En Israël des protestations anti-Trump accueillent le président états-unien

Par Yael Marom

Une vague de protestations contre Donald Trump et la politique états-unienne ont accueilli le président, en visite en Israël, alors que la grève de la faim des prisonniers palestiniens atteint son 36e jour.

La visite en Israël de Donald Trump lundi 22 mai a généré les sourires, les célébrations officielles et les tensions auxquelles on pouvait s’attendre, sans compter les disputes entre les ministres israéliens sur qui recevrait le droit d’échanger des poignées de main avec le président des Etats-Unis. Mas il y aura également ceux qui utiliseront la visite de Trump pour envoyer un message au président contesté, et cela en soutien aux prisonniers palestiniens qui font actuellement la grève de la faim.

Les premiers protestataires à recevoir Trump seront les membres du groupe de base Women Wage Peace, qui ont l’intention de manifester devant la résidence du président à Jérusalem pendant la rencontre entre Trump et le président israélien Reuven Rivlin. Ces femmes, qui vont appeler à une solution diplomatique au conflit, ont formé la semaine passée une énorme «statue» formée d’êtres humains proclamant: «Prêts pour la paix» – C’est ce même message qu’elles vont transmettre lundi aux deux présidents.

Lundi soir, alors que Trump et le premier ministre Benjamin Netanyahou se rencontreront à Jérusalem, des membres du parti de gauche Hadash [Front pour la paix et la démocratie qui est une alliance parlementaire entre des députés juifs et arabes israéliens] manifesteront devant l’ambassade états-unienne à Tel Aviv avec le slogan «Trump, go home!».

Dans l’appel à la manifestation, les organisateurs écrivaient: «Trump et la politique du gouvernement états-unien font partie du problème et non pas de la solution. Après 50 ans d’occupation, la paix entre Israël et les Palestiniens viendra des gens qui vivent ici et non des intérêts du super-pouvoir états-unien – lequel est d’ailleurs le plus grand bénéficiaire des guerres, de la destruction et de la répression dans la région.»

Des membres de la Knesset, dont Aida Touma-Souleiman et Abdoullah Abu-Ma’arouf, de la Liste conjointe, ont également l’intention de rejoindre la manifestation.

Ensuite on s’attend à ce que les partisans états-uniens du Parti Democrate (des Etats-Unis) protestent devant le consulat états-unien à Jérusalem. D’après les organisateurs, les manifestants, ces manifestants ont l’intention de: «Manifester non seulement notre soutien à la paix, aux droits humains et l’égalité mais aussi pour dire notre opposition à la dangereuse politique de droite ainsi qu’aux provocations et la haine parmi nos dirigeants.» Ils ont également l’intention de «montrer au président Trump que même lorsqu’il est en visite en Israël il ne peut échapper aux protestations contre sa politique.»

Le 8 mai 2017, à Naplouse, durant une manifestation de soutien