Israël. Démentir l’évidence au nom de… 

Blog de Robert Reich.

Par Judy Haiven (Independent Jewish Voices Canada)

Des mensonges. Des paquets de mensonges – délibérés, grossiers et mortels. Et ils continuent. Comme si le monde était redevable de quelque chose à Israël et à son «armée la plus morale du monde», après qu’elle a massacré plus de 35 000 Palestiniens en six mois.

Les Juifs qui soutiennent Israël et son gouvernement, ainsi que le puissant lobby pro-israélien dans notre pays (Canada) et aux Etats-Unis (et cela inclut des millions de sionistes chrétiens-évangélistes) n’admettront rien de ce qui suit:

  • Le bombardement ou la destruction des 12 universités de Gaza; la mort de 90 professeurs,
  • La destruction des 370 écoles de Gaza, y compris les écoles de l’ONU,
  • La mort de 4300 étudiants et 230 enseignants,
  • Le fait de laisser des femmes, des enfants, des bébés et des hommes se faire soigner sur les sols couverts de sang des hôpitaux de Gaza, ceux qui sont encore debout,
  • Empêcher pratiquement tous les médicaments d’entrer à Gaza, y compris les antibiotiques, les analgésiques et les sédatifs, de sorte que des opérations telles que les plus de 1000 amputations ou les «nettoyages» après les amputations sont effectuées sans anesthésie,
  • Mener plus de 400 attaques contre des établissements et du personnel de santé – autant de crimes de guerre,
  • Tuer plus de 496 travailleurs de la santé, en blesser 1500 et en détenir plus de 390,
  • Torturer le personnel de santé, en particulier les médecins,
  • Enterrer des centaines de Palestiniens (certains abattus à bout portant, d’autres les mains liées dans le dos) dans des fosses communes à proximité des hôpitaux. La Croix-Rouge internationale (CICR) est profondément préoccupée (communiqué du 26 avril 2024) par les informations faisant état de multiples charniers découverts à l’hôpital Nasser de Khan Younès et à l’hôpital Al-Shifa de la ville de Gaza,
  • Torturer les Palestiniens en les forçant à rester debout, ligotés et les yeux bandés, ou attachés à un lit avec des couches-culottes pendant des heures et des jours. CNN rapporte:

«Selon trois lanceurs d’alerte israéliens qui ont travaillé au camp du désert de Sde Teiman, où sont détenus des Palestiniens lors de l’invasion israélienne de Gaza. Tous ont parlé au risque de subir des sanctions juridiques et des représailles de la part de groupes soutenant la politique dure d’Israël à Gaza. Ils dépeignent un établissement où les médecins amputent parfois les membres des prisonniers en raison des blessures causées par les menottes constantes, où les procédures médicales sont parfois effectuées par des médecins sous-qualifiés, ce qui lui vaut la réputation d’être «un paradis pour les internes», et où l’air est empli de l’odeur des plaies négligées laissées à l’abandon.» [Voir les extraits de l’enquête de CNN publiés sur ce site le 11 mai 2024, à la suite de la contribution de Jack Khoury et Yaniv Kubovich.]

  • Tuer plus de 24 000 femmes et enfants. «Bonne fête des mères.» Toutes les heures, au moins deux mères sont tuées à Gaza.

Au lieu de reconnaître ces crimes, le problème du lobby pro-israélien est de réduire au silence les étudiants des campus universitaires qui prônent un cessez-le-feu.

La critique d’Israël est-elle plus grave que la mort de 35 000 personnes?

Les étudiant·e·s et leurs ami·e·s installent des campements pour dénoncer ce qu’Israël a fait et continue de faire. Les étudiant·e·s et leurs allié·e·s exigent la fin des relations entre les universités et les centres de recherche, les expositions culturelles et les échanges sportifs israéliens, ainsi que la fin du traitement spécial dont bénéficient les universitaires israéliens dans presque tous les centres de recherche du Canada. Les étudiants exigent que leurs universités se désengagent des investissements liés à Israël. Pour cette raison, les étudiants sont aspergés de gaz lacrymogène, de spray poivré, attaqués par la police, malmenés et arrêtés.

