Entretien avec Emanuel Cancella
conduit par Gabriel Brito et Leandro Iamin
L’émotion suscitée par la mise aux enchères du méga-champ pétrolier de Libra – qui se trouve dans une couche anté-salifère à 180 km de Rio de Janeiro et 2000 de profondeur – paraît se refroidir alors que le gouvernement e Dilma Rousseff et les grands médias continuent à manipuler l’intelligence nationale sur ce thème et sur d’autres encore.
Des voix comme celle du syndicaliste (Secretário-Geral do Sindipetro-RJ e da Federação Nacional do Federação Única dos Petroleiros) Emanuel Cancella insistent pourtant sur le fait que ceux qui cherchent à alerter ne doivent pas se taire: «Les valeurs en jeu sont beaucoup plus grandes [que le montant annoncé de 1’500 milliards US$]. Nous sommes en train de parler de valeur de pétrole in natura». Ce pétrole transformé en diesel, en kérosène d’aviation et, principalement, en produits pétrochimiques, a une valeur sur le marché beaucoup plus grand. Nous sommes en train de parler de beaucoup d’argent.» E. Cancella est aussi consultant auprès du Département intersyndical de statistiques et études socio-économiques (Dieese) et ex-militant du PT depuis le 21 octobre 2013, soit une date qui, selon des techniciens et spécialistes sans attaches financières, a marqué la plus grande remise de patrimoine de l’histoire brésilienne.
Cancella voit dans l’industrie pétrochimique l’esquisse d’un désastre consistant à ce que s’établisse un cycle de plus où nous [Le Brésil] ne serions que fournisseurs de matières premières. «C’est différent des aéroports et des ports, pour lesquels Dilma a accordé des concessions de trente ans. Après les trente ans, on reçoit l’actif en retour. Avec le pétrole il n’y a pas de retour», a dit Cancella, rappelant que le champ pétrolier de Libra pourrait être attribué seulement à Petrobrás [société étatique brésilienne], comme l’indique l’article 12 de la loi sur le partage.
En outre, Cancella affirme que Libra dispose d’environ 40 milliards de barils «in situ». Le taux moyenne de récupération de Petrobrás étant de 53% par bassin, notre invité affirme que ce sont plutôt 20 milliards de barils qui seront extraits. Il dit: «Les Etats-Unis ont besoin d’essence, donc nous allons vendre de l’essence, nous sommes en train de construire quatre raffineries et nous allons avoir un grand excédent. Mais nous devrions avoir une industrie de tablettes, de téléphones mobiles, nous devions arrêter d’être des monteurs d’automobiles pour être des constructeurs d’automobiles. Pour cela, le pétrole doit rester dans le pays, également pour que nous puissions financer la formation des techniciens dont nous manquons.»
Malheureusement, rien de cela. Nous exporterons le pétrole brut et nous ne développerons pas de chaînes productives à «valeur ajoutée», comme les spécialistes nous supplient pourtant de le faire. Et rien ne sera fait contre ce secteur privé qui nous harcèle. Emanuel Cancella dénonce: «Ils veulent réduire les 30% de Petrobrás dans le partage des nouveaux champs, évincer Petrobrás en tant qu’opératrice unique et déjà ils bafouent le contenu national [depuis 2003 cette loi doit élargir le rôle des entreprises brésiliennes afin d’accroître la part des investissements «nationaux»; elle est soutenue par ‘industrie brésilienne] parce que l’amende pour non-respect de la question du contenu national est insignifiante. Pour de telles entreprises transnationales, il est préférable de violer l’ordre, de payer l’amende et d’acheter l’équipement dans leurs pays d’origine».
Avec une telle effronterie contre la souveraineté, nous pouvons craindre plus de privatisation. « De son propre chef, Dilma a déjà publié l’annonce préalable de la vente aux enchères des terminaux de Petrobrás. On en parle déjà dans les raffineries… Il faudra que nous nous battions et luttions avec force pour garantir nos patrimoines. Ils savaient bien que le système de partage était meilleur que celui de la concession, et voilà que ce système est déjà menacé», martèle Cancella.
Vous pouvez lire l’entretien complet que nous avons eu avec Emanuel Cancella, réalisé en partenariat avec la webrádio Central3.
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Correio da Cidadania: Tout d’abord, comment voyez-vous la récente vente aux enchères du champ pétrolier de Libra?
