Myanmar. Le NUG condamne les «crimes atroces» contre les Rohingyas

Par Frontier Fridays

Cette semaine du 19 au 26 août 2021, le Gouvernement d’unité nationale (NUG) a marqué le quatrième anniversaire du début d’une campagne de violence extrême contre les Rohingyas. La junte a intensifié sa répression contre des Forces de défense du peuple. Les conflits se sont intensifiés dans tout le pays, mais le NUG éloigne l’idée d’une «offensive généralisée». (Réd. Frontier Fridays) 

Le NUG à propos des «crimes atroces» envers les Rohingyas

Le Gouvernement civil d’unité nationale (NUG) a une fois de plus montré à quel point il s’est éloigné de son prédécesseur, celui de la Ligue nationale pour la démocratie (LND). Il l’a fait en publiant une déclaration condamnant les «crimes atroces» commis par l’armée contre les Rohingyas. La position de la LND consistait à nier l’existence même des atrocités, et une fois cette position devenue intenable, elle a affirmé que les opérations dites de nettoyage étaient une réponse militaire légitime et que les crimes commis étaient des incidents isolés.

Le NUG se dit aujourd’hui «profondément attristé par les violences horribles, les violations flagrantes des droits de l’homme et les déplacements massifs dont a été victime le peuple rohingya il y a quatre ans». Le NUG a réitéré son intention d’abolir la loi discriminatoire de 1982 sur la citoyenneté. Souvenez-vous, la LND ne pouvait même pas se résoudre à prononcer le mot Rohingya et refusait catégoriquement d’envisager une réforme de la citoyenneté, exigeant au contraire que les Rohingyas se soumettent au très critiqué processus de vérification nationale.

Certains ont critiqué le NUG pour ne pas avoir qualifié la répression de génocide, mais même le département d’Etat des Etats-Unis s’en tient à sa politique consistant à qualifier les violences de «nettoyage ethnique». Dans leur propre déclaration, les Etats-Unis ont affirmé que la répression était l’aboutissement de «décennies de graves violations des droits de l’homme». Ils ont salué «la voie inclusive envisagée par le NUG», notamment les réformes de la loi sur la citoyenneté. Le ministère des Affaires féminines du NUG a publié sa propre déclaration qui qualifie la violence de «génocide» et souligne spécifiquement les actes d’agression sexuelle. La militante Ei Thinzar Maung est la suppléante de ce ministère et elle dénonçait le traitement réservé aux Rohingyas bien avant le coup d’Etat.

La véritable faiblesse du NUG est son incapacité à admettre ou à reconnaître le rôle joué par la LND dans la crise. De nombreux hauts dirigeants de la LND ont joué un rôle clé en niant les atrocités et en attisant la haine, notamment Aung San Suu Kyi et Win Myat Aye, qui sont aujourd’hui membres du NUG (bien que, in abstentia, dans le cas d’Aung San Suu Kyi). En tant que ministre de la Protection sociale, des secours et de la réinstallation, Win Myat Aye a directement présidé une campagne visant à détruire au bulldozer les villages rohingyas incendiés et les faire reconstruire par-dessus les «cendres», ce qui, selon les critiques, aurait pour effet de détruire les preuves susceptibles d’être utilisées pour tenir les militaires responsables, et de garantir que le déplacement soit permanent.

Cette semaine [du 19 au 26 août], le régime militaire a également décidé d’interdire le génocide dans le code pénal du pays, en utilisant la définition internationale acceptée de ce crime et en le rendant passible de la peine de mort ou de la prison à vie. Si, à première vue, cela ressemble à un troll étrange, il pourrait en fait s’agir d’un stratagème visant à saper les mécanismes de la justice internationale. La Cour pénale internationale (CPI), par exemple, n’est pas compétente pour les affaires qui font déjà l’objet d’une enquête et de poursuites au niveau national. Mais cela ne s’applique pas si un Etat «n’a pas la volonté ou la capacité réelle de mener à bien l’enquête ou les poursuites», ce qui, selon la plupart des experts juridiques, s’applique encore dans ce cas. Entre-temps, le NUG a accepté la compétence de la CPI en tant que partie non étatique, un geste important étant donné que le Myanmar a longtemps rejeté la compétence de la CPI.

La répression contre les PDF s’intensifie

Les médias d’Etat et indépendants ont fait état d’arrestations cette semaine, alors que la junte a une fois de plus intensifié sa campagne de répression de la résistance à son régime, ciblant principalement les Forces de défense populaires (People’s Defence Force-PDF, bras armé du NUG) et leurs partisans. Les médias d’Etat affirment avoir arrêté 23 membres des PDF à Mandalay depuis le 31 juillet, six membres dans le district de Pekon, 13 personnes liées aux PDF de Demoso (Etat de Kayah, à l’est), 12 à Yangon et trois dans l’Etat de Kachin. Les articles affirment tous que la LND et le NUG étaient intimement liés à ces groupes des PDF. Par exemple, le ministre de la défense du NUG aurait coordonné ses activités avec les PDF de Mandalay, tandis que deux députés de la LND ont été accusés d’avoir aidé à fonder les PDF de Pekhon (dans l’Etat de Shan). Un député de la LND du district de Mingaladon, Khin Myat Thu, a été arrêté lors des raids effectués à Yangon. Ils ont également permis d’arrêter le commandant adjoint des PDF de Mingaladon (au nord de Yangon). Thet Htar Hnaung, un autre député de la LND du district de Mohnyin, dans le Kachin, ainsi que deux capitaines de l’armée indépendantiste du Kachin.

