Etats-Unis. Biden reste au service des intérêts des combustibles fossiles

Par William Rivers Pitt

Des millions d’années d’évolution ont doté les oiseaux d’une multitude d’instincts solides. Ils ont maîtrisé l’art du vol, et de nombreuses espèces parcourent des milliers de kilomètres lorsque les saisons changent, retournant infailliblement, encore et encore, dans un refuge lointain où le contexte climatique est serein. Mais plus que tout, les oiseaux savent qu’il ne faut pas chier dans leur propre nid. C’est un instinct que le président des Etats-Unis n’a pas encore développé. Et le monde entier pourrait en payer le prix fort.

Le sommet international sur l’environnement COP26 qui s’est tenu en novembre à Glasgow a été une déception sans surprise à presque tous les niveaux. Un groupe de dirigeants mondiaux redevables à l’industrie mondiale de l’énergie se sont réunis, sous la pluie, pour faire semblant de progresser dans la lutte contre la menace existentielle qui pèse sur nous tous, mais la comédie a vite tourné court. Un sommet environnemental dont les participants ne parviennent pas à trouver la volonté d’admettre que la combustion du charbon est mauvaise pour l’air et l’eau est un sommet environnemental qui aurait dû rester au lit.

Pour couronner le tout, l’administration Biden a organisé une vente massive de droits de forage pétrolier et gazier dans le golfe du Mexique [sur les territoires de compétence fédérale] quelques jours à peine après la conclusion du sommet de Glasgow. Quelque 324’750 km carrés de fonds marins – qui pourraient contenir plus de 1,1 milliard de barils de pétrole et 125 milliards de mètres cubes de gaz naturel – seraient à exploiter. Selon une analyse du Center for American Progress, «la vente de concessions offshore pourrait à elle seule émettre 723 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère au cours de sa durée de vie, ce qui équivaut à faire fonctionner plus de 70% des centrales électriques au charbon des Etats-Unis pendant un an».

Comme si cela ne suffisait pas, il y a le calendrier. Les entreprises qui ont acheté des concessions pour forer dans le golfe du Mexique – Exxon et BP [cette dernière était responsable de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon qui a explosé en 2010, générant une marée noire] s’y distinguent – auront besoin de plusieurs années pour installer les infrastructures nécessaires à l’extraction du pétrole et du gaz. Cela signifie que l’extraction et la combustion effectives de ces combustibles fossiles ne commenceront pas avant 2030 environ, année que de nombreux climatologues ont fixée comme date limite pour inverser le cours de notre désagrégation écologique.

Tout cela a été ressenti comme un doigt délibérément fiché dans l’œil du mouvement écologiste par l’administration Biden. Toutefois, le président et son équipe ont demandé de la compréhension: les tribunaux nous obligent à le faire, ont-ils affirmé. Nous avons suspendu toutes les nouvelles concessions il y a un an, mais nous avons été frappés par une injonction qui nous a obligés à procéder à des enchères. Ce n’est plus dans nos mains. [Un tribunal a statué contre le moratoire institué début 2021 par le gouvernement Biden.]

«Nous sommes tenus de nous conformer à l’injonction», a déclaré la porte-parole de la Maison-Blanche, Jen Psaki, le 17 novembre, alors que tout cela se déroulait. «Il s’agit d’une affaire et d’un processus juridiques, mais il est important que ceux qui s’opposent [à ces enchères] et les autres personnes qui suivent cette affaire comprennent que cela ne correspond pas à notre point de vue, à l’orientation politique du président ou au décret qu’il a signé.»

Et si mon chat avait des roues, il serait un wagon. Le Guardian du 13 décembre rapporte:

«L’administration Biden a admis qu’une décision de justice ne l’obligeait pas à soumettre à des enchères de vastes étendues du golfe du Mexique à des fins de forage pétrolier et gazier, peu avant d’affirmer qu’elle était légalement obligée de le faire lors de l’annonce de la vente [des droits d’exploration et de forage].