Emanuel Cancella : Ecoutez, c’est un préjudice incommensurable pour notre pays que de mettre du pétrole aux enchères. Aucun pays souverain et développé dans le monde ne fait de vente aux enchères de pétrole. Là où on n’est pas sûr du succès, il peut arriver que l’on mette aux enchères des zones afin que les entreprises cherchent à en extraire le pétrole.
Le champ pétrolier de Libra, on le savait déjà, représente au moins 14 milliards de barils de pétrole, mais on sait qu’il y en a beaucoup plus. Ainsi, il n’y avait pas de raison de mettre quoi que ce soit aux enchères, pour la raison même que la loi sur le bassin pré-salifère, dans son article 12, permet à l’Union (République Fédérative du Brésil) de remettre le champ pétrolier à Petrobrás, ce qui n’a pas été fait.
La présidente Dilma avait dit lors de sa campagne que le fait de mettre aux enchères le bassin pré-salifère constituait un crime, puisque celui-ci était notre passeport pour le futur. Mais ce passeport, elle l’a vendu, et de manière dégradante. C’est comme si, vous lecteur, vous trouviez un trésor dans votre terrain et que vous vous retrouviez avec 40% de celui-ci, alors que vos riches voisins en recevraient 60%.
C’est pour cela que j’assiste avec grande tristesse au bradage de ce patrimoine, quelque chose qui avoisine les 1500 milliards de dollars, la moitié d’un PIB brésilien, comme si la moitié de tout ce que nous produisons en une année était remis à des entreprises hollandaises, anglaises, françaises et chinoises. Et Dilma dit encore qu’elle a fait une bonne affaire.
Correio da Cidadania : Pourriez-vous faire un bref résumé de l’histoire de la découverte des gisements du champ pré-salifère?
Emanuel Cancella : La campagne sur le pétrole fut la plus grande campagne civique que le pays ait connue. Elle a été menée dans les décennies 1940 et 1950, alors que le pétrole n’était encore qu’un rêve. Les Brésiliens sont descendus dans les rues et leur mobilisation a débouché sur la création de Petrobrás et le monopole d’Etat sur le pétrole.
Ils disaient qu’il n’y avait pas de pétrole au Brésil, mais Petrobrás a rapidement découvert d’énormes gisements dans la mer, dans des eaux peu profondes d’abord et ensuite dans des eaux profondes, au travers d’études qui ont duré 30 ans, dans lesquelles beaucoup d’argent public a été dépensé dans la technologie et la recherche. En trente ans, on a fait des recherches, on a fait des découvertes et on a développé les gisements du bassin pré-salifère. Une technologie géologique inédite a été développée par des techniciens de Petrobrás dans leur Centre de recherche (Cenpes).
Sur le bassin pré-salifère, du temps du gouvernement Lula, il y a eu un grand mouvement de syndicalistes du secteur, de scientifiques et de personnalités influentes. Lula a alors retiré ce champ de la dixième vente aux enchères de l’Agence nationale du pétrole (ANP), avec 41 blocs, incluant déjà notre bassin pré-salifère, tout cela encore sous la loi de concession de FHC [Fernando Henrique Cardoso, président de la République fédérative du Brésil de janvier 1995 à janvier 2003]. Ensuite, il a créé une législation spéciale, la loi 10.351, qui par son article 12 permet ce que j’ai déjà évoqué, à savoir que le champ soit remis à Petrobrás s’il en va de l’intérêt de l’Union.
Libra est l’exemple typique d’un champ qui devait être remis à Petrobrás. Il n’existe aucun argument justifiant la mise aux enchères, ou mieux, rien ne justifie la privatisation de ce champ, parce qu’en vérité, c’est une privatisation. Rien ne justifie tout cela, tous les arguments qu’ils ont avancés sont fallacieux. On peut tous les démonter.
Correio da Cidadania : Qu’auriez-vous à dire sur la stratégie du gouvernement dans l’exploration de cette richesse ? Quel rôle l’ANP et les ministères concernés jouent-ils respectivement dans tout cela?
Emanuel Cancella : C’est avec grande tristesse que je vois le gouvernement brésilien autant que l’Agence Nationale du Pétrole et Petrobrás agir de manière servile et totalement antinationaliste.
C’est que nous avons une dette sociale très grande vis-à-vis de notre peuple. Nous avons des carences qui sautent tous les jours aux yeux sur la question de la santé, des médecins, des hôpitaux, de l’éducation et de l’emploi de qualité et, malheureusement, notre gouvernement a opté pour une tragédie permanente pour notre pays.
