Israël-Liban-Syrie. «Le refuge inaccessible des Syriens»

Syriens et Syriennes à la frontière libano-syrienne de Masnaa/Jdaydeh.

Par Lana Luesso

L’armée d’occupation israélienne a multiplié ses raids sur le Liban dans une escalade sans précédent depuis une semaine (lundi 23 septembre 2024) contre ce qu’elle nomme des « cibles du Hezbollah ». Ces raids ont tué depuis le 8 octobre 2023 et, jusqu’à ce mardi 1er octobre, 1745 personnes au moins, hommes, femmes et enfants confondus. Ils ont aussi blessé au moins 8408 personnes. Un certain nombre de victimes ne sont pas répertoriées car ensevelies avec peu de moyens de les rechercher rapidement. [En date du 3 octobre, L’Orient-Le Jour indique que «1300 personnes, en grande majorité civiles, ont été tuées», depuis le 23 septembre 2024, au Liban. Réd.]

796’000 réfugié·e·s syriens sont officiellement enregistrés auprès de l’Agence aux Réfugiés des Nations Unies au Liban, 90% d’entre eux d’après l’Agence vivent dans un grand dénuement. Les autorités libanaises estiment quant à elle leur nombre réel à plus d’un million et demi, soit environ un quart de la population du pays.

Au Liban, les Syriens et Syriennes déjà épuisé·e·s par la situation économique générale et les conditions de séjour et de déplacements répétés à l’intérieur du pays, vivent sous le bruit des bombes des heures de terreur et d’affolement qui leur rappellent ce qu’ils ont vécu en Syrie. Ils se voient démunis et piégés, plus que jamais auparavant. Jusqu’à ce dimanche 30 septembre 2024,165 Syriens (91 hommes, 31 femmes et 43 enfants) étaient confirmés tués dans les bombardements.

Ils vivent comme tout le monde cette situation terrorisante sans pour autant se sentir inclus dans cet élan de solidarité et d’une large unité que la société libanaise exprime en ce moment. Il faut dire que cette guerre vient frapper alors que depuis 2023 les appels à la haine, à la «remigration», les arrêtés anti-syriens ainsi que les attaques racistes se multiplient et s’amplifient au Liban.

Au-delà de les tenir pour responsables de leurs problèmes économiques et sociaux, une partie de la société libanaise pourrait être tentée, dans la panique, de leur reprocher le cataclysme venu d’Israël.

Le déplacement: luxe et humiliation

Les massacres et les menaces israéliens ont déjà provoqué au Liban le déplacement, en urgence, de près d’un million de personnes selon une estimation du gouvernement libanais. Les Libanais et les réfugiés Syriens et Palestiniens du Liban fuient leurs lieux de résidence au Sud, à l’Est et dans la partie Sud du grand Beyrouth pour se réfugier dans des zones qu’ils estiment être plus sûres, ou à défaut se terrent dans leurs maisons.

Un article de syria.tv du mardi 24 septembre décrit ainsi le ressenti des Syriens ces derniers jours: «Abdallah (nom d’emprunt) – soldat qui a fait défection des forces du régime et a fui vers le Liban – dit à la journaliste du site syria.tv: «J’ai peur aujourd’hui plus que jamais auparavant, je ne possède pas de papiers qui me permettent de me déplacer à l’intérieur du Liban, et je crains les actes de vengeance car de nombreuses personnes ici traitent désormais les opposants à Assad comme des criminels, du fait que nous n’avons pas confiance dans “l’axe de la résistance et du refus”.»

Originaire de la ville de Deraa, au sud de la Syrie, vivant à Beyrouth, Abdallah ajoute: «Je n’ai nulle part où aller et mourir ici vaut mieux que d’être tué sous la torture si le régime syrien m’arrête. Il y a des dizaines de défectionnaires comme moi, nous attendons l’inconnu et nous n’avons aucune solution en main.» D’autres fois, c’est l’argument inverse qui peut servir de prétexte à une attaque contre un Syrien: on l’amalgame avec le régime Assad.

Il est fréquent que les crises au Liban s’accompagnent de vagues de racisme envers les réfugiés syriens et nombre d’entre eux redoutent que leur souffrance ne s’aggrave dans le contexte de chaos que provoque la guerre. Mayssa, pour sa part, déclare: «Le bombardement nous a effrayés, la peur d’être la cible de réactions d’adversité sur la route s’est emparée de nous. Nous considérons le Liban comme notre pays et les Libanais comme nos frères, mais nous sommes malheureusement le chaînon le plus faible et même durant les jours prospères nous avons souffert, alors que dire d’aujourd’hui. »

Camp de réfugié·e·s syriens dans la Bekaa, avant l’intervention israélienne au Liban.

