France. «Macron et les rancunes classistes et raciales»

La police encadre «le dialogue» de Macron avec la population, en Alsace, le 19 avril

Par Sébastien Fontenelle

Les jours, en Macronie, se suivent et se ressemblent: les vilenies se succèdent selon un rythme immuable.

Depuis 48 heures, le chef de l’Etat français et ses ministres de compagnie tentent ainsi d’exciter dans la population française d’immondes ressentiments: la haine de classe, et la xénophobie débondée.

C’est Emmanuel Macron qui a personnellement donné le «la» de ce nouveau raffut enfiellé, en déclarant, dans le cours de son allocution du 17 avril: «Lutter contre toutes les formes de délinquance, contre toutes les fraudes, qu’elles soient sociales ou fiscales, sera (…) au cœur des actions du gouvernement.» Puis d’ajouter: «Nous renforcerons aussi le contrôle de l’immigration illégale.»

D’une part, donc, ce manipulateur place un signe d’égalité entre la fraude sociale et la fraude fiscale, alors qu’il sait parfaitement que la première est infiniment moins coûteuse pour la collectivité que la seconde, laquelle est, quant à elle, bien moins sévèrement réprimée: Macron suggère ainsi, sans le dire explicitement – car il assume rarement ses méchancetés – que les pauvres sont des délinquants, dont il convient de réprimer les «brigandages».

D’autre part, lorsqu’il évoque «l’immigration» immédiatement après avoir évoqué la «délinquance», il dit (sans l’énoncer distinctement, là non plus) que dans son esprit – comme dans celui de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, qui avait déjà fait quelques mois plus tôt cet amalgame –, délinquance et immigration sont étroitement liées.

Haro sur les migrant·e·s et les pauvres

Après que le chef de l’Etat français avait ainsi donné le ton de ce nouveau haro sur les migrant·e·s et les pauvres, plusieurs ministres macronistes ont repris en chœur ce sale petit refrain.

Darmanin, soudainement plus à l’écoute de ce que «veulent» selon lui «les Français» que dans le moment où ces derniers rejettent catégoriquement la réforme macroniste des retraites: «Les Français, ils veulent plus d’autorité, comme ils veulent plus lutter contre l’immigration irrégulière.»

Darmanin encore, toujours très à son aise dans la stigmatisation des nécessiteux: «Pour ceux qui touchent le RSA [Revenu de solidarité active], s’ils sont dans un parcours d’insertion, s’ils montrent de l’effort, il faut les aider, bien évidemment. Mais s’ils ne souhaitent pas reprendre le chemin du travail, il est normal que nous ayons des sanctions envers eux.»

Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique: «Nos compatriotes, légitimement, en ont ras le bol de la fraude. Ils en ont ras le bol de voir des personnes toucher des aides qu’ils payent eux-mêmes – c’est le contribuable, qui paie, il n’a aucune envie de voir que des personnes peuvent en bénéficier, le renvoyer au Maghreb ou ailleurs.»

Olivier Véran, ministre délégué chargé du Renouveau démocratique et porte-parole du Gouvernement, qui de son côté semble soudain retrouver – après la répression ultraviolente des manifestations contre la réforme des retraites – quelques vertus aux mobilisations citoyennes: «Les systèmes d’immigration et d’intégration dans notre pays, (…) c’est un beau thème, pour lequel on peut mobiliser des Français dans le cadre d’une convention citoyenne.»

Au mois d’avril 2022, Emmanuel Macron a été réélu grâce aux voix des millions de Français·e·s qui ont voté pour lui contre leur gré – mais parce que c’était le seul moyen d’empêcher l’élection de la candidate du Rassemblement national.

Immédiatement après sa victoire, il avait déclaré: «Je sais (…) que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi non pour soutenir les idées que je porte, mais pour faire barrage à celles de l’extrême-droite. Et je veux ici les remercier et leur dire que j’ai conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir.»

Un an plus tard, il «porte», haut et fort, et en «conscience», ces infectes «idées» où l’assistanat et l’immigration sont mêlés dans un même opprobre, et contre lesquels il prétendait faire barrage – mais on se tromperait si l’on considérait, comme le font encore certain·e·s commentateurs et commentatrices, que ces attaques, dont les victimes ressentent évidemment les effets très concrets, sont une «diversion» destinée à détourner notre attention du combat pour nos retraites.

Car quand un chef d’Etat excite des rancunes classistes et raciales pour asseoir son pouvoir, il convient de le regarder pour ce qu’il est: un odieux marchand de haine. (Article publié par l’hebdomadaire Politis le 20 avril 2023)

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