qui menace de mort des millions d’Ukrainiens, mais politiquement: elle apparaît comme le maillon faible du système. Staline n’a pas oublié que, deux ans auparavant, le régime soviétique avait perdu le contrôle, plusieurs semaines durant, de dizaines de districts frontaliers, limitrophes de la Pologne, gagnés par la plus grande vague d’insurrections paysannes consécutive à la collectivisation forcée des campagnes ; que l’Ukraine, à elle seule, avait été le théâtre de près de la moitié des quelque six mille cinq cents émeutes et désordres paysans recensés par l’OGPU au cours du seul mois de mars 1930. Malgré la signature, en juillet 1932, d’un pacte de non-agression avec Varsovie, la hantise d’une instrumentalisation par les services secrets polonais de l’agitation ukrainienne, reste omniprésente. En réalité, Staline s’inquiète de la «question ukrainienne» bien avant 1930. Elle est présente dès sa nomination à la tête du Commissariat du peuple aux nationalités dans le premier gouvernement bolchevique, à la fin de l’année 1917: la question de l’indépendance de l’Ukraine, proclamée par la Rada centrale, est alors primordiale ; elle l’est encore dix-huit mois plus tard, au printemps 1919, lorsque éclate la grande insurrection paysanne qui brouille les plans de reconquête bolchevique de l’Ukraine. Il est important, pour comprendre la position de Staline vis-à-vis du «problème ukrainien» en 1932-1933 de l’inscrire dans la réflexion qu’il opère entre question paysanne et question nationale. À ses yeux, «la question paysanne est par essence une question nationale, la paysannerie constituant la force principale du mouvement national. Il ne peut y avoir de mouvement national puissant sans le soutien de la paysannerie [21]». Briser la résistance de la paysannerie ukrainienne par l’arme de la faim permettait de briser dans le même temps le seul mouvement national capable de s’opposer au processus centralisé de construction de l’URSS tout en sécurisant une frontière particulièrement instable qui coupait des communautés ukrainiennes artificiellement séparées depuis le traité de Riga de 1920.
Sur le «front des collectes», les mois de septembre et d’octobre 1932 sont catastrophiques. En septembre, les objectifs mensuels ne sont remplis, en Ukraine, qu’à 32% ; au Caucase du Nord, qu’à 28 %. En octobre, le rythme des livraisons chute encore: le 25 octobre, le niveau des collectes atteint, pour l’Ukraine, à peine 22 % des livraisons obligatoires fixées pour le mois ; au Caucase du Nord, il n’atteint pas 18% [22]. Les rapports confidentiels du Département secret-politique de l’OGPU éclairent les multiples stratagèmes mis en place par les paysans, souvent avec la complicité de l’administration des kolkhozes, pour tenter de soustraire une part de la récolte aux collectes d’État: blés enfouis, à peine récoltés, dans des «fosses», cachés dans des «greniers noirs» (entrepôts clandestins disséminés à la périphérie des villages), moulus dans des «moulins à bras» de fabrication artisanale, détournés lors du transport vers les silos ou au moment de la pesée ; enfants, femmes et personnes âgées, que les paysans pensaient peut-être moins exposés aux rigueurs de la loi, envoyés couper, souvent de nuit, quelques épis (on les appelait, dans les campagnes, non sans dérision, les «coiffeurs»). Ce sont toutes ces résistances, ces «sabotages koulak» que le Politburo entend briser en décidant le 22 octobre d’envoyer en Ukraine et au Caucase du Nord deux «commissions plénipotentiaires», l’une dirigée par Viatcheslav Molotov, l’autre par Lazare Kaganovitch.