En ce qui concerne les destinations qui s’offrent aux Syriens «déplacés» du Liban aujourd’hui, le directeur général de l’Union des organisations de secours au Liban, Houssam Alghali, explique: «Les réfugiés syriens doivent se diriger vers les campements de la Bekaa ou de Akkar [nord du Liban], afin d’être accueillis par les familles qui y résident.» Il confirme que «les écoles et les centres d’accueil qui viennent d’être ouverts sont réservés aux seuls déplacés libanais, et ne peuvent pas accueillir de réfugiés syriens». Il ajoute: «Dans quelques jours, l’ensemble des régions libanaises pourraient être cibles des bombardements [israéliens], c’est pourquoi ceux qui sont des réfugiés “économiques” feraient mieux de retourner en Syrie, tandis que pour ceux qui résident au Liban pour des raisons les empêchant un retour en Syrie, il est probable que les campements de réfugiés syriens au Liban soient les lieux les plus sûrs pour eux.»

Les témoignages retranscrits dans un article du site Enab Baladi (le 27 septembre 2022) vont dans le même sens: «Nous ne recevons pas de Syriens… uniquement des déplacés libanais» c’est ce que Mariam Abdallah, déplacée, résidente de la ville de Tyr, s’est vue répondre par des autorités libanaises lorsqu’elle s’est dirigée vers la Bekaa Ouest. Mariam, comme d’autres libanais et syriens, a fui sous les frappes de l’aviation israélienne qui se poursuivent depuis des jours.

Les Syriens souffrent au Liban de ce traitement différencié suite au mouvement de déplacement imposé par l’escalade militaire israélienne. Les centres d’accueil refusent de les accueillir, d’autres se sont vu interdire d’apporter leur aide à leurs concitoyens. Mariam Abdallah a déclaré à Enab Baladi avoir dormi deux nuits de suite dans la rue avant de réussir à se faufiler dans la tente de sa tante paternelle dans le campement de Marj situé dans la Bekaa Ouest parce que les autorités libanaises ont interdit aux réfugiés syriens d’accueillir leurs concitoyens déplacés «sous peine de poursuite judiciaire».

Dalal Maddalla est une proche de Mariam, elle raconte à Enab Baladi avoir recueilli trois familles déplacées dans sa tente qu’elle décrit comme «modeste»: «Je n’ai pas pu fermer ma tente au nez de mes proches». Dalal explique que les mairies du Liban ont interdit aux associations de distribuer de l’aide d’urgence sauf sous son contrôle, mais lorsque ses proches se sont rendus à la mairie de la commune qu’elle habite, les responsables ont répondu qu’ils réservaient l’aide aux familles libanaises, uniquement.

La mairie empêche également une association caritative d’entrer dans sa tente parce qu’elle abrite des Syriens tandis que d’autres organisations humanitaires ont distribué des couvertures et des matelas à des familles libanaises résidant à proximité du camp.

Mariam Abdallah dit songer à retourner en Syrie, mais le coût du trajet est de presque 200 dollars par personne et de surcroît son mari est recherché par les services de sécurité syriens ce qui signifie qu’elle devra partir avec ses enfants en laissant son mari au Liban.

De nombreux Syriens et des Libanais se sont installés dans les rues avec leurs baluchons. Laila quant à elle a dû fuir Saïda, où elle vivait, en direction de Beyrouth suite à l’intensification des bombardements israéliens. Elle est restée coincée des heures dans les embouteillages pour finalement arriver. Les agents aux barrages instaurés par les autorités, pour faciliter la circulation, ne se sont pas bien comportés avec ceux qui portent des papiers syriens; elle y a essuyé des propos racistes.

Certaines familles syriennes se voient même chassées de leurs logements loués pour permettre d’y accueillir des déplacés libanais.

Ainsi, au fil de la pression des habitants ou de leurs affiliations politiques et/ou communautaires, les mairies du Liban ont vu s’accroître leurs prérogatives en matière de traitement réservé aux Syriens: ils décident de les laisser s’installer ou pas, et dans quelles conditions, de leur imposer des couvre-feux spécifiques.

La mairie de la ville de Saïda a fait évacuer ce mardi 1er octobre les Syriens déplacés du Sud Liban qui s’étaient réfugiés sur les trottoirs de la «place des martyrs» au centre-ville, les enjoignant de partir chercher refuge ailleurs dans des centres d’accueil ou chez des proches.

