Débat. Suisse-UE. «Chasse et sélection des migrant·e·s»

Par Dario Lopreno

En Suisse comme dans l’Union européenne (UE), la chasse aux immigré·e·s considérés comme illégaux ou comme requérants d’asile – notions contradictoires provenant du fait que les dominants séparent les droits civils et politiques des droits économiques, sociaux et culturels – et leur sélection ont remplacé le droit d’asile et nient la liberté de circulation des extra-Européens. Les accords de Dublin jouent un rôle clé dans ce processus. 

Une machine à broyer la personne

La Commission européenne reconnaît explicitement que les accords de Dublin n’ont pas pour objectif de procéder à un partage équitable des responsabilités ou de remédier à une répartition disproportionnée des demandeurs d’asile dans les Etats membres: 70% de l’ensemble des premières demandes d’asile présentées au cours de l’année 2014 sur le territoire de l’Union européenne ne l’ont été que dans cinq Etats membres – Allemagne, France, Grèce, Italie, Royaume-Uni –, selon des chiffres officiels de 2017.

Dans le cadre de Dublin, les transferts nets sont quant à eux proches de zéro. En effet, les Etats membres reçoivent et transfèrent des nombres comparables de demandeurs d’asile, les requêtes qu’ils reçoivent et envoient s’annulent quasiment. Ce qui signifie que, quantitativement, le règlement Dublin III (voir encadré sur Dublin, ci-dessous) n’a qu’un effet de redistribution très réduit, voire nul[1].

Le nombre de transferts effectifs et d’attentes de transfert est élevé, avec les mauvais traitements et les souffrances qu’ils impliquent. Pour l’année 2016, on comptait 23’000 transferts effectifs hors d’un Etat Dublin, 21’000 vers un Etat Dublin, 31’000 cas pendants, soit 75’000 personnes prises dans les rets de l’expulsion-déportation en une seule année. De 2008 à 2016, cela représente entre 250’000 et 300’000 transferts. Si l’on inclut les décisions de transfert prononcées mais non appliquées, le nombre de 400’000 est dépassé. Combien cela représente-t-il de détentions arbitraires, de douleurs psychiques et physiques, de stand-bydans l’angoisse[2]?

La détention administrative – autrement dit l’emprisonnement sans qu’aucun délit n’ait été commis, en vue de l’expulsion (voir Le Monde du 27 juin 2018) – est largement pratiquée dans le cadre des renvois Dublin, constituant une part importante du vaste réseau carcéral européen de l’asile et des migrations. Le tout dans un immense flou: la Directive européenne «retour» fixe la durée maximale de détention à dix-huit mois, tandis que le Règlement Dublin III la fixe à trois mois et que la Directive sur les conditions d’accueil ne fixe pas de limite[3].

La Suisse, pays souvent précurseur en matière de «démocratie liberticide», a pratiqué une détention administrative des étrangers pouvant aller jusqu’à deux ans. C’est la très dure Directive européenne retour qui l’a obligée à ramener cette détention à dix-huit mois en 2011[4]!

Bien que la loi interdise la détention d’enfants migrants âgés de moins de 15 ans, elle est fréquente en Europe et en Suisse. Dans ce dernier cas, «seul un petit nombre de cantons met à disposition des statistiques exhaustives et détaillées» sur la question[5]. De la sorte, les autorités ne rendent que des comptes vagues et peuvent systématiquement démentir les chiffres avancés par les défenseurs des droits humains.

Tout cela donne d’amples variations pour la durée maximale d’emprisonnement sans délit (détention administrative) au sein de l’Europe de Dublin: l’Irlande et la Grande-Bretagne, qui n’ont pas intégré la Directive retour, n’ont pas de limites; la France a fixé la durée à 45 jours, l’Espagne à 60. Dans les autres Etats, cela varie de six à dix-huit mois. Par ailleurs, seuls trois Etats interdisent formellement la détention de mineurs, du moins théoriquement: l’Irlande, la Bulgarie et la Grèce. Comme à chaque fois pour ce qui a trait aux législations restreignant les droits de la personne, toutes ces dispositions sont assorties d’une quantité de possibilités de réserves, de nuances, de péjorations, d’exceptions, etc. de la part de l’Etat qui emprisonne sans délit.

Combien de disparitions dans la clandestinité se cachent derrière ces chiffres? Selon la Commission européenne, jusqu’à 42% des demandeurs d’asile qui n’ont pas été effectivement transférés dans le cadre du système Dublin restent durablement dans l’UE, en situation dite irrégulière. Dublin est non seulement un système continental de maltraitance et de brimade de centaines de milliers d’êtres humains extra-européens, mais aussi une fabrique continentale d’errants et de sans-papiers. Conclusion de la Commission: «Il est fort probable que le système actuel demeure intenable dans le contexte de la pression migratoire persistante…».

Outre ces chiffres effrayants, il faut prendre en compte les 98’000 expulsions de ressortissant·e·s extra-européens pour la seule année 2017 ou des 360’000 expulsions de l’UE au cours des sept dernières années. Des chiffres qui n’incluent pas les très nombreux refoulements directs aux frontières[6].

 

Le règlement de Dublin (convention en 1990 et règlements en 2003 et 2013)

Dublin[7] a mis en place un système centré sur le renvoi d’un demandeur d’asile vers le premier pays où il a déposé – ou bien, de facto, où on lui a fait déposer – une demande d’asile, considéré comme l’Etat responsable du traitement d’une demande d’asile.

La convention de Dublin, qui date de 1990, est devenue règlement en 2003 (Dublin II). Elle est alors étendue à toute l’Union européenne (UE), puis à l’Islande, à la Norvège, au Liechtenstein et à la Suisse où elle est mise en application depuis fin 2008, acceptée lors d’un vote référendaire par 55% des votant·e·s. Vraisemblablement une partie importante de ces derniers n’a pas mesuré les graves implications de ce vote, en termes de violence systémique et de répression de masse. Les votants ayant été mis en confiance par le soutien inconditionnel, avec un discours dit d’ouverture à l’Europe, des droites et des gauches officielles, ainsi que par les directions syndicales.

