Gaza. La tempête Byron submerge une population décimée et cherchant à survivre

Gaza, le 10 décembre 2025.

Par Lubna Masarwa

Lorsque la tempête Byron est apparue pour la première fois sur les cartes météorologiques, les Israéliens ont été submergé de consignes de sécurité: «sécurisez vos fenêtres, garez vos voitures loin des arbres, ayez les numéros d’urgence à portée de main».

Pendant plus d’une semaine, la principale préoccupation des médias israéliens a été de prévoir la quantité de pluie qui pourrait tomber sur Tel-Aviv et de savoir si les infrastructures du pays pourraient y faire face.

Les municipalités ont envoyé des SMS privés pour conseiller les habitants sur la manière de mettre en sécurité. Les commerces ont fermé. Les gens se sont précipités dans les supermarchés.

C’est ainsi qu’une société qui fonctionne se prépare aux intempéries.

La tempête était un défi, mais elle est gérable pour ceux qui ont un logement, des systèmes de drainage et des services publics qui fonctionnent. Mais sous le même ciel, dans la bande de Gaza sous siège, les prévisions météorologiques équivalaient à une condamnation à mort.

La tempête Byron a commencé à s’abattre sur Gaza mercredi, avec des pluies torrentielles et des inondations qui se sont poursuivies jeudi et devraient durer toute la semaine.

Des centaines de milliers de personnes déplacées par la guerre génocidaire menée par Israël se sont réfugiées dans des camps de tentes qui n’offrent aucune protection contre les intempéries, beaucoup d’entre elles étant déjà inondées en raison du bombardement massif des systèmes d’égouts et de drainage.

Deux mois après le dit «cessez-le-feu», cette population vulnérable est confrontée au pire de l’hiver et à la propagation rapide de maladies, sans aucun endroit sec où s’abriter.

De plus, Israël continue de bloquer l’aide. Plus de 6500 camions attendent aux points de passage pour entrer à Gaza avec des fournitures essentielles pour l’hiver, notamment des tentes, des couvertures, des vêtements chauds et des produits d’hygiène. Pendant qu’ils attendent, les enfants sont pieds nus et vêtus de vêtements d’été dans le froid glacial.

Au total, près de deux millions de Palestiniens s’abritent dans des tentes fragiles ou des structures de fortune qui peuvent s’effondrer sous une averse, après des années de bombardements et la destruction quasi totale des logements [certains bâtiments sont en train de s’écrouler à Gaza City], des systèmes d’assainissement et de drainage.

Presque immédiatement après le début des pluies, des images ont montré des tentes inondées, des toiles déchirées et des familles pataugeant dans une eau qui leur arrivait aux genoux, essayant de sauver le peu qui leur restait.

Des dizaines de milliers de Palestiniens déplacés, déjà privés de leur maison par la guerre et le blocus, se sont retrouvés accablés par la violence de la tempête.

Des appels ont été lancés aux équipes de défense civile dans toute la bande de Gaza alors que les tentes se remplissaient d’eau, ne laissant aux gens qu’une seule option désespérée: fuir vers un terrain légèrement plus sec, s’ils pouvaient en trouver.

Oubliés par le monde

La tempête ne s’est pas souciée des cessez-le-feu, des négociations ou des promesses humanitaires. Elle a révélé l’inégalité criante entre ceux et celles qui bénéficient d’une protection et ceux et celles qui sont abandonnés.

Les dirigeants internationaux et la communauté internationale continuent de détourner le regard et d’abandonner la population de Gaza.

Pour les Palestiniens comme Amro Akram, 19 ans, la tempête n’était pas simplement une épreuve de plus, elle leur rappelait que le monde les avait oubliés.

Déplacée de son domicile à Khuza’a, municipalité du gouvernorat de Khan Younès, au début de l’année, sa famille avait déjà enduré la dévastation, le déplacement et la faim.

Lorsqu’ils ont fui après le bombardement de leur maison, ils n’ont pas emporté de vêtements d’hiver, m’a-t-il confié. Sans abri adéquat, leur tente fragile s’est effondrée lorsque la tempête Byron a frappé.

«Notre tente s’est affaissée et a été déchirée par le vent», a-t-il déclaré, la voix tremblante. «Nous prions pour que la pluie cesse.»

Partager une seule couverture entre frères et sœurs, sans chaises, sans matelas et sans chaleur, ce n’est pas survivre, c’est être abandonné.

Dans toute la bande de Gaza, des centaines de milliers de personnes endurent des conditions similaires, voire pires.

En l’absence de canalisations d’évacuation ou de systèmes d’égouts fonctionnels, les eaux de crue transportent les excréments humains jusque dans les espaces que les gens sont contraints d’appeler leur maison.

Les responsables humanitaires mettent en garde contre le risque d’épidémies et les décès par hypothermie et maladies d’origine hydrique.

Il y a quelques jours, Moain Hamo, un jeune homme, est mort après être tombé en essayant de colmater les vitres brisées avec du plastique et du nylon pour garder sa famille au chaud. Son nom n’est jamais apparu dans les médias et personne n’a parlé de lui.

Les Israéliens se rient des souffrances de Gaza

Au milieu de cette dévastation, de nombreux commentateurs des médias israéliens ont ouvertement célébré l’impact de la tempête sur Gaza.

Un participant à une émission sur Channel 14 a déclaré qu’il ne voyait pas d’inconvénient à ce que les tentes à Gaza soient détruites ou que les Palestiniens soient à nouveau déplacés. Il a qualifié la tempête de «nettoyage» plutôt que de catastrophe humanitaire.

«Je ne pense pas qu’il restera une seule tente en place vendredi matin», a-t-il déclaré, avant d’ajouter: «Et cela ne me pose aucun problème que les gens ne soient plus là non plus. Ce qui se passe actuellement, c’est un nettoyage. Dieu leur a infligé un châtiment, et maintenant, il nettoie un peu la bande de Gaza avec l’eau.»

De telles opinions ne sont pas isolées. Elles reflètent un effondrement moral plus général dans la manière dont la souffrance des civils palestiniens est perçue, tolérée et banalisée.

Alors que la pluie continue de tomber, les conséquences sont désormais visibles: des abris inondés, des denrées alimentaires et des biens détruits, et le désespoir qui se répand parmi les familles dont les ressources étaient déjà consacrées à la simple survie.

Les conséquences sur la santé se feront sentir pendant des semaines et des mois. Les enfants déjà affaiblis par la malnutrition et la maladie sont encore plus exposés.

La tempête a frappé, mais l’effondrement de l’aide humanitaire à Gaza est le résultat de plusieurs années. C’est l’aboutissement d’une guerre prolongée, d’un blocus dévastateur et de l’échec des réponses internationales.

Aujourd’hui, ils souffrent simplement parce qu’ils sont humains dans un endroit marqué du sceau «sans importance» par les politiques et l’indifférence des États puissants.

Pour le monde «hors Gaza», les tempêtes vont et viennent. Les infrastructures résistent généralement. Les vies sont perturbées, mais rarement détruites. Mais pour Gaza, Byron est devenu un chapitre catastrophique dans une longue histoire d’isolement imposé.

La tempête Byron a mis en évidence la faillite morale d’un monde qui laisse un peuple se noyer sous la même tempête à laquelle d’autres se préparent sans difficulté. (Publié par Middle East Eye le 11 décembre 2025; traduction rédaction A l’Encontre)

Lubna Masarwa est journaliste et cheffe du bureau Palestine et Israël de Middle East Eye, basé à Jérusalem.

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