L’arme de la faim pour «briser le sabotage»
Au cours de trois mois décisifs (fin octobre 1932-début février 1933), ces commissions, dont font partie les plus hauts responsables de l’OGPU (et notamment Genrikh Iagoda, le chef de la police politique soviétique), jouent un rôle décisif dans l’aggravation de la famine. Des sources exceptionnelles, aujourd’hui déclassifiées (télégrammes envoyés par les deux «plénipotentiaires» à Staline, dépêches échangées avec les responsables du Parti communiste ukrainien, discours tenus par Molotov et Kaganovitch devant des assemblées locales de responsables du Parti, mais aussi devant des kolkhoziens, journal de voyage tenu par Lazar Kaganovitch [23]) permettent de saisir sur le vif à la fois l’argumentaire politique et idéologique avancé par les envoyés de Staline, l’escalade des mesures répressives, l’utilisation, de plus en plus résolue, de l’arme de la faim pour briser la résistance de la paysannerie ukrainienne.
Dès son arrivée à Rostov, le 1er novembre, Kaganovitch annonce devant les responsables régionaux du Parti «qu’il est inutile de chercher à me faire des comptes précis sur les réserves de grain. Cette démarche ouvre la voie à toutes les tromperies et signifie tout simplement un refus du plan de collecte. Le problème ne peut être réglé qu’en écrasant les éléments contre-révolutionnaires koulak [24]». De Krasnodar, Kaganovitch écrit le 5 novembre à Staline:
«Les contre-révolutionnaires sont bien retranchés. Le travail exécrable des organisations locales du Parti, le libéralisme, l’opportunisme et le laisser-aller laissent la voie ouverte à la montée de la contre-révolution […]. Notre tâche principale aujourd’hui est de briser le sabotage, un sabotage organisé et dirigé par un centre unique [25].»
Les missions de Kaganovitch et de Molotov (qui tient des propos analogues sitôt arrivé à Kharkov puis au cours de sa tournée dans les régions d’Odessa et de Dniepropetrovsk) s’apparentent à de véritables campagnes militaires contre des insurgés. Des centaines de détachements d’«activistes» et de «plénipotentiaires» au mandat incertain (plus de soixante mille ont été mobilisés depuis septembre, pour l’essentiel des membres du Parti et des komsomols, pour moitié venus des grandes villes de Russie, mais aussi d’Ukraine, pour moitié des «locaux», anciens paysans pauvres promus à des postes administratifs ou d’encadrement), épaulés par dix mille agents de l’OGPU, sont envoyés dans les campagnes «prendre les céréales».
Parmi les premières mesures prises par Molotov et Kaganovitch, mais entérinées comme «résolutions du Politburo du Parti communiste ukrainien», figure l’obligation pour l’administration des kolkhozes n’ayant pas rempli le plan de collecte de faire rendre par leurs administrés les «avances en nature» (naturfondy) reçues au cours des semaines précédentes. Cette mesure est évidemment difficile, voire impossible à appliquer, sinon par des expéditions punitives et des fouilles systématiques de toutes les exploitations. Elle encourage la montée de la violence, une part des produits confisqués étant redistribuée à ceux qui ont participé aux perquisitions. Autre mesure répressive prise par Molotov et Kaganovitch: l’arrêt de tout approvisionnement en produits manufacturés des districts n’ayant pas respecté le plan. Les bourgs, les villages et les kolkhozes qui ne remplissent pas le plan de collectes «de manière préméditée» (zlostno) sont «mis au tableau noir». Cette inscription entraîne le retrait de tous les produits, manufacturés et alimentaires, des magasins, l’arrêt total du commerce, le remboursement immédiat de tous les crédits, individuels ou collectifs, en cours, et surtout l’imposition d’une amende exceptionnelle équivalente à quinze fois l’impôt en viande et en pommes de terre dû normalement. Cette mesure signifie concrètement la confiscation de la vache du kolkhozien (s’il lui en restait une) et la saisie de ses dernières réserves de nourriture. Tous les témoignages des survivants soulignent l’extraordinaire violence de ces confiscations menées, le plus souvent, par des «activistes» locaux qui ont compris que leur engagement du côté des autorités leur offrait l’assurance de ne pas mourir de faim. Tout ce qui est «consommable» est confisqué: poules, lapins, mais aussi les dernières réserves de farine, de haricots, de sarrasin, voire de chou mariné [26]. L’enjeu de cette mesure punitive n’est évidemment pas prioritairement économique, il est politique. Il s’agit de briser les solidarités villageoises, de montrer au paysan qu’il n’a aucune échappatoire. Il aura beau «saboter» le travail sur les champs collectifs, chaparder des épis, tenter de se replier sur son lopin individuel, cultiver son jardin – il ne sera en sécurité nulle part: on viendra lui confisquer jusqu’à son plat de sarrasin s’il ne remplit pas ses «obligations devant l’État».