Le Règlement Dublin III entre en vigueur en janvier 2014. Outre les demandes d’asile, il englobe aussi les procédures pour protection subsidiaire (non-renvoi provisoire malgré le refus de l’asile). Dublin III contient des changements considérés, de manière étonnante, comme de réelles améliorations par certains défenseurs de l’asile (les défaites accumulées sont telles, pour ces milieux, que parfois ils se mettent à accepter le pire, par crainte du pire du pire…):

  • mention aux droits de l’homme du demandeur d’asile (cf. Considérants), principes qui de facto resteront pratiquement ignorés;
  • plus de protection de la famille et des mineurs (art. 9 à 11), y compris non accompagnés (art. 8), mais ce sont là des assurances précaires;
  • garantie de droit de recours et d’assistance juridique (art. 27), assortie de toutes les restrictions possibles et imaginables y compris le non-accès à ces droits;
  • limites à la détention (art. 28), avec une notion de proportionnalité très vague;
  • limites pour le transfert vers un autre Etat Dublin responsable de la demande d’asile où il existe une «pression particulière» (art.33) quant à la fonctionnalité du système, quant à des défaillances dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil, à des «risques de traitement inhumain ou dégradant» (art. 3); or ces limites ne sont ni automatiques (sur la non-expulsion) ni contraignantes (pour l’Etat responsable);
  • précisions quant aux délais à respecter dans les diverses étapes de la procédure, ce qui n’est que rarement à l’avantage du demandeur d’asile.

Tout cela se passe dans des espaces de non-droit, dans des lieux où l’arbitraire et la résignation sont le pain quotidien des salarié·e·s-surveillants qui craignent de perdre leur emploi et leur revenu. Autrement dit, un personnel qui perpétue au quotidien ce système carcéral européen, confronté à des requérants généralement démunis pour faire valoir leurs droits, le tout se passant à des rythmes jamais contrôlables par les victimes.

Cette réalité est encadrée – dans le texte officiel (Règlement Dublin) – par d’innombrables formulations qui permettent de tout relativiser, telles que «délai raisonnable», «aussi bref que possible» si «nécessaire», «dans des conditions humaines», «dans le plein respect des droits fondamentaux et de la dignité humaine».

C’est en outre un processus dans le cadre duquel les demandeurs d’asile peuvent attendre jusqu’à? 10 à 12 mois avant que la procédure d’examen de leur demande de protection internationale ne commence. Par ailleurs les «délais raisonnables» de recours, pour les victimes de Dublin, varient de trois à soixante jours selon l’Etat – dans certains cas avec effet suspensif. De même, les conditions de détention avant l’expulsion sont toujours inhumaines, mais tout de même très différentes d’un Etat à l’autre.

 

Une crise sans solution?

Les conditions de «mésaccueil» et de rejet, dans l’Union européenne et les pays associés, sont si dures que Dublin connaît des suspensions, de droit ou de fait, de ses propres mécanismes.

Depuis l’application des mémorandums (planification sur la durée d’une brutale austérité), le gouvernement grec n’a plus fait face au minimum de ses engagements envers les migrant·e·s et réfugié·e·s. Les autorités européennes y ont suspendu Dublin en 2011, pour le reprendre depuis peu[8], reprise indépendante du fait que rien n’a changé en Grèce, sauf que l’UE a signé, en 2016, un accord d’expulsions massives des migrants et réfugiés de Grèce vers la Turquie. Il s’agit d’un accord à 6 milliards d’euros (2 tranches de 3 milliards), dont seuls 2 milliards ont été versés à ce jour[9]. Un accord qui a poussé une masse de migrants, devant désormais éviter la Grèce, à tomber dans l’enfer de bandes armées tortionnaires et d’esclavagistes, de paramilitaires et autres milices qui tiennent le territoire libyen et qui reçoivent l’aide de l’UE et de ses Etats membres, malgré les condamnations officielles[10]. Ou alors les migrant·e·s et réfugié·e·s voulant éviter la Libye tombent, par exemple, aux mains des forces répressives officielles d’Algérie, qui les expulsent par milliers, notamment vers la frontière du Niger[11]. Ils seraient près de 30’000 Nigériens et Maliens à avoir été ainsi expulsés en trois ans et demi, parfois abandonnés dans le désert.

En Hongrie est appliquée la détention presque systématique des demandeurs d’asile, quand ils ne sont pas expulsés avant même l’examen de leur demande. Il s’ensuivit la suspension des transferts vers ce pays de la part de certains Etats membres de l’UE. A la suite d’une politique quasi systématique de détention des demandeurs d’asile à Malte, certains tribunaux d’Etats de l’UE ont suspendu les transferts Dublin. En Bulgarie, l’emprisonnement de requérants d’asile et l’inaccessibilité à aux soins sanitaires posent le même problème. Les renvoyés Dublin vers l’Italie sont souvent rejetés à la rue, sans domicile, sans accès aux soins, sans minimum vital. Ils retournent alors dans le pays d’où ils ont été expulsés, qui les renvoie à nouveau s’ils se font contrôler.

Dublin est une embarcation de migrants prenant l’eau dès ses débuts, devenue une épave de radeau de la Méduse. Actuellement, cela fait plus de deux ans que les autorités européennes ne parviennent pas à lancer une nouvelle négociation interne pour définir un Dublin IV. Presque tous les Etats concernés, sauf les riverains de la Méditerranée, veulent conserver les dispositions définissant l’Etat membre «responsable» de l’examen de la demande d’asile, ce qui rend Dublin impraticable, tandis que la mise en place d’un mécanisme correcteur, en cas «de gestion de crise», ne dépend que de la bonne volonté des Etats. Avec le nouveau gouvernement national-souverainiste italien, depuis fin mai, et avec la nouvelle présidence autrichienne de l’Union européenne, depuis le 1er juillet, les dysfonctionnements «autour» de Dublin vont s’accroître. Ce règlement est certes répugnant, toutefois il faut avoir à l’esprit que l’aggravation de sa crise ne présage rien de bon.

