Par J0. Ma, avec Christian Brönnimann, Mario Stäuble, Oliver Zihlmann et Mikael Krogerus (Tamedia)
Succédant au très controversé Sepp Blatter [né en 1936 dans la ville de Viège/Visp, située dans la part «haut-valaisanne» du canton du Valais, en Suisse; président de la FIFA du 8 juin 1998 au 21 décembre 2015], le Suisse Giovanni Vincenzo Infantino [né en 1970, à 9,6 kilomètres de Visp-Viège: c’est-à-dire à Brigue/Brig; de père et mère immigrés de Calabre et de Lombardie, double national: Suisse et Italien; il fut à la direction de l’UEFA dès 2000 et président dès 2009; le quotidien suisse alémanique Blick indiquait, le 7 juin 2018, que Blatter et Infantino ne communiquaient désormais que par le biais de leur avocat], s’attelle, dès son entrée en fonction en février 2016, à deux missions essentielles: redorer l’image catastrophique de la Fifa et préparer sa réélection en juin 2019.
La Fifa [organisation sise, luxueusement, à Zurich, tout en ayant le statut d’organisation à but non lucratif], dans une prise de position, présente le bilan de son président sous un jour très positif: «brique après brique», l’organisation a été reconstruite, le football féminin est davantage mis en avant, la Russie a accueilli l’une des plus belles Coupes du monde de l’histoire, «malgré des reportages biaisés, l’hystérie et l’alarmisme». Les finances se portent bien aussi.
Et rien n’est plus important: «L’argent de la Fifa est votre argent. Ce n’est pas l’argent du président de la Fifa», s’était exclamé le candidat Gianni Infantino lors d’un discours de campagne. Applaudissements spontanés des délégués. Gianni Infantino veut redistribuer 1,4 milliard de dollars aux 211 associations nationales entre 2015 et 2018. Beaucoup plus que sous l’ère Blatter.
Le 27 février 2017, une année après ce discours, le président se trouve sur le tarmac de l’aéroport international d’Accra, la capitale du Ghana. Il s’agit d’une étape dans son tour d’Afrique sur dix jours. Ce continent pèse 56 voix à l’assemblée de la Fifa. Le président de cette dernière ne vient pas les mains vides. «Il y a beaucoup de gens, surtout dans notre partie du monde, qui sont forts pour les discours. Moi, je veux agir», dit-il au président du Ghana. La Fifa de Blatter versait 27 millions de dollars à l’Afrique. La sienne veut injecter 94 millions. «Nous ne faisons pas ça pour l’image. Nous le faisons parce que c’est bon pour le foot.» La caméra enregistre chacun de ses mots.
«Faillite absolue»
Ce programme de redistribution a un nom: «Forward». Il est «sous contrôle» et «suit son cours», peut-on lire dans le rapport financier 2017 de la Fifa. En interne par contre, cela semble très différent. Les mots les plus durs viennent de Gianni Infantino lui-même. Le paiement des fonds du programme Forward serait une «faillite absolue», écrit le président dans un e-mail à la secrétaire générale, Fatma Samoura, en juillet 2017. Raison de cette faillite: la distribution de l’argent prend du temps. En cause: la bureaucratie. Une demande de fonds conduit à «des questions sans fin» , de «gros retards» de la part d’associations nationales «frustrées», se plaint une responsable de la division dans un e-mail. Gianni Infantino fait alors pression pour que les paiements se fassent plus rapidement.
La pression ne reste pas sans effet, l’argent circule. Mais il y a des effets collatéraux, comme le révèlent les documents des Football Leaks: à l’automne 2017, la division «Développement» de la Fifa se met à verser de l’argent, sans respecter les règles qui avaient été fixées. Elle transfère des sommes forfaitaires à des associations nationales, sans savoir à quoi cet argent servira. Dans un mémo, les chefs des divisions juridiques, compliance et finances relèvent que cela va à l’encontre du règlement du programme Forward. Selon des documents internes, la Fédération de Macao a par exemple reçu, fin novembre 2017, plus d’un demi-million de dollars censé couvrir des frais de voyages dont certains n’avaient pas encore eu lieu. Au total, 8,5 millions de dollars de telles avances sur frais ont ainsi été versés, selon le mémo.
La Fifa dément: «Tous les paiements étaient conformes aux règles et ont été audités par des professionnels.» Les contrôles ne sont pas complètement absents: une liste confidentielle datée du début de cette année indique que les versements vers 38 associations nationales ont été limités en raison du manque de documents, de sanctions internationales ou de soupçons de corruption.
En février 2018, un proche conseiller de Gianni Infantino tire la sonnette d’alarme. Kjetil Siem a été mandaté pour écrire un rapport sans concession sur la Fifa à destination du président. Sur la division chargée de répartir l’argent de Forward, le Norvégien écrit: «Le risque de dommages est inquiétant au vu de la manière dont la division fonctionne et dont elle verse les fonds. Au lieu de payer en fonction des dépenses et des projets, elle fait des paiements en avance.» Puis: «La division (…) est perçue comme chaotique, avec peu de connaissances et en conflit avec d’autres divisions, sans leadership dont on pourrait être fier ou auquel on pourrait adhérer.» Enfin: «La Fifa en souffre. Si la Fifa en souffre, son président en souffre.» (Publié dans Le Soir, en date du 3 novembre 2018; https://journal.lesoir.be; reproduit avec l’autorisation de l’éditeur)
Soyez le premier à commenter