Quelle tragédie? Celle qui veut que nous soyons des fournisseurs de matière première pour le monde. Ce pétrole que nous offrons à Shell, à Total et à la Chine va revenir sous forme de tablettes, de composants pour automobiles et de milliers de produits chimiques qui ensemble dépassent déjà les trois mille produits.
La pétrochimie domine le monde, c’est le sous-produit du pétrole. Et ainsi, à l’heure où nous organisons des enchères et remettons 60% de ce champ pétrolier gigantesque, nous sommes malheureusement en train de faire ce que nous avons toujours fait et ce que nous ne pensions pas que Dilma et le Parti des travailleurs (PT) feraient: promouvoir l’idée que nous sommes les fournisseurs de matière première du monde.
D’aucune manière je ne voudrais que nous nous fermions au monde. La meilleure option pour nous était de traiter le pétrole de manière stratégique, de tout laisser dans notre pays et d’être des fournisseurs de produits à valeur ajoutée.
Les Etats-Unis ont besoin d’essence, alors nous allons vendre de l’essence, nous sommes d’ailleurs en train de construire quatre raffineries et nous allons avoir un grand excédent. Nous devrions, comme je l’ai dit, avoir une industrie de tablettes, de téléphones portables, nous devions cesser d’être des monteurs d’automobiles pour commencer à être des constructeurs d’automobiles.
Ainsi, le pétrole devrait rester dans le pays, notamment pour financer la formation de techniciens, puisque nous n’avons pas assez de techniciens, d’ingénieurs, de géologues et d’autres spécialistes encore.
Maintenant, au moment où nous nous défaisons de tout ce pétrole, il en va de même qu’avec notre minerai de fer: nous vendons le minerai et nous achetons l’acier; avec l’orange, nous sommes de grands exportateurs et ensuite nous achetons le jus. Le pétrole est un cas similaire et il en a été de même avec le bois du Brésil et le caoutchouc… Ce que Dilma est en train de faire, malheureusement, c’est de promouvoir la malédiction qui veut que le Brésil soit un fournisseur de matière première pour le monde. Ce que Dilma fait n’est en rien nouveau. On éprouve juste ce sentiment de pays-colonie, soumis…
Comme on l’a insinué, la géopolitique du pétrole se résout dans le monde au travers de guerres. Toutes les guerres contemporaines auxquelles partout nous assistons ont comme fond le pétrole. Hugo Chávez n’a été tellement attaqué et accusé d’être un dictateur que pour l’unique raison que le Venezuela a les plus grandes réserves de pétrole du monde, les plus convoitées.
L’Irak a été attaqué non parce que Saddam était un dictateur et détenait des armes de destruction massives, mais parce que le pays possédait des réserves de pétrole gigantesques.
Je ne suis pas en train de proposer une guerre contre le monde. Je le répète, nous devions dire aux autres : «Regardez, nous allons vous fournir des produits à valeur ajoutée». Cela générerait plus de richesse, plus d’emploi et plus de qualité de vie pour les Brésiliens, mais malheureusement ce n’est pas l’option que la présidente Dilma a prise et malheureusement celle-ci a déjà dit qu’elle allait poursuivre avec ces ventes aux enchères.
Pire encore: ce que je considérais comme étant une conquête de la loi adoptée par Lula est aujourd’hui menacé. C’était la garantie d’un minimum de 30% des champs pétroliers pour Petrobrás et la garantie que Petrobrás reste l’opératrice de tous les champs pétroliers du bassin pré-salifère, en raison du fait que cela génère beaucoup d’emploi pour les Brésiliens. La composante nationale (Lula lui-même avait également établi que 60% des équipements devraient être achetés dans le pays) est également menacée.
C’est pourquoi nous avons plus que jamais besoin que la campagne «Le pétrole est à nous» se poursuive. Sinon, ils vont tout emmener avec eux et Dilma va venir dire devant les médias nationaux que nous avons fait une très bonne affaire. Et nous, nous n’aurons pas les moyens de la contredire parce que nous n’avons pas de place dans les espaces médiatiques qui sont les siens.
Correio da Cidadania : D’ailleurs, le Brésil n’est-il pas autosuffisant en pétrole, sans même compter avec une seule goutte du bassin pré-salifère? Cela ne devrait-il pas donner lieu à une planification stratégique à long terme, cela afin de garantir la rentabilité sociale tant promise d’une richesse qui est en elle-même finie?
