Par International Socialist Project
Les images des foules brandissant le drapeau des Confédérés et prenant d’assaut le Capitole américain, empêchant la certification de l’élection de Joe Biden et Kamala Harris comme prochains président et vice-présidente, ont choqué beaucoup de monde aux États-Unis et dans le monde entier.
Plus choquant encore, le fait que le principal instigateur de cet assaut n’était autre que le président sortant des États-Unis, Donald Trump.
Pendant des semaines, depuis qu’il a perdu l’élection de novembre par environ 8 millions de voix, Trump a fait campagne pour invalider les résultats. Des hommes politiques républicains de premier plan, dont la majorité des républicains élus à la Chambre des représentants et six élus du Sénat, l’ont aidé et encouragé. [En effet, le 6 janvier 2021, après l’assaut du Capitole, ces derniers ont encore soutenu l’objection des résultats acquis par Joe Biden dans l’Etat d’Arizona.]
Aussi choquants soient-ils, ces événements ne devraient pas nous surprendre. Ces dernières années, notre impression de ce qui est politiquement «normal» a été mise à rude épreuve. Les mobilisations de bandes organisées de suprémacistes blancs, de Charlottesville (Virginie, en août 2017) à Portland (Oregon, août 2019), sont devenues une partie de la toile de fond de la politique américaine. Les miliciens armés qui assassinent les antiracistes et les manifestants pour la justice sociale font également partie de cette «nouvelle normalité».
Et maintenant, l’extrême droite qui a été le fer de lance de la prise du Capitole peut faire du 6 janvier 2021 une référence pour sa tentative de construire un mouvement fondé sur le racisme et opposé, au sens propre du terme, à la démocratie. Ils pourraient même peut-être avoir des figures de martyrs qu’ils célébreront à l’avenir.
Au moment de la rédaction de cette déclaration, le Congrès américain s’était réuni à nouveau pour la certification de l’élection présidentielle. Et certains de ses membres les plus détestables, comme la sénatrice de Géorgie Kelly Loeffler, récemment battue, ont lu des déclarations préparées à l’avance qui s’éloignaient de leurs précédentes tentatives de contester la légitimité du vote de novembre.
Néanmoins, nous ne pouvons pas oublier qu’une partie importante de l’un des deux partis au pouvoir aux États-Unis s’est ralliée à la tentative d’un président corrompu de voler une élection. Et sous la protection de ce paravent, des éléments d’extrême droite ont tenté de se catapulter au centre de la politique américaine.
Au cours des prochains jours et des prochaines semaines, nous en apprendrons davantage sur la manière dont ces événements se sont déroulés. Pourquoi, par exemple, les autorités ont-elles apparemment été prises au dépourvu en permettant aux éléments de cette droite dure de s’emparer du Capitole? Ceux d’entre nous qui nous situons politiquement à gauche savons que si les manifestant·e·s avaient été des militant·e·s de Black Lives Matter ou des défenseurs des droits des travailleurs et travailleuses, ils n’auraient pas été autorisés à s’approcher du Capitole dans un rayon de deux kilomètres.
Peut-être que les messages sur les médias sociaux du personnel des forces de l’ordre qui ont fait des selfies amicaux avec des trumpistes [dans le Capitole] pourraient aider à expliquer ce traitement avec des «gants de velours» de ces extrémistes. Mais comme le dit le proverbe, «le poisson pourrit par la tête», et il va jusqu’au sommet de l’État et de la classe dirigeante étatsunienne.
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Les tentatives de Trump et de ses partisans d’invalider les résultats des élections de novembre – pour arracher même les droits démocratiques limités que les simples citoyens aux États-Unis ont obtenus – n’ont pas abouti. Mais le fait que l’attaque soit allée aussi loin témoigne des caractéristiques antidémocratiques du système américain.
Les électeurs américains ne choisissent toujours pas directement le président, et deux fois au cours des 20 dernières années, le perdant du vote populaire est devenu le président en raison du Collège électoral, un des vestiges du soutien des fondateurs des États-Unis à l’esclavage. Trump et ses complices essayaient d’exploiter les caractéristiques d’un système qui a été explicitement construit pour isoler le gouvernement américain de la volonté populaire.
Dans deux semaines seulement, l’administration Biden-Harris et un Congrès avec des majorités du Parti démocrate dans les deux Chambres accéderont au pouvoir gouvernemental. Ils seront confrontés à une crise comme on n’en a pas vu depuis un siècle: une pandémie mortelle, une crise du chômage et de la pauvreté parmi les masses laborieuses, et maintenant, la menace d’une résurgence de l’extrême droite.
Les démocrates, en tant qu’équipe B du capitalisme à la tête de l’État américain, voudront rétablir la «normalité», le bipartisme et «l’ordre public» lorsqu’ils prendront le pouvoir. Les principaux conseillers de Joe Biden ont même laissé entendre qu’une fois qu’ils se seront attaqués à la pandémie, la politique d’austérité sera de nouveau à leur ordre du jour.
S’ils suivent cette voie – en essayant de mettre un pansement sur une plaie béante – ils s’exposeront à l’échec. Et ils ouvriront la voie à la croissance de l’extrême droite, qui cherchera des boucs émissaires parmi les Noirs, les Latinos et les immigrant·e·s pour les attaques bipartites contre le niveau de vie des salarié·e·s
Les prochaines années seront une période très difficile pour la gauche socialiste. Nous aurons un certain nombre de tâches à notre ordre du jour.
- Tout d’abord, nous défendrons les droits démocratiques et nous nous joindrons aux mouvements et aux campagnes visant à les étendre.
- Ensuite, nous devons nous unir dans une campagne nationale (voire internationale) pour combattre l’extrême droite. Les événements du 6 janvier ont peut-être été un échec pour ce qui est d’empêcher l’élection de Biden/Harris. Mais de nombreux membres de l’extrême droite feront de l’assaut du Capitole et de sa brève occupation un «succès» qu’ils pourront utiliser pour construire leur mouvement. Ils doivent être stoppés avant que leurs rangs ne grossissent encore plus.
- Enfin, nous devons nous organiser non seulement pour affronter l’extrême droite, mais aussi pour affronter les conditions dans lesquelles l’extrême droite peut se développer. Cela signifie qu’il faut participer aux expériences d’organisation des travailleurs afin de dépasser les divisions raciales, ethniques, sexuelles et autres que le capitalisme nous impose et, de ce fait, pour obtenir des avancées qui amélioreront nos vies. Cela signifie exiger de véritables mesures de santé publique et de soutien aux revenus afin de vaincre le Covid-19.
Et cela signifie construire un mouvement socialiste qui ne se contentera pas des demi-mesures du Parti démocrate. Nous devons faire pression pour une nouvelle société afin de vaincre le désespoir qui conduit tant de gens aujourd’hui à confier leur sort à des escrocs comme Trump ou aux forces plus sinistres de l’extrême droite. (Texte reçu le 7 janvier 2021; traduction rédaction A l’Encontre)
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