Par Román Lejtman
• Nicolás Maduro a demandé au Souverain Pontife d’ouvrir «un processus de facilitation et de renforcement du dialogue», tandis que le pays voisin et l’UE [qui n’ont pu obtenir une résolution commune étant donné l’opposition pour des raisons différentes du gouvernement italien – opposition de Di Maio face à Salvini et Conte qui fait sa place entre eux – ainsi que d’Orban pour des raisons qui renvoient à son refus d’une intervention de l’UE dans les «affaires hongroises», Réd. A l’Encontre] chercheront à ouvrir une nouvelle ligne de négociation avec le régime.
Les pays du bloc [Groupe de Lima et associé états-unien et partie de l’UE] ont considéré à Ottawa que ce sont des «manœuvres dilatoires» endossées par le dictateur «pour se perpétuer au pouvoir».
• La crise au Venezuela a provoqué une implosion géopolitique du système international qui place Donald Trump à la tête d’une coalition de pays qui brise les blocs régionaux et le contraint à des manœuvres diplomatiques visant à rééquilibrer le pouvoir de la Maison Blanche et, en fin de compte, à ne favoriser que la permanence de Nicolás Maduro au pouvoir.
• Le président des États-Unis accule Maduro et provoque un effet domino sans précédent dans l’ordre mondial. La situation au Venezuela est déjà un labyrinthe et il n’existe aucune feuille de route qui permettrait une transition démocratique sans conflit.
Trump a brisé le consensus au sein du Mercosur et dans l’Union européenne, tandis que Maduro compte sur la Chine et la Russie, et les efforts diplomatiques de l’Uruguay (Tabaré Vázquez) et du Mexique (AMLO), et est soutenu par Cuba, l’Italie, la Turquie et l’Iran [et la Hongrie]. Ce déséquilibre dans le système international a été révélé par la déclaration du Groupe de Lima à Ottawa (Canada).
• Face à l’appel au dialogue lancé par l’Uruguay et l’UE, ainsi qu’à la lettre que Maduro a adressée au Vatican pour demander l’intervention du pape François, les représentants du Groupe de Lima (Argentine, Brésil, Canada, Chili, Colombie, Costa Rica, Guatemala, Honduras, Panama, Paraguay et Pérou) ont considéré ces mouvements comme une simple manœuvre diplomatique qui ne bénéficie qu’au chef populiste du Venezuela.
«Les initiatives de dialogue promues par divers acteurs internationaux ont été utilisées par le régime Maduro, les transformant en manœuvres dilatoires pour se perpétuer au pouvoir et, par conséquent, ils considèrent que toute initiative politique ou diplomatique développée doit avoir pour objectif de soutenir la feuille de route constitutionnelle présentée par l’Assemblée nationale et par le Président en exercice (sic), Juan Guaidó, qui cherche une transition pacifique entre les Vénézuéliens, qui parvienne à sortir du régime dictatorial de Maduro, permette la convocation d’élections et le rétablissement de la démocratie au Venezuela», déclare le point 4 de la déclaration d’Ottawa du Groupe de Lima.
• Ce document non seulement ralentit les propositions de dialogue de l’Uruguay et de l’UE – qui ont appelé à un sommet jeudi prochain –, mais envoie un message à François qu’il n’a aucune chance de jouer le médiateur s’il ne reconnaît pas que le président du Venezuela est Guaidó et que Maduro représente un «régime dictatorial» en Amérique latine.
• Plus encore: à Ottawa, des représentants de l’Union européenne (UE), de la France, de l’Allemagne, des Pays-Bas, du Portugal, de l’Espagne et du Royaume-Uni, qui ne se sont pas retirés des délibérations, ni n’ont exigé un autre langage diplomatique pour montrer la réticence du Groupe de Lima devant les alternatives proposées par le gouvernement uruguayen et François de sa Résidence Sainte.
• La persistance de Trump à l’égard de Maduro implique un triomphe diplomatique pour la Maison-Blanche. Le secrétaire d’État Michael Pompeo, le conseiller en matière de sécurité John Bolton et le directeur de la sécurité nationale Mauricio Claver sont des éléments clés d’une machine politique qui a mis le chef populiste (Maduro) dans les cordes. Trump a réussi à unir l’essentiel des pays d’Amérique latine, d’Europe, d’Asie et du Moyen-Orient dans une croisade qui vient de commencer et qui a une fin ouverte.
• Cependant, ce bloc interrégional a provoqué des tremblements de terre silencieux dans des unités géopolitiques qui traversent déjà des crises récurrentes. Le Mercosur recherche sa propre flexibilité institutionnelle et, avec la situation au Venezuela, deux positions différentes sont apparues: l’Argentine [bien que Macri lance des appels souterrains à T. Vasquez. Réd. A l’Encontre], le Brésil et le Paraguay soutiennent Guaidó, tandis que l’Uruguay affiche une vision plus neutre.
• Et l’Union européenne – flanquée de certains nationalistes et dans une situation complexe étant donné un Brexit vacillant – est aujourd’hui confrontée à une position ambivalente: ses principaux membres ont reconnu Guaidó (France, Espagne, Allemagne), alors que sa représentation institutionnelle (UE) refuse toujours cette démarche diplomatique.
• Le bruit géopolitique provoqué par l’offensive de Trump contraste avec le demi-silence de la Russie et surtout de la Chine [ouvertement du moins, Réd. A l’Encontre], les deux plus puissants alliés internationaux de Maduro. Vladimir Poutine et Xi Jinping ont investi des millions de dollars au Venezuela et n’ont pas accepté une transition démocratique menée par Guaidó, si les Etats-Unis ne respectent pas leurs investissements. Washington écoute les propositions de Moscou et de Pékin, mais n’a pas encore donné de signaux favorables. Cette absence de réponse profite à Maduro, qui joue ses cartes pour empêcher ses généraux de répéter le scénario César-Brutus [l’ami Brutus assassine César].
• L’Église argentine a approuvé le message du pape François au sujet de la situation critique au Venezuela. A cet égard, la Conférence épiscopale a souligné aujourd’hui que «le Saint-Siège n’est pas historiquement autorisé pour condamner spécifiquement tel ou tel gouvernement» [sauf soutenir des dictatures comme Videla et Pinochet – Réd. A l’Encontre] en relation avec un prétendu soutien papal au régime de Nicolas Maduro et a souligné que le Souverain Pontife insistera sur son rôle de médiateur entre le gouvernement du Venezuela et l’opposition afin qu’«il n’y ait pas un bain de sang et une vraie réconciliation». (Article publié par Infobae le 5 février 2019; traduction A l’Encontre)
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