Iran. La prison d’Evin bombardée par l’aviation israélienne et l’accentuation de la répression exercée par le régime de la République islamique

En date du 26 juin, le correspondant du Monde en Iran, Ghazal Golshiri, écrivait: «Les façades éventrées, les structures métalliques arrachées, les murs effondrés, un amas de mobilier déchiqueté et de tôles pliées… Les images publiées mercredi 25 juin montrent l’intensité des frappes israéliennes, deux jours plus tôt, contre la prison d’Evin, à Téhéran, où sont notamment détenus des prisonniers politiques. Le pouvoir iranien n’a pas communiqué le bilan humain de ces frappes contre un «symbole du régime iranien», comme l’a présenté le ministre de la défense israélien, Israel Katz. Des témoignages font craindre un bilan très lourd. L’inquiétude grandit chez les proches des détenus.» Le New York Timesdu 23 juin (mis à jour le 25 juin), après avoir rappelé l’ouverture de la prison d’Evin en 1971 par le shah d’Iran, souligne qu’actuellement «des milliers de prisonniers sont détenus à Evin, parmi lesquels des centaines de dissidents, notamment d’éminents politiciens de l’opposition, des militants, des avocats, des journalistes, des militants écologistes et des étudiants. Elle sert également à détenir des prisonniers non iraniens ou ayant la double nationalité, dont beaucoup ont été accusés d’espionnage.» Le NYT rappelle que «Cécile Kohler et Jacques Paris, deux citoyens français, ont été détenus pendant plus de trois ans à la prison d’Evin. Leur détention est devenue un point de friction dans les relations entre la France et l’Iran.»

Le correspondant du quotidien Le Monde ajoute: «Quelques heures après les frappes, quelque 70 prisonnières politiques ont été transférées à la prison de Ghartchak, à 35 kilomètres de Téhéran. «L’espace est beaucoup trop petit, témoigne une ancienne prisonnière politique, en contact avec une codétenue désormais à Ghartchak. L’eau est de mauvaise qualité, la chaleur est insupportable, la ventilation est quasi inexistante. Mon amie m’a même dit: “Ici, c’est comme une étable.”» Des hommes prisonniers politiques ont été transférés à la prison de Fashafouyeh, dans le sud de Téhéran.«Certains dorment à même le sol, ils sont plusieurs dans une même cellule. Ils ont été déplacés si rapidement qu’ils n’ont même pas pu prendre leurs affaires et leurs médicaments, explique, sur X, Alireza Bakhtiar, fils de Mohammad Bagher, prisonnier politique. L’eau, là-bas, est saumâtre et non potable. Il y a une bouteille d’eau minérale pour quatre prisonniers politiques.» Amnestie Internationale Canada francophone, sur Facebook, titre: «Des images choquantes montrent des attaques israéliennes visant la prison d’Evin à Téhéran». Et constate que cela peut être un «crime de guerre».

Le 23 juin, le Center of Human Rights in Iran écrit: «La frappe aérienne israélienne d’aujourd’hui sur la prison d’Evin a causé de graves dommages à des zones critiques, notamment le quartier des femmes, le quartier 8, l’infirmerie et le bureau du procureur. Plusieurs soldats conscrits auraient été tués et blessés lors de l’attaque. Les prisonniers, parmi lesquels se trouvent des femmes et des enfants de moins de deux ans, sont pris au piège, sans accès aux soins médicaux, à un abri sûr ou aux services essentiels. Malgré cela, les autorités refusent de transférer les blessés vers des hôpitaux et empêchent les familles de rejoindre leurs proches. Au lieu de faciliter les opérations de sauvetage et l’aide médicale, les forces de sécurité iraniennes ont intensifié la répression à l’intérieur de la prison, menaçant et attaquant les détenus blessés. Des informations non confirmées faisant état de transferts secrets de prisonniers font craindre des disparitions forcées.»

Le 26 juin, le Center of Human Rights in Iran écrit à propos de l’accentuation de la répression engagée par les forces répressives de la République islamique: «Plus de 700 personnes ont été arrêtées à travers l’Iran au cours des 12 derniers jours, et plusieurs centaines d’autres ont été placées en détention à Téhéran. Des postes de contrôle ont été mis en place dans de nombreuses villes afin de faciliter les arrestations. Six exécutions pour espionnage ont été menées à bien depuis le début de la guerre, et d’autres condamnations à mort sont attendues. Les détenus sont soumis à des procès accélérés devant des tribunaux fantômes, sans avocat ni procédure régulière.»

