France. «Ce texte permet des mesures restrictives de libertés sur la base d’un soupçon, d’un comportement, d’attitudes, de relations ou de propos»

Jacques Toubon

Entretien avec Jacques Toubon [1]
conduit par Jean-Baptiste Jacquin

Le conseil des ministres a examiné, jeudi 22 juin, le projet de loi prorogeant l’état d’urgence jusqu’au 1er novembre ainsi que celui «renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme». Pour Jacques Toubon, défenseur des droits, le gouvernement est dans «un piège». Selon lui, «l’état permanent» du droit proposé pour remplacer «l’état exceptionnel» comporte une «pilule empoisonnée»: le risque de dissoudre la cohésion nationale en stigmatisant une partie de la population au nom de sa religion.

 

Le gouvernement a approuvé, jeudi, la sixième prorogation de l’état d’urgence. Est-ce une erreur?

La question n’est pas de savoir si la prorogation est une bonne chose, la politique en décide. A partir du moment où l’on proroge, il faut décider soit de ne jamais en sortir, soit d’y mettre fin. C’est le piège dans lequel se trouve le gouvernement. Il répond en remplaçant le texte “état exceptionnel” de la législation par un texte “état permanent”. C’est le projet de loi censé remplacer l’état d’urgence. Il laisse entendre qu’après l’état d’urgence les mesures perdraient en efficacité ce qu’elles gagneraient en garantie des droits…

En réalité, ce nouvel “état permanent” du droit n’offre pas plus de garanties mais ne pourra plus être justifié par le caractère exceptionnel et temporaire. Ainsi la France va se retrouver fragilisée devant la Cour européenne des droits de l’homme et le Conseil constitutionnel. Et, enfin, il n’est pas démontré que vouloir sortir définitivement des dispositifs antiterroristes judiciaires mis en place depuis 1986 avec ce projet de loi est plus efficace. En tout cas, ce sera moins protecteur des libertés.

Quelle serait la solution face à une menace persistante?

Lever l’état d’urgence et mettre en œuvre les textes qui existent. Au moins sept lois ont été votées sous le quinquennat de François Hollande. Le gouvernement est pris dans un piège, logique, philosophique et juridique.

N’est-ce pas davantage un manque de courage politique sur l’utilité de l’état d’urgence?

Les Français ont peur et demandent le renforcement de la sécurité par tous les moyens. Le “nouveau cours politique”, après l’élection d’Emmanuel Macron, aurait pu permettre de développer une capacité à résister à l’opinion, à faire œuvre de pédagogie, afin de sortir de l’état d’urgence, au lieu de se mettre dans la complète continuité du gouvernement précédent. Je le regrette et je l’ai écrit au président de la République.

La terreur des politiques est de se voir reprocher de ne pas avoir pris une mesure dont l’absence serait considérée comme ayant permis un attentat. Passe pour irresponsable celui qui ose simplement discuter d’une disposition sécuritaire. Or, les démocraties ne peuvent pas répondre aux barbares en allant sur leur terrain, en mettant en cause la protection des libertés. L’Etat de droit est et restera notre arme la plus efficace.

Que pensez-vous du contenu du projet de loi?

Une remarque de forme d’abord: il crée une étonnante “novlangue” de l’antiterrorisme. On ne parle plus d’“assignation à résidence”, mais de “mesure individuelle de surveillance”, plus de “perquisitions administratives” mais de “visites et saisies”. Comme s’il s’agissait d’un exploit d’huissier!

Selon le gouvernement, son texte améliore la garantie des droits par rapport à l’état d’urgence car il ne concerne que le terrorisme…

C’est un trompe-l’œil! La France est en train de sortir des principes stricts du droit pénal et en particulier la légalité, la précision et la prédictibilité des délits et des peines. Non seulement ce texte n’améliore pas la situation, mais il étend la zone de flou. Il permet de prendre des mesures restrictives de libertés sur la base d’un soupçon, d’un comportement, d’attitudes, de relations ou de propos.

Deux précédents démontrent le danger et l’inanité juridique de cette espèce d’état gazeux du risque terroriste que pourrait représenter un individu. La mise en œuvre de la loi de 2014 sur l’apologie du terrorisme a conduit à un fiasco judiciaire. Et la censure par le Conseil constitutionnel de l’infraction de consultation de sites «djihadistes» a démontré que l’on était dans un flou incompatible avec la liberté d’expression et d’information.

