Gaza. Les enfants qui survivent ne vivent pas 

(Médecins du monde)

Par Mahmoud Mushtaha (Gaza)

Sans soutien psychologique et sanitaire, les enfants vivant à Gaza endurent des conditions extrêmement traumatisantes alors que l’invasion israélienne se poursuit. Les infrastructures sont détruites, les maladies se propagent et des centaines de milliers d’enfants vivent dans des abris de fortune et des tentes dépourvues de services de base après avoir été déplacés de leurs maisons. En outre, des milliers d’enfants sont devenus orphelins.

Dans ces abris, les enfants subissent des conditions déplorables. «Mon fils vit dans une peur psychologique indescriptible. A chaque attaque israélienne, il s’accroche à moi et cherche un abri», raconte May Ali, 25 ans, qui s’est réfugiée à l’école d’Al-Karama [près de Beit Hanoun dans le nord de la bande de Gaza] avec ses deux enfants et son mari après le bombardement de leur maison à Shuja’iyya [quartier de la ville de Gaza]. «Heureusement, nous n’étions pas là lorsque les avions israéliens ont pris notre maison pour cible, mais mes fils Hassan, 13 ans, et Wissam, 15 ans, ont été blessés par des éclats d’obus. Depuis, la peur et l’anxiété ne les ont pas quittés», explique la mère de Yazan.

Tous les enfants de Gaza sont confrontés à des traumatismes psychologiques. Selon l’UNICEF, 17 000 enfants de la région ont perdu leur famille ou en ont été séparés pendant la guerre, ce qui fait que la quasi-totalité d’entre eux ont un besoin urgent de soutien psychologique. Jonathan Creeks, directeur de la communication de l’UNICEF dans les territoires palestiniens occupés, explique: «Les enfants présentent des symptômes tels que des niveaux extrêmement élevés d’anxiété permanente, une perte d’appétit, une incapacité à dormir ou des crises émotionnelles déclenchées par le bruit des bombardements.» Il souligne: «Même avant cette guerre, l’UNICEF avait identifié 500 000 enfants de Gaza comme ayant besoin de soins de santé mentale. Aujourd’hui, nos estimations indiquent que presque tous les enfants ont besoin de ce soutien indispensable. Au total, on compte plus d’un million d’enfants [la moitié de la population].»

Omar Abdullah Sakeek, seul survivant de sa famille, est en état de crise psychologique et de phobie sociale depuis le bombardement de sa maison par les avions israéliens. «Omar est devenu hostile après avoir perdu toute sa famille à l’âge de quatre ans. Nous ne savons pas comment l’aider. Il a un besoin urgent d’assistance psychologique et de réhabilitation, mais il y a un manque flagrant de soins pour les enfants comme lui», déclare la grand-mère du garçon, âgée de 69 ans.

Sous le poids d’un profond chagrin pour la perte de sa fille Rami et pour l’état de son petit-fils, la grand-mère s’occupe de lui: «Il ne peut pas dormir sans crier et pleurer. Lorsqu’il y a des tirs d’obus, il se cache dans un coin, rempli de peur», dit-elle en pleurant. «Omar refuse de jouer avec les autres enfants et si quelqu’un s’approche de lui, il le frappe. Il crie constamment: “Je veux rentrer à la maison, ma mère et mon père m’attendent.” J’ai peur qu’il se soit passé quelque chose dans sa tête.»

Les enfants de Gaza souffrent de la peur, de l’anxiété, de la maladie et de la faim. «Nos enfants sont privés de leurs droits fondamentaux. Qu’ont-ils fait pour vivre dans cette panique? Les enfants portent des bagages de personnes déplacées au lieu de leurs cartables», déclare Adel Marzouq, 45 ans. «J’ai quatre enfants, dont deux ont moins de dix ans: Ayman et Tala. Ils souffrent constamment de crises de panique, le visage devenant soudainement jaune ou pâle. J’essaie de les calmer, mais en vain.» «Nous ne savons pas ce qui donne ces lésions aux enfants, Israël mène une guerre psychologique, sociale et déscolarisante contre les enfants», ajoute Mohammed Hassan, directeur du centre d’accueil.

En janvier, l’organisation humanitaire Save the Children a rapporté que «les enfants qui ont survécu à la violence à Gaza souffrent de souffrances indicibles, y compris des blessures qui changent leur vie, des brûlures, des maladies, des soins médicaux inadéquats et la perte de leurs parents et des êtres qui leur sont chers». Philippe Lazarini, commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), a déclaré plus tôt que la plupart des habitants de Gaza, y compris les enfants, porteront pour le reste de leur vie les blessures physiques et psychologiques de l’agression israélienne pour le reste de leur vie. Alors que personne n’arrête les attaques sur Gaza, Israël a tué plus de 14 000 bébés et enfants depuis le début de ses attaques le 7 octobre. (Article publié sur le site CTXT le 22 février 2024; traduction rédaction A l’Encontre)

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