Les étudiants et leurs amis installent des campements pacifiques. Ils dénoncent les meurtres et la destruction de Gaza. Beaucoup de ceux et celles qui participent aux campements à travers les États-Unis, à Toronto et à Montréal sont eux-mêmes des Juifs, qui en ont assez de se faire berner par les autorités juives – des Juifs d’une génération qui souhaitent écraser les Palestiniens.

Vous vous souvenez de l’expression des manifestants de l’époque de la guerre du Vietnam: «Ne faites confiance à personne de plus de 30 ans»? Si, comme certains le disent, 40 ans est le nouveau 30 ans, ne faites confiance à personne de plus de 40 ans.

Les sondeurs canadiens affirment que 45% des Canadiens âgés de 18 à 35 ans soutiennent les campements, tandis que 66% des plus de 55 ans pensent qu’ils devraient être démantelés. Cela pourrait-il être plus clair?

Lorsque nous entendons le refrain des campeurs «Le monde entier nous regarde», c’est vrai.

Vendredi 10 et samedi 11 mai, nous avons vu les policiers d’Edmonton et de Calgary détruire complètement des campements pacifiques, frapper des manifestant·e·s, casser des tentes et du matériel, et envoyer au moins un jeune à l’hôpital. Pour quelle raison?

Nous sommes contraints d’écouter les élites et les autorités qualifier ces étudiant·e·s d’antisémites. Il n’y a aucune preuve de cela. Au moins un professeur de droit a noté à propos de la police de Calgary et d’Edmonton: «Il me semble qu’elle s’est livrée à une sorte de violation massive des droits constitutionnels des manifestants.»

Les médias: sténographes du pouvoir

Et les médias canadiens jouent le jeu. Ils se contentent allègrement d’être les «sténographes du pouvoir», comme l’a dit Amy Goodman (animatrice de l’émission Democracy Now!), malgré le fait que plus de 97 journalistes palestiniens ont perdu la vie sous les tirs des tireurs d’élite israéliens (vous vous souvenez de Shireen Abu Akleh [journaliste palestino-américaine de longue date d’Al Jazeera, tuée à Jénine par un tir en provenance de soldats israéliens le 11 mai 2022]?) et des missiles. Les médias ont pratiquement ignoré le fait que la plupart des 97 journalistes palestiniens morts ont été délibérément pris pour cible et tués par des soldats israéliens. Ce n’est que lorsqu’il y a une attaque de la police – ou une requête pour démanteler le campement – que les meilleurs reporters du Canada s’y aventurent. J’ai rarement entendu une interview – juste un extrait sonore ici et là – soulignant les raisons pour lesquelles les étudiant·e·s sont là. Pourquoi les étudiants sont-ils prêts à renoncer à leurs études, à leur appartement, à leur emploi – et à se retrouver dans la ligne de mire de la police pour une cause que d’autres qualifient d’insoluble et de «trop compliquée».

L’antisémitisme présumé justifie-t-il un génocide?

Les Juifs me disent toujours (à moi qui suis aussi Juive) que «la situation est trop compliquée». Ils s’inquiètent de l’antisémitisme au Canada. Or, j’aimerais rencontrer un seul Juif qui, au cours des 20 dernières années, a été privé d’une carrière, d’un emploi, d’une opportunité, d’un cabinet d’avocat, d’un cabinet médical ou d’une position politique dans ce pays parce qu’il était juif. Pourtant, il suffit de prononcer le terme «antisémitisme» pour que cela débouche sur l’acceptation du génocide à Gaza. Est-ce le moyen de lutter, ici, contre l’antisémitisme?

C’est un non-sens absolu. Comme l’a récemment écrit l’ancien secrétaire états-unien au Travail, Robert Reich, qui est juif, «une fois que nous commençons à faire l’amalgame entre l’antisémitisme et les protestations contre la brutalité de masse, comme le massacre à Gaza, nous invitons à l’aveuglement face aux injustices dont les Etats-Unis sont complices» (blog de Robert Reich https://robertreich.substack.com/p/antisemitism , son texte est à lire).

Je dirais que le Canada est également complice. (Contribution publiée sur le blog de Judy Haiven le 13 mai 2024, repris par The Bullet le 15 mai; traduction rédaction A l’Encontre)

Judy Haiven est professeure de gestion à la retraite à l’Université Saint Mary’s à Halifax (Nouvelle-Ecosse). Elle est membre de Independent Jewish Voices Canada.

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