Annoncée initialement comme une journée d’action de la fonction publique, la grève du 10 octobre prend depuis quelques jours un cours nouveau et sera dans de nombreuses villes comme dans plusieurs secteurs professionnels un nouveau jour de lutte contre la politique anti-sociale du tandem Macron/Gattaz. Il est temps d’y aller.
En soi, la journée de grève dans la Fonction publique était plus qu’intéressante pour celles et ceux qui ne se résignent pas. Inédite de par son arc de force très large (toutes les organisations syndicales de la fonction publique y appellent), elle permet de reposer la question de l’unité syndicale. Placée un peu moins de trois semaines après la précédente journée de grève interprofessionnelle du 21 septembre, elle pourrait se transformer en étape de convergence au gré de la combativité dans les différents secteurs, opérant une jonction contre les différentes attaques présentes (réduction de l’Aide personnalisée au logement (APL), Contribution sociale généralisée (CSG): impôt touchant les retraites, les allocations de chômage, les salaires et les primes, etc.; les ordonnances contre le Code du travail, etc.) et à venir (retraites notamment).
Et c’est ce scénario qui semble s’esquisser. Que ce soient dans les secteurs professionnels, comme à la RATP (CGT, FO, Solidaires, Unsa), dans le Rail (CFDT, SUD, Unsa), la chimie (CGT, SUD)… ou dans les départements (Aude, Bouches-du-Rhône, Gers, Hérault, Loire-Atlantique, Loiret, Maine-et-Loire, Meurthe-et-Moselle, Puy-de-Dôme, Seine-Maritime, Deux-Sèvres, Tarn, Vienne, Yonne…), les appels à la grève public/privé se multiplient.
Si les Unions départementales CGT et Solidaires sont bien sûr en pointe, les configurations intersyndicales peuvent aller au-delà et sont variées, comme de le Maine-et-Loir. L’Union syndicale Solidaires a pris, nationalement, la responsabilité d’appeler ce 10 octobre l’ensemble de salarié·e·s à la grève. Gageons que les récents remous au sein de FO (son dirigeant Jean-Claude Mailly est largement contesté) et de la CFDT (y compris son dirigeant Laurent Berger est mis en cause) achèveront de convaincre (plus qu’il n’y en avait déjà) des équipes militantes dans ces syndicats que l’heure est à l’action, vigoureuse et déterminée.
Encore plus de grève
Cette nouvelle journée de grève prendra donc aussi un caractère interprofessionnel qu’il ne faut pas négliger. C’est sans doute pour cela que le gouvernement a opéré un premier recul face aux organisations de touriers, la CFDT et la CFTC menaçant d’une grève le 10 octobre justement (auquel continue d’appeler la CGT Transports), qui aurait rallié la grève reconductible lancée par la CGT, FO et Solidaires Transports dès le 25 septembre. Ce recul indique on ne peut plus clairement quel est le talon d’Achille de tout gouvernement: le blocage de l’économie.
On peut se lamenter et se dire que le «corporatisme» des routiers met en péril la grève générale… ce serait être de bien mauvais donneurs de leçon et, surtout, ça ne servirait strictement à rien! L’enjeu – s’il faut éviter les replis corporatistes – est bien plutôt d’ancrer et d’étendre la grève partout (c’est par exemple ce que tentent de faire les salarié.es de la centrale nucléaire de Dampierre en grève illimitée contre les ordonnances depuis le 28 septembre). Il ne s’agit pas tant de demander à nos collègues de cotiser à une caisse de grève pour celles et ceux qui la feraient à leur place : il faut discuter et convaincre autour de soi d’y aller. Le droit à la Grèce, utilisons-le! C’est là, quand l’extension de la lutte à plusieurs secteurs devient possible, quand les assemblées générales de grévistes mènent la contestation, que la grève est la plus forte et que le blocage de l’économie devient réel. Nous voulons une victoire interprofessionnelle, pour toutes et tous? Alors il faut construire une grève interprofessionnelle, de toutes et tous.
Pour l’instant, soyons lucides, le mouvement social qui se dessine n’est pas à pleine puissance. Mais pourtant il existe. A côté de ça, la conflictualité s’exprime aussi pour la défense de l’emploi, comme chez les cheminotes de Périgueux ou les salarié·e·s d’Hydro-Grenoble. Dans ce climat, une journée de grève forte le 10 octobre peut contribuer à redonner confiance. Dans la foulée, les métallurgistes sont invités à marcher jusqu’au siège de l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie) le 13 octobre. Et un appel, interprofessionnel et unitaire, à une nouvelle journée n’est pas improbable (on parle de la date du 19 octobre). Voilà de quoi faire.
Un peu de Catalogne
Et puis, au-delà des Pyrénées, nous avons bien vu qu’une grève générale c’est possible ! Le 3 octobre, la Catalogne a connu un arrêt massif de la production et de l’activité. Certes le contexte est bien différent, mais retenons que des habitudes ont été brisées. Ainsi, UGT et CCOO, les deux organisations syndicales majoritaires, envisageaient-elles d’abord de négocier des débrayages de quelques heures en journée. Malgré ça, c’est la grève tout entière qui s’est imposée : barrages routiers, blocages des zones industrielles, arrêt des transports, fermetures des commerces…
Ici l’état d’urgence et sa transposition dans le droit commun n’a pas encore – pour la majorité de la population – l’évidence de la répression brute qui s’est déchaînée en Catalogne. Il a pourtant les mêmes ressorts et les mêmes conséquences: museler toute contestation, corseter nos libertés. Quant à la morgue d’Emmanuel Macron, elle vaut bien celle de Rajoy. Ses injures («fainéants»,«illettrés», qui «ne sont rien» ou «foutent le bordel») à l’égard de la classe sociale qui est la nôtre ne peuvent pas rester sans réponses. Parce que d’autres, pour le moment réduits au silence, seront là, avec leur racisme et leur chauvinisme.
On peut gloser sur le départ de Philippot du FN, mais ce parti ne subit pas non plus une crise de l’ampleur de celle de 1999 et la scission mégrétiste. N’oublions pas que ce dernier est en embuscade et que le fascisme (post- ou néo- peut importe) peut encore pointer son museau putride. Que ferait-il des dispositions liberticides adoptées, confortablement, par l’Assemblée nationale?
Nous avons donc une responsabilité, face à Macron et face à Le Pen, celle de rendre visible, crédible, un projet politique et social autonome, hors calendrier électoral et s’opposant aux institutions, un projet bâti sur nos solidarités, nos luttes, nos résistances. Pour construire un pouvoir populaire. (6 octobre 2017)
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