Les médias d’Etat ont évidemment des raisons politiques de vouloir présenter les opérations anti-PDF comme un succès, mais les organes de propagande ne sont pas les seuls à faire état d’une intensification des coups portés aux PDF. De nombreuses arrestations très médiatisées ont été confirmées par des sources fiables, notamment celle de Thet Htar Hnaung, qui a été documentée par l’Association d’assistance aux prisonniers politiques. Myanmar Now a également rapporté que deux unités des PDF ont été contraintes d’abandonner leurs camps dans les régions de Sagaing et Magway vendredi et samedi (20 et 21 août) après avoir été encerclées par des centaines de soldats de la Tatmadaw (forces armées du régime).

Les combats continuent, mais pas de jour J

Malgré les mesures de répression contre les PDF, la résistance armée se poursuit, même si certains signes indiquent que des attaques coordonnées à l’échelle nationale ne sont peut-être pas à l’horizon. Depuis des mois, le NUG fait l’apologie d’un «jour J», dont beaucoup pensent qu’il s’agit d’une date à laquelle les PDF et les groupes armés ethniques lanceront des attaques coordonnées contre la junte dans tout le pays.

Mais le vice-ministre des Affaires étrangères du NUG, Moe Zaw Oo, a jeté de l’eau froide sur cette idée, déclarant que «chaque jour est un jour J pour nous. Il n’y a pas de jour spécial pour marquer le jour J» [jour J en référence au terme utilisé pour débarquement de juin 1944]. Cela pourrait décevoir de nombreux partisans du NUG qui se sont enthousiasmés au cours des deux derniers mois à la perspective d’une offensive de grande envergure contre le régime.

Une telle offensive nécessiterait presque certainement la participation des principaux groupes armés ethniques, mais ceux-ci semblent de plus en plus ambivalents quant à l’extension de la guerre civile au Myanmar. L’Organisation pour l’indépendance du Kachin a fait sensation en publiant une déclaration exprimant sa volonté de résoudre les problèmes politiques par le dialogue. La KIO (Kachin Independence Organisation), l’aile politique de l’Armée de l’indépendance kachin, a déclaré que «la guerre n’est pas bénéfique» et qu’elle est prête à «rencontrer toutes les parties engagées» pour résoudre le conflit.

Néanmoins, des attaques non coordonnées contre les troupes de la junte se sont poursuivies dans tout le pays cette semaine, notamment dans la région de Magway et dans les Etats de Kayah et Kayin. La Force de défense du peuple Yaw a affirmé avoir tué des dizaines de soldats dans des attaques à l’explosif à Magway, des affrontements ont été signalés à Loikaw, la capitale de Kayah, et l’Armée de libération nationale Karen affronte la Tatmadaw et une Force de gardes-frontières pro-militaire dans le district de Kawkareik, dans l’État de Kayin.

Le point sur la campagne de vaccination

Le ministère de la Santé de la junte a signalé 17 755 nouveaux cas de Covid-19 cette semaine et 905 décès, ce qui porte le bilan officiel à 14 850 morts. Le nombre de cas quotidiens et les taux de positivité ont largement atteint un plateau, la plupart des jours voyant un peu plus de 100 décès et les taux de positivité se situant dans les 20%.

Le ministère de la Santé a ventilé les chiffres de la vaccination lundi (23 août), indiquant que 1,7 million de personnes ont reçu deux injections et 2,6 millions de personnes ont reçu une injection (ce qui porte à 4,3 millions le nombre de personnes ayant reçu au moins une injection, soit environ 8% de la population).

La Chambre de commerce chinoise du Myanmar a importé 700 000 doses de Sinopharm, qui sont arrivées à Yangon par vol samedi soir, tandis que l’armée chinoise a fait don de 400 000 doses supplémentaires de Sinopharm, qui sont arrivées hier. Sean Turnell, conseiller économique australien d’Aung San Suu Kyi, a été photographié dans les médias d’Etat recevant apparemment son deuxième vaccin à la prison Insein de Yangon (l’article ne le mentionnait pas, mais sa photo accompagnait un article sur les vaccinations des prisonniers).

Dans un développement stupéfiant, Myanmar Now a rapporté que des soldats ont reçu un vaccin indien non approuvé à leur insu et sans leur consentement, une source militaire ayant déclaré qu’ils étaient traités comme des «cobayes humains».

La junte a une nouvelle fois prolongé son dit «jour férié», cette fois jusqu’au 31 août. A ce stade, il faudrait tout simplement reconnaître qu’il s’agit d’un long confinement, étant donné qu’il a commencé le 17 juillet. (Lettre d’information publiée par Frontier le 27 août 2021; traduction rédaction d’A l’Encontre)

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