J’ajoute une inquiétude pour notre société. Comme certains cas l’ont montré, ces textes pourraient se traduire par une sorte de “ciblage” d’une partie de la population. Si la mise en œuvre du droit permanent français revient à viser dans 99% des cas des personnes qui ont toutes la même religion, on instille une sorte de dissolvant de la cohésion nationale, une pilule empoisonnée.

La question va bien au-delà du respect de l’Etat de droit. N’est-on pas en train de faire le contraire de ce qu’il faudrait, et que l’on répète dans les discours sur le vivre-ensemble. Tout se passe comme s’il existait en France des gens qui ne seraient pas “pareils” et qui présenteraient par essence plus de risques. Permettre que la loi ordinaire fasse courir le risque de cette dérive, c’est laisser croire qu’il ne peut pas y avoir de nation française construite par la diversité. Une partie de la population risque de se sentir menacée. Comment lui dire, après, de se reconnaître dans la République?

Quelle mesure vous inquiète le plus dans le projet de loi?

La manière dont la surveillance électronique va être mise en place. Proposer à quelqu’un de porter un bracelet électronique et, s’il refuse, l’assigner dans sa commune n’est pas une garantie. Dire que la mesure est protectrice des libertés puisqu’elle ne concerne que les personnes qui l’acceptent est donc un sophisme.

Ce bracelet pourra-t-il un jour concerner les personnes fichées “S”?

La nature du texte et la discussion parlementaire peuvent porter ce risque d’une application massive à une certaine catégorie.

Le ministère de la justice semble avoir été en retrait…

Le gouvernement veut montrer à l’opinion que le plus important est la sécurité, pas la liberté. Le projet est donc confié au ministre de l’intérieur [Géarard Collomb, membre du PS et maire de Lyon depuis 2001].

Il est vrai que la sidération des Français n’a fait que renforcer leur tendance historique à préférer la culture de l’Etat plutôt que celle du droit et de la justice. J’espère que la nouvelle configuration politique, pleine de ressources imprévisibles, permettra de faire renaître le débat sur ces sujets essentiels comme s’interroger sur le rapport entre le “coût” des restrictions des libertés et le “bénéfice” en termes de sécurité.

Le Conseil d’Etat, dans son avis, a répondu…

Il écrit que la conciliation entre la prévention des atteintes à l’ordre public et le respect des droits et des libertés n’est pas “déséquilibrée” par ce texte. Ce n’est pas mon analyse. C’est pourquoi je regrette que la préparation de décisions portant sur de telles questions de société ne comporte pas des consultations plus étendues, telles que celles du Défenseur des droits ou de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. (Entretien publié dans Le Monde daté du 23 juin 2017)

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[1] Jacques Toubon, qui a participé à la création du RPR et fut membre de sa direction – a été, entre autres, ministre de la Justice et garde des Sceaux de mai 1995 à juin 1997, sous la présidence de Jacques Chirac et Défenseur des droits depuis le 17 juillet 2014.

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Toubon et Collomb

«De l’eau, de la nourriture, un lieu de répit et un accès pour le dépôt d’une demande d’asile. Voilà, en résumé, ce que le Défenseur des droits, Jacques Toubon, demande au gouvernement d’assurer aux quelque 600 migrants qui errent dans la région de Calais, pourchassés par les forces de l’ordre, empêchés de manger, boire et dormir. M. Toubon a rencontré mardi 14 juin le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, pour évoquer la situation de ce lieu, qu’il avait qualifiée d’«exceptionnellement grave» à l’issue de sa visite du 12 juin. (Le Monde, 22 juin 2017). Collomb, le 23 juin en «visite» à Calais: «On a vu que lorsqu’on laissait faire, on commençait avec quelques centaines de personnes et on finissait avec plusieurs milliers de personnes qu’on ne savait plus gérer. C’est pour ça que nous ne voulons pas de centre ici car à chaque fois qu’on a construit un centre, il y a eu appel d’air.» (AFP-Le Monde 23 juin 2017)

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Graver dans le marbre l’état d’urgence

Par Jérôme Hourdeaux

Gérard Collomb et Emmanuel Macron

Le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, a présenté jeudi 22 juin, en conseil des ministres, son plan visant à mettre un terme à l’état d’urgence tout en transposant ses principales mesures dans le droit commun aux fins de lutte contre le terrorisme.