La porte-parole du Commissariat aux réfugiés au Liban, Lisa Abou Khaled, a déclaré que «le Commissariat est inquiet des rapports qui relatent l’interdiction faite aux familles de réfugiés d’accéder aux refuges collectifs. Elle travaille ainsi que ses partenaires à trouver des solutions urgentes auprès des autorités concernées.» Elle rappelle «qu’il est de la responsabilité de toutes les parties actives de défendre les principes du travail humanitaire qui consistent en la neutralité, la non-discrimination et l’égalité d’accès aux aides et aux abris, y compris pour les réfugiés syriens et les autres nationalités.»

Dans un article du site Syria Direct, en date du 28 septembre, on peut aussi lire que des Syriens travailleurs journaliers ont été abandonnés par leur patron du jour au milieu des bombardements: Saïd Darwich par exemple est un père de famille originaire de Tel Abyad, située au Nord de Syrie; il est travailleur agricole journalier dans la Beeka Est: «Nous ne vivons que comme des morts-vivants! Tous nos patrons ont fui vers la Syrie et nous ont laissés sans nous payer. Nous n’avons ni nourriture ni lait pour nos enfants.» Saïd Darwich vit dans un petit campement non officiel appelé Alsaeed. Ses habitants et lui-même ont tous quitté le camp pour se «réfugier» au milieu dun champ ouvert. Une bombe israélienne est tombée à quelques mètres du camp le lendemain de leur départ. Ils dorment démunis en plein air, estimant que les frappes visent les zones peuplées. Ils ne peuvent pas même supporter les frais d’un déplacement vers des abris publics qui les accueilleraient.

Cette situation se ressent également vis-à-vis des victimes sur les lieux des bombardements. Jeudi 27 septembre une seule frappe israélienne a tué 19 Syriens et un Libanais, tous ouvriers journaliers, dans la Bekaa. Ils ont été enterrés dans une fosse commune, sans possibilité de rendre leurs corps à leurs proches.

Chadi Taoubé et son épouse ont été tués dans la ville de Saïda (Sidon) sur la côte Sud du Liban dans un bombardement de l’armée d’occupation israélienne le 22 septembre. Ils étaient originaires de la ville de Nawa à lOuest de Deraa, dans le sud de la Syrie. Leurs proches racontent que le frère de Chadi a été empêché de s’approcher de leur domicile écroulé par les agents de sécurité. Il n’a eu accès à aucune information. Ce n’est qu’après quatre jours de recherche dans les hôpitaux qu’il a pu retrouver ses trois neveux en vie.

Partir de gré ou de force

Une famille syrienne a fui au premier jour de l’escalade et s’est dirigée vers un centre d’accueil, mais les responsables du centre les ont prévenus de l’éventualité de la venue des agents de la Sécurité Générale libanaise pour vérifier les papiers de résidence des Syriens, ce qui pourrait les exposer à une expulsion du pays. Les réfugiés ont donc quitté le centre.

Souhayb Abdo, activiste pour la défense des droits humains, explique que ce scénario est plausible dans la mesure où des agents de renseignement de l’armée libanaise ont déjà expulsé des réfugiés syriens qui ont voulu se réfugier dans un centre d’accueil, suite au début de l’escalade au Sud Liban, en octobre 2023.

De nombreux Syriens résident au Liban illégalement depuis des années. Leur «chasse» s’est accélérée ces derniers mois.

Le ministre sortant de l’Intérieur libanais, Bassam Mawlawi, a déclaré dans une conférence de presse, le jeudi 26 septembre: «13 500 Syriens ont quitté le Liban par le biais des centres de la sécurité nationale en trois jours, c’est pourquoi nous disons que le Syrien peut rentrer dans son pays.»

Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux Réfugiés, Filippo Grandi, a annoncé ce lundi 30 septembre que 100’000 personnes avaient traversé la frontière depuis le Liban vers la Syrie dans une proportion d’environ 60% de Syriens et de 40% de Libanais. Les enfants/adolescents représentent 60% de ces personnes. La Direction syrienne de l’émigration et des passeports avance quant à elle le chiffre de 185’000 déplacé·e·s vers la Syrie, dont 132’000 Syriens. Environ 24’000 d’entre eux sont entrés le lundi 30 septembre. Mais si la Syrie est sûre pour les Libanais, elle l’est beaucoup moins pour les Syriens.