En novembre 1932, le nombre des villages et kolkhozes au «tableau noir» reste encore relativement faible: quelques centaines, alors que seuls mille quatre cents kolkhozes sur les vingt-trois mille que compte l’Ukraine ont rempli le plan. Mais il s’accroît considérablement au cours des deux mois suivants: plus de onze mille kolkhozes et villages figurent «au tableau noir» fin janvier 1933.
Parallèlement se déchaîne une autre forme de répression: au cours du seul mois de novembre 1932, près de cinquante mille condamnations (dont sept cents à la peine de mort, la plupart des autres à de lourdes peines de camp) sont prononcées par des juridictions d’exception itinérantes contre les «saboteurs du plan de collecte» et les «voleurs de la propriété sociale» ; soixante-douze mille pour ces deux chefs d’accusation en décembre [27]. Au cours des perquisitions et arrestations menées par les «détachements de collecte», des milliers de «fosses à grains» sont découvertes. Toutefois, à y regarder de plus près et de l’aveu même de Vsevolod Balitskii, le nouveau chef du GPU d’Ukraine, les «tableaux de chasse» sont dérisoires: à peine vingt-cinq mille tonnes de céréales, soit 0,5 % du plan de collecte, ont été découverts au terme de trois mois de perquisitions [28]! Il apparaît clairement que les campagnes ukrainiennes ont été vidées de leurs dernières ressources. Au même moment, cependant, une campagne de presse développe le thème d’une «immense ville souterraine regorgeant de céréales cachées» (podzemnyi pchenicnyi gorod) que les activistes doivent à tout prix trouver ; sa découverte assurera la prospérité de l’Ukraine, débarrassée enfin de ses «koulaks saboteurs et accapareurs» [29].
Autre étape de l’escalade répressive: la déportation collective de tous les habitants des villages «rebelles», «entrés en guerre contre le pouvoir soviétique», comme le déclare, le 6 novembre 1932, Kaganovitch devant les villageois de la stanitsa Medvedovskaia [30]. Quelques semaines plus tard, parce qu’ils n’ont pas rempli le «plan de collecte» irréaliste qui leur était imposé, tous les habitants de trois grandes stanitsy du Kouban (Medvedovskaia, Oumanskaia, Poltavskaia), soit plus de quarante-cinq mille personnes, sont collectivement déportés vers la Sibérie, l’Oural et le Kazakhstan.
Ces mesures coercitives visent aussi à briser les dernières résistances opposées par un certain nombre de responsables communistes ukrainiens et de les contraindre à remplir, coûte que coûte, le plan de collecte. L’OGPU organise des «procès publics exemplaires» de responsables locaux du Parti accusés d’avoir distribué trop généreusement des «avances» aux kolkhoziens aux dépens de la réalisation du plan de collecte [31]. En trois mois, près de 30 % des présidents de kolkhoze sont démis de leurs fonctions ; la moitié des «limogés» sont de surcroît arrêtés.
Tout en déléguant à Kaganovitch et à Molotov le suivi des opérations sur le terrain, Staline suit de près la situation. Le 27 novembre 1932, au plénum du Comité central, il dénonce dans un discours particulièrement dur non seulement le «sabotage» des «koulaks et des ennemis du système kolkhozien», mais aussi la «naïveté» des communistes qui pensent que les kolkhoziens, parce qu’ils sont entrés dans les fermes collectives, seraient devenus ipso facto des «éléments fiables» [32]. On peut être kolkhozien, explique Staline, et en même temps mener des actions de sabotage à l’intérieur même du kolkhoze. Il faut répondre à la «guerre de sape» menée par les kolkhoziens par un «coup écrasant» («sokruchitel’nyi udar»).