Des mécanismes «correcteurs»

A ce jour, trois mécanismes correcteurs conjoncturels de Dublin ont été adoptés par l’UE. Le premier (septembre 2015) consiste à «relocaliser» 160’000 demandeurs d’asile depuis l’Italie, la Grèce et la Hongrie, jusqu’en septembre 2017. Suite au refus de la Hongrie, il s’est alors agi de 100’000 personnes (Italie et Grèce). En mars 2018, la Commission européenne indiquait que seuls 33% des demandeurs concernés ont été relocalisés[12]. D’autres sources non officielles affirment qu’il s’agit en fait de beaucoup moins que 33%. Le second (juillet 2015) consiste à «réinstaller» quelque 22’000 réfugié·e·s depuis des Etats extérieurs à l’UE vers les Etats membres. Près de trois ans après, cela n’est pas encore réalisé[13].

Quant au troisième mécanisme correcteur, il a été mis sur le tapis alors que les embarcations des organisations non gouvernementales (ONG), qui sauvent des migrants de la mort par naufrage ou de l’enfer des polices et milices d’Afrique du Nord, se font rejeter de plus en plus souvent par les Etats européens méditerranéens. Ce mécanisme aurait dû sortir de la réunion du Conseil européen[14]du 28 juin, destinée à discuter notamment de nouvelles «relocalisations».

D’une part, le plus grand commun diviseur sorti de cette réunion consiste dans… un vieil acquis de l’UE: tendre vers l’immigration sélectionnée et choisie en luttant contre l’immigration dite illégale (les migrants et réfugiés) et contre les passeurs (dont l’existence et l’emprise sont le sous-produit du fait que l’UE érige la Grande muraille d’Europe)[15]. D’autre part, il a été également discuté des points suivants:

  • installer, sur les côtes de l’Afrique du Nord, des «plateformes régionales de débarquement» (en langue courante, prisons d’office au-delà de la Méditerranée) pour migrants et réfugiés; mais il n’y a pas de pays candidat;
  • ouvrir des «centres contrôlés» sur le territoire européen (prisons d’office en deçà de la Méditerranée), plus précisément en Grèce, Italie, Espagne, mais ni à Chypre, Malte ou en France toutefois; les «candidats» manquent;
  • procéder, depuis ces centres, d’abord à un tri assorti de sélection pour renvoi ou pour accession à la demande d’asile, puis à des relocalisations vers d’autres Etats de l’UE, «sur base volontaire»; une quinzaine d’Etats sur 28 se sont déclarés éventuellement volontaires. Néanmoins, aucun n’a dépassé le stade de la déclaration d’intention et, ensuite, tout cela signifie peu de chose puisque les centres en question n’existent pas (encore);
  • organiser en parallèle, d’une part, une petite sélection d’élus, dans les prisons pour migrants extérieures à l’UE, avec la collaboration du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), et, d’autre part, de nombreuses expulsions «volontaires», depuis les prisons pour migrants et réfugiés intérieures à l’UE, avec la collaboration de l’Organisation mondiale des migrations (OIM).

A l’issue de ce Conseil européen s’est tenue, le dimanche 29 juin, une réunion informelle réunissant seize Etats de l’UE[16], sans grand résultat, placée sous l’égide de la Commission européenne[17]. Son but: concilier les diverses positions divergentes autour des propositions mentionnées.

Toutefois, ce qui avance en dehors de toute réunion formelle, c’est la mise en pratique de l’idée qu’il ne s’agit pas d’empêcher les migrants et réfugiés d’arriver en Europe, mais qu’il s’agit de les empêcher de partir d’Afrique et du Proche et Moyen-Orient[18]. Cela se concrétise par les importants appuis, financiers, matériels ou de formation, apportés par l’UE ou directement par certains de ses Etats membres, aux polices, garde-côtes, milices paramilitaires et autorités gouvernementales, principalement de Libye, mais aussi de Turquie, d’Egypte, d’Algérie, du Maroc. Tout cela est dispersé dans des notifications au sein de mille documents ponctuels, nationaux ou européens. Des fuites médiatiques parfois en révèlent l’existence. C’est aussi l’accroissement de plus de 600% (de 1500 à 10’000) des effectifs de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (ex-agence Frontex), avec l’augmentation de ses prérogatives – dont la possibilité de patrouiller en Afrique du Nord – et de ses échanges d’informations et collaborations pratiques avec les institutions de répression maritimes et terrestres des pays d’Afrique du Nord[19].

Un territoire de plus en plus militarisé

L’UE est ici partie du maillon faible, les migrants dits «illégaux», pour militariser la «question migratoire»[20] par:

• la militarisation des frontières: un article du Guardian rappelle que, parmi les pays les plus riches de la planète, 15 avaient des murs ou des clôtures à leurs frontières en 1990, et 70 début 2016[21];

• les camps sur des marges toujours plus lointaines de l’Europe;

• l’extension du réseau des camps de détention pour migrants en Europe, en Italie et en Grèce, avec les hot-spots(identification et enregistrement dans des centres premiers de tri);

• l’amplification du système de fichage de masse des migrants illégaux extra-UE (Eurodac), y compris pour les enfants dès 6 ans;

• la mise en place du système européen ETIAS, soit un fichage avancé des visiteurs des 60 pays qui n’ont pas besoin de visa pour entrer dans l’UE;

• l’introduction de sanctions européennes très sévères (perte de l’accès aux moyens de subsistance) contre les requérants d’asile coupables de ne pas respecter les normes Dublin, sachant qu’en 2014 (il n’y a pas d’étude plus récente), 11 ans après l’introduction du Règlement Dublin II, 24% des demandeurs d’asile avaient déjà déposé une demande dans un autre Etat, selon un document de 2016 de la Commission européenne[22];

• le renforcement du flicage des populations européennes, lors des sorties de l’espace Schengen (élargissement du fichier SIS, Système d’information Schengen);

• l’introduction des puces électroniques obligatoires pour les documents d’identité des ressortissants des Etats de l’UE et associés;

• la redoutable interopérabilité(perméabilité) des divers fichiers électroniques de l’UE, que prépare le Big-Brother-Parlement européen; ce dernier, non content de ne pas avoir de réels pouvoirs, s’applique à être la «Voix de ses Maîtres»: les pouvoirs des pays de l’UE et la Commission européenne.