Celui-ci consiste dans un premier temps à faire voter et inscrivant dans le droit commun quatre des mesures phares prévues par la loi de 1955 sur l’état d’urgence: les perquisitions administratives, les assignations à résidence, la création de «périmètres de sécurité», au sein desquels les règles de contrôles d’identité sont assouplies, et la fermeture de lieux de culte.

• A l’occasion de leur passage dans le droit commun, ces mesures administratives, c’est-à-dire ordonnées par un préfet ou le ministère de l’intérieur, sur la base d’informations souvent fournies par les services de renseignement, ont cependant été assouplies, afin de limiter les risques de censure. Le texte présenté ce jeudi en conseil des ministres est aussi sensiblement différent de celui concocté à l’origine par le ministère de l’intérieur et révélé, le 7 juin dernier, par Le Monde.

• Le principal assouplissement accordé par l’exécutif concerne les perquisitions administratives. Actuellement, sous le régime de l’état d’urgence, elles peuvent être menées de jour comme de nuit sur ordre du préfet ou du ministère de l’intérieur dans «tout lieu […] lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics». Dans le projet de loi, les perquisitions deviennent des «visites et saisies», et ne peuvent être ordonnées qu’aux «seules fins de prévenir des actes terroristes», estime le Conseil d’Etat dans son avis rendu le 15 juin.

Mais surtout, celles-ci sont désormais subordonnées à l’autorisation d’un juge judiciaire, le juge des libertés et de la détention (JLD). Ce magistrat sera l’un de ceux qui, au tribunal de Paris, travaillent habituellement avec le parquet terroriste. Celui-ci devra également autoriser l’exploitation des données et matériels informatiques saisis lors des perquisitions. Sous l’état d’urgence, cette autorisation était donnée par le juge administratif. Cette réintroduction du juge judiciaire, qui n’apparaissait pas dans le projet de loi initial élaboré par la place Beauvau [ministère de l’Intérieur], a satisfait le Conseil d’Etat, qui estime dans son avis «que cette nouvelle version du projet est de nature à lever les doutes sérieux sur la constitutionnalité et la conventionnalité du projet».

• Autre mesure phare de l’état d’urgence, l’assignation à résidence est transformée dans le projet de loi en obligation de «résider dans un périmètre déterminé». Les obligations de l’assigné y sont sensiblement allégées. Le périmètre «ne peut être inférieur à la commune» et doit permettre «à l’intéressé de poursuivre sa vie familiale et professionnelle», alors que l’assignation à résidence de l’état d’urgence ne devait que «tenir compte» de «la vie professionnelle et familiale». Sur demande du Conseil d’Etat, le gouvernement a ajouté à son texte que, dans ce but, le périmètre pourrait être élargi à «d’autres communes ou d’autres départements que ceux d[u] lieu habituel de résidence [de l’intéressé]».

Les obligations de pointage quotidien au commissariat sont, quant à elles, ramenées de trois à une. L’assigné à résidence pourra également être soumis, avec son accord écrit, au port d’un bracelet électronique. Dans ce cas, les obligations de pointage seront suspendues.

• L’état d’urgence posait certaines limites, légères, à la durée d’assignation à résidence, notamment qu’une «même personne ne peut être assignée à résidence pour une durée totale équivalant à plus de 12 mois». Passé ce délai, le ministère de l’Intérieur pouvait demander une dernière prolongation, qui ne devait «excéder une durée de trois mois». Dans le projet de loi, il n’y a pas de limite de la durée totale, mais «une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre, renouvelable par décision motivée sur la base d’éléments nouveaux ou complémentaires».

Dans son avis, le Conseil d’Etat recommandait pourtant de fixer une «durée maximale» tenant «compte de leur renouvellement éventuel» et proposait même 12 mois. Le gouvernement a donc passé outre, au risque de se voir sanctionné en cas de dérapage. Le 16 juin dernier, un tribunal administratif a en effet pour la première fois annulé une assignation à résidence de longue durée qui visait un couple résidant à Maubeuge, dans le Nord, depuis le mois de décembre 2015.