C’est peu après ce Plenum que sont prises, à partir de la mi-décembre 1932, les mesures fatales qui condamnent des millions de paysans ukrainiens à la famine. Elles vont de pair avec une condamnation sans précédent du «nationalisme ukrainien» qui marque un tournant capital dans la politique des nationalités et notamment dans la politique «d’indigénisation des cadres». Le 14 décembre 1932, sur proposition de Staline, le Politburo condamne la politique d’ukrainisation menée depuis 1923 dans le but de promouvoir la langue, la culture et surtout la formation de cadres communistes ukrainiens, au prétexte qu’elle a favorisé l’émergence d’un «nationalisme ukrainien». L’enseignement de la langue ukrainienne dans l’ensemble des régions ukrainophones hors de la RSS d’Ukraine, tel que le Kouban, en particulier, est immédiatement stoppé [33].
Le 19 décembre, le Politburo exige une «rupture radicale dans le rythme des collectes» ; Lazar Kaganovitch, secondé par une dizaine de hauts responsables du Parti et de l’OGPU, repart comme «plénipotentiaire» en Ukraine, avec pour mission «d’occuper les régions statégiques et de prendre toutes les mesures pour achever le plan de collecte avant le 15 janvier 1933» [34]. Quelques jours plus tard, il propose, dans une lettre envoyée d’Odessa à Staline, d’annuler une résolution du Parti communiste ukrainien qui stipulait que seul le comité exécutif régional des soviets pouvait autoriser, à titre de sanction exceptionnelle, la confiscation des «fonds de semences» des kolkhozes et leur inclusion au titre des livraisons obligatoires d’État [35]. Fort de l’accord enthousiaste de Staline, Kaganovitch impose le 29 décembre cette mesure à la direction du Parti communiste ukrainien. Celle-ci cède également sur un autre point capital: les kolkhozes qui n’ont pas rempli le «plan de collecte» seront tenus de rendre, dans un délai de cinq jours, leurs «soi-disant fonds de semences» («tak nazyvaemye semennye fondy»), dernières réserves permettant d’assurer la prochaine récolte, même minimale, ou d’apporter une ultime aide aux kolkhoziens affamés [36]. Trois jours plus tard, le 1er janvier 1933, Staline télégraphie à la direction du Parti communiste ukrainien un ordre exigeant d’accélérer le rythme des fouilles et d’accroître la répression: tout paysan chez qui auront été trouvés des produits agricoles dissimulés sera assimilé à un voleur de la propriété socialiste et jugé avec toute la sévérité de la loi du 7 août 1932 (dix ans de camp, voire, dans certaines circonstances aggravantes, peine de mort). Cette instruction ouvre la voie à une intensification des violences vis-à-vis des paysans: perquisitions pour «vol» et confiscation totale des dernières réserves de nourriture au titre des «amendes» pour «sabotage délibéré» des collectes d’État. En quelques semaines, le nombre de villages et de kolkhozes mis au «tableau noir» explose. Pour Stanislas Kulcytsky, une étape décisive est franchie dès lors que le pouvoir ne se borne plus à confisquer les céréales dans le cadre de la «campagne de collecte», mais saisit, sous le fallacieux prétexte «d’amendes», la vache, dernière garante de survie pour la famille paysanne, et l’ensemble des réserves de nourriture. Pour cet historien ukrainien, ces mesures extrêmes signent le passage de la «mort de faim» (smert’golodom) au «meurtre par la faim» (ubiistvo golodom). L’entreprise génocidaire est en marche.
Comment les paysans réagissent-ils à cette escalade? Par un sauve-qui-peut massif vers les villes. Vsevolod Balitskii, le nouveau chef du GPU d’Ukraine, rapporte par exemple, le 21 janvier 1933, à Staline, que seize mille cinq cents billets de chemin de fer «de longue distance» ont été vendus au cours des deux dernières semaines dans la petite gare de Lozovaia et quinze mille dans la petite gare de Souny (région de Kharkov). «Ces départs massifs sont sciemment organisés par des groupes contre-révolutionnaires […]. Nos services ont arrêté en une semaine cinq cents instigateurs endurcis qui poussaient les paysans à partir, précise-t-il [37].»
