Par Nara Roxo
Les salarié·e·s du secteur pétrochimique brésilien se mobilisent contre plus de 400 licenciements déjà effectués par la Braskem au sein du Pólo gaúcho [Pôle Pétrochimique de l’Etat du Rio Grande do Sul]. Ils mettent en lumière la substance de la politique du gouvernement Lula. Il ne serait pas impossible d’envisager une orientation syndicale qui aille un peu plus à la racine des «choses». (Rédaction A l’Encontre)
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Des centaines de croix érigées le long de la voie centrale de la BR 386 (Autoroute Tabaí/Canoas) ont exprimé l’indignation des travailleurs et travailleuses de la pétrochimie contre plus de 400 licenciements qui ont déjà été réalisés par la Braskem [la plus grande compagnie pétrochimique en Amérique Latine] depuis l’absorption des compagnies Copesul et Ipiranga Petroquímica en 2007.
A ces licenciements s’additionnent d’autres qui auront lieu durant le mois d’août 2009 au sein de la compagnie Petroquímoca Triunfo, récemment absorbée par la Braskem, qui elle-même est contrôlée par l’entreprise [d’ingénierie et de construction] Odebrecht [un géant dans ce domaine: cette firme intervient aussi bien au Pérou, en Argentine qu’en Angola ; elle se donne un visage social dans son marketing].
Les croix ont été mises à cet emplacement lors d’une manifestation organisée par les salariés du secteur concerné le matin du 23 juillet 2009. Cette action constitue l’une des nombreuses actions organisées par les travailleurs depuis qu’ont débuté, en 2005, les tractations autour des transferts d’actifs entre la Petrobras [compagnie nationale brésilienne] et la Braskem (incluant le Pólo gaúcho).
Selon Carlos Eitor Machado Rodrigues, président du Syndicat des Travailleurs des Industries Pétrochimiques de [la ville de] Triunfo/RS (Sindipolo), la manifestation avait pour objectif d’attirer l’attention de la société sur les licenciements systématiques prononcés par la Braskem sur le site du Pólo gaúcho et de faire pression sur le gouvernement fédéral pour qu’il empêche les licenciements. Le syndicaliste a ajouté: «Cette entreprise, qui a été fortement financée par le gouvernement, via la Petrobras, représente le 75% de la pétrochimie brésilienne. C’est pour cela que le gouvernement porte également la responsabilité des licenciements qui sont en train de s’y produire».
La façon d’agir de la Braskem dans l’Etat du Rio Grande do Sul est la même que celle qu’a adoptée l’entreprise lorsqu’elle a pris le contrôle du Pôle Pétrochimique de Camaçari, dans l’Etat de Bahia. Là-bas, l’entreprise a licencié près de deux mille travailleurs et elle s’attaque maintenant à divers droits acquis.
Une gestion malsaine
«Les licenciements ne sont qu’une partie des graves problèmes qui interviennent avec la gestion Braskem», a dit Rodrigues, ajoutant que cette gestion elle-même portait la marque de l’entreprise Odebrecht. Selon lui, le personnel est également indigné par les attaques successives dirigées contre des droits acquis et contre la précarisation de la sécurité et du travail en général sur les sites de production. «Elle [la Braskem] ne veut pas voir qu’elle est en train de mettre en péril la vie des travailleurs, celle des sites eux-mêmes et celle même des communautés avoisinantes. Les gens sont en train de travailler au-delà de leurs forces. Il manque du personnel pour répondre aux urgences opérationnelles ou environnementales». Parmi les licenciés, il y a beaucoup d’ouvriers qui travaillaient dans ces secteurs.
Parmi les attaques contre des droits, Rodrigues souligne l’annonce faite par la Braskem selon laquelle elle allait cesser de garantir le Plan dit «Petros» de Prévoyance [retraite] complémentaire de l’ex-Copesul. «Les travailleurs ont cotisé depuis 20 à 30 ans à un Plan de Prévoyance et maintenant, comme elle l’a déjà fait à Bahia, elle [la Braskem] veut unilatéralement en finir avec ce Plan». Dans ce sens, Rodrigues annonce qu’à ce jour plusieurs actions ont été intentées en Justice, autant par des groupes de travailleurs que par le syndicat lui-même, pour essayer d’obtenir de l’entreprise qu’elle ne puisse pas retirer sa part du fond de garantie.