Ainsi, le dispositif mis en place dans le domaine de l’asile sert à tester des atteintes à divers droits de l’ensemble des salarié·e·s, ce qui se profile déjà dans nombre de lois de type autoritaire mises en œuvre dans les pays européens et dans les pratiques policières répressives lors de mouvements sociaux divers.

Evidemment cette militarisation des frontières de l’UE a un «prix humain». Il manque en effet à ce tableau les cimetières érigés aux frontières de l’UE. The Migrants’ File et United Against Refugee Deaths estiment que, de janvier 2000 à juin 2015, 30’000 personnes sont mortes en tentant de pénétrer en Europe. Si on y ajoute les plus de 10’000 morts de juillet 2015 à avril 2018, cela aboutit au chiffre terrifiant de 40’000 morts «documentés»(combien, en réalité?), en dix-sept ans[23]!

Tout cela donne également lieu à un important chiffre d’affaires produit par cette gestion policière et militarisée des migrations: avec ses sous-traitances étatiques du (semi)emprisonnement, de la surveillance prenant appui sur une technologie de pointe, les déploiements des polices des terres et des mers, les centres de conseil et de soutien, ses réseaux de voyage clandestin, etc. Ce que Claire Rodier nomme le «business de la migration»[24].

Des helvétismes dublinois

Dans ce contexte de durcissement de la chasse aux migrant·e·s et requérant·e·s et de leur sélection les autorités suisses et leur ministre social-démocrate (Simonetta Sommaruga) du Département de justice et police (sic) sont aux avant-postes.

Trente-sept ans après l’entrée en vigueur de la Loi sur l’asile (LAsi), en 1981, après onze révisions de fond et des dizaines de révisions ponctuelles ou partielles, cette dernière est soumise à la moulinette de sa 12e révision[25]. Elle va intégrer la nouvelle donne européenne prenant forme autour de la crise de Dublin.

Dans ce contexte d’érection de forteresses-poupées russes, les partis gouvernementaux défenseurs de la Forteresse Suisse – des sociaux-démocrates à l’UDC (Union démocratique du centre, droite extrême) en passant par les libéraux-radicaux et les démocrates-chrétiens – sont sur le qui-vive avec leurs autorités fédérales, leurs gardes-frontières et leur administration.

Dans leur grande angoisse d’Überfremdung[26], «la catastrophe est imminente». Le caractère idéologique de ce discours est éclairé par ces seuls chiffres: le 0,29% de la population suisse que représentaient les permis N (requérant d’asile) en 2017 pourrait doubler et représenter le 0,58% en 2018 ou 2019, si les autorités italiennes se mettaient à contourner Dublin!

Le langage «dublinois» du rejet de l’étranger

Dans ce cadre des Accords de Dublin, le vocabulaire des partis politiques gouvernementaux de droite ou de gauche, des autorités de l’asile, des interventions parlementaires, et même souvent des médias et des syndicalistes, regorge d’expressions destinées à ancrer deux idées, dans l’imaginaire collectif. D’une part, l’idée de l’abus et, d’autre part, l’idée du trop grand nombre de réfugiés, de requérants d’asile, de sans-papiers. Indépendamment des réalités quantitatives. Ainsi «on» n’a jamais autant parlé de l’arrivée des migrants et des réfugiés alors qu’ils sont à leur minimum statistique.

Dans le premier cas, il y a les phraséologies qui séparent nettement les réfugiés dits économiqueset ceux dits politiques, les vrais et les faux demandeurs d’asile.Ce qui est un double oxymore, puisque non seulement la Charte internationale des droits de l’homme de l’ONU[27] reconnaît le droit à la migration pour tous. Mais de plus elle lie indissociablement les droits économiques, sociaux et culturels aux droits civils et politiques.

Crédits: Radio France

Dans le second cas, on parle de montée en flèche des arrivées de requérants d’asile ou des demandes d’asile, d’afflux massif, d’entrées massives sur le territoire, de flux continus, de vagues, de déferlements, d’invasions, de tsunamis, d’explosion des coûts de l’asile et de l’aide sociale aux réfugiés, de bombe à retardement financière de l’asile, de surcharge du système d’asile, etc.

Dans la droite ligne des représentations collectives façonnées par un «récit officiel» qui implique la construction d’une cécité sur le rapport entre discours et action, on ne nomme pas explicitement les personnes stigmatisées et maltraitées par la politique d’asile; les acronymes administratifs camouflent les tragédies humaines et plus d’une fois sont repris, sans en mesurer la fonction spécifique, par la «gauche» ou des ONG:

  • Les victimes de Non-Entrée en Matière deviennent des NEM.
  • Les victimes d’une décision négative d’asile et de renvoi, ou «NEGation d’Entrée», deviennent des NEGE.
  • Ceux qui se voient infliger l’aide d’urgence de longue durée deviennent des « Bénéficiaires de l’Aide d’urgence de Longue Durée », les BALD.
  • Les exilés de l’enfer des pays d’Europe qui les jettent à la rue deviennent des « Demandes d’Asile Multiples», les DAM.
  • Souvent, les migrants et requérants d’asile deviennent des cas – un cas étant toujours un problème en soi, ce qui donne les dénominations «cas Dublin», «nouveau cas», «ancien cas», etc.
  • Il y a aussi les nouveaux arrivés, nommés «clandestins», «entrées illégales» ou «sans-papiers», «migrants économiques», mis ainsi automatiquement en porte-à-faux avec la légitimité de leur migration ou avec la légalité, mots qui riment avec menaçant, violant les lois.
  • Les prisons pour requérants d’asile à peine arrivés et n’ayant commis aucun délit sont nommées «Centre d’enregistrement et de procédure» ou CEP.
  • L’emprisonnement d'(ex-)requérants d’asile et autres étrangers en voie d’expulsion est désigné par l’expression «mesures de contrainte»; or on ne contraint pas quelqu’un qui n’a pas de raisons de l’être ou qui ne constitue pas un danger.
  • Il y a également l’emprisonnement administratif des étrangers, mise en prison qui, par le mot administratif, prend une tournure presque inoffensive.