Emanuel Cancella: C’est logique. Le Brésil était déjà autosuffisant dans la production. Il a conquis cette autosuffisance il y a quelques années et nous avons eu un problème qui a été utilisé contre nous: un excédent de consommation d’essence. Pourquoi? Comme le gouvernement a encouragé la vente d’automobiles en exemptant celles-ci de l’impôt sur les produits industrialisés (IPI), le nombre de véhicules et la consommation d’essence ont alors augmenté. Ainsi, toutes les voitures au Brésil étant aujourd’hui Flex (essence-superéthanol), la présidente Dilma et le gouvernement devaient faire pression sur les producteurs d’éthanol pour qu’ils produisent l’alcool à prix raisonnable. Mais ils n’ont pas fait cela et ils ont préféré importer de l’essence et payer la différence de prix.
Pourtant, nous sommes tout à fait autosuffisants. Nous sommes en train de construire quatre raffineries, nous allons avoir un grand excédent pour l’exportation d’essence et de diesel. Ainsi, nous allons avoir besoin de pétrole. Ce pétrole du bassin pré-salifère s’est formé au long de millions d’années ; s’il reste cinquante ou cent ans de plus sous la terre, nous n’allons rien perdre, ni en qualité ni en quantité. Rien. On ne perd rien.
Nous pensons que ce pétrole doit être traité de manière stratégique. «Ah, nous n’avons pas de techniciens». C’est vrai. S’il en est ainsi, finançons alors la formation de ces professionnels. Nous sommes déjà autosuffisants, nous produisons déjà ce qui est suffisant à notre consommation. Nous n’avons pas besoin de nous dépêcher de produire le pétrole du bassin pré-salifère. Ceux qui sont pressés, ce sont ceux qui ont acheté le bassin de Libra, parce qu’ils vont vouloir emmener le plus rapidement possible notre pétrole. Et c’est une privatisation, ce n’est pas vrai que c’est une concession, parce que si de telles ventes aux enchères impliquent des contrats d’une durée de quarante ans, c’est en réalité en vingt ans que les entreprises vont sucer tout le pétrole de Libra.
Oui, c’est une privatisation, l’une des plus irresponsables que nous puissions imaginer, parce que les réserves ne se renouvellent pas. C’est différent des aéroports et des ports, pour lesquels Dilma a accordé une concession sur trente ans. Après trente ans, on reçoit l’actif en retour. Avec le pétrole, il n’y a pas de retour, ils vont emmener tout ce pétrole et ils ne vont pas nous le rendre. Nous, nous donnons le trésor et nous allons recevoir en retour un passif environnemental violentissime.
Correio da Cidadania: Qu’avez-vous à dire de la guerre des chiffres présentés par toutes les parties intéressées à l’affaire, chiffres qui présentent d’énormes disparités ? Lesquels de ces calculs vous paraissent-ils les plus proches de la réalité ?
Emanuel Cancella: C’est une guerre des chiffres que le citoyen normal n’a pas les moyens de vérifier. Mais nous pouvons attirer l’attention sur quelques éléments. Dilma a dit que nous allions rester avec 85% de la recette du champ pétrolifère de Libra, mais là je dis: nous restons avec 40% et c’est les autres entreprises qui vont rester avec 60%. Il y a quelqu’un qui se trompe. Il y a quelqu’un qui ment.
Un autre chiffre que nous pensons être irréalistes est celui selon lequel nous sommes en train de perdre 1500 milliards de dollars, ce qui serait la valeur du champ pétrolière de Libra transformé en dollars. Cette valeur est beaucoup plus élevée que 1500 milliards.
Cela tout d’abord parce que Petrobrás sait que Libra dispose de plus que 15 milliards de barils de pétrole. En réalité, in situ, le champ pétrolier de Libra dispose de quelque chose avoisinant les 45 milliards de barils de pétrole. Petrobrás a foré le sol et a déjà prouvé cela. La réserve in situ n’est pas identique à la réserve récupérable. Petrobrás récupère, en moyenne, 53% du pétrole [autres composants: gaz, eau, etc.] des champs pétroliers. Ainsi, Libra dispose au minimum de 20 milliards de barils de pétrole. Et quand nous disons 1500 milliards de dollars, c’est parce que nous considérons le baril de pétrole à 100 dollars. Mais le baril de pétrole a déjà battu les 138 dollars récemment et dans la semaine même de cette interview, il était à 111 dollars.
