Les écosocialistes d’Australie appellent à un nouveau mouvement de masse pour empêcher le capitalisme de détruire notre avenir commun. Le journal australien Green Left a publié ce projet de Manifeste écosocialiste le 24 septembre. Il sera discuté et développé lors des conférences sur l’«Ecosocialisme 2020: De la rébellion à la révolution», à Sydney, Perth et en ligne, les 24 et 25 octobre. (Réd.)
Nous sommes en pleine urgence climatique et il n’y a pas d’issue sans changer radicalement l’organisation de la société. Si l’humanité ne se libère pas de la course à des profits toujours plus importants et de la croissance économique toujours plus forte des capitalistes, la seule hausse des températures mondiales rendra la planète inhabitable pour les humains et des millions d’autres espèces vivantes.
Nous devons de toute urgence trouver une voie collective vers un nouveau mode de vie fondé sur la solidarité humaine et la durabilité écologique.
1.- L’urgence est maintenant
Les incendies catastrophiques, les phénomènes météorologiques extrêmes, la montée du niveau des mers et l’effondrement choquant de la biodiversité sont une réalité après seulement 1°C de réchauffement climatique. Au rythme actuel des émissions mondiales de gaz à effet de serre, nous nous dirigeons vers une augmentation de 2 à 3 °C.
Malgré les nombreuses mises en garde des plus grands scientifiques du monde, aucun des sommets mondiaux sur le climat n’a produit les objectifs, et encore moins les actions, nécessaires pour faire face à l’urgence climatique.
Les gouvernements d’un certain nombre de pays riches – dont les États-Unis et l’Australie – défendent la cupidité des géants des combustibles fossiles. Ils résistent aussi obstinément aux appels en faveur de réductions contraignantes et efficaces des émissions de gaz à effet de serre et au paiement par les pays les plus riches de la dette climatique due au reste du monde qu’ils exploitent et oppriment impitoyablement depuis des générations.
L’urgence climatique n’est qu’une partie de l’affrontement historique entre le système capitaliste et la nature.
La cupidité des entreprises a détruit des écosystèmes entiers et empoisonné les terres et les mers avec des déchets toxiques. Le défrichement, mené par l’agrobusiness capitaliste, a privé la planète de la couverture forestière nécessaire pour absorber le dioxyde de carbone et fournir un habitat à de nombreuses espèces. Il a également déclenché de nouvelles pandémies mortelles, telles que la Covid-19.
L’urgence climatique et la pandémie Covid-19 sont les symptômes du dangereux clivage que le capitalisme a créé avec la nature et qu’il continue à exacerber.
Mais la pandémie Covid-19 nous montre aussi que les élites dirigeantes privilégiées, d’une part, et la majorité qu’elles exploitent et oppriment, d’autre part, ne peuvent pas continuer à l’ancienne manière.
Le bilan terrible du Covid-19 aux États-Unis, le pays le plus riche et le plus puissant du monde, montre que même les plus privilégiés ne seront pas épargnés par l’impact de la crise existentielle que le capitalisme a créée.
2.- Nous devons aller au-delà du capitalisme pour aller vers l’écosocialisme
Une centaine d’entreprises du secteur des combustibles fossiles sont responsables de 71 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. L’activiste climatique Greta Thunberg a souligné que la classe capitaliste a déjà dépassé beaucoup plus que le budget carbone mondial, qui, selon l’accord de Paris, est nécessaire pour maintenir le réchauffement climatique à 1,5°C.
Les tentatives des sommets sur le climat pour trouver des solutions capitalistiques à l’urgence climatique n’ont pas fonctionné. «Les solutions de marché», telles que le commerce du carbone, ont échoué même dans les quelques États capitalistes où elles ont été mises en œuvre. Toute «écologisation» du capitalisme, que ces solutions de marché auraient pu encourager, relève du trop peu et trop tard.
Pour faire marche arrière face à un changement climatique catastrophique, il faut prendre des mesures d’urgence pour démocratiser l’économie. Pour ce faire, les industries critiques telles que l’énergie, les transports, l’agroalimentaire et les institutions financières qui y investissent doivent être placées sous contrôle social – dès maintenant.
Cela sera nécessaire pour passer rapidement à 100 % d’énergies renouvelables et pour réduire les émissions nettes de carbone à un niveau aussi proche que possible de zéro.
Tout cela montre qu’il est urgent de remplacer le capitalisme par une société écosocialiste qui pourrait s’attaquer aux injustices flagrantes et réparer la rupture du capital avec la nature.