Le lendemain, le 22 janvier 1933, Staline rédige de sa main une directive secrète ordonnant d’interrompre immédiatement l’exode massif des paysans qui fuient l’Ukraine et le Kouban «sous prétexte d’aller chercher du pain». «Le Comité central et le Conseil des commissaires du peuple, écrit-il, ont les preuves que cet exode en provenance d’Ukraine, de même que l’exode de l’an dernier, est organisé par les ennemis du pouvoir soviétique, les socialistes-révolutionnaires et les agents polonais dans un but de propagande, afin de discréditer, par l’intermédiaire des paysans fuyant vers les régions de l’URSS au Nord de l’Ukraine, le système kolkhozien en particulier et le système soviétique en général» [38]. Le même jour, Genrikh Iagoda envoie aux dirigeants régionaux de l’OGPU une circulaire qui ordonne de former, notamment dans les gares et sur les routes, des patrouilles spéciales chargées d’intercepter les «fuyards» en provenance d’Ukraine et du Caucase du Nord. Après «filtration» des individus arrêtés, les «éléments koulaks et contre-révolutionnaires», les «individus propageant des rumeurs contre-révolutionnaires sur de prétendues difficultés alimentaires» ainsi que tous ceux qui refuseraient de rentrer chez eux seront déportés vers des «villages spéciaux de peuplement» (ou, pour «les plus endurcis d’entre eux», envoyés en camp). Les autres seront «renvoyés chez eux», une mesure qui les condamne à une mort certaine dans des villages frappés par la famine et laissés entièrement à leur sort, sans le moindre secours alimentaire [39].
Dès le lendemain, le 23 janvier, le dispositif visant à empêcher toute fuite des affamés (et toute diffusion des nouvelles sur une famine que nient les autorités) est complété par des directives suspendant la vente des billets de chemin de fer aux paysans [40]. Au cours de la dernière semaine de janvier 1933, quelque vingt-cinq mille fuyards sont arrêtés. Deux mois après le début de l’opération, plus de deux cent vingt-cinq mille personnes ont été appréhendées, dont 85% renvoyées chez elles [41]. Les rapports hebdomadaires de l’OGPU «sur les mesures prises pour mettre fin à l’exode massif des paysans» adressés directement à Staline et à Molotov restent évidemment muets sur l’état physique des personnes appréhendées. Mais les rapports locaux, comme ceux des patrouilles du Département transport du GPU de la gare de Berditchev, sont plus explicites: «La majeure partie des affamés appréhendés, peut-on lire, sont dans un tel état qu’ils ne sont plus capables de se déplacer et meurent comme des mouches aux abords de la gare […]. Il ne sert plus à rien de les appréhender ni de les renvoyer où que ce soit [42].»
Pour Stanislas Kulcytsky, déjà cité, le blocus des villages affamés organisé à la suite de la directive de Staline du 22 janvier 1933 est, avec les confiscations des dernières réserves de nourriture des paysans, le second élément constitutif du crime de génocide perpétré par le régime stalinien à l’encontre de la paysannerie ukrainienne [43]. (A suivre)
* Nicolas Werth est directeur de recherche à l’Institut d’histoire du temps présent. Il travaille notamment sur les violences de masse du stalinisme. Il a récemment publié L’ivrogne et la marchande de fleurs: autopsie d’un meurtre de masse, URSS 1937-1938, Points-Seuil, 2010, L’Etat soviétique contre les paysans, 1918-1939 (en coll. avec Alexis Berelowitch), Tallandier, 2011, La Route de la Kolyma, Belin, 2022.
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Notes
[1] Timothy Snyder, Bloodlands: Europe between Hitler and Stalin, New York, Basic Books, 2010.