L’administration du président a insisté sur le fait qu’elle était obligée d’organiser la vente de concessions en raison d’une décision de justice en faveur d’une douzaine d’Etats qui avaient demandé la levée de la suspension générale des nouveaux permis de forage décidée par Joe Biden. Mais un mémo déposé par le département de la Justice avant la vente de concessions reconnaît que ce jugement n’oblige pas le gouvernement à mettre aux enchères les droits de forage dans le golfe.»

“L’administration a été mensongère sur ce point, c’est le moins que l’on puisse dire. C’est très décevant”, a déclaré Thomas Meyer, responsable de l’organisation nationale de Food and Water Watch. “Ils n’étaient pas obligés d’organiser cette vente et ils n’étaient pas obligés de l’organiser à ce moment-là. Nous savons que cela va exacerber la crise climatique, cela sape la crédibilité des Etats-Unis à l’étranger et cela contredit une promesse de campagne de Biden.”»

L’urgence de s’attaquer au dérèglement climatique anthropique devient chaque jour plus évidente. Selon des données récemment publiées [le 13 décembre], le glacier appelé Thwaites [mesurant 120 km de large, 600 km de long et 3 km de profondeur], dans l’Antarctique, est peut-être à cinq ans de son effondrement [notamment de la section flottante localisée à l’avant du glacier]. «L’effondrement total de Thwaites pourrait entraîner une élévation de plusieurs pieds du niveau de la mer, rapporte le Washington Post le 13 décembre, mettant en danger des millions de personnes dans les zones côtières.»

Un été historiquement chaud dans le nord-ouest du Pacifique est responsable de la mort sous l’effet de la chaleur de pas moins d’un milliard de coquillages et autres et autres animaux marins (The Atlantic, 4 décembre 2021). De nombreuses autres espèces ont également été touchées, y compris les humains. Ces «dômes de chaleur» ont été suivis par de longues périodes de temps chaud et sec qui ont pratiquement effacé la neige accumulée dans les montagnes de l’ouest. Sans chutes de neige suffisantes, la sécheresse et les incendies sont pratiquement garantis.

Il y a quelques jours à peine [le 10 décembre], des tornades ont ravagé neuf Etats, dont le Kentucky, au milieu de la nuit, causant des dégâts inimaginables et suscitant un débat sur le lien entre la crise climatique et ces tornades gigantesques. De nombreux facteurs interviennent dans la formation des tornades, ce qui rend difficile l’établissement d’un lien de causalité.

Cependant, l’ampleur de l’ouragan, combiné au moment où il s’est produit – en décembre, les tornades d’une certaine ampleur sont extrêmement rares –, fait qu’il est difficile d’affirmer que le climat n’a rien à voir avec lui.

Le président Biden a fait campagne pour soutenir la lutte contre le changement climatique avant qu’il ne soit trop tard. Bien qu’il ne soit pas Donald Trump, Biden s’est révélé dans ce fiasco des concessions pétrolières comme un autre politicien menteur prêt à avaler toutes les couleuvres face à l’industrie des combustibles fossiles. Trump aurait fait ces choses et aurait ensuite prétendu qu’il ne l’avait pas fait, mais il aurait dit que même s’il les avait faites, ce qu’il n’a pas fait, c’était des bonnes choses à faire. Biden se contente de les faire, et passe à la suite.

Le président a enfreint la première règle des oiseaux. Le problème, c’est que ce nid nous appartient à tous, et que nous sommes bel et bien foutus sans lui. (Article publié sur le site Truthout, le 14 décembre 2021; traduction rédaction A l’Encontre)

William Rivers Pitt est rédacteur en chef et chroniqueur principal à Truthout. Il écrit aussi dans le New York Times et est l’auteur de trois livres à succès tels que: War on Iraq: What Team Bush Doesn’t Want You to Know, The Greatest Sedition Is Silence et House of Ill Repute: Reflections on War, Lies, and America’s Ravaged Reputation. Son quatrième livre s’intitule The Mass Destruction of Iraq: Why It Is Happening, and Who Is Responsible, co-écrit avec Dahr Jamail.

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