Non-respect d’un accord
Récemment, le syndicat aussi a eu à faire appel à la Justice pour garantir le respect de certaines clauses de la convention collective actuellement en vigueur. Pour la Braskem, dit le syndicaliste, l’accord serait caduc. Il rappelle aussi qu’«il a fallu que la Justice confirme la validité de l’accord pour que les travailleurs voient leurs droits garantis». Mais il y a aussi, pour ne citer que cela, des résistances de la part de la Braskem en ce qui concerne le paiement d’heures supplémentaires, des modifications dans la prise en charge de l’assistance médicale et une augmentation avérée des cas de harcèlement moral.
Omission du gouvernement
Les travailleurs rendent également le gouvernement responsable des licenciements. «En plus d’être Cheffe de la Casa Civil [secrétariat de la Présidence], la ministre Dilma Rousseff [membre du PT et future candidate à la présidence choisie directement par Lula] est aussi présidente du Conseil d’Administration de la Petrobras, qui est propriétaire de 30% de la Braskem. Nous estimons donc que le gouvernement a l’obligation d’éviter les licenciements. Mais ce que nous avons vu jusqu’à maintenant, c’est que celui-ci est de connivence avec les agissements de la Braskem», accuse Rodrigues.
Rodrigues rappelle aussi que la ministre s’était rendue dans l’Etat du Rio Grande do Sul lorsque la Braskem avait posé la première pierre de son unité «éthanol vert» et qu’elle avait répondu favorablement à une invitation de l’entreprise, alors qu’elle n’a jamais reçu les travailleurs en dépit de leurs demandes réitérées. «Cela montre le désintérêt du gouvernement à l’égard des travailleurs et montre, jusqu’à preuve du contraire, qu’il donne son aval aux licenciements», a critiqué le syndicaliste.
Des mensonges misérables
Lorsque l’achat du Groupe Ipiranga a été annoncé et que la Braskem s’est donc retrouvée avec le contrôle sur les compagnies Copesul et Ipiranga Petroquímica, le président de la Braskem, à l’époque José Carlos Grubisich, et celui de la Petrobras, José Sérgio Gabrielli, ont tous deux garanti dans la presse et lors de diverses audiences publiques tenues devant l’Assemblée Législative de l’Etat de Rio Grande do Sul, devant la Chambre Fédérale et devant le Sénat, qu’il n’y aurait aucun licenciement. Que plusieurs milliards seraient même investis et qu’il y aurait création de nouveaux emplois. «Un mensonge misérable, qui est gravé dans le législatif de notre Etat et dans le Congrès. Jusqu’à maintenant, l’unique annonce faite est celle de l’unité «d’éthanol vert», qui sera construite grâce à des ressources publiques et dont les emplois seront temporaires, c’est-à-dire que ceux-ci n’existeront que le temps des travaux», critique Rodrigues.
Les ouvriers de la pétrochimie sont décidés à mener l’affaire des licenciements au sein du Pólo gaúcho devant les pouvoirs législatifs de l’Etat du Rio Grande do Sul et de l’Etat fédéral dans le cadre de nouvelles audiences publiques. Ils iront aussi dénoncer devant la société, à travers la presse et d’autres media, les licenciements et la situation des travailleurs du Pólo [gaúcho]. En plus de cela, ils sont en train d’élaborer un projet pour que les achats par la Braskem des compagnies Copesul et Ipiranga, et plus récemment de la Petroquímica Triunfo, soient tous traités à l’intérieur de la CPI [une commission d’enquête parlementaire créée par le Congrès brésilien] de la Petrobras. «Maintenant que le Conseil Administratif de Défense Economique (Cade) a considéré que le fait que le 75% d’un secteur soit dans les mains d’une unique entreprise ne constitue pas de la concentration, nous voulons savoir si les bénéfices qui ont été cédés par la Petrobras au Groupe Odebrecht ne constituent pas des privilèges», a dit le président du Syndicat. (Traduction A l’Encontre)
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Nara Roxo contribue à l’hebdomadaire Brasil do Fato ; la correspondance est de Porto Alegre (RS – Etat du Rio Grande do Sul)
(10 août 2009)
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