• En complément à ces assignations, le projet de loi permet à l’autorité administrative de prendre diverses mesures complémentaires, comme l’obligation de remettre son passeport, de déclarer ses déplacements ou encore, nouveauté par rapport à l’état d’urgence, de «déclarer ses identifiants de tout moyen de communication électronique».

• Le projet de loi prévoit également de pérenniser la possibilité pour les préfets d’instaurer des «zones de protection» à l’intérieur desquelles les forces de l’ordre disposent de pouvoirs exceptionnels en matière de contrôle des personnes. Dans le projet de loi, ces zones deviennent des «périmètres de protection». Mais les dérogations au droit commun restent les mêmes. Les forces de l’ordre peuvent y contrôler les identités, fouiller bagages et véhicules – avec l’accord du propriétaire, qui sera reconduit hors de la zone en cas de refus –, sans autorisation d’un juge.

Laurence Blisson, secrétaire générale du Syndicat de magistrature

Ces périmètres sont déterminés par le préfet «afin d’assurer la sécurité d’un lieu ou d’un événement soumis à un risque d’actes de terrorisme à raison de sa nature ou de l’ampleur de sa fréquentation». Cette formulation permettra, en théorie, de couvrir un grand nombre d’événements publics, comme l’a souligné le vendredi 9 juin un collectif de neuf associations [ACAT, Amnesty international, Action droits des musulmans, LDH, Quadrature du Net, Observatoire international des prisons, GISTI, Credof, Human Rights Watch, Syndicat de la magistrature] mobilisées contre le projet de loi. «Imaginez qu’il y ait un mouvement social. Il y aura beaucoup de manifestations. Il y aura donc forcément un risque terroriste et ils pourront créer un périmètre de sécurité», avait souligné durant la conférence de presse Serge Slama, maître de conférences en droit public et membre du Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux (Credof). «Ça peut être aussi des matchs de football, une braderie ou n’importe quel événement qui regrouperait un certain nombre de personnes, prévient l’universitaire. On a ici une extension considérable des possibilités de contrôle. On infuse donc bien la logique de l’état d’urgence de manière permanente.» «Ces contrôles s’étendent aux événements et aux lieux, avait de son côté souligné Laurence Blisson, du Syndicat de la magistrature. Il y a une déconnexion avec la recherche d’une infraction.»

• Enfin, quatrième mesure importée dans le droit commun, les préfets pourront ordonner la fermeture des lieux de culte «dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou les théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent, provoquent à la commission d’actes de terrorisme, en France ou à l’étranger, incitent à la violence, ou font l’apologie de tels actes». Le texte initial prévoyait en sus la fermeture des lieux de culte où sont tenus des propos provoquant «à la discrimination, à la haine, à la violence». Mais ce passage a été supprimé sur demande du Conseil d’Etat, «afin de restreindre le champ de la mesure à la seule finalité de prévention des actes de terrorisme».

• Pour le reste, le Conseil d’Etat qualifie à plusieurs reprises les mesures du projet de «justifiées et proportionnées» et permettant d’assurer la «conciliation» entre «la prévention des atteintes à l’ordre public et le respect des droits et libertés». Ce satisfecit global tient en grande partie à la limitation de la plupart des mesures «aux seules fins de la lutte contre le terrorisme», souligne l’avis du Conseil d’Etat.

Le gouvernement n’a eu de cesse d’assurer que ce texte ne pourrait être détourné de son objectif initial, contrairement à l’état d’urgence, qui a largement servi, notamment, à assigner à résidence ou à interdire à des militants de manifester. «Les conditions d’application sont beaucoup plus ciblées et encadrées. Quant aux mesures elles-mêmes, elles sont moins restrictives, a ainsi assuré Gérard Collomb dans une interview publiée mercredi 21 dans Le Figaro. Nous avons choisi de renforcer la sécurité des Français, de ne pas flancher devant la menace terroriste. Nous visons la sécurité optimale pour tous les Français, mais pas au prix de nos libertés.»

