Par Noa Landau
«Israël s’est retiré complètement de Gaza», tel est le slogan hasbara (de propagande) que la présidente du parti travailliste Merav Michaeli a choisi de vendre au monde dans l’une de ses nombreux entretiens accordés aux médias internationaux pendant les jours de combat. Dans un communiqué de presse, elle a qualifié ce blitz de «patriotique», dans le cadre de l’éternel besoin de la gauche israélienne de prouver à la droite son ardente loyauté envers le pays.
Israël a peut-être évacué ses installations militaires et ses colonies de la bande de Gaza en août 2005, mais, en aucun cas, il possible de dire qu’Israël s’est «retiré complètement de Gaza». Depuis lors, Israël continue à contrôler l’accès à la bande de Gaza et sa sortie, et cela par les airs [aéroport international de Gaza a été détruit par l’armée israélienne en 2001-2002], par mer [avec des limites resserrées pour l’exercice de la pêche] et par terre, sans mentionner les aspects du registre de la population qui affectent également le passage de Rafah. Cela va de pair avec l’autorité en termes économiques, le contrôle de la construction et du développement, et bien plus encore.
Israël est présent dans presque tous les aspects de la vie des habitants de Gaza, y compris la permission de porter des vêtements à motifs de camouflage ou des chaussures de randonnée (définis comme des «biens à double usage», qui peuvent être utilisés à des fins militaires). Même les journalistes étrangers (et israéliens bien sûr) ne sont pas autorisés à couvrir ce qui se passe là-bas comme ils le souhaitent. Et ce, en raison du chutzpah [de l’insolence] qui prétend que c’est pour leur propre sécurité. Comme si les correspondants de guerre des principaux médias du monde n’étaient pas assez mûrs pour prendre eux-mêmes de telles décisions.
Ainsi, l’affirmation selon laquelle Israël s’est retiré de Gaza est à tout le moins trompeuse; en pratique, elle est plus proche du mensonge.
C’est exactement le problème: les jours où aucune roquette n’est tirée de Gaza, en particulier sur Tel-Aviv, la grande majorité des Israéliens, y compris la gauche sioniste comme Merav Michaeli, est convaincue que tout est merveilleux. Les habitants de Gaza sont peut-être très pauvres et frustrés, mais c’est uniquement à cause du Hamas. Après tout, nous sommes partis de là-bas pendant le désengagement, même Merav Michaeli en convient, alors que veulent-ils?
Israël en fournit un exemple vivant ces jours-ci. La plupart des Israéliens sont convaincus que le cessez-le-feu a ramené la situation à son état antérieur: nous sommes ici et ils sont là, et c’est fini. Mais en pratique, depuis le cessez-le-feu, les points de passage vers et depuis Gaza sont fermés aux biens et aux personnes. Un responsable de la défense qui a informé le journaliste de Walla [reseau internet contrôlé par Teletel Communications Ltd.], Amir Buhbut, dimanche 23 mai, a fait cette déclaration étonnante: «Chaque demande de passage de nourriture, de corps de Palestiniens morts dans des hôpitaux en Israël, et de civils qui veulent retourner à Gaza est rejetée d’emblée.»
Pourquoi une demande de transport de nourriture, un bien humanitaire à tous égards, est-elle rejetée d’emblée après le cessez-le-feu? La raison n’a pas été donnée au départ, même aux dizaines de journalistes étrangers qui ont attendu dimanche 23 mai pour entrer dans la bande de Gaza, mais elle a été fournie à la fin par le ministre de la Défense, Benny Gantz, lorsqu’il a annoncé que la bande de Gaza resterait «à un niveau humanitaire de base» et que toute aide supplémentaire serait conditionnée à une solution à la question des Israéliens captifs et disparus.»
Quel est exactement le «niveau humanitaire de base»? Quelqu’un en a-t-il fourni des détails? La nourriture ou la possibilité de transférer les malades ne sont-elles pas incluses dans cette catégorie? Malgré les déclarations de l’establishment de la Défense, lundi matin 24 mai, faites suite à la pression internationale, selon lesquelles Israël autoriserait la circulation du matériel médical de l’ONU et l’entrée des travailleurs humanitaires et des journalistes, au moment de la rédaction de cet article, des organisations telles que Médecins pour les droits de l’homme se voient toujours interdites d’apporter du matériel médical à Gaza.
Les déclarations et les briefings sont clairs: Israël a décidé, une fois de plus, d’appliquer une punition collective à Gaza. Ceci en réponse à une campagne des familles des personnes tuées et des disparus, en Israël. Pour l’instant, on ne sait pas exactement ce qui peut entrer à Gaza, selon notre bénédiction, et ce qui ne le peut pas. Une fois de plus, deux millions de personnes sont captives. Et quand la situation explosera à nouveau, Mirav Michaeli, comme le reste des Israéliens, lèvera un sourcil et dira: «mais Israël n’est plus là» (Haaretz, 24 mai 2021 ; traduction rédaction A l’Encontre)
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