Par Stephan Hebel
Le manifeste électoral de la CDU (Union chrétienne-démocrate d’Allemagne) et de la CSU (Union chrétienne-sociale en Bavière) contient la phrase suivante: «Nous ne promettons rien que nous ne puissions tenir.» Au premier abord, cela semble un peu effronté – quand toutes les promesses d’un programme électoral ont-elles été tenues? Mais d’un autre côté, que se passerait-il si les partis de l’Union tenaient tout ce qu’ils ont promis sur 138 pages? La réponse: ce serait bien pire.
Les critiques les plus évidentes ont été mentionnées à de nombreuses reprises ces derniers jours: réductions d’impôts pour les plus riches, plafonnement de facto des prestations sociales pour les plus pauvres («… maintenir les coûts du travail extra-salariaux à un niveau stable ne dépassant pas 40%»); promotion de la «prévoyance vieillesse» via le marché financier au lieu de développer l’assurance vieillesse publique; protection du climat sans intervention réglementaire efficace; développement des autoroutes et promotion explicite de «toutes les formes de propulsion» [ce qui implique le feu vert pour les moteurs à combustion]; engagement en faveur de l’aviation en tant que «mode de transport à prix compétitif», etc.
Tout cela tourne en dérision les nécessités d’une transformation socio-écologique. Et les Verts peuvent se demander pourquoi ils considèrent encore ces partis comme capables de former une coalition – alors qu’ils disent constamment à la gauche quels points du programme devraient être supprimés avant que des alliances puissent même être discutées.
Qu’y a-t-il dans ce manifeste de l’Union pour un néolibéralisme à l’heure du changement climatique qui séduit tant de gens que la CDU et la CSU, même avec Armin Laschet, ont de nouveau les meilleures chances d’obtenir la Chancellerie? Peut-être ceci: le programme donne une expression presque sympathique au grand mensonge de la vie de nos jours. Il nourrit l’espoir désespéré que nous pouvons traverser la crise climatique sans abandonner les routines établies de notre économie et de notre mode de vie.
En d’autres termes, ce qui est vraiment irresponsable, c’est que les partis CDU/CSU alimentent l’histoire de la protection du climat comme une attaque contre le «petit homme» et sa femme. Ne figurant pas explicitement dans le programme, ils s’en tiennent ici au ton sédatif et démobilisateur avec lequel les réformes nécessaires ont déjà été discutées sous l’ère Merkel. Mais les attaques contre les activistes climatiques qui voulaient priver les gens ordinaires de leur voiture et de leurs vacances à Majorque font partie intégrante de cette stratégie. Que la prise de conscience de changements nécessaires déclenche aussi des peurs est normal et, surtout, ceux qui ont Majorque à l’esprit ne sont pas à blâmer. Mais le fait que le plus grand parti oppose à cette peur le mensonge du «business as usual», malgré tous les discours sur la «décennie de la modernisation» [référence au «Je veux une décennie de modernisation» d’Armin Laschet] – c’est aussi amer qu’attendu.
Cependant, la concurrence politique n’est pas totalement étrangère à ce scandale. Les Verts viennent d’adopter un programme qui, par crainte de l’ambiance craintive et défensive qui règne dans le pays, se passe de tout semblant de radicalité, même en matière de protection du climat [voir à ce sujet l’article publié sur ce site le 15 juin 2021]. Eux aussi ne font qu’une tentative très limitée de définir «la grande transformation» comme une opportunité.
Il est triste, mais pas surprenant, que la CDU et la CSU s’accrochent à leur néolibéralisme rassis. Qu’il n’y ait pas de signal courageux de rupture contre la peur dans le champ de compétition politique, pas de publicité offensive pour une transformation éco-sociale au profit de tous – c’est peut-être le signal le plus grave de cette campagne électorale. (Article publié par l’hebdomadaire Der Freitag, 25/2021; traduction rédaction A l’Encontre)
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