Par ailleurs il n’est pas rare que les autorités s’adonnent à un vrai match bureaucratique – mais bel et bien réel – de ping-pong d’êtres humains, justifié au nom du Règlement de Dublin et mis en pratique par des policiers disciplinés.

Mentionnons un cas récent, à Genève, qui a été contrôlé et arrêté 5 fois par la police, pour délit de sale gueule, et renvoyé chaque fois en Italie par avion, sur la base de ce que l’on nomme une décision de justice, avec amendes salées à l’appui, induisant des peines de prison pour non-paiement d’amende et même pour deal (comment survivre?).

Par-delà les signes

« Par-delà les signes et leur commencement (…)», écrit le poète portugais Antonio Ramos Rosa[28]. Par-delà les signes des maltraitances et violences, qui sont paradoxalement à la fois systémiquement organisées et profondément désordonnées à l’échelle de l’ensemble des pays Dublin, maltraitances et violences à peine esquissées dans ces lignes, que peut-on percevoir? Avons-nous affaire à des manifestations de la très ancienne tradition des Etats autoritaires et de la cruauté organique et routinière des classes dominantes européennes mise en œuvre historiquement face «aux classes dangereuses»? Sont-ce des manifestations particulièrement brutales d’une politique de dissuasion, qui n’a de limites que son résultat final, indépendamment de ses effets collatéraux, aussi dramatiques et mortifères soient-ils? Y a-t-il une force d’inertie dans tout cela, une certaine auto-reproduction des processus, du fait du business que représente la tentative continentale de contenir et de réprimer les migrations et le refuge, impliquant effectivement beaucoup d’entreprises et de profits? Est-ce un pipe-line à sans-papierscontraints à la discrétion, pour servir les exigences de l’accumulation du capital?

Autant de questions pertinentes. Mais restent trois autres éléments primordiaux à prendre en considération.

L’enfumage par la question démographique

Le premier de ces trois éléments nous pose une question: les institutions de l’UE et de la majorité de ses Etats membres ou associés sous-estiment-elles les besoins démographiques (apports extérieurs donc immigrations) des capitalismes européens d’ici à la fin du siècle (notamment rôle de l’accroissement de la population pour le développement du capitalisme)? Suivant les diverses estimations décennales pour le XXIe siècle (2015 à 2080)[29], aucun pays de l’UE (sauf la France uniquement en 2020 et la Suède dès 2060) n’atteindra un taux de reproduction de 2,1[30] naissances vivantes par femme (reproduction de la population sans apports migratoires). Même les pays qui, comme la Hongrie, la Slovaquie, la Pologne, la Roumanie et l’Espagne, auront le plus fort accroissement de la fécondité, n’atteindront pas le taux de reproduction de 2,1.

Par ailleurs, un paradoxe est à souligner. D’un côté, les pays qui ont reçu le plus grand nombre d’immigrés extra-européens entre 2013 et 2016[31] (Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne, France) en ont reçu 2,3 fois plus que tous les autres pays de l’UE; parmi eux, l’Allemagne qui représente le 12% de la population totale de l’UE, a reçu le 28% des immigrés en question. De l’autre côté, si l’on s’intéresse au nombre d’immigrés extra-européens en pour cent de la population du pays, ceux qui ont accueilli le plus de ces immigrés sont Malte, Luxembourg, Suède, Allemagne, Chypre et Autriche, la moitié de ces pays étant souvent qualifiés par les médias de «très fermés».

D’un autre point de vue, nous pouvons considérer que l’UE connaîtra une stabilisation démographique, éventuellement sous forme de légère croissance, plus probablement sous forme de décroissance, au cours des prochaines décennies. Avec un taux de dépendance (nombre de personnes à la retraite sur nombre d’actifs) en augmentation. Ainsi les pays ayant les pourcentages de personnes âgées les plus élevés déjà aujourd’hui sont l’Italie, la Grèce, l’Allemagne, le Portugal, la Finlande et la Bulgarie[32]. Tandis que ceux ayant connu le vieillissement le plus important, en dix ans (2008-2017), sont la République tchèque, Malte, la Finlande, les Pays-Bas, la Slovaquie et le Danemark.

Cependant, d’une part, ces chiffres se réfèrent à des évolutions endogènes ne prenant pas en compte les phénomènes migratoires qui «sont importants du fait de [la] forte attractivité et de [la] proximité avec l’Afrique»[33]. D’autre part, il faut tenir compte du fait que les prévisions démographiques sont aléatoires, y compris sur une durée grosso modo de 30 ans (une génération). Enfin, ces données statistiques nous permettent de comprendre que l’on ne saurait expliquer par des considérations portant sur les perspectives d’évolution démographique à moyen terme les politiques plus ou moins flexibles ayant trait aux arrivées «admises» ou «illégales» d’immigrés, voire de plus ou moins grande intégration d’immigrés.

