Biodiversité. Chaque année 1800 milliards de dollars de subventions publiques qui détruisent la nature

Par Patrick Greenfield

Selon une nouvelle étude [publiée par le site earth track, étude effectuée par Doug Koplow et Ronald Steenblik, en février 2022], le monde dépense chaque année au moins 1800 milliards de dollars (1300 milliards de livres sterling) en subventions qui entraînent l’anéantissement de la faune et de la flore sauvages et une augmentation du réchauffement de la planète, ce qui suscite des avertissements selon lesquels l’humanité finance sa propre extinction.

Qu’il s’agisse d’allégements fiscaux pour la production de viande bovine en Amazonie ou de soutien financier pour le pompage non durable des eaux souterraines au Moyen-Orient, des milliards de livres sterling de dépenses publiques et autres subventions nuisent à l’environnement, selon la première évaluation intersectorielle réalisée depuis plus de dix ans.

Ce soutien gouvernemental, qui équivaut à 2% du PIB mondial, s’oppose directement aux objectifs de l’Accord de Paris (COP21 de 2015) et à ceux visant à inverser la perte de biodiversité, selon les résultats de la recherche sur les subventions explicites, qui financent effectivement la pollution de l’eau, l’affaissement des sols et la déforestation…Tout cela avec l’argent public.

Les auteurs, qui sont d’éminents experts en matière de subventions, affirment qu’une part importante des 1800 milliards de dollars pourrait être réaffectée au soutien de politiques bénéfiques pour la nature et à une transition vers le «zéro net», dans un contexte de division politique croissante quant au coût de la décarbonation de l’économie mondiale.

Le rapport appelle les gouvernements à se mettre d’accord sur un objectif d’éradication des subventions néfastes pour l’environnement d’ici la fin de la décennie lors de la réunion de la COP15 sur la biodiversité qui se tiendra en Chine, plus tard dans l’année. «On» espère qu’un «accord de Paris pour la nature» y sera signé. Et devrait être demandé aux entreprises de révéler les subventions qu’elles reçoivent dans le cadre des rapports de transparence environnementale.

Christiana Figueres, qui dirigeait la convention des Nations unies sur le changement climatique lors de la signature de l’Accord de Paris [elle a été secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations unies entre 2010 et 2016], a salué cette étude. Elle a déclaré que les subventions créaient des risques énormes pour les entreprises qui en bénéficient.

«La nature décline à un rythme alarmant, et nous n’avons jamais vécu sur une planète avec une biodiversité aussi faible», a-t-elle déclaré. «Les subventions néfastes doivent être réorientées vers la protection du climat et de la nature, plutôt que de financer notre propre extinction.»

L’industrie des combustibles fossiles (620 milliards de dollars), le secteur agricole (520 milliards de dollars), l’eau (320 milliards de dollars) et la foresterie (155 milliards de dollars) représentent la majorité de ces 1800 milliards de dollars, selon l’étude. Aucune estimation n’a pu être établie pour l’exploitation minière, dont on estime qu’elle cause des milliards de dollars de dommages aux écosystèmes chaque année.

Le manque de transparence entre les gouvernements et les bénéficiaires signifie que le chiffre réel est probablement beaucoup plus élevé, tout comme le montant implicite des subventions néfastes. L’année dernière, un rapport du Fonds monétaire international (FMI) a révélé que l’industrie des combustibles fossiles a bénéficié de subventions d’une valeur de 5900 milliards de dollars en 2020, mais la grande majorité de ce chiffre provient des coûts cachés liés au fait de ne pas faire payer les pollueurs pour les décès provoqués et pour le réchauffement de la planète.

«La réforme des subventions nous permet d’améliorer les signaux de prix afin de ne pas protéger les revenus des industries plus polluantes», a déclaré Doug Koplow, fondateur de l’organisation Earth Track, qui surveille les subventions néfastes pour l’environnement. Il est le coauteur du rapport avec Ronald Steenblik, ancien conseiller spécial de l’Organisation de coopération et de développement économiques pour la réforme des subventions aux combustibles fossiles. «Cela crée un espace pour que des formes d’énergie alternatives et plus propres puissent entrer sur le marché.»

Un projet portant sur les objectifs de l’accord des Nations unies sur la biodiversité, pour cette décennie, prévoit la réforme de 500 milliards de dollars de subventions par an. Toutefois The B Team et Business for Nature, qui ont soutenu la recherche, ont déclaré que cet objectif devait être renforcé. Le monde n’a jamais atteint l’objectif d’enrayer la perte de biodiversité, et l’absence d’action sur les subventions a été soulignée comme un problème majeur des objectifs de la dernière décennie.

Eva Zabey, directrice exécutive de Business for Nature, a déclaré que les entreprises ignorent souvent l’ampleur des subventions explicites et implicites dont elles bénéficient, mais qu’elles pourraient user de leur influence pour demander un changement!

«De nombreuses entreprises bénéficient de ces subventions néfastes pour l’environnement. Ce sujet ne peut être tabou. Nous devons parler en utilisant des faits et comprendre où vont les flux financiers», a-t-elle déclaré. «Généralement, les subventions ont été établies avec de bonnes intentions. Nous devons uniformiser les règles du jeu car, à l’heure actuelle, certains bénéficient d’une longueur d’avance alors que ce devrait être l’inverse. C’est un problème pervers.»

L’année dernière, un rapport de l’ONU a révélé que près de 90% des subventions accordées chaque année aux agriculteurs sont néfastes, nuisant à la santé des personnes, alimentant la crise climatique, détruisant la nature et favorisant les inégalités en excluant les petits exploitants.

Elizabeth Mrema, responsable de la biodiversité aux Nations unies, a déclaré que ce rapport était d’une importance capitale.

«Le rapport souligne comment la réorientation, la réaffectation ou l’élimination des subventions pourrait contribuer de manière importante à débloquer les 711 milliards de dollars nécessaires chaque année pour arrêter et inverser la perte de la nature d’ici 2030, ainsi que le coût de l’atteinte d’émissions nettes nulles», a-t-elle déclaré. (Article publié par The Guardian, le 17 février 2022; traduction rédaction A l’Encontre)

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