[2] James Mace, Communism and the Dilemmas of National Liberation: National Communism in Soviet Ukraine, 1918-1933, Cambridge, Cambridge University Press, 1983.
[3] Ce chiffre est aujourd’hui le plus communément admis par l’ensemble de la communauté scientifique. Notons qu’en Ukraine, sous le président Iouschenko, c’est-à-dire jusqu’à la fin de l’année 2009, les chiffres communément avancés dans les médias et les cercles politiques proches de la présidence étaient de l’ordre de sept à dix (voire douze) millions de victimes de la famine de 1932-1933. Pour une mise au point critique du nombre des victimes des différentes famines soviétiques du début des années 1930, voir Robert Davies et Stephen Wheatcroft, The Years of Hunger, Basingstoke, Palgrave MacMillan, 2004.
[4] Voir, par exemple, The Black Deeds of the Kremlin: A White Book, vol. 2: The Great Famine in Ukraine in 1932-1933, Détroit, Globe Press / Dobrus, 1955.
[5] Robert Conquest, The Harvest of Sorrow, Edmonton, University of Alberta Press, 1986.
[6] Rappelons que pendant les années de la Nouvelle politique économique (NEP, 1923-1927) et dans le cadre d’une économie de marché «régulée par l’État», sur une récolte moyenne tournant autour de 70-75 millions de tonnes par an, les paysans injectaient dans les différents circuits commerciaux moins de 10 millions de tonnes par an, le reste étant autoconsommé.
[7] Soit 8,6 millions de tonnes, pour une récolte totale de 20,4 millions. Voir le rapport de V. Osinskii à Staline et Molotov, 29 mai 1932, dans Viktor Danilov, Roberta Manning et Lynne Viola (dir.), Tragedia sovetskoi derevni, Moscou, Rosspen, 2001, vol. 3, p. 375-378.
[8] Voir, par exemple, le reportage du correspondant du journal Za piscevuju industriju du 16 juin 1932 sur la confiscation de toutes les semences pour «remplir le plan» dans un certain nombre de kolkhozes du district d’Ouman (région de Vinnitsa), qui se traduisit dès le printemps 1932 par la montée de la famine (Viktor Danilov, Roberta Manning et Lynne Viola (dir.), op. cit., p. 388-390).
[9] Stanislas Kulcyckyi, Holod 1932-1933 rokiv na Ukraïni: ocyma istorykiv; movoju dokunentiv (La famine des années 1932-1933 en Ukraine: analyses des historiens; témoignages des documents), Kiev, Geneza, 1990, p. 147-148.
[10] Les lettres de Vlas Tchoubar et de Gregory Petrovskii figurent dans le recueil de Iouri Sapoval et Valerii Vasiliev, Komandiry Velikogo Golodu, Kiev, Geneza, 2001, p. 206-215, p. 213.
[11] Ibid.
[12] Cité dans Nikolai Ivnitskii, «Golod 1932-1933 godov: kto vinovat?» (La famine de 1932-1933: qui est responsable?), in Iourii Afanassiev (dir.), Sud’by rossiiskogo krestianstva (Les destins de la paysannerie russe), Moscou, Rossia XX vek, 1996, p. 351.
[13] Stalin-Kaganovitch: Perepiska (Staline-Kaganovitch: correspondance), introduction, notes et commentaires d’Oleg Khlevniouk, Moscou, Rosspen, 2001, p. 179-180.
[14] Voir Robert Davies et Stephen Wheatcroft, op. cit., p. 130-137.
[15] Iouri Sapoval et Valerii Vassiliev, op. cit., p. 93.
[16] Sur la 3e Conférence du Parti communiste ukrainien, voir l’article qu’a consacré à ce «prologue de la tragédie de la famine» Iouri Sapoval, «III Konferentsia KP (B) U: prolog tragedii goloda (La 3e Conférence du PC (B) U: prologue à la tragédie de la famine», in id. et Valerii Vassiliev, op. cit., p. 152-178.
[17] Iouri Sapoval et Valerii Vassiliev, op. cit., p. 98.