En fait, en la matière, le soubassement du discours démographique sert de paravent à une problématique jamais explicitée par les gouvernements ou les institutions du pouvoir: «les gouvernements se sont attaqués aux migrants non désirés, donnant aux forces de police des pouvoirs étendus qui ont finalement été également exercés sur leurs propres citoyens», comme l’exprime clairement The Guardian. Autrement dit, «quelle est la probabilité que les Etats qui traitent les migrants avec tant d’insensibilité se comportent de la même manière à l’égard de leurs propres citoyens?»[34].

De ce point de vue, le débat entre et au sein des gouvernements et des administrations européens, comme des diverses fractions des bourgeoisies européennes et des opinions publiques, tourne autour d’une équation complexe à plusieurs inconnues, apparemment sans solution à court et moyen terme. Cette équation renvoie à trois aspects, que l’on ne peut qualifier en tant que tels de démographiques. Le premier se rapporte au point de vue «de chacun» sur les migrations, sur l’autre, sur nous, sur nos valeurs[35]. Le second, à travers les décisions à prendre en termes de politique migratoire, se réfère aux mécanismes de décision politiques, donc au fonctionnement des institutions en général. Le troisième est à mettre en lien avec les stratégies d’appropriation de la richesse produite socialement par les salariés, par le biais des innombrables restrictions économiques infligées aux immigrants en termes d’aide sociale, de niveau salarial, etc. Ce sont là des réalités perméables entre ce qui est infligé aux migrants et ce qui est infligé aux salariés en général.

Finalement, le Conseil européen du 28 juin dernier a démontré que les divers membres de l’UE, y compris le groupe de Visegrad, la Slovénie, l’Autriche, Malte, Chypre et l’Italie du nouveau gouvernement Giuseppe Conti (Mouvement 5 Etoiles et Lega), l’Allemagne du nouveau compromis gouvernemental (CDU, CSU et y compris SPD), sont tous partisans d’une politique sélective-répressive en matière de migrations extra-européennes, certes avec bien des variations et des nuances. Etant entendu qu’«ouvrir davantage les frontières aux immigrés» ne signifie aucunement une ouverture au droit démocratique de déplacement de la personne (Charte des droits de l’homme de l’ONU), mais une forme, plus ou moins conjoncturelle selon le cas, d’utilitarisme migratoire. Les démocrates-chrétiens allemands d’Angela Merkel, sur ce terrain, ne sont pas plus «progressistes» que les nationaux-conservateurs hongrois du Fidesz de Viktor Orban, ni que les partis gouvernementaux helvétiques.

Tout cela ne signifie pas, cependant, que la réponse des divers capitalismes européens à la question démographique ne constitue pas une part notoire de leurs divergences.

La crise des institutions européennes

Le deuxième de ces trois éléments explicatifs de la crise de Dublin consiste dans un faisceau hétérogène de causes qui se manifeste par le marasme des politiques d’asile et d’immigration au sein de l’UE. Ainsi les blocages actuels autour de Dublin, qui vont avoir des conséquences sur la configuration de l’UE, ne sont que le reflet plus ou moins direct des différentes visions qui s’affrontent sur la place et la structuration de l’Union européenne et sur l’évolution des configurations politiques dans chaque pays, avec l’affirmation de forces de la droite extrême et de l’extrême droite. Un élément important pour saisir cette crise est certainement le poids grandissant des «souverainismes», dont l’enracinement social commence dans les années 1980 du XXe siècle.

Les défaites cumulatives des salariés depuis la fin des mal nommées Trente glorieuses[36] s’accompagnent d’un développement de l’intégration socio-politique – sous de multiples formes – par les classes dominantes de leurs «oppositions de gauche» et de pratiques autoritaires, autrement dit d’atteintes aux droits démocratiques et sociaux.

Ces évolutions se produisent dans le cadre d’un capitalisme qui met en concurrence directe – sous l’impact d’une armée de réserve mondialisée et de l’internationalisation des chaînes de la production industrielle et des dits services – chaque salarié face à tous les autres salariés. Cela n’est pas séparé d’une surveillance sociale qualitativement accentuée. Ce qui explique l’actualité retrouvée du 1984 de George Orwell, publié en 1949. 

Le capitalisme prédateur se jette sur les migrants

Le troisième de ces éléments constituant la toile de fond de la crise de Dublin consiste dans l’impératif des grands capitalismes prédateurs – européens et extra-européens, notamment états-unien, chinois etc. – de presser l’Afrique comme un citron, de toutes ses matières premières et ressources territoriales, plus qu’il n’a été fait par le passé (néo-)colonial. Pillage des matières premières minérales et végétales par le grand négoce international, dont la Suisse (particulièrement Genève, Zoug, Lugano et dans une moindre mesure l’Arc lémanique), est l’un des principaux centres mondiaux[37]. Un pillage qui opère un saccage environnemental colossal et des conditions de travail effarantes[38]. Pillage des ressources financières par les mécanismes de la dette, dont le secteur bancaire et financier suisse est partie prenante. Au XXIe siècle[39], la croissance de la dette publique de l’Afrique subsaharienne s’est développée plus vite que le PIB et que les rentrées provenant de l’extraction des matières premières. En 2016, le Nigeria, l’Etat le plus peuplé du continent (188 millions d’habitants), a consacré le 40% de ses recettes publiques globales au service de la dette.

La politique en matière de migrations et de réfugiés extra-européens de l’UE et des pays associés, dont la Suisse, s’inscrit dans cette perspective de pillage global. Les «compétences»et «les ressources humaines», sont admises légalement à travers une porte étroite dite «politique migratoire et d’asile». Les plus qualifiés et/ou les plus adaptables font partie de cet éventail de rapines. Le but – «idéal» mais loin encore d’être atteint – est de ne laisser passer que ceux que les autorités et leurs commis nomment les «candidats à l’intégration», cette dernière signifiant «assimilation». Il s’agit de ceux qui, tout en ayant été déjà formés scolairement ou en s’étant auto-formés à une très grande endurance «là-bas», sont choisis pour être non point intégrés mais assimilés «ici». Il s’agit là de l’«immigration choisie», formule qui s’est imposée dans le discours de l’officialité. C’est ainsi qu’il faut comprendre les propos de la ministre socialiste suisse du Département de Justice et Police, Simonetta Sommaruga, lorsqu’elle prononce cette formule pour célébrer le (non-)accord sur les migrations du dernier Conseil européen: «Le renforcement des frontières extérieures de l’UE ne doit pas conduire à une fermeture des frontières aux réfugiés»[40]. Etant entendu que l’essor du capitalisme suisse a articulé, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l’exportation de capitaux (les investissements directs à l’étranger – IDE) et l’importation de forces de travail, en multipliant et modifiant les divers «permis de séjour».