Voilà pourquoi les valeurs en jeu sont beaucoup plus élevées. Nous sommes en train de parler de la valeur de pétrole in natura. Lorsqu’il est transformé en diesel, en kérosène d’aviation et, principalement, en produits pétrochimiques, ce pétrole a un retour sur investissement beaucoup plus élevé. Nous sommes en train de parler de beaucoup d’argent. Ce n’est pas pour rien que l’on dit que le pétrole est de l’or noir.
Dilma, quant à elle, mène une bataille des chiffres afin de justifier l’affaire qu’elle a conclue. Mais une chose à laquelle elle n’échappera pas, c’est le fait qu’elle a dit lors de sa campagne électorale que «c’était un crime que de privatiser le bassin pré-salifère», parce qu’il s’agissait de notre «passeport pour le futur». Elle a simplement fait ce qu’elle avait dénoncé. Pour moi, tout cela est d’une gravité majeure. Elle a bradé et va continuer à brader notre passeport, comme elle l’a dit elle-même.
Correio da Cidadania: Ildo Sauer, ex-directeur du pétrole et du gaz à Pétrobrás, a dit que le modèle de partage était aussi nocif que celui de la concession et qu’il était déjà dépassé puisqu’il avait été conçu avant la découverte du bassin pré-salifère. Selon les points de vue que vous avez défendus ici, devons-nous craindre de subir plus de revers encore?
Emanuel Cancella: Le régime de partage est bien meilleur que celui de concession. Cela se voit dans les chiffres. Selon le système de concession élaboré par Fernando Henrique Cardoso, celui qui avait produit le pétrole en était le propriétaire et, dans le système de partage, le pétrole continue à appartenir à l’Union (République). Lula avait placé dans le système de partage des paramètres qui sont très importants pour nous, comme la question du minimum de 30% pour Petrobrás, parce que l’entreprise d’Etat doit être l’opératrice de tous les champs pétroliers, au-delà de l’exigence du contenu national, en obligeant les entreprises qui se mettent sur les rangs de cette vente – comme Shell, Total et les entreprises chinoises– à acheter au moins 60% des équipements dans le pays.
Mais le problème gravissime, c’est que tous les paramètres dictés par la loi sur le partage sont en train d’être remis en question. Ils veulent supprimer les 30% pour Petrobrás, ils veulent en finir avec Petrobrás comme étant l’opératrice unique et ils ont déjà bafoué le contenu national, parce que l’amende pour un tel manque de respect est insignifiante. Pour de telles entreprises transnationales, il est préférable de désobéir à l’ordre, de payer l’amende et d’acheter l’équipement dans leur pays d’origine.
Nous avons donc une immense bataille à mener. Notre campagne va se poursuivre, et nous allons essayer encore d’empêcher la vente de Libra. Il y a une question grave, même post-vente aux enchères: il n’y a pas eu de concurrence, et le principe même des enchères présuppose une dispute; il n’y a eu la participation que d’un consortium.
Nous nous trouvons face à beaucoup de luttes à mener, et pas seulement sur la question du pétrole. Par sa propre volonté, Dilma est en train de lancer la pré-annonce de la vente aux enchères des terminaux de Petrobrás. Dilma n’est pas seulement en train de brader notre pétrole, elle est aussi en train de livrer nos terminaux. Et les lecteurs ne peuvent même pas imaginer quels sont les terminaux dont nous parlons.
Je vous donne une image symbolique: le Brésil est complètement interconnecté au travers de pipelines. En soixante ans, Petrobrás a créé un réseau de pipelines qui relie le Brésil du nord au sud et de l’est à l’ouest. On peut donc depuis ici à Rio de Janeiro envoyer du gaz vers São Paulo, envoyer du diesel au centre-ouest, de l’essence vers le Nordeste, etc. Il y a une ligne de pipelines, un réseau extrêmement puissant, pour la construction duquel Petrobrás a pu compter sur de gros investissements publics. Maintenant, si les citoyens le permettent, ce réseau sera offert à l’initiative privée.
Nous avons beaucoup de batailles à livrer pour garantir nos patrimoines. Ils n’avaient pas de doute que le système de partage était bien meilleur que celui de la concession, maintenant le système de partage lui-même est menacé. (Traduction A l’Encontre, article publié par Correio da Cidadania, le 14 novembre 2013)
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Gabriel Brito et Leandor Iamin sont journalistes auprès du Correio da Cidadania.
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