Par Michel Leclerq
Jair Bolsonaro veut sortir de l’accord de Paris sur le climat, ouvrir la forêt amazonienne à l’exploitation minière, affaiblir la protection des terres indigènes et supprimer le ministère de l’Environnement. À l’heure où la communauté scientifique appelle les dirigeants mondiaux à intensifier la lutte contre le réchauffement climatique avant qu’il ne devienne irréversible, le Brésil pourrait aller à contre-courant. L’Amazonie, la plus grande forêt tropicale au monde et poumon vert de la planète selon la formule consacrée, est directement menacée par les projets du candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro, grand favori du scrutin présidentiel du dimanche 28 octobre.
«Bolsonaro n’a pas de propositions pour l’environnement. Il n’a que des menaces pour l’environnement.» Marcio Astrini, coordinateur des politiques publiques de Greenpeace Brésil, résume ainsi l’inquiétude des défenseurs de l’environnement. Le programme du candidat sur ces questions tient en une unique proposition: supprimer le ministère de l’Environnement et rattacher ses fonctions à celui de l’Agriculture qu’il veut attribuer au puissant groupe parlementaire de l’agrobusiness.
En clair, c’est confier au loup le soin de garder la bergerie. Car ce groupe milite depuis longtemps pour affaiblir les règles environnementales et pour repousser la frontière agricole au détriment des terres indigènes en Amazonie.
Jair Bolsonaro a déjà donné des gages et veut enlever à la Funai, l’organisme chargé de la protection des Indiens, le droit de délimiter leurs terres. Celles-ci représentent environ 13% du territoire brésilien et sont la meilleure protection contre la déforestation. Mais elles attirent la convoitise des producteurs de soja, des éleveurs, des industries minières ou des bûcherons illégaux. Avec un risque accru de violences contre les Indiens et les défenseurs de la forêt dans les conflits liés à la terre. «Si je deviens président, il n’y aura pas un centimètre supplémentaire de terres indigènes», a prévenu le candidat il y a quelques mois.
Avec ce type de message, il donne un feu vert à l’occupation illégale des terres. «La conséquence peut être une hausse de la déforestation dans un court espace de temps», estime Marcio Astrini. D’autant que celle-ci, après une forte baisse, a repris à un rythme soutenu. En 2017, l’Amazonie a ainsi perdu 7000 km2 de forêts, l’équivalent du département français comme la Vendée. Entre juin et septembre, le déboisement a augmenté de 36% par rapport à l’an dernier.
Jair Bolsonaro a aussi promis d’en finir avec «l’industrie des amendes» de l’Ibama (Instituto brasileiro do meio ambiente e dos recursos naturais renováveis), le «gendarme» de l’environnement chargé de lutter contre la déforestation. Conséquence, des bûcherons ont endommagé ces derniers jours plusieurs véhicules de l’Ibama et de l’institut Chico Mendes [1] de protection de la diversité. «Le climat est très tendu», raconte, inquiet, un agent de l’institut au quotidien Folha de São Paulo.
Avant les énergies fossiles, le déboisement et l’agriculture sont les principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre au Brésil, sixième pollueur mondial. Une situation qui pourrait s’aggraver. Car Jair Bolsonaro veut emboîter le pas de Donald Trump et sortir de l’accord de Paris de 2015 sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre au nom de «la souveraineté nationale».
Mais «il y a une différence entre être candidat et être président», veut croire Carlos Rittl, secrétaire général du réseau Observatorio do Clima. «Ce sera un apprentissage, probablement douloureux, quand il se rendra compte qu’il ne peut faire tout ce qu’il a promis pour être élu», dit-il. Il a déjà donné des signes ces derniers jours qu’il pourrait revenir sur sa promesse de supprimer le ministère de l’Environnement.
Marcio Astrini, lui, reste pessimiste. «On a appris avec Trump que tout est possible.» Sous-entendu le pire pour la planète. (Article publié dans Le Figaro daté du 26 octobre 2018)
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[1] Chico Mendes a défendu les travailleurs chargés de recueillir le latex dans la forêt amazonienne et, de la sorte, de la protéger. Il a été assassiné, devant sa famille, à l’âge de 44 ans, en 1988, par des tueurs à gages financés par un grand propriétaire terrien, finalement condamné en 1990. (Réd. A l’Encontre)
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