Les entreprises riches et puissantes, qui dirigent maintenant le monde, ont volé une grande partie de leur capital de départ directement ou indirectement par le biais du pillage colonial. Ils ont détruit de nombreuses sociétés à travers le monde, dont beaucoup étaient organisées depuis des milliers d’années autour des valeurs sociales «originales» d’égalitarisme, de coopération et de coexistence avec la nature.
Un avenir écosocialiste nécessiterait un retour à de tels principes, avec le bénéfice des avancées technologiques utilisées pour le bien social.
Sous le capitalisme, presque chaque avancée technologique est utilisée pour approfondir l’exploitation de la majorité et de la nature, ou pour construire de dangereuses armes de destruction massive et de suppression.
Une société écosocialiste libérerait la créativité humaine en traduisant les gains de productivité en une semaine de travail radicalement plus courte. Cela est également nécessaire pour libérer la majorité de la population – aujourd’hui exploitée au point d’être épuisée ou rejetée comme main-d’œuvre excédentaire – d’exercer un contrôle démocratique direct de la société.
Une société écosocialiste devra être fondée sur une démocratie directe à la base qui permette aux communautés d’avoir un véritable contrôle sur leur destin.
3.- La défense violente du pouvoir et des privilèges par le capitalisme
Les sociétés géantes utilisent tout leur pouvoir et leurs privilèges pour défendre leurs intérêts étroits – alors même qu’il devient de plus en plus évident que l’humanité ne peut plus continuer comme avant.
Elles achètent des gouvernements ou éliminent tous ceux qui remettent en cause leurs intérêts. Elles promeuvent et financent des mouvements négationnistes, racistes, misogynes et ouvertement fascistes.
Elles ont déjà plongé des nations entières dans une guerre permanente pour protéger leur droit de piller et d’exploiter le monde. Aujourd’hui, elles soutiennent même des forces de droite violentes aux États-Unis qui menacent de déclencher une guerre civile.
Elles sont prêtes à utiliser la puissance militaire disproportionnée des États-Unis et de leurs alliés des pays riches pour préserver une division du travail capitaliste mondialisée grossièrement inégale et un prétendu «droit» de continuer à répercuter les coûts de la crise écologique sur les pays les plus pauvres.
Elles résistent aux appels à des réparations pour les pays qu’ils ont pillés et empoisonnés. Elles bloquent les demandes faites aux pays riches pour qu’ils adoptent des réductions plus importantes et plus sévères des émissions de gaz à effet de serre et pour que les technologies renouvelables soient partagées à travers le monde.
4.- Construire un mouvement pour la révolution écosocialiste
Un nouveau mouvement de masse pour la révolution écosocialiste doit être construit à partir du mouvement radical d’urgence climatique et d’autres mouvements de masse progressistes, tels que le Black Lives Matter, qui défient le système capitaliste face à la montée des mouvements fascistes, du racisme, du sexisme et des attaques contre les libertés civiles.
Dans tous ces mouvements, nous entendons des appels à mettre fin au capitalisme et à construire un nouvel avenir fondé sur les traditions collectives et écologiquement durables que le capitalisme a tenté de faire disparaître de son mieux au cours des 400 dernières années.
Les écosocialistes cherchent à unir et à amplifier ces voix en faveur d’un véritable changement.
L’histoire nous apprend que la conscience politique des gens peut se développer rapidement dans le cadre d’une lutte collective soutenue et que ces mouvements agissent comme des écoles de démocratie directe. Ils peuvent également donner naissance à de nouvelles institutions de démocratie populaire.
Par conséquent, il est d’une importance cruciale de construire des mouvements de masse autour de programmes de mesures immédiates et transitoires que l’urgence climatique exige.
Les programmes verts radicaux du new deal, défendus par l’ancien leader travailliste britannique Jeremy Corbyn, le Parti vert américain et le sénateur américain Bernie Sanders, sont des exemples d’un tel programme.
Mais le potentiel de changement du système d’un tel programme de transition ne peut être réalisé que par un mouvement de masse indépendant qui dépasse les limites des campagnes électorales.
L’aggravation de la crise à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui montre clairement que le temps est compté.
Le temps d’empêcher le capitalisme de détruire notre avenir commun s’épuise. La nécessité de construire ce mouvement de masse pour le changement signifie que nous devons de toute urgence mettre en place des organisations écosocialistes et des réseaux mondiaux qui puissent unir leur impact. (Article publié sur le site Climate & Capitalism, le 29 septembre 2020; traduction rédaction A l’Encontre)
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