Face à cela…

Face à cela, chaque mouvement de résistance et de désobéissance légales et civiles, aussi local, aussi partiel, aussi éphémère soit-il, de soutien à des groupes de requérants d’asile déboutés, d’aide à des sans-papiers, de participation à une mobilisation contre une expulsion, de dénonciation des emprisonnements arbitraires, de financement d’ONG agissant en mer ou dans les marges de l’Europe, de lutte pour de meilleures conditions de vie des migrants dans un pays, est une pierre précieuse portée à l’édifice d’un «mieux vivre ensemble», de la sorte déjà mis en pratique. Le travail de SOS Méditerranée et de Médecins sans frontières, avec notamment le bateau Aquarius, est de ce point de vue exemplaire. De même que L’appel contre l’application aveugle du règlement Dublin, remis aux autorités helvétiques[41].

Dario Lopreno est membre du Syndicat des services publics, Genève.

___

[1] Commission européenne, Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride,Bruxelles, 4 mai 2016.

[2] Eurostat, tableaux concernant les variables transfer decisions [migr_dubdo] et [migr_dubdi], transfer [migr_dubto] et [migr_dubti], pending Dublin transfers [migr_dubtpeno] et [migr_dubtpeni], mises à jour fin 2016.

[3] Directive retour : Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier; Règlement Dublin III : Règlement (UE) N° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride; Directive accueil : Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale.

[4] Arrêté fédéral portant approbation et mise en œuvre de l’échange de notes entre la Suisse et la CE concernant la reprise de la directive CE sur le retour (directive 2008/115/CE) (Développement de l’acquis de Schengen), du 18 juin 2010; François Maudoux, «Des mesures controversées», quotidien Le Temps, Genève, 6 octobre 2011.

[5] Terre des Hommes : Détention illégale de mineurs migrants en Suisse: un état des lieux,Lausanne, 2016.

[6] Eurostat : Statistics on enforcement of immigration legislation. Mai 2017.

[7] Commission européenne, Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil citée.

[8] Rédaction, «La Belgique peut à nouveau renvoyer des demandeurs d’asile vers la Grèce», 7 sur 7, Bruxelles, 11/06/2018.

[9] AFP, Turquie. L’Union européenne débloque trois nouveaux milliards pour les réfugiés, Ouest-France, Rennes, 14/03/2018.

[10] Mathilde Mathieu, «Les migrants paient le prix fort de la coopération entre l’UE et les garde-côtes libyens», Mediapart, 28/06/2018

[11] Baudoin Loos, «Mourir sans eau ni nourriture dans le désert du Sahara», Le Soir, Bruxelles, 28/06/2018; Zahra Chenaoui, «L’Algérie continue d’expulser les migrants en plein désert», Le Monde, Paris, 03/07/2018.

[12] Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil. Premier rapport sur la relocalisation et la réinstallation, COM(2016) 165 final et Association Migration Law, Relocalisation des demandeurs d’asile depuis la Grèce et l’Italie, Nantes, 03/04/2018.

[13] Jean-Claude Juncker, Discours sur l’état de l’Union européenne, Bruxelles, 13/09/2017.

[14] Le Conseil européen définit les grandes orientations et priorités politiques de l’Union européenne ; ses membres sont les chefs d’État et de gouvernement des pays de l’UE, le président de la Commission européenne, la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ainsi que son président, actuellement Donald Tusk (https://europa.eu/european-union/about-eu/institutions-bodies/european-council_fr).

[15] Secrétariat général du Conseil européen, Réunion du Conseil européen (28 juin 2018) – Conclusions, Bruxelles, 28/06/2018 (document EUCO 9/18, CO EUR 9 CONCL 3).

[16] Il s’agit de: Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Slovénie, Suède; sans la participation des pays du groupe dit de Visegrad.  – Visegrad est une cité-forteresse hongroise, choisie symboliquement par la Pologne, la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie, pour faire adopter à l’UE une politique plus dure en matière d’immigration, objectif en voie d’être atteint – et d’ autres pays membres de l’UE.

[17] La Commission européenne est le pouvoir législatif et exécutif de l’UE, qui n’a pas encore découvert la séparation des pouvoirs; elle est constituée par un commissaire par État membre, dont l’un est le président, actuellement Jean-Claude Juncker (https://europa.eu/european-union/about-eu/institutions-bodies/european-commission_fr).

[18] Cécile Vanderstappen et Marie-Dominique Aiguillon, «Frontex, le bras armé de l’Europe forteresse» in Demain Le Monde, Bruxelles, mars-avril 2013.

[19] European Commission, Migration and border management, Bruxelles, 02/05/2018.

[20] Nina Fabrizi-Racine, «Frontex, nouvelle Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes : Des données et des hommes», La Revue des droits de l’homme, Paris, mars 2017; Conseil européen & Conseil de l’Union européenne, «Eunavfor Med Opération Sophia: prorogation du mandat jusqu’au 31 décembre 2018», Bruxelles, 25/07/2017 ; Caritas Europa et 23 autres organisations de l’asile, «Forcing children to take their fingertips is unworthy of European values», Brussels, 20/03/2018; iatranshumanisme.com, «Le Parlement européen soutient la mesure d’enregistrement des empreintes digitales des demandeurs d’asile de 6 ans», San Francisco, 08/06/2017; Corinne Balleix, «Point d’étape sur la réforme du régime d’asile européen», 20/12/2017, La documentation française ; OIM cité par Soeren Kern, «Europe: la crise migratoire se déplace vers l’Espagne», Gatestone Institute, 22/08/2017 ; Schengen Visa Information, décembre 2018, https ://www.schengenvisainfo.com/fr/etias/; Nuno Piçarra, Une réforme qui est une révolution : sur le règlement 2017/458 modifiant le Code Frontières Schengen, site http ://eumigrationlawblog.eu, 11/07/2017; European Parliament, Interoperability of European information systems for border management and security, Strasbourg, juin 2017.

