Après le Mali, où il faut encore traquer les djihadistes revanchards venus du sud libyen, les militaires français héritent d’une nouvelle terre de mission en Centrafrique. Jean-Claude Cousseran, ancien patron de la DGSE [Direction générale de la sécurité extérieure], avait naguère qualifié le Mali de «petit Afghanistan de proximité», en voici donc un second. «Et l’on n’en sortira pas de sitôt», prévoit un membre de l’état-major.
François Hollande a décidé d’envoyer 800 hommes, dont une centaine de commandos spéciaux, rejoindre les 450 soldats déjà chargés de protéger l’aéroport de Bangui. Et, cette semaine, le Conseil de sécurité votera une résolution qui attribuera à ce contingent français un rôle «de soutien et d’appui» à des unités africaines dotées d’un casque bleu et baptisées «force de maintien de la paix», avec beaucoup d’optimisme, par les dirigeants de l’ONU. Or la Centrafrique n’est plus un Etat et, à l’état-major des armées, on admet que «la situation y est incontrôlable». Tandis qu’un diplomate en poste à Bangui rappelle que «l’on s’y massacre pour des raisons tribales et religieuses et [que], avant de parler de maintenir la paix, il faut restaurer une autorité».
De plus, ce projet tient du vœu pieux. Les 9000 Casques bleus africains annoncés n’ont d’existence que sur les documents rédigés à New York par les Nations unies. Seuls 2500 d’entre eux sont déjà sur place, mal équipés, mal formés, et peu doués pour ce genre de mission, selon des officiers français présents à Bangui.
Solitude élyséenne
A en croire un conseiller de l’Elysée, «François Hollande n’a guère envie de toujours jouer les gendarmes en Afrique, et il voudrait que les Africains s’y emploient». C’est l’une des raisons qui l’ont amené à organiser, cette semaine à Paris [6 et 7 décembre], un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des pays avec lesquels la France a parfois conclu des accords de défense et d’assistance militaire.
L’intention du chef de l’Etat – encore un vœu pieux? – est de convaincre ses hôtes de s’associer pour constituer une force africaine capable d’intervenir dans les divers pays menacés par les groupes djihadistes et d’aider les armées locales à les combattre. Les services français ont déjà établi la liste des Etats menacés. «Un arc de crise» qui s’étend de l’ouest à l’est du continent: Mauritanie, Sénégal, Mali, Niger, Tchad, les deux Soudan, Somalie, etc.
Après l’appel aux Africains, l’appel aux Européens. A la demande pressante de François Hollande, un sommet se tiendra à Bruxelles les 19 et 20 décembre. Au programme, la politique commune de sécurité et de défense des 28 membres de l’Union.
«C’est une douce illusion. Quels sont les dirigeants européens qui y sont prêts?» grogne un diplomate. Mais Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, espère bien que l’on évoquera, à cette occasion, les interventions militaires en Afrique, auxquelles des Européens pourraient s’associer. Ne serait-ce que pour contribuer à la formation de certaines armées africaines et à leur équipement, même en vieux matériels.
Militaires et diplomates français concernés doutent fort que les deux sommets «convoqués» par Français Hollande permettent de convaincre les Européens. «Il est impossible de compter sur eux en Afrique», constate un officier. Selon lui, même les centaines de millions d’aide alimentaire ou médicale promises par l’Union européenne mettent des mois à parvenir aux populations affamées ou fuyant les combats. (Publié dans Le Canard enchaîné du décembre 2013)
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