[18] Viktor Danilov, Roberta Manning et Lynne Viola (dir.), op. cit., p. 441.
[19] Stalin-Kaganovic: Perepiska, op. cit., p. 273-274.
[20] Ibid.
[21] Joseph Staline, Socirenia (Œuvres), Moscou, Gosudarstvennoie Izdatelstvo Politiceskoi Leteratury, 1947, vol. 7, p. 125
[22] Iouri Sapoval et Valerii Vassiliev, op. cit., p. 104.
[23] Ibid., p. 250-270.
[24] Ibid., p. 253.
[25] Ibid., p. 267.
[26] Voir la sélection des témoignages recueillis par Volodymyr Maniak et Lidia Kovalenko, traduits en français et publiés par Georges Sokoloff, 1933: l’Année noire, Paris, Albin Michel, 2000.
[27] Iouri Sapoval et Valerii Vassiliev, op. cit., p. 125 (pour les arrestations liées au «sabotage des collectes»). Le nombre des arrestations pour «vol de la propriété sociale» est calculé d’après le rapport d’Andrei Vinokurov, président de la Cour suprême de l’URSS sur le nombre de condamnations prononcées en vertu de la loi du 7 août 1932 (GARF (Archives d’État de la Fédération de Russie, Moscou), 1235 / 141 / 1005 / 67-91).
[28] Intervention de Stanislas Kulcytsky à la rencontre des historiens russes et ukrainiens sur le Holodomor, 12 décembre 2009 (texte non publié). Nous remercions Stanislas Kulcytcky de nous avoir envoyé le texte des interventions de ce colloque.
[29] Voir en particulier l’éditorial de la Pravda du 1er décembre 1932.
[30] Evguenii Oskolkov, «Golod 1932-1933 v zernovykh raionnax Severo-Kavkazkogo kraja» (La famine de 1932-1933 dans les régions céréalières du Caucase du Nord), in Holodomor 1932-1933 rr v Ukraïni: prycyny i naslidky. Mijdunarodnaia konferentsia (La famine de 1932-1933 en Ukraine: causes et conséquences. Actes du colloque international), Kiev, OTI, 1995, p. 120-121.
[31] Le plus médiatisé est celui de Grigory Kotov, secrétaire du Parti d’un gros bourg du Kouban condamné à la peine de mort (voir Robert Davies et Stephen Wheatcroft, op. cit., p. 177-178).
[32] Archives d’État de Russie en histoire sociale et politique (RGASPI, Moscou), f. 17, op. 163, d. 1011, 13.
[33] Terry Martin, The Affirmative Action Empire: Nations and Nationalism in the Soviet Union, 1923-1939, Ithaca, Cornell University Press, 2001, p. 302-303.
[34] Iouri Sapoval et Valerii Vassiliev, op. cit., p. 125.
[35] Ibid., p. 127.
[36] Ibid., p. 128.
[37] Ruslan Pyrikh (dir.), Golodomor 1932-1933 rokiv v Ukraïni: dokumenti i materiali, Kiev, Centr Doslidzennja Vyzvol’nogo Ruchu, 2007, document n° 442, p. 615-616.
[38] RGASPI, 558 / 11 / 45 / 109.
[39] Circulaire de l’OGPU n° 50 031 du 22 janvier 1933, dans Viktor Danilov et Alexis Berelowitch (dir.), Sovetskaia derevnia glazami VCK-OGPU-NKVD, Moscou, Rosspen, 2005, t. III, vol. 2, p. 262-263.
[40] Viktor Danilov, Roberta Manning et Lynne Viola, Tragedia, op. cit., p. 635-636.
[41] Viktor Danilov et Alexis Berelowitch (dir.), Sovetskaia…, op. cit., p. 354.
[42] Vinnitsa Party Archives, P-136, op. 3, d. 41, l. 8.
[43] Stanislas Kultchytsky, «Tainy sovetskogo goloda: otcet s Moskovskogo kolloqiuma» (Les secrets d’une famine soviétique: rapport du colloque de Moscou), Den’, 14 janvier 2010.
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