Le poste-frontière principal de Masnaa est débordé. Il faut attendre plusieurs heures pour pouvoir quitter le Liban, puis à nouveau patienter pour pouvoir passer en Syrie. Le régime Assad a dû, sous la pression et la critique montante des Syriens, suspendre pour une semaine la taxe de 100 dollars imposée à chaque Syrien souhaitant rentrer dans son pays. Cette taxe ne s’applique pas aux déplacés Libanais et a été décrétée en 2020 pour «servir le citoyen, augmenter les ressources de la Banque centrale, soutenir la livre syrienne et brider le marché noir à l’extérieur des frontières»! Les familles nombreuses qui arrivent à peine à se nourrir ne peuvent pas débourser de telles sommes.

La discrimination pratiquée cette fois de la part des autorités syriennes est durement ressentie par les Syriens du Liban et leurs proches en Syrie. Un discours de Bachar Al Assad, le 24 septembre, qui ne fait aucune allusion aux Syriens du Liban, a solennellement annoncé aux Libanais que tout était prêt pour leur «accueil d’urgence» en Syrie. Des centres de plusieurs milliers de places ont été installés dans divers gouvernorats du pays. Des facilitations, notamment des bouquets internet gratuits, des services bancaires et des transports leur sont offerts. Par contre, le casse-tête bureaucratique policier s’applique toujours à chaque Syrien de retour, humilié et traité demblée comme sujet potentiellement dissident.

L’effroi et la sidération se sont emparés de tous les habitants du Liban, de Syrie et de Jordanie au regard de cette énième boucherie israélienne contre les Palestiniens qui dure depuis un an. Elle commet ce génocide à Gaza sous le regard bienveillant des puissances militaires occidentales et l’approbation des pays arabes qui attendent patiemment d’être enfin débarrassés de ce «détail moral» que sont les Palestiniens pour faire enfin des affaires avec Israël. Les menaces répétées du gouvernement israélien de réserver le même sort au Liban et son regain d’intérêt pour son projet de Grand Israel (qui inclut pour certains officiels – comme le ministre Bezalel Smotrich – la Syrie) n’augurent rien de bon.

Arrestations, prison, conscription contrainte…

Mais au-delà du risque de mourir sous une bombe israélienne sur le trajet du Liban à la Syrie et à la frontière, le passage de frontière signifie d’abord pour les Syriens la probabilité de l’arrestation, de la détention, donc de la torture et de la mort. A ce propos, les cas sont nombreux, quand bien même la personne aurait effectué les démarches dites de «taswyeh» (arrangement ou retour à la légalité).

Par exemple, le jeune homme Ahmad Halali, 27 ans, originaire du quartier de Barzé à Damas, est mort sous la torture en juillet dernier dans les prisons du régime syrien, après son expulsion forcée du Liban. Des agents de la Sécurité Publique libanaise l’avaient arrêté et remis au régime syrien ainsi que deux autres jeunes hommes dont le sort reste inconnu. La détention d’Ahmad Halali n’a duré qu’une semaine dans la branche de sécurité dite «Palestine», il est décédé à l’hôpital trois jours après sa sortie, témoigne sa famille. Ahmad avait fait défection de l’armée régulière alors qu’il était soldat pendant la révolution puis avait rejoint les rangs de l’Armée Syrienne Libre (ASL) pour défendre son quartier soulevé. En 2017, les forces du régime organisent l’exil forcé d’une partie de la populationcivile et des résistants armés de ce quartier, après un siège implacable qui les avait affamés. Il avait alors fui au Liban.

L’autre risque omniprésent est celui de la conscription militaire pour les hommes. Celle à laquelle des dizaines de milliers de jeunes hommes syriens tentent d’échapper en prenant la route de l’exil ou en se terrant dans leurs domiciles en Syrie. Le service militaire est synonyme en Syrie de grande souffrance psychique et physique et d’une privation de liberté et d’avenir pour une durée indéterminée. Alors qu’ils prêtent serment de servir et de défendre la souveraineté de la «république arabe syrienne», le pouvoir contraint, de fait, les soldats à protéger le régime totalitaire et prédateur d’Assad et à poursuivre son opération d’épuration, de terrorisation et de soumission de la population.

Il s’agit également de servir les pilleurs du pays et profiteurs de guerre que sont les généraux ou proches de Bachar et ses alliés. On peut voir sur les trottoirs de Damas des centaines de mètres d’étals d’aide humanitaire détournée, de marchandises frelatées ou encore de vêtements usagés dont se sont débarrassés les habitants d’Europe, vendus par des conscrits rachitiques pour le compte de leurs supérieurs mafieux.

