Grèce. Le chômage réel à 29,6%, la hausse de la pauvreté et de l’exclusion sociale

Par le Quotidien des rédacteurs

Le rapport annuel de INE-GSEE [Institut de recherche de la Confédération générale des travailleurs grecs (GSEE, secteur privé), publié le 13 mars 2017] sous le titre L’économie grecque et l’emploi contient des données importantes sur le cours du chômage, la croissance de la pauvreté et les inégalités sociales dans la population du pays.

Les chercheurs notent que le rapport rend visible la situation fragile de l’économie et de la société. Le taux de chômage reste le plus élevé de l’Union européenne (UE), le chômage de longue durée dépasse le 70% du total des chômeurs et chômeuses, la qualité des emplois décline, les formes irrégulières et illégales de travail à temps partiel sont en hausse, le travail non déclaré («au noir») soustrait des ressources vitales au budget public et au système de la sécurité sociale. [La rétrocession en cash à l’employeur d’une fraction du salaire, lors de son retrait auprès d’une banque, devient une pratique qui traduit la violence du chantage à l’emploi; le salarié, de plus, doit payer l’impôt sur le salaire déclaré par l’employeur!]

Entre autres, le rapport présente les données et les conclusions suivantes:

• La politique d’austérité budgétaire en vigueur a atteint des limites extrêmes pour ce qui a trait aux coupes dans les dépenses sociales et à la hausse des impôts. La continuation de cette politique va miner encore plus la fonction de base d’un budget public, la crédibilité du secteur public [ce qui est, par contre, fonctionnel à des privatisations sélectives] et la «viabilité» du service de la dette.

• L’intensité de l’austérité budgétaire dans les années à venir – l’économie devrait réussir à dégager des excédents primaires budgétaires [avant paiement du service de la dette] très élevés [pour atteindre 3,5% du PIB] – aura un effet négatif sur la capacité contributive des ménages, sur leur capacité de payer leurs dettes [1] et sur leur consommation. Le résultat immédiat sera l’accentuation du problème de solvabilité du secteur bancaire [qui doit faire face à des créances irrécouvrables], si n’interviennent ni des aides compensatoires [de la Banque centrale, sur décision de la BCE], ni la perspective d’expansion du secteur de la dite économie réelle [2].

• On constate une transformation petite et lente de la composition des dépenses/investissements. La grande partie vient actuellement des entreprises à la différence de la période antérieure où les dépenses des ménages étaient la composante principale [la consommation publique a fortement baissé et celle des ménages stagne, au mieux]. Les entreprises ont subi des pertes de leur stock en capital d’un montant de 33,9 milliards d’euros durant la période s’étalant du second trimestre de 2009 au même trimestre de 2016, tandis que l’économie dans son ensemble a perdu plus de 76 milliards d’euros [en 2015, le PIB de la Grèce est estimé à 195 milliards d’euros!].

• Les données concernant l’emploi et le chômage en 2016 continuent à s’améliorer de manière très marginale, au même rythme que constaté en 2014 et en 2015… Ce qu’on pourrait qualifier de taux de chômage «réel» atteint 29,6% [le taux donné par l’Institut de statistique le 9 mars était de 23,1% pour le mois de décembre 2016; de 45,2% pour les personnes âgées de 15 à 24 ans et de 30,2% pour celles de 25 à 34 ans].

Le chômage de longue durée reste à un niveau plus élevé que 70%… La combinaison du chômage élevé – du chômage de très longue durée, en particulier [24 mois ou plus] – avec le traitement légal du chômage [sortie de la statistique] aboutit à la croissance des emplois précaires, à une hausse des bas salaires et à une intensification du rythme de travail.

• Ces données montrent que la flexibilisation accrue des rapports du travail n’a aucun effet en termes de création effective d’emplois. Elle n’a comme résultat qu’une segmentation additionnelle des personnes actives [multiplication de facto des statuts] et une augmentation corrélée des inégalités entre les divers groupes de travailleurs. Cette situation a aussi des conséquences négatives sur l’évolution de la productivité du travail.

