Des ouvriers de la société Somid arrêtés et torturés par la police égyptienne et déférés devant le tribunal militaire pour motif de grève

Grève début mars à la mine d'or Sukari. La direction l'a qualifiée «d'illégale».

Par la Fédération égyptienne des syndicats indépendants

Selon Marwan Hussein, le mouvement de grèves, de mobilisation, de sit-in des travailleuses et travailleurs reprend des couleurs au cours des dernières semaines en Egypte (Ahram Online, 9 mars 2010). La ville de Suez, «historiquement rebelle», a connu l’éclatement de plusieurs luttes depuis le début mars 2012, dans les entreprises Cleopatra Ceramics, Maridive, Suez for Fertilizers et dans des firmes d’installations sanitaires. L’appel à la grève générale, lancée par diverses forces, pour le 11 février 2012 – date anniversaire du départ de Hosni Moubarak – n’a pas connu un grand écho parmi les travailleurs. La campagne très forte des médias et les déclarations menaçantes du pouvoir contre cet appel constituent une des explications de son audience limitée. Mais il faut aussi avoir à l’esprit le manque d’articulation et de jonction avec les secteurs ouvriers de la part des forces militantes qui ont lancé cet appel.

Un des traits importants de nombreuses grèves, dans la dernière période, peut être résumé de la sorte: les travailleurs obtiennent un accord suite à leur lutte, mais les directions des entreprises ne respectent pas la convention passée.

Les revendications portent, le plus souvent, sur l’exigence d’obtenir des contrats à durée indéterminée (CDI) et des augmentations de salaire. Par exemple, les salariés de La Poste égyptienne, en lutte, exigent une restructuration du système de salaire et la démission du ministre des télécommunications. La corruption des directions, dans le secteur public ou contrôlé par l’armée, est aussi dénoncée, de manière très systématique, à l’occasion des mobilisations ouvrières.

Dans ce contexte, lorsque les promesses apparaissent comme dérisoires et trompeuses aux yeux des travailleurs, le pouvoir – armée et police – n’hésite pas à utiliser la force, la répression et les arrestations pour mettre fin à une lutte. D’ailleurs, dès le mois de mars 2011, le Conseil suprême des forces armées (CSFA) avait édicté une nouvelle loi antigrève.

La déclaration de la Fédération égyptienne des syndicats indépendants – que nous publions ci-dessous – illustre cette politique répressive ainsi que le besoin d’une solidarité de la part du mouvement syndical à l’échelle internationale; un mouvement qui a salué – avec plus ou moins de conviction – le combat démocratique et anti-dictatorial de la population égyptienne, au début de 2011. (Rédaction A l’Encontre)

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Cinq travailleurs de l’entreprise portuaire Somid à Ain Sukhna (situé à proximité de Suez à l’est du Caire) ont été battus et torturés par des agents de sécurité au poste de police de Attaqa suite à leur arrestation par les forces armées pendant la grève qui avait débuté mercredi dernier.

Les cinq ouvriers – Mohamed Essam Syam, Mohamed Farouk Al Gindy, Abu Alyazeed Abdel A’aty, Ahmed Mohamed Tal’at, Hassan Mohamed Al Qarmooty – ont été arrêtés le 7 mars dans l’entreprise portuaire Somid, pendant la grève engagée par les ouvriers de cette entreprise. Ces derniers  exigeaient d’être employés directement par la société Somid et non par des prestataires ou des intermédiaires, comme c’est le cas aujourd’hui avec Subsea pour le compte de Petroleum Services.

L’oppression et la maltraitance dont ont été victimes les travailleurs ne permettent pas d’écarter les soupçons de corruption, alors que les ouvriers ont été arrêtés et déférés au tribunal militaire sans raison, mis à part que plusieurs directeurs de la compagnie sont des parents et des proches de membres du Conseil suprême des forces armées (CSFA) à la tête de l’Egypte. Ahmed Tantaoui, frère du maréchal Hussein Tantaoui, a été directeur des affaires maritimes au port avant sa retraite. Par la suite, il a travaillé comme consultant auprès de l’entreprise portuaire Somid. De même, Mohamed Islam Khattab a été nommé dans la société pour récompenser son père Khattab Hindawy qui a financé l’attaque contre les révolutionnaires de la place Tahrir, le 2 février 2011. Une opération connue sous le nom de «la bataille des chameaux». En outre, Omar Seif Galal Eldin, le fils de l’ancien gouverneur de Suez, travaille dans l’entreprise, de même qu’un parent du général Sami Anan.

Cela dit, les grévistes se retrouvent directement confrontés à l’alliance entre les capitalistes et les membres du précédent régime, mais aussi ceux du régime actuel.

La Fédération égyptienne des syndicats indépendants exige par la présente déclaration que le Parlement égyptien assume ses responsabilités par égard à ceux qui l’ont élu, afin d’accélérer le processus de libération des cinq travailleurs arrêtés et d’engager des poursuites contre ceux qui ont donné les ordres de torturer et de terroriser les grévistes et contre tous ceux présents au poste de police qui ont participé à ces actes de torture, ainsi que de répondre immédiatement aux revendications des travailleurs.

De plus, nous appelons tous les partis politiques et les syndicats du monde entier à la solidarité avec les grévistes de l’entreprise portuaire Somid et à témoigner de leur soutien à tous les camarades en lutte par les moyens qu’ils jugeront appropriés. – Fédération égyptienne des syndicats indépendants 09/03/2012.

Les messages de solidarité peuvent être envoyés aux quatre adresses suivantes: kheder_atef@yahoo.com ; efitu.union@gmail.com ; fatmaramadan66@gmail.com ; eiuf2011@gmail.com

(Traduction de Pierre-Yves Salingue pour  A l’Encontre)

 

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