En aucun cas ces soldats ne se battent contre l’armée d’Israël qui occupe le Golan au Sud-Ouest du pays depuis 1967, encore moins pour aider leurs voisins Palestiniens privés de leur souveraineté quand l’Etat colonial d’Israël a été créé en lieu et place de l’occupation britannique. Cette cause juste, très chère aux Syriens, ne sert dans les faits qu’à légitimer leur mise au pas par leur propre tortionnaire.

En revanche certains conscrits peuvent se retrouver sur le front ukrainien après des tractations entre l’armée syrienne et celle de Poutine, comme en témoignent leurs familles affolées dans un article du site d’Al Jumhurya du 9 septembre dernier [site créé par des journalistes syriens d’opposition dès 2012].

Que vont trouver les familles quittant le Liban de retour chez elles en Syrie? Vont-elles vivre mieux ou moins bien? Leurs voisins vont-ils les dénoncer comme dissidents? Leurs terres ont-elles été confisquées? Leurs maisons sont-elles toujours là ou occupées par des familles des différentes milices pro-Assad? Dans certaines zones comme Quseir ou Yabroud au centre-ouest du pays, elles pourraient même trouver dans leurs maisons des familles libanaises sous égide du Hezbollah, se préparant à accueillir des proches Libanais fuyant l’agression israélienne.

La situation est différente pour ceux qui veulent rejoindre leurs villes et villages du Nord-Ouest de la Syrie. Ou y rejoindre leurs proches qui y ont été «nassés» par le régime au gré de ses reconquêtes des territoires soulevés pendant la révolution. Ils ne peuvent s’y rendre qu’au prix fort de plusieurs centaines de dollars, de difficultés et de dangers de mort réels. La ligne de front est en théorie infranchissable. Mais cela se fait, à l’aide de passeurs et de miliciens, en particulier depuis la montée, en 2023, des actes violents envers les Syriens au Liban. Même une personne recherchée par le régime peut espérer y parvenir, pour un coût et des risques multipliés. Les circuits compliqués impliquent parfois un passage par les territoires syriens du Nord-Est essentiellement sous contrôle de lAdministration Autonome. Soit, cette émanation politique des Forces Démocratiques Syriennes, qui s’est déclarée quant à elle disposée à recevoir les Syriens déplacés du Liban souhaitant retourner dans ses territoires. Elle a annoncé dans plusieurs communiqués, fin septembre, qu’elle supprimait provisoirement certaines démarches administratives rédhibitoires qui ont cours à ses points de passage avec les territoires tenus par le régime, tel que l’obligation de présenter un garant familial y résidant et de prouver son affiliation locale. Des camps d’accueils ont également été préparés pour recevoir des Syriens qui n’auraient pas de famille sur place a-t-elle annoncé. Ce mardi 1er octobre, l’Administration Autonome annonçait qu’un total de 7703 personnes déplacées étaient entrées sur ce territoire dont une vingtaine de Libanais.

Ce n’est pas la première fois que l’Administration Autonome prend des engagements au sujet des réfugiés syriens. Les Syriens fuyants le Soudan ainsi que ceux chassés dIrak en ont été l’objet. Au Liban, par le biais d’un «représentant officiel», elle aurait assuré les autorités de sa disposition à collaborer au retour des réfugié·e·s du Liban, concomitamment avec l’ambiance xénophobe du moment, alors que le régime Assad déclinait poliment arguant de son incapacité matérielle à le faire. Cela semble procurer à cette entité l’occasion de se présenter diplomatiquement comme l’équivalent d’un Etat souverain, d’une part, et de réclamer des aides internationales pour ces charges supplémentaires, d’une autre.

Les Syriens qui souhaitent rentrer chez eux dans cette zone devront d’abord traverser celle contrôlée par le régime Assad, légalement ou clandestinement, sans se faire arrêter pour une raison ou pour une autre. Puis ils pourront partager le sort de leurs concitoyens là-bas, qui n’est pas beaucoup plus enviable que ceux du reste du pays. Partout, en Syrie et dans les «régions» avoisinantes, on désespère de trouver une solution à l’injustice et l’indignité qui ne soit pas un nouvel exil. (1er octobre 2024. Article écrit et compilé à partir d’articles en arabe, traduits par l’auteure, publiés sur les sites suivants: Enab Baladi, Syria TV, Al Jumhuriya, Syria Direct, Syrian Network For Human Rights, Megaphone News, ManateqDaraj Media, NPAgency, Elnashra, The New Arab)

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