Par Fabio Luis Barbosa dos Santos
A première vue, l’élection présidentielle brésilienne semble complexe. Malgré le coup d’Etat [institutionnel qui a abouti à la destitution de Dilma Rousseff, en août 2016] instrumentalisé par Michel Temer et l’incarcération de Lula [1], avant les élections, le Parti des travailleurs (PT) se profile comme le favori pour le second tour (28 octobre). Mais il fait face à un redoutable enfant de la dictature. Qu’est-ce qui se joue dans ces élections? Quel est le candidat du capital? Quelle est la stratégie de la bourgeoisie? Quelle est la réponse de la gauche? Je vais maintenant tenter de répondre à ces questions.
1° Pour la bourgeoisie brésilienne, l’économie n’est pas en jeu dans ces élections: celui qui gagne devra affronter les problèmes du néolibéralisme avec plus de néolibéralisme. Soit par la voie utopique d’un «néolibéralisme inclusif», proclamé par le PT (Haddad), soit par l’ultra-néolibéralisme des Tucanos (les politiciens du PSDB, le Parti de la social-démocratie brésilienne, dont la figure historique est Fernando Henrique Cardoso, président de janvier 1995 à janvier 2013) et de Jair Bolsonaro [2].
Quel sera le visage de l’arrangement institutionnel, juridique et culturel qui remplacera la «nouvelle république» (celle installée après 1985, fin de la dictature), qui est définitivement condamnée?
Sur le plan immédiat existent deux voies pour répondre à ce défi.
Selon ses propres paroles, Lula offre une crédibilité et une stabilité. La crédibilité dont il parle n’est pas face à ceux d’en haut – elle est durement affaiblie face à eux – mais elle existe pour ceux d’en bas: quoi que dise Lula, la société l’acceptera. En d’autres termes, le «lulisme» offre à la bourgeoisie sa capacité de convaincre et de neutraliser le peuple comme un moyen de rétablir l’ordre. Si Dilma était l’ombre de Lula, Haddad est projeté comme l’avatar de cette politique. [C’est ce qu’explique, par exemple, Sandard&Poor’s, voir note 2.]
A l’opposé, mais de manière complémentaire, se situe Jair Bolsonaro. Comment le comprendre? Bolsonaro constitue la réponse la plus terrifiante d’une société terrifiée. Ceux qui sont au chômage ont peur de la faim et ceux qui travaillent ont peur du chômage. Tout le monde a peur de la violence et a aussi peur de la police [3].
Dans un contexte de perte de crédit des formes de luttes collectives, Bolsonaro promet l’ordre par une tromperie maléfique, par des discours révoltants. Comme Donald Trump aux Etats-Unis, comme Recep Tayyp Erdogan en Turquie, comme Narendra Modi [avec son nationalisme hindou] en Inde, comme l’uribisme en Colombie [Alvaro Uribe président de 2002 à 2010, l’actuel président Iván Duque, élu en août 2018, est un proche d’Uribe], ou encore comme l’émergence d’un dirigeant fascisant (Matteo Salvini) en Italie. Ils sont tous actuellement au pouvoir. Jair Bolsonaro n’est donc pas seul: il représente une tendance, pas une aberration.
Bref, ce sont là différentes façons de faire face à la colossale crise brésilienne: le PT offre l’ordre par le dialogue, tandis que Bolsonaro propose l’ordre avec des bâtons.
2° Etant donné l’impossibilité pour les candidats Geraldo Alckmin (PSDB), Henrique Meirelles (MDB, ancien président de la Banque centrale) ou João Amoedo (Novo) [4] de gagner, laquelle de ces deux options (PT ou Bolsonaro) est préférable pour le capital?
Si Haddad gagne, gouverner sera un problème. Le problème du pouvoir sera alors de savoir comment apaiser le serpent de «l’antipétisme», comment convaincre ceux qui se sont lancés dans la course à la destitution de Dilma Rousseff et dans celle de l’incarcération de Lula d’accepter que tous leurs efforts aboutissent à l’élection d’Haddad?
Si Jair Bolsonaro gagne, ce sont les gouvernés qui auront un problème. Sa base parmi les puissants est relativement fragile, son rejet populaire est élevé et son caractère imprévisible. La question est de savoir qui va discipliner le responsable de la discipline.
