Gaza. «Je ne veux plus dormir, je ne supporte plus les cauchemars»

10 novembre 2023, Gaza City.

Par Mahmoud Mushtaha (Gaza City)

Mariam Jarada, 14 ans, exprime sa peur de dormir à cause des cauchemars. «Le bruit des avions et des bombardements me fait paniquer. Chaque fois que j’essaie de dormir, je suis saisie par la peur que quelque chose de grave se produise. J’en suis arrivée à un point où je ne veux plus dormir; je ne supporte plus les cauchemars.»

Environ un million d’enfants vivent dans la bande de Gaza. Beaucoup d’enfants et de jeunes nés ici ont été exposés aux bombardements et aux frappes aériennes au cours des quatre guerres israéliennes précédentes – en 2008, 2012, 2014 et 2021 – ainsi qu’à plusieurs attaques, et maintenant à nouveau en 2023.

Lorsque les bombardements ont commencé à Gaza, la jeune enfant Dana Shamiya, âgée de 11 ans, a écrit une lettre au stylo à bille et l’a placée sous l’oreiller de sa mère. Le message est le suivant: «Tout est effrayant et fait peur. C’était mon anniversaire et je n’ai pas soufflé les bougies. Je n’ai pas reçu de cadeaux ou quoi que ce soit d’autre. Mon père et mes frères et sœurs me manquent. J’ai l’impression d’être en proie aux flammes. J’ai failli devenir folle, mon Dieu.»

Des dizaines de milliers d’enfants souffrent de divers symptômes psychologiques liés à la peur des bombardements. Ces symptômes comprennent la dépression, l’anxiété, les troubles du comportement, l’incontinence, l’irritabilité, etc. «Dana a exprimé la peur et l’anxiété qu’elle et le reste de ma famille ressentent à Gaza à cause des frappes aériennes et des canons qui ne cessent de tirer», explique Mohammed Shamiya, le frère de Dana.

Save the Children, une organisation non gouvernementale internationale basée au Royaume-Uni, a prévenu que les conséquences de la situation à Gaza continueront d’affecter les enfants pendant de nombreuses années. L’organisation note que les enfants de Gaza éprouvent une peur persistante, sont privés de sommeil et montrent des signes d’anxiété tels que des tremblements continus et des mictions involontaires.

En outre, Save the Children affirme qu’«aucun enfant n’est en sécurité à Gaza à l’heure actuelle. Au moins 4412 enfants sont morts depuis le début de l’offensive israélienne sur Gaza [sans mentionner, selon Save the Children en date du 7 novembre, 1270 enfants portés disparus sous les décombres]. Les enfants survivants souffriront de séquelles mentales à long terme: aucun ne s’en sortira indemne.»

Dans une autre maison, Bassem Al-Shawa, 51 ans, tente de calmer sa fille Marah, âgée de neuf ans et demi, alors qu’il entend les tirs de l’artillerie israélienne. Il raconte: «Lorsque ma fille entend le bruit d’une explosion, elle se met à crier et à pleurer et dit: “Je ne veux pas mourir et je veux être avec toi”.» Il ajoute: «Plusieurs jours après l’offensive israélienne sur Gaza, Marah a plongé dans un état de frayeur, présentant des symptômes inquiétants de déshydratation et un jaunissement de son visage. Au début, j’ai attribué sa détresse au bruit constant des frappes aériennes israéliennes, mais la situation désastreuse des hôpitaux, débordés par le grand nombre de victimes, m’a empêché de demander une assistance médicale immédiate. Au fil des semaines, l’état de Marah s’est encore détérioré. Ce n’est que trois semaines plus tard que j’ai réussi à l’emmener au centre de soins le plus proche, où nous avons découvert qu’elle avait développé une anémie due à une malnutrition sévère.» La peur de Marah l’empêchait de s’alimenter.

Le psychiatre Mohammad Abu Al-Sabah a prévenu sur les réseaux sociaux que les enfants de la bande de Gaza qui ont subi des traumatismes importants risquent de développer des tendances violentes. Il a expliqué que les conséquences psychologiques de ces expériences traumatisantes se manifestent souvent sous la forme d’un comportement turbulent et agressif. Les guerres, a-t-il noté, ont tendance à contribuer à une plus grande prévalence de la violence chez les enfants, que ce soit dans l’environnement scolaire ou dans leur foyer.

Selon Abu Al-Sabah, une grande majorité des enfants de la bande de Gaza souffrent de problèmes de santé mentale tels que la dépression, l’anxiété et les troubles du comportement, ce qui souligne le besoin urgent de soutien et d’intervention dans le domaine de la santé psychique.

«Quelle est la faute de cette enfant si elle a contracté la maladie en même temps que la peur? Franchement, je ne sais pas comment la traiter étant donné les circonstances difficiles dans lesquelles nous vivons. Je prends toujours soin de ma fille et la nourris du mieux que je peux, mais à Gaza, la calamité vous frappe si intensément que vous ne pouviez l’imaginer», a déclaré Mohammad Abu Al-Sabah.

Selon Save the Children, 80% des enfants de Gaza montrent des signes de détresse émotionnelle en raison des attaques en cours. Les Nations unies ont averti à plusieurs reprises que la bande de Gaza pourrait bientôt devenir inhabitable.

L’impact traumatique des bombardements israéliens sur les enfants de Gaza est dévastateur. Leur peur est insoutenable. En outre, les enfants de Gaza désormais font face non seulement à des crises de panique, mais aussi à de graves pénuries alimentaires, ce qui fait planer sur la bande de Gaza le spectre alarmant de la famine et de ce qui est qualifié de catastrophe humanitaire. (Article publié sur le site de la publication espagnole CTXT-Contexto y Acción, le 9 novembre 2023; traduction rédaction A l’Encontre)

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