• En ce qui concerne le salaire moyen dans le secteur privé, on constate, suite au traitement des données de l’Enquête sur la main-d’œuvre (second trimestre de 2016), que la distribution du salaire mensuel net et le pourcentage des salariés [recevant formellement leur salaire] sont respectivement les suivants: moins de 800 euros pour 51,6% (15,2% touchent 499 euros, 23,6% de 500 à 699 euros et 12,8% de 700 à 800 euros); entre 800 et 999 euros: 17,3%; plus de 1000 euros :17,8% (11,1% entre 1000 et 1299 euros et 6,7% plus de 1300 euros). [En tenant compte de la hausse vertigineuse des impôts indirects et directs, le salaire disponible est nettement inférieur; le seul coût de l’énergie – électricité, gaz, etc. – a augmenté d’au moins 157% au cours des 10 dernières années; la précarité énergétique a explosé. De plus, un autre indice explicite la dimension drastique de l’austérité: de septembre 2015 à septembre 2016, la baisse de la consommation de lait est estimée à 15,4%. Il est assez facile d’imaginer la chute de la consommation d’un bien alimentaire essentiel depuis 2010-2011.]

Dans le secteur public: 11% touchent moins de 800 euros brut (13,1% reçoivent 499 euros, 3,5% de 500 à 699 euros et 4,4% de 700 à 799 euros), 23,6% reçoivent entre 800 et 999 euros et 54,4% reçoivent plus de 1000 euros (38,5% entre 1000 et 1299 euros et 15,7% plus de 1300 euros).

• L’emploi à plein-temps a passé de 79% en 2009 à 45,3% en 2016. En même temps, l’emploi sous diverses formes flexibles de travail se situait à 21% du total en 2009 et constitue 54,7% du total en 2016.

• La période de 2010 à 2015 a été marquée par des effets très négatifs qui sont visibles dans les indicateurs de pauvreté et d’inégalité. L’indicateur de pauvreté et d’exclusion sociale a passé de 27,7% en 2010 à 35,7% en 2015. Comme on pourrait s’y attendre, le pourcentage le plus élevé se trouve parmi les chômeurs et chômeuses, où l’indicateur indique une hausse 14,3% entre 2010 et 2015.

• Le fait que les retraités constituent un des groupes sociaux le plus nombreux a contribué de manière importante à maintenir et accroître la part de la population frappée par la pauvreté et l’extrême pauvreté.

• Le pourcentage des travailleurs qui se situent à la frontière statistique de la pauvreté et qui disposent d’un contrat de travail à durée déterminée (CDD) est trois fois plus élevé que celui des travailleurs ayant un CDI (contrat à durée indéterminée). Ce constat rend encore plus évident le fait que les emplois stables limitent l’insécurité des travailleurs quant à leur avenir et assurent, conjointement, un niveau de vie meilleur [contrairement aux déclarations de la campagne officielle sur la nécessité de «flexibilisation de l’emploi]»… Les CDI protègent les travailleurs et travailleuses face à la tendance générale à la paupérisation et à la dégradation de leurs conditions de vie.

• Les conséquences les plus graves de la crise affectent les secteurs inférieurs dans la distribution des revenus. On constate une accentuation de l’inégalité au sein de tous les groupes socio-économiques, à l’exception des fonctionnaires et des retraités [dans la mesure où la grande majorité des retraités a subi une baisse importante du montant de ses retraites!].

• Est particulièrement préoccupante l’explosion de l’inégalité parmi les chômeurs et chômeuses, ce qui renvoie à la réduction du nombre de bénéficiaires d’allocation de chômage conjointement à la hausse du chômage de longue durée. L’inégalité dans notre pays serait encore plus grande sans les transferts sociaux et les retraites en particulier [des transferts qui sont la cible de l’actuelle troisième mémorandum et de celui qui s’annonce]. (Article publié le 13 mars 2017 dans le Quotidien des rédacteurs; traduction A l’Encontre)

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[1] Le risque de perte de son logement – avec expulsion et mise aux enchères – ne cesse de s’accroître, en particulier pour les secteurs sociaux à bas revenus et relativement fortement endettés lors de l’acquisition d’un logement. Se détachent, en particulier – selon une étude datant de 2013 de l’Institut de recherche du GSEE –, deux «groupes d’âge» ayant acquis leur bien avant l’éclatement de la crise: 44-54 ans et 55-64 ans. A cela s’ajoute un grand nombre de femmes divorcées, avec enfants. (Rédaction A l’Encontre)

[2] Le dernier trimestre 2016, contrairement aux annonces du gouvernement, la contraction du PIB a été de 1,2% (contre 0,4% prévu). Cela en fait la contraction – calculée en termes constants, donc en volume – une des baisses les plus importantes depuis 1998, en comparaison avec les autres quatrièmes trimestres. Selon diverses études, l’émigration contrainte, pour l’essentiel de personnes qualifiées, a atteint depuis 2009 près de 500’000 personnes. (Rédaction A l’Encontre)

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