• Mais pour beaucoup, ces garanties ne sont pas suffisantes. «Le gouvernement dit qu’il n’y a pas de risque de dérapage, que ce sera limité aux infractions de terrorisme, avait ainsi estimé l’avocat William Bourdon lors de la conférence de presse organisée par les associations de défense des droits de l’homme. Qui peut être suffisamment naïf pour penser que si, demain, il y a des troubles sociaux graves, des manifestations qui dégénèrent, ces mesures ne vont pas être élargies dans leur application, au nom d’une conception d’un ordre public subjectif, vers des infractions qui seraient des infractions de droit, voire de graves atteintes contre la liberté d’expression ou la liberté de manifester».

Les associations avaient également dénoncé la logique à l’œuvre derrière cette transposition dans le droit commun de mesures d’exception. «C’est la France, pays de tradition humaniste dont le destin manifeste historiquement serait de propager l’esprit des Lumières, qui, aujourd’hui, inaugure une cérémonie à l’échelon européen, qui conduit à rendre éternel l’état d’urgence dans son droit commun», avait fustigé Me William Bourdon. «On justifiait l’état d’urgence par son caractère exceptionnel, a-t-il poursuivi. Avec ce projet de loi, la France inaugure quelque chose que seule la Turquie a tenté de faire.»

• Les dérogations au droit commun permises par l’état d’urgence se justifiaient en effet juridiquement par l’existence d’un «péril imminent» menaçant la nation. Pour les défenseurs des libertés publiques, la multiplication des prorogations de l’état d’urgence était en elle-même contradictoire avec cette condition. Si un péril menace un pays durant plusieurs années, on ne peut le considérer comme «imminent» qu’au risque de basculer dans un «état d’urgence permanent».

Ce basculement est pourtant en partie reconnu par ce projet de loi, qui justifie l’inscription de nouvelles mesures dans le droit commun par un «péril imminent» qui serait devenu «durable». «Si le péril imminent prend un caractère durable, affirme l’exposé des motifs du texte, il devient nécessaire […] de doter l’Etat de nouveaux instruments permanents de prévention et de lutte contre le terrorisme, en réservant les outils de l’état d’urgence à une situation exceptionnelle.»

• Outre ces transpositions des mesures de l’état d’urgence, le projet de loi contient plusieurs autres dispositions relatives au renseignement. La première concerne la transposition, dans le droit français, de la directive européenne sur le dispositif Passenger Name Record (PNR) destiné à faciliter les échanges d’informations sur les passagers aériens. Ce fichier est, selon la directive européenne, destiné à prévenir les infractions terroristes et les «formes graves de criminalité». Le projet de loi français y ajoute une troisième finalité, validée par le Conseil d’Etat: «prévenir et détecter les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation».

• Enfin, ce texte réintroduit une disposition, censurée en octobre 2016 par le Conseil constitutionnel, relative aux écoutes hertziennes. A l’époque, les Sages, saisis par une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), avaient prononcé la censure de ce type de surveillance, en raison d’une rédaction trop vague de la loi laissant la voie ouverte à différents dérapages. Le projet de loi limite désormais ces écoutes en excluant, notamment, les «réseaux gérés par un opérateur de communication électronique (téléphone portable, wi-fi par exemple)», souligne le Conseil d’Etat, qui a également validé cette mesure.

• Le texte doit désormais être transmis au Parlement en vue de son adoption avant le 1ernovembre, date à laquelle la dernière prolongation de l’état d’urgence prendra fin. Rien ne dit qu’il ne sera pas d’ici là amendé et durci, soit par les parlementaires, soit par l’exécutif lui-même. Jeudi en fin d’après-midi, le président de la République a d’ores et déjà annoncé le dépôt de plusieurs amendements. S’exprimant à l’occasion d’un conseil européen à Bruxelles, Emmanuel Macron est revenu sur la tentative d’attentat sur les Champs-Elysées du lundi 19 juin dont l’auteur, fiché S, était pourtant détenteur d’un permis de port d’armes.

«J’ai demandé ce matin en conseil de défense au ministre de L’Intérieur sous huit jours de proposer un plan d’action très précis, a annoncé le chef de l’Etat. Toutes les évolutions législatives qui seraient nécessaires au recoupement de tels fichiers et de telles informations, a poursuivi Emmanuel Macron, [seront] apportées par voie d’amendements au projet de loi». (Article publié sur Mediapart en date du 23 juin 2017)

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