Bonelli & Pelletier: L’Etat démantelé

Par Irène Pereira

L’ouvrage coordonné par Laurent Bonelli et Willy Pelletier (Editions de la Découverte, 2010) reprend les contributions d’un colloque de la Fondation Copernic (dont les vidéos sont disponibles sur le site de la Fondation). Cette publication entend dresser un tour d’horizon des réformes actuelles de l’Etat et de leur esprit néo-libéral. (Réd.)

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Le livre est divisé en quatre parties. Après une introduction des deux coordinateurs qui campe la situation générale, la première partie revient plus spécifiquement sur les aspects de l’idéologie néo-libérale qui ont inspiré ces réformes. En particulier, c’est avec justesse que François Denord rappelle l’existence de deux tendances au sein du néo-libéralisme. Alors que l’une d’elles prône la non-intervention de l’Etat, l’autre défend une intervention d’orientation néo-libérale.

La seconde partie de l’ouvrage collectif est plus spécifiquement consacrée au Nouveau Management Public. Il s’agit un patchwork de recettes néo-libérales de gestion des administrations publiques qui a vu le jour au Royaume Uni. La troisième partie porte pour titre «Les réorganisations de l’Etat», tandis que la dernière s’intitule «Paupérisation de l’Etat et privatisations: des usagers aux clients».

Les trois dernières parties de l’ouvrage présentent en particulier un état des lieux dans plusieurs secteurs: police, justice, éducation, enseignement supérieur, collectivités territoriales, culture, poste et télécommunications… Le livre se termine par une conclusion de Bernard Lacroix et par une chronologie des réformes de l’Etat depuis 1967 rédigée par Nathalie Robatel.

On peut saluer l’initiative qu’ont eu la Fondation Copernic et les deux coordinateurs de l’ouvrage de faire un état des lieux des réformes actuelles de l’Etat. C’est avec raison que les deux sociologues soulignent que ces réformes doivent être analysées non pas comme un simple «affrontement entre marché et Etat» et qu’il ne s’agit «plus de prendre l’Etat comme un bloc, mais de différencier les diverses fractions des personnels d’Etat qui le réforment pour augmenter leurs “forces au jeu”» (p.14).

Nous aimerions néanmoins faire porter notre réflexion sur l’expression «Etat démantelé». Il est en effet possible de se demander si c’est bien au démantèlement de l’Etat que nous assistons. En effet, certes d’un côté l’Etat privatise ses missions de service public ou en réduit les moyens, par exemple en termes de personnel, et ce même dans la police, mais en même temps, d’un autre côté, il  intervient pour éviter la faillite des banques ou expulser les sans-papiers.

Est-ce alors réellement l’Etat qui est démantelé ou les missions de service public social qu’il assurait ?  Il serait ainsi possible de considérer que cet ouvrage aurait bien pu plutôt s’intituler le démantèlement des services publics.

En effet, s’agit-il pour le mouvement social de lutter contre le démantèlement de l’Etat ou de défendre l’exécution des missions d’intérêt général par des services publics, qui peuvent d’ailleurs être non étatiques, et non par le privé ?

* Irène Pereira est doctorante à l’EHESS, à Paris. Directeur de thèse Luc Boltanski.

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