Nous publions ci-dessous la traduction de la déclaration du Syndicat des travailleurs de la compagnie de bus de Téhéran et de sa banlieue à propos du bombardement de la prison d’Evin, une prison illustrant la permanence de la répression exercée par le régime islamique. (Réd. A l’Encontre)

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«Condamnation du bombardement de la prison d’Evin et exigence de l’application de la loi sur la libération des prisonniers en temps de guerre»

Déclaration du Syndicat des travailleurs de la compagnie de bus de Téhéran et de sa banlieue

Le Syndicat des travailleurs de la compagnie de bus de Téhéran et de sa banlieue condamne fermement, avec le plus grand regret et la plus grande colère, la frappe aérienne israélienne sur la prison d’Evin, qui a fait un nombre important de blessés parmi les prisonniers et a tué et blessé plusieurs membres du personnel, notamment le personnel médical et les conscrits [soldats récemment engagés]. Cette attaque constitue une violation flagrante des principes humanitaires, des droits humains et des obligations légales des institutions souveraines de protéger la vie et la sécurité des prisonniers. Conformément aux dispositions de la Quatrième Convention de Genève (1949) et du Premier Protocole additionnel (1977), les attaques contre des installations non militaires, y compris les prisons où sont détenues des personnes sans défense, sont strictement interdites, et les gouvernements sont tenus de protéger la vie des prisonniers et prisonnières en temps de guerre.

La prison d’Evin est tristement célèbre pour les membres de ce syndicat et pour de nombreux autres militants qui y ont été arrêtés, torturés et emprisonnés à plusieurs reprises. Cette prison est le lieu d’emprisonnement injuste pour de nombreux prisonniers, notamment des travailleurs et travailleuses, des enseignant·e·s, des étudiant·e·s, des femmes, des défenseurs des droits de l’enfant, des journalistes, des artistes et des militant·e·s politiques, idéologiques et civiques. Elle ne devrait en aucun cas être la cible d’une attaque militaire dans le cadre d’une guerre entre deux Etats. Dans la situation actuelle, où le pays est en état de guerre, le pouvoir judiciaire est tenu, conformément à la résolution n° 211 du Conseil supérieur de la magistrature (du 12 janvier 1986) et au Règlement d’application de l’Organisation pénitentiaire, de prendre des mesures pour libérer ou accorder des permissions de sortie d’urgence aux détenus  pour des crimes graves, ce qui inclut également tous les détenus susmentionnés.

En conséquence, le Syndicat des travailleurs de la Compagnie des bus de Téhéran et de banlieue, se fondant sur des engagements juridiques, éthiques et internationaux, exige la satisfaction immédiate et inconditionnelle des revendications suivantes :

  • La libération de tous les prisonniers politiques, civils, syndicaux, religieux et de droit commun, et l’abolition des peines de mort prononcées contre les militants politiques et civils ;
  • L’octroi de permissions de sortie d’urgence aux autres prisonniers n’ayant jamais commis de crimes violents contre des citoyens ;
  • Le transfert sûr et immédiat des prisonniers en danger vers des établissements protégés, adaptés et équipés de manière adéquate, conformément aux droits légaux et internationaux des prisonniers ;

Le Syndicat des travailleurs de la Compagnie des bus de Téhéran et de sa banlieue, tout en exprimant sa profonde préoccupation face à la situation des prisonniers et sa solidarité avec leurs familles, exige que les autorités responsables prennent immédiatement des mesures afin de prévenir la répétition de tels crimes et de garantir la sécurité des prisonniers dans la situation critique actuelle. Le Syndicat condamne une fois de plus fermement les attaques militaires israéliennes et américaines qui ont placé le pays au bord d’une catastrophe humanitaire de grande ampleur. La poursuite des politiques bellicistes met en danger la sécurité publique, la vie des populations et la survie de la société civile et doit cesser immédiatement.

Non à la guerre! Non aux politiques bellicistes.

Nous exigeons un cessez-le-feu immédiat.

Nous espérons instaurer la paix et la justice en Iran et dans le monde entier.

La solution pour les travailleurs et les travailleuses réside dans l’unité et l’organisation. – Syndicat des travailleurs de la compagnie de bus de Téhéran et de sa banlieue, 24 juin 2025 à 00:19

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