Ce n’était qu’une question de jours avant que l’Amérique centrale ne devienne la route d’une nouvelle caravane de migrants rêvant d’une vie meilleure aux États-Unis.
En plus des niveaux étouffants de pauvreté et de violence dont souffre régulièrement le Honduras, les derniers ouragans ont laissé beaucoup de gens pratiquement sans rien.
[Les ouragans Eta et Iota, en novembre 2020; après leur passage plus de 2,5 millions de personnes sont dans une situation d’extrême détresse, et plus de 4 millions dans la pauvreté sur une population de 9,5 millions]
Les Honduriens ont alors proclamé que la migration était leur seule option. Et l’espoir que le prochain gouvernement des Etats-Unis assouplira sa politique d’immigration a encouragé des milliers de Centraméricains à se joindre à ce nouveau voyage.
Mais pour réaliser leur rêve, ils devront vivre un voyage cauchemardesque. Non seulement en raison des dangers que la route comporte déjà jusqu’aux États-Unis, mais aussi en raison d’épisodes aussi alarmants que celui de Chiquimula [le lundi 18 janvier 2021], où l’armée guatémaltèque a eu recours à la force pour arrêter une foule et la forcer à entrer dans le pays «de façon régulière».
Les images montrent le désespoir de milliers de personnes devant des soldats et policiers qui tentent, avec des fusils et des gaz lacrymogènes, de faire appliquer la loi existante et d’exiger des documents et des preuves de tests PCR que peu de ces migrants sont susceptibles de pouvoir se payer.
Ceux qui parviendront à passer se heurteront à un autre obstacle difficile sur leur chemin: la frontière sud du Mexique que le gouvernement a blindée pendant des jours avec des centaines de soldats et de membres de la Garde nationale.
Il reste à voir comment les changements en matière d’immigration promis par le président élu Joe Biden façonneront l’avenir de ceux qui tentent d’émigrer aux Etats-Unis. Et quelles relations seront établies avec le Mexique et l’Amérique centrale, suite à l’administration Donald Trump caractérisée par des menaces adressées à ces pays s’ils ne mettaient pas fin à l’organisation de caravanes comme celle partie du Honduras. (Article publié sur le site de la BBC en espagnol le 17 janvier 2021; traduction rédaction A l’Encontre)
Marcos González Díaz est correspondant de BBC News World au Mexique et en Amérique centrale
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Ces migrant·e·s «ont violé notre souveraineté»: dixit le gouvernement guatémaltèque
La police et l’armée antiémeute guatémaltèques ont, pour la deuxième journée consécutive, dispersé de force une caravane de milliers de migrants d’Amérique centrale, principalement des Honduriens, qui cherchaient à atteindre les États-Unis.
Selon les médias locaux, les autorités ont de nouveau utilisé des gaz lacrymogènes et battu à coups de matraques les membres de la caravane, qui s’étaient réorganisés et avaient bloqué une route après avoir été réprimés dimanche 17 janvier 2021.
Les rapports indiquent que la police a donné aux migrants 10 minutes pour dégager la route et, en l’absence de réponse, les a attaqués.
«Le contingent de policiers militarisés a fortement avancé sur la foule en frappant bruyamment ses bâtons contre les boucliers et a réussi à faire reculer ou à faire courir sur les côtés quelque 4000 migrants et à les disperser en territoire guatémaltèque, mais en laissant la route libre» [pour le passage des camions], a déclaré un correspondant de l’agence AFP. Les autorités guatémaltèques affirment qu’au moins 20 personnes dans la caravane ont été testées positives pour le Covid-19.
Cette première caravane de 2021 a lieu quelques jours avant l’entrée en fonction du président américain élu Joe Biden. Biden a promis dans sa campagne une approche plus humaine de la migration, contrairement aux politiques sévères du président sortant Donald Trump.
Les migrant·e·s disent espérer un éventuel assouplissement des politiques d’immigration américaines lorsque M. Biden prendra ses fonctions mercredi prochain.
Toutefois, des membres de son cabinet ont demandé aux migrant·e·s de rentrer chez eux et leur ont assuré qu’il n’y aurait pas de changements immédiats dans les politiques d’immigration qui leur seraient bénéfiques.
Qui sont les migrants?
La caravane est composée d’environ 6000 personnes, qui ont quitté le Honduras entre jeudi et vendredi, 14 et 15 janvier 2021.
Lors des incidents de dimanche dans la ville de Chiquimula, près de la frontière entre les deux pays, plusieurs personnes ont été blessées, selon divers rapports.
Les migrants disent avoir été forcés de fuir la pauvreté, la violence et la dévastation causées par deux grands ouragans, en novembre dernier, et veulent atteindre les États-Unis via le Mexique.
Que disent les gouvernements?
La veille, le gouvernement du Honduras avait demandé à son homologue guatémaltèque d’enquêter sur les violences à la frontière. Le gouvernement guatémaltèque, quant à lui, affirme que les migrant·e·s ont violé les protocoles de migration et les règles de prévention du Covid-19 pour entrer dans le pays.
Il a également indiqué que près de 1000 personnes ont été déportées au Honduras au cours des trois derniers jours pour être entrées illégalement dans le pays.
Le médiateur guatémaltèque pour les droits de l’homme, Jordán Rodas Andrade, a qualifié de «déplorables» les actions des forces de sécurité contre les migrants et a déclaré qu’il doit y avoir «empathie et solidarité».
«Il n’y a pas de travail au Honduras.»
Après avoir franchi illégalement le poste frontière de Florido, à la frontière entre le Honduras et le Guatemala, les migrant·e·s ont commencé à se rassembler samedi après-midi dans un poste militaire de Vado Hondo, à Chiquimula, où on leur a demandé des papiers et un test Covid-19 négatif en plein milieu des combats, qui ont dégénéré en affrontements dans la nuit.
La caravane a tenté dimanche matin de franchir la «barricade» formée par plus de 3000 policiers et soldats, mais ils ont été repoussés, selon l’autorité guatémaltèque de l’immigration.
Des images vidéo partagées par le gouvernement guatémaltèque et diffusées par les médias locaux ont montré des centaines de migrants qui se pressaient contre un mur formé par les forces de sécurité qui ont utilisé des matraques pour arrêter la vague de personnes.
«Plusieurs personnes auraient été blessées, des migrant·e·s, des membres de l’armée et du personnel de l’immigration», a déclaré dimanche Alejandra Mena, porte-parole de l’Institut guatémaltèque des migrations (IGM). La fonctionnaire n’a pas indiqué le nombre précis de blessés et a ajouté qu’elle coordonnait le soutien avec le personnel de santé pour soigner les blessés.
«Ils n’ont pas de cœur, nous risquons nos vies», a déclaré Dixon Vazquez, 29 ans, à l’agence AFP. Il a supplié les autorités guatémaltèques de laisser le groupe continuer.
Des gouvernements «fermes et responsables»
Le gouvernement mexicain, qui a renforcé les contrôles à sa frontière sud, a reconnu les efforts du Guatemala pour agir de manière «ferme et responsable» à l’égard des contingents de migrant·e·s qui «ont violé sa souveraineté» par une déclaration du ministère des Affaires étrangères dans la nuit de samedi à dimanche.
La caravane multitudinaire de ce week-end est encore plus importante que celle organisée en octobre 2018. Elle avait réussi à atteindre la frontière avec les Etats-Unis. Les Nations unies l’avaient, alors, estimée à quelque 7000 personnes. (Informations diffusées par la BBC en espagnol; traduction rédaction A l’Encontre)
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