[21] Daniel Trilling, Five myths about the refugee crisis, The Guardian, quotidien, Londres, 05/06/2018.

[22] Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil. Premier rapport sur la relocalisation et la réinstallation, COM(2016), 165 final, Bruxelles 2016.

[23] The Migrants’Files, The human and financial cost of 15 years of Fortress Europe. Counting the Dead, 2015 ; List of 33’305 documented deaths of refugees and migrants due to the restrictive policies of Fortress Europe, Documentation at 15 June 2017 by UNITED ; Julien Duriez, Léo Amar, «Infographie – Plus de 3’100 migrants morts ou disparus en Méditerranée en 2017», quotidien La Croix, Paris, 10/01/2018.

[24] Claire Rodier, «Le business de la migration», in Plein droit, la revue du Gisti, Paris, juin 2014; voir aussi, sur le site Internet de The Migrants’Files, les articles «Follow the money – some of it – into the sub-economy spawned by migration», «Border security: A policy creates an industry», «Software: A favorite security budget item», «Hardware : Drones and boats and walls The high costs of deportation et What migrants pay traffickers.»

[25] Madeline Heiniger: «Trente ans de révisions… La première loi formelle sur l’asile est entrée en vigueur le 1er janvier 1981», Journal du Centre Suisses-Immigrés. Sion, n° 11, 2013.

[26] C’est par ce terme, signifiant sur-étrangéisation, que la Suisse officielle a nommé, durant des décennies, l’arrivée d’étrangers, dans la précédente loi sur les étrangers (LSEE, Loi sur le séjour et l’établissement des étrangers, en vigueur de 1931 à 2008).

[27] Par Charte internationale des droits de l’homme de l’ONUon entend la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques(dit Pacte II) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels(dit PacteII) (cf. http://www.un.org/fr/rights/overview/charter-hr.shtml).

[28] Antonio Ramos Rosa, Par delà les signes, Poème tiré du recueil Accords, Gallimard, Paris, 1998, 1ère édition portugaise 1989, p. 88.

[29] Eurostat, Hypothèses sur le taux de fécondité par âge et type de projection, Bruxelles, janvier 2018, tableau proj_15naasfr.

[30] Un taux de fécondité total d’environ 2.1 naissances vivantes par femme correspond au niveau de renouvellement de la population dans les pays développés ; il exprime « le nombre moyen de naissances vivantes par femme nécessaire pour maintenir constante la taille de la population en l’absence de toute migration » (cf. Eurostat, Statistiques sur la fécondité. Données extraites en mars 2017, Principaux tableaux et Base de données).

[31] Eurostat, Immigration by age group, sex and citizenship, Bruxelles, avril 2018, tableau migr_imm1ctz.

[32] Observatoire des territoires, Le vieillissement de la population et ses enjeux. Fiche d’analyse, Paris, 2017 ; Eurostat, Taux de dépendance vieillesse par 100 personnes, Bruxelles, mai 2018, tableau tps00198.

[33] Eurostat, Hypothèses sur le taux de fécondité par âge et type de projection, Bruxelles, janvier 2018, tableau proj_15naasfr ; Institut national d’études démographiques (INED), Démographie : Estimations et projections mondiales de l’Ined, Paris, 2017 ; INED, Indicateur conjoncturel de fécondité – Nombre moyen d’enfants par femme. Union européenne et autres pays, Paris, août 2017.

[34] Daniel Trilling, Five myths about the refugee crisis, The Guardian, quotidien, Londres, 05/06/2018.

[35] Ce n’est pas un hasard si l’expression « nos valeurs » revient régulièrement dans les textes des partis politiques de Suisse lorsqu’ils traitent d’immigration.

[36] «Trente glorieuses»: terme repris de Jean Fourastié et de son ouvrageLes trente glorieuses ou La Révolution invisible de 1946 à 1975(première édition chez Fayard, Paris, en 1979). Cette appellation est une ode à la croissance capitaliste des décennies d’après-guerre née sur les cendres des fascismes et du nazisme. C’est un panégyrique de la croissance économique de la productivité, du pillage du Tiers monde, mais aussi du paternalisme et du militarisme néocolonial, et d’une «consommation généralisée» dont les biais sociaux sont le plus souvent effacés. Les deux récessions de 1973-1975 et de 1980-1982, traduction d’une crise de surproduction et de suraccumulation du capital, ont sonné le glas de cette période.

[37] Depuis la Suisse sont commercialisés, par exemple, le 35% du pétrole brut mondial, le 35% des céréales, le 50% du sucre, le 60% des métaux, le 60% du café (cf. Académies suisses des sciences, Factsheets, vol. 11, n° 1, 2016, Berne).

[38] Il faut consulter en détail le remarquable site Internet de Public Eyesur le sujet (ex-Déclaration de Berne, https://www.publiceye.ch/fr/), pour constater que la bourgeoisie mondialisée sévissant depuis la Suisse est d’une barbarie et d’une brutalité sans limites.

[39] Credendo, «Accroissement rapide de la dette publique en Afrique subsaharienne», Bruxelles, 27/02/2018.

[40]/ Sda/Ats, Simonetta Sommaruga salue l’accord européen sur les migrations, Swissinfo, Berne, 29/06/2018.

[41] https://www.dublin-appell.ch/fr/

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