Les propositions des candidats pour l’«or blanc» bolivien

Par Juan Manuel Boccacci

L’industrialisation du lithium [un des composants principaux des batteries lithium-ion, utilisées dans l’automobile par exemple] est l’une des promesses électorales les plus répétées en Bolivie pendant la campagne [premier tour le 18 octobre, le second le 29 octobre]. Ce pays possède l’une des plus grandes réserves du monde, notamment dans le Salar de Uyuni, dans la région andine de Potosi. C’est un métal alcalin qui est utilisé principalement pour la production de piles, avec une grande demande dans le monde entier.

Le candidat du Mouvement vers le socialisme (MAS), Luis Arce, a promis de poursuivre le modèle d’industrialisation qui a débuté sous la présidence d’Evo Morales [en fonction de janvier 2006 au 16 novembre 2019]. Il a également déclaré que seront créés plus de 25 000 nouveaux emplois dans ce secteur. Pour sa part, Carlos Mesa de la Comunidad Ciudadana (CC) a déclaré qu’il serait favorable à la formation de sociétés mixtes [public-privé] pour exploiter cette matière première. Luis Fernando Camacho, de l’Alianza Creemos, a pris Marco Pumari [président du comité Civico Ptosinsita], originaire de Potosi, comme colistier. Pumari a promis d’obtenir des revenus plus importants pour la région en exportant du lithium. Les élections en Bolivie auront lieu dimanche prochain.

L’or blanc bolivien

Le lithium a occupé une place importante sur la scène politique bolivienne après le coup d’État de novembre 2019. Morales a dénoncé que les organisateurs de son «départ du pouvoir» avaient pour objectif de livrer cette matière première aux Etats-Unis. «En Bolivie, nous pourrions définir le prix du lithium dans le monde», avait assuré l’ancien président lors d’un entretien avec l’ex-dirigeant équatorien Rafael Correa [président de janvier 2007 à mai 2017]. La Bolivie possède près de 40% de la production mondiale de lithium. Outre Uyuni, le lithium est également produit, bien que dans une moindre mesure, dans le gisement de pétrole de Pastos Grandes, également à Potosí, et à Coipasa, situé à la frontière avec le Chili. Selon les estimations du gouvernement Morales, la production pourrait passer de 15 000 tonnes en 2019 à 100 000 en 2023. Pour cela, le MAS avait installé deux usines pour obtenir les dérivés de ce produit: le chlorure de potassium et le carbonate de lithium. Il avait également construit plus de 2400 hectares de bassins d’évaporation, nécessaires à la transformation de cette matière première.

Contrairement à d’autres pays du monde, l’extraction du lithium en Bolivie nécessite davantage de technologie. La hauteur et l’humidité agissent comme un obstacle à son évaporation. C’est pourquoi le gouvernement Morales avait signé des contrats avec des entreprises d’Allemagne et de Chine, pour former un capital mixte permettant l’exploitation. Cependant, lors du bouleversement social qui a suivi les élections de 2019, l’ancien président a annulé le contrat avec ACI Systems Germany (ACISA). Aujourd’hui, Luis Arce a de nouveau souligné le besoin de capitaux privés. «L’industrialisation souveraine du lithium par le biais d’alliances stratégiques qui peuvent être avec des investissements étrangers et nationaux, par la gestion de l’État»: cette affirmation se trouve sur le site du MAS.

Une porte vers le marché mondial

Lors du débat présidentiel, Luis Arce a également déclaré que cette industrie serait l’un des moteurs de l’emploi dans le pays. «Avec l’industrialisation du lithium, nous allons créer 130 000 nouveaux emplois, directs et indirects, et 41 nouvelles entreprises qui vont générer plus de travail pour les Boliviens», a déclaré l’économiste [Luis Arce est l’ancien ministre de l’Economie et des Finances du gouvernement Morales]. La plateforme de la campagne du MAS a prévu que, d’ici à 2025, les revenus de la production de ce métal alcalin se situeront à hauteur de 2 milliards de dollars; tandis que l’investissement sera de 500 millions de dollars. De plus, la proposition du parti de Morales est de réaliser cette production en maintenant un statut de souveraineté et en respectant l’environnement ainsi que la «terre mère». Luis Arce a également reconnu l’importance de cet atout stratégique lors du coup d’État de novembre dernier. «Ce n’était pas un coup d’État contre les Indiens mais pour le lithium. Il a été conçu par des transnationales intéressées par sa privatisation en même temps que le gaz», a déclaré l’ancien ministre bolivien de l’Economie.

Carlos Mesa – critique du modèle économique mis en place par Morales – a reconnu l’importance de développer la production de lithium. «Nous proposons de transformer la Bolivie en un producteur compétitif, qui développe intégralement les salines [bassin d’évaporation] et assure sa participation à la chaîne de valeur du lithium au niveau mondial», peut-on lire parmi ses propositions de campagne. En outre, le CC maintient la nécessité de recourir au secteur privé afin de préciser l’insertion de l’État dans cette industrie. «De cette manière, les secteurs traditionnels seront réorganisés de manière concertée avec les travailleurs, les hommes d’affaires et les gouvernements municipaux», affirme la proposition de cette alliance.

Luis Fernando Camacho a parié sur l’incorporation de Marco Pumari – un travailleur minier et ancien dirigeant civique de cette ville – pour accroître des voix de la région de Potosi. Marco Pumari avait déclaré que Potosi devrait obtenir davantage de gains suite à l’exploitation du lithium. C’est pourquoi il a aligné sa campagne sur le projet du leader de Santa Cruz de la Sierra [Camacho]. L’Alianza Creemos est d’accord sur le fait que les investisseurs sont nécessaires. Luis Fernando Camacho a fait valoir que la participation devrait se faire à des conditions avantageuses. «Cinq milliards de dollars sont nécessaires et nous voulons faire partie de la chaîne de production des batteries», a déclaré le candidat de Creemos. (Article publié sur le site du quotidien argentin Pagina12, le 13 octobre 2020; traduction rédaction A l’Encontre)

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