L’agression israélienne contre Gaza et le Droit international

Gaza Ville: les Palestiniens récupèrent ce qu'ils trouvent dans les maisons bombardées
Gaza Ville: les Palestiniens récupèrent ce qu’ils trouvent dans les maisons bombardées

Par Abby Okrent

Plus de 35 Palestiniens ont été tués et plus de 300 blessés lors du pilonnage israélien sur la bande de Gaza au cours de la première nuit de l’opération «bordure protectrice» [selon la BBC, à 13 heures le jeudi 10 juillet, 75 habitant·e·s avaient été tués]. Alors qu’Israël rappelle des dizaines de milliers de réservistes en vue d’une possible attaque terrestre, le nombre de morts va sans doute augmenter même si leur coût humain est dissimulé par des actualités falsifiées et des comptes rendus gouvernementaux trompeurs.

Les nouvelles qui nous viennent de Gaza peuvent sembler confuses, parce qu’il est difficile d’établir clairement les faits concernant un lieu si lointain, où les journalistes n’ont souvent qu’un accès restreint ou peu de liberté de mouvement.

Ensuite c’est compliqué à cause de la faillite des médias et des différents gouvernements quand il s’agit d’appliquer correctement le droit international: au lieu de le faire, ils acceptent les définitions que donnent les acteurs de leurs propres objectifs et de leurs actions militaires.

Comprendre ce qui se passe à Gaza – et qui est en train de mourir – est important parce que cela se produit avec l’aide, les armes et la complicité des Etats-Unis.

Il est crucial de comprendre les principes du droit international si nous voulons un monde qui respecte l’autorité de la loi.

Principe # 1 : Israël ne peut pas «se défendre lui-même» par tous les moyens

Les lois de la guerre existent, et elles s’appliquent à tous les Etats. Connues collectivement comme le Droit International Humanitaire (DIH), elles sont constituées d’un certain nombre de conventions internationales, notamment les Conventions de Genève universellement acceptées, et leurs Protocoles Additionnels, ainsi que des principes très largement acceptés connus comme «droit international coutumier ».

Le but premier du DIH est de minimiser les effets de la guerre.

Le DIH s’applique à Israël et à la branche militaire du Hamas ou aux milices palestiniennes indépendantes.

Je ne m’attarderai pas sur le milices de Gaza car, en dépit de leurs intentions réelles de commettre des crimes de guerre, les dommages qu’elles ont causés font pâle figure comparés aux violations israéliennes.

Ces 11 dernières années, les tirs de roquettes de Gaza ont fait 17 victimes israéliennes. Hier, les attaques d’Israël ont tué 23 Palestiniens.

Principe # 2 : Le terme «militant» n’a aucune signification légale.

«Militant» est souvent utilisé pour décrire des combattants, tout comme il sert à décrire des féministes ou des végétariens. Il n’a aucun sens en DHI. En DIH, il n’y a que deux types de personnes: les civils et les combattants.

Le statut d’une personne n’est pas statique: un civil qui prend les armes devient un combattant, de même qu’un réserviste hors service est un civil. Par exemple, une femme qui a servi dans l’armée israélienne (comme tous les Israéliens doivent le faire), mais qui aujourd’hui accompagne ses enfants à l’école est une civile.

L’adhésion à un parti politique comme le Hamas, ou la foi en des croyances violentes (comme celles de Palestiniens et d’Israéliens extrémistes) ne font pas de quelqu’un un combattant.

Au cours des 5 premiers jours de l’opération «Plomb Durci» en 2008-2009, trois des quatre Israéliens qui avaient été tués ont été classés «civils» dans les médias. Cette classification était exacte même si tous les trois ont probablement servi dans l’armée israélienne.

Par contraste, les comptes rendus sur les morts palestiniens pour cette même période ne décrivent que les femmes et les enfants tués (9 femmes et 37 enfants) comme civils, faisant croire aux lecteurs que le reste des morts étaient d’une façon ou d’une autre engagés dans le combat.

A Gaza il est souvent difficile d’obtenir un décompte précis des tués en raison de la continuité des attaques ; mais la Croix Rouge palestinienne, le Centre Palestinien pour les Droits Humains à Gaza et B’Tselem s’efforcent normalement de tenir les comptes, et il ressort des cibles et du timing des frappes aériennes que la plupart des personnes tuées n’étaient pas des combattants.

Principe # 3: il est interdit d’attaquer des civils

Comme le terme «militant» n’a pas de signification, les gens sont soit des civils soit des combattants. Le principe le plus important du DIH est l’interdiction d’attaquer des civils et des biens civils. Seul des objectifs militaires peuvent être visés.

Aux termes du Protocole additionnel aux Conventions de Genève (I,52(2), les objectifs militaires «sont limités aux biens qui […] apportent une contribution effective à l’action militaire et dont la destruction totale ou partielle, la capture ou la neutralisation offre en l’occurrence un avantage militaire précis.» En l’absence de preuve qu’un objectif civil normal a été transformé à usage militaire, il faut obligatoirement présumer que c’est un objectif civil.

Au cours de l’opération «Plomb Durci», Israël a ciblé de nombreux objectifs civils, notamment des maisons des mosquées, un centre de fitness, une université, une pharmacie, des bâtiments gouvernementaux et des postes de police civils.

Maintenant, dans l’opération «Bordure Défensive», plusieurs maisons et une ferme avicole ont figuré parmi les cibles. Bien qu’Israël prétende le contraire, toute personne apparentée au Hamas n’est pas une cible légitime. S’il est vrai que le Hamas est flanqué d’une aile militaire, il est également responsable de toutes les fonctions civiles dans la bande de Gaza. En guise d’exemple: le Hamas peut attaquer une base militaire israélienne mais ne peut légitimement pas attaquer le Ministère de l’Education.

Principe # 4: Même si la cible est un objectif militaire, Israël doit peser les éventuels dommages civils

Les parties ne doivent pas lancer «une attaque dont on peut attendre qu’elle cause incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil, ou une combinaison de ces pertes et dommages, qui seraient excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et direct attendu», aux termes du Protocole Additionnel (57,5,b).

Israël soutient qu’il ne vise pas des cibles civiles, mais que des civils sont tués à cause de leur proximité avec des cibles militaires.

Gaza, avec sa population de 1,5 million d’habitants sur 140 kilomètres carrés, est un des endroits les plus peuplés de la planète. Cela doit être pris en considération pour toute attaque militaire.

Tandis que j’écris, les pertes de vies civiles se poursuivent. Le silence du gouvernement des Etats-Unis devient assourdissant. Nous devons exiger que notre pays s’engage sur une voie qui fait respecter le Droit International Humanitaire, sans quoi nous encourageons d’autres meurtres de civils et la décomposition de l’ordre et de la légalité.

Abby Okrent est un juriste étatsunien, ancien membre du groupe Jewish Voice for Peace, engagé contre l’occupation. Cet article traduit a été publié le 10 juillet 2014 sur le site info-palestine.eu

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