Haddad et Bolsonaro représentent tous deux des réponses provisoires, et nécessairement instables, d’une bourgeoisie qui est en pleine réorganisation sous les coups d’une crise socio-économique d’ampleur. [La crise a commencé en 2014 et s’est accélérée dès 2015, avec une chute du PIB de 3,8% en 2015 et de 3,6% en 2016; en 2017, la situation est quasi stagnante et le taux de chômage officiel au début de 2018 est à hauteur de 13%, chiffre qui n’intègre pas la masse des travailleurs et travailleuses du secteur qualifié d’informel. Les économistes considèrent que la récession de 2015-2016 fut la plus forte depuis le début du XXIe siècle.]
3° Au-delà de l’immédiat, le sens du déplacement de la bourgeoisie est en direction de Bolsonaro. Parce que la fin de la «nouvelle république» met aussi en difficulté les Tucanos (PSDB). C’est ce qui explique la présence de Novo (créé en 2011) qui est aussi «nouveau» en politique qu’est démocrate le Dem [Democratas, ex-Parti du Front libéral – FPL – qui fut fondé en 1985].
Ce déplacement traduit l’intuition de la bourgeoisie que les temps nouveaux exigent de nouvelles réponses: c’est le futur Bolsonaro qui n’est pas encore sorti du placard.
Parce que, ce qu’il faut, c’est couver un bolsonarisme sans Bolsonaro.
En France, la fasciste Marine Le Pen s’est plainte de ceux qui se sont unis pour la battre au second tour des élections présidentielles, parce que, après tout, dit-elle, insatisfaits de Le Pen, ils ont choisi quelqu’un (Macron) qui applique ses orientations néolibérales, mais sans s’en vanter.
Sous le nuage des prochaines élections, la bourgeoisie brésilienne forge son Macron. Le point d’intersection de Bolsonaro et de João Amoedo (Novo) peut être João Doria [le maire de São Paulo, homme d’affaires, nouveau en politique, qui a battu F. Haddad en octobre 2016, en étant élu au premier tour avec 53,3% des voix; il est membre du PSDB et né en 1957].
4° Entre le délitement du lulisme, qui s’est révélé lors de la rébellion populaire de juin-juillet 2013 [4] et un bolsonarisme fiable, qu’elle veut cuisiner à son goût, la bourgeoisie brésilienne se réorganise. Ce réaménagement s’exprime par la dispersion des candidats. Comme en 1989 [à cette date, Fernando Collor de Mello a été élu président lors des premières élections directes au suffrage universel], quand la Nouvelle République s’est installée, la bourgeoisie cherche une voie, même si elle doit l’enterrer demain.
A moyen terme, les milieux bourgeois qui ont du poids spéculent sur quel serait le meilleur pansement pour arrêter l’hémorragie déclenchée par le coup institutionnel [contre Dima Rouseff et, sous une autre forme, contre Lula]. Rationnellement, ce pansement pourrait être représenté par Ciro Gomes [candidat du Parti démocratique travailliste-PDT]: l’anti-pétisme se sentirait écouté et l’électorat d’EleNão [qui s’affirma lors de la manifestation des femmes du 29 septembre] pousserait un soupir de soulagement.
Mais les serpents lâchés à l’occasion du coup d’Etat provoquent une situation qui n’obéit pas aux «règles de la raison». En effet, quel que soit le gouvernement qui sera formé après le 28 octobre, il sera nécessairement instable, comme l’a été celui de Collor de Mello (président entre 1990 et 1992, destitué pour corruption).
Dans ce contexte, les Tucanos (direction du PSDB) font leur autocritique: il aurait mieux valu laisser Dilma Rousseff s’affaiblir que de conspirer pour organiser un coup d’Etat institutionnel et la destituer et établir un pacte avec Michel Temer [qui occupait le poste de vice-président, car se trouvant sur le ticket de Dilma Rousseff lors des élections de 2014]. Les Tucanos ont voulu étancher rapidement leur soif de pouvoir. Et maintenant ils sont condamnés à être patients.
La bourgeoisie et les Tucanos sont en train d’examiner ceux qui les serviraient le mieux pour brûler et qui devrait être brûlé, avec l’espoir de fonder sur cette terre brûlée, rasée, le nouvel ordre socio-politique le plus conforme à leurs besoins et exigences.
5° Et la gauche, quel rôle joue-t-elle dans tout cela?
Paradoxalement, elle manifeste plus de difficulté pour saisir le changement. Pour la droite, c’est clair depuis juin: le temps du néolibéralisme «inclusif» est passé. Il y a eu une transition de la conciliation [sous le régime du lulisme] à la lutte ouverte de classes. Cela constitue la toile de fond de l’agonie luliste.
Que Lula lui-même ne se rende pas compte de son anachronisme relevait du prévisible. Que le Parti Socialisme et Liberté (PSOL) se soit fait engloutir dans cette auto-illusion relève d’une myopie tragique. Au lieu de se différencier du PT, en essayant d’innover à gauche, la candidature de Guilherme Boulos [le dirigeant du MTST-Mouvement des travailleurs sans toit] a opté pour la symbiose, dans des conditions toujours plus défavorables.
Le lulisme est une politique qui navigue sur les eaux de l’ordre. En ce moment, la seule chose qui peut le ressusciter comme alternative pour la bourgeoisie réside dans une montée des masses [qui contraindrait les dominants à compter à nouveau sur le lulisme pour calmer les vagues]. Or, le paradoxe est que les masses ne se mobiliseront que si elles rompent les amarres avec le lulisme, comme en juin 2013. Et face au dilemme de la mobilisation en faveur du PT, les révoltés se poseront la question: cela vaut-il la peine de faire tous ces efforts pour retrouver Lula au pouvoir?
Si le cobra de l’anti-pétisme est difficile à contrôler, les forces qui cherchent à dépasser sur sa gauche l’orientation du PT le seront encore bien plus. C’est pour cette raison que le peuple dans la rue n’intéresse personne, pas même Lula.
Visant à jeter un pont entre le pétisme et la gauche, la candidature de Guiherme Boulos [présentée par le PSOL] subit les contraintes de l’agenda du lulisme et du PT. Ce faisant, il court le risque de valider la séquestration de la gauche invisibilisée par les projections de la lampe magique du lulisme. Au-delà de ses contradictions internes, l’orientation du lulisme a perdu sa dynamique historique. C’est la raison pour laquelle elle ne se répétera pas, si ce n’est sous la forme d’une farce.
Le lulisme n’est pas l’antidote au fascisme, il a un effet paralysant qui rend difficile la compréhension de ce qui se passe. Ce n’est qu’en nous battant que nous échapperons à la barbarie, et pas avec de la morphine.
6° Quel que soit le résultat de l’élection, son vainqueur est déjà Jair Bolsonaro. Parce que c’est lui qui a déterminé les termes du débat politique. L’axe de la discussion s’est déplacé vers la droite, isolant davantage le débat portant sur les thèmes propres à ce qui structure la société et le capitalisme brésiliens. De plus, la gauche [donc celle à gauche du PT] a déjà perdu ces élections, parce qu’elle ne s’est même pas imposée comme protagoniste dans l’arène du débat politique.
Pour revenir à la première division de la politique [celle qui part de la réalité des affrontements de classes et de leurs expressions politiques], la gauche doit mettre à jour son diagnostic et sa stratégie. Sans cela, nous assisterons à une accumulation de défaites, sans même être apte à intervenir et à infléchir le cours de l’histoire. (Article publié dans Correio da Cidadania, en date du 2 octobre 2018; traduction A l’Encontre)
Fabio Luis Barbosa dos Santos est professeur à l’Université fédérale de São Paulo (UNIFESP). Il est l’auteur du livre Além do PT. A crisis da esquerda brasileira em perspectiva latino-americana(Au-delà du PT. La crise de la gauche brésilienne dans une perspective latino-américaine).
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[1] Le 7 avril 2018, 24 heures après le délai fixé par le juge Moro, Luiz Inacio Lula da Silva a rejoint la prison de Curitiba – dans l’Etat du Paraná, dans le sud du Brésil – pour purger une peine de 12 ans et un mois. Il déclara, à cette occasion: «Ne pensez pas que je suis contre l’enquête concernant Lava Jato [Lavage express symbolisant les mécanismes de la corruption généralisée], si elle attrape un escroc qui a volé, le juge doit l’arrêter. Nous voulons tous cela. Tous, tout au long de notre vie, nous nous sommes dit: au Brésil on n’arrête que les pauvres, on n’arrête pas les riches.» Puis, il ajouta:«Je ne suis pas au-dessus de la justice, mais je crois en la justice fondée sur des preuves concrètes, pas sur des convictions.»
L’historien Luiz Felipe de Alencastro, qui a enseigné l’histoire du Brésil à l’Université de la Sorbonne, a souligné le caractère de classe qui signe la condamnation de Lula – alors que par dizaines des politiciens corrompus se présentent à divers postes, lors des élections d’octobre 2018, pour étayer leur immunité grâce à présence dans un parlement – en une formule: «Lula est un leader social et politique depuis plus de trente ans. Il a fait campagne, ville par ville, village par village. Il connaît le pays parfaitement. Il est né pauvre, n’a pas dépassé l’école primaire, il représente la majorité sociale des Brésiliens.» Beaucoup de Brésiliens et Brésiliennes ne mettent pas un signe égal entre la figure de Lula et le gouvernement du PT ou même le PT.
Le 31 août le Tribunal supérieur électoral (TSE) avait décidé, sans surprise, par 6 voix contre 1 – celle du juge Luiz Edson Fachin – d’invalider la candidature de Lula. Il a aussi interdit des spots électoraux du PT dans lesquels Lula serait présent. En fin août, le TSE avait donné 10 jours au PT pour choisir le remplaçant de Lula: l’échéance tombait le 11 septembre. Le recours de Lula visant à invalider la décision du TSE avait été rejeté par un juge de la Cour suprême. Fernando Hadadd est donc devenu le candidat Haddad-Lula dès le 11 septembre. (Réd. A l’Encontre)
[2] El Pais du 4 octobre rappelle que le 10 août Jair Bolsonaro s’est réuni avec 62 entrepreneurs. L’entrepreneur Meyer Nigiri – propriétaire de l’importante entreprise de construction immobilière Tecnisa et supporter de Bolsonaro dès le début – déclarait: «J’appuie quiconque s’oppose à la gauche, quel qu’il soit.» Après cette réunion, Braulio Bacchi de l’entreprise Atrefacto (fabrication de meubles) déclarait au quotidien Folha de S. Paulo, en date du 12 août 2018, afin de distribuer des bons points à J. Bolsonaro: «C’est mon candidat. En 40 ans, comme responsable d’entreprises je n’ai jamais vu un candidat qui ne demande pas d’argent.» Jair Bolsonaro fut applaudi par les participants à cette «réunion secrète» lorsqu’il proposa Flávio Rocha – PDG d’une des plus grandes chaînes de vente au détail du Brésil: Lojas Riachuelo– comme ministre du Développement, de l’Industrie et du Commerce. Le 2 juillet Flavio Rocha affirmait que le Brésil avait connu «100 ans de socialisme» (sic). Un secteur du capital, clairement, a choisi son camp, même si des transnationales et des agences de notation internationales pensent que F. Haddad est une solution préférable.
La Neue Zürcher Zeitung du 5 octobre 2018 (page 28), tout en indiquant qu’aucun des deux prétendants au second tour ne dispose «d’une solution contre la crise», place un intertitre qui ne laisse pas planer le doute: «Les investisseurs misent sur Bolsonaro». La NZZ, toutefois, cite les réticences de Standard&Poor’s sur la pertinence d’un tel choix.Dans Le Monde daté du 6 octobre 2018, Claire Gatinois écrit: «Bolsonaro a séduit les Eglises évangéliques, les puissants fazendeiros (“propriétaires terriens”) et les milieux d’affaires étourdis par le discours ultralibéral de son conseiller économique, Paulo Guedes.» Ce dernier est à la tête d’un fonds d’investissement, Bozano Investimentos. Il se déclare en faveur d’une vague de privatisations, y compris Petrobras. Il ne faut pas oublier que le fonds qu’il dirige possède des intérêts dans divers secteurs de l’énergie et dans celui de l’éducation privée. J. Bolsonaro l’a proposé comme ministre des Finances dans un potentiel gouvernement qu’il présiderait.
Enfin, Bolsonaro a remis en première ligne des militaires. Il est en contact étroit, deux fois par semaine, avec le général de réserve Augusto Heleno qui a commandé la présence des forces militaires brésiliennes, sous le drapeau de l’ONU, en Haïti. Un entraînement utile pour la présence militaire dans les favelas. Sur son ticket, le vice-président se trouve être le général de réserve Hamilton Mourão dont les mérites réactionnaires sont sans rivages. Il a été mis à la retraite anticipée de l’armée suite à ses déclarations attaquant les éléments les plus basiques d’une démocratie. Le nouveau président, depuis le 13 septembre 2018, du Tribunal suprême du Brésil, José Antonio Dias Toffoli, a nommé comme consultant spécial le général Fernando Azevedo e Silva, avec l’appui du très influent général d’active Eduardo Dias da Costa Villas Bôas. Azevedo e Silva est considéré comme un potentiel membre du gouvernement que formerait Jair Bolsonaro (El Pais, 6 octobre 2018). Dans la conjoncture socio-politique présente, sans spéculer sur la forme que prendrait un futur régime Bolsonaro, est évidente la revalorisation de la place de l’armée dont la continuité n’a jamais été interrogée au Brésil. (Réd. A l’Encontre)
[3] En 2017, la «statistique officielle» dénombre 63’880 homicides au Brésil. Cette donnée ne peut être comprise sans la relier aux effets de la crise économique, du chômage, de la paupérisation qui s’est encore accentuée avec les politiques d’austérité. Il y a donc des «aspects» de survie qui nourrissent cette «insécurité et violence». Sécurité, santé et éducation sont les trois thèmes qui, dans les sondages, concernent le plus les Brésiliens et les Brésiliennes. La sécurité, elle, trouve une place prioritaire dans le discours de Bolsonaro et des secteurs qui le soutiennent avec le plus de vivacité: de l’armée à la police en passant par une fraction importante des évangélistes. Parmi les homicides, les policiers ont assassiné plus de 5000 civils présumés coupables, soit une hausse de 20% par rapport à l’an passé. Voilà le résultat d’une politique militaire et policière de «contrôle du territoire» analogue à la «contre-insurrection» lancée par une armée.
A Rio de Janeiro, contrairement aux règles constitutionnelles en vigueur, Michel Temer a attribué à l’armée, donc au pouvoir fédéral, le rôle de l’«intervention policière» qui normalement reviendrait à la police de l’Etat de Rio. Il y a donc une politisation de l’armée et une militarisation de la police. Temer a pavé la voie de Bolsonaro.
Le bilan de l’intervention fédérale et militaire à Rio, en comparant les «résultats», en termes de sécurité, de la période de février à août 2017 à la même période de 2018 fournit le résultat suivant: le nombre de personnes tuées par les militaires a augmenté de 4,4%. La politique «de la paix armée» relève de l’illusion construite médiatiquement. O Globo, un quotidien qui n’est pas connu pour son orientation progressiste, relève que durant l’année 2017 il y a eu 3926 homicides à Rio, alors que, de janvier à juillet 2018, il y en a eu 4133. Pour ce qui est des meurtres commis par la police militarisée à Rio, les chiffres sont encore plus révélateurs: pour 2017: 643; pour les seuls mois de janvier à juillet 2018: 895. La sécurité possède un profil certain.
Dans la «guerre contre la drogue», un trait fort est mis en relief par diverses études académiques, peu diffusées: il existe des rapports quasi commerciaux établis entre des responsables de la police militarisée et de gros revendeurs de drogue qui reçoivent, en échange de sommes importantes (corruption) données aux responsables de la «sécurité», des droits de distribution de leur «marchandise» dans des espaces bien établis, des sortes de zones protégées de type monopolistique. (Réd. A l’Encontre)
[4] Novo est un parti créé en 2011 par le banquier et homme d’affaires João Amoedo ayant une ligne ultralibérale sur le plan économique, mais libérale sur les questions dites sociétales. (Réd. A l’Encontre)
[5] Manifestations d’ampleur dans diverses villes importante, traduisant le mal-être régnant au Brésil auquel la politique du PT n’offrait pas de réponse. A l’occasion de cette «révolte populaire», comme l’a qualifiée le sociologue Ricardo Antunes, des groupes de la droite extrême ont cherché à gagner une influence dans les manifestations, réprimées souvent de manière brutale par la police. Le thème de l’abaissement de majorité pénale à 16 ans fut avancé à cette occasion. Le sens de cette révolte et sa dynamique sociale et politique furent l’objets de nombreux débats qui sont loin d’être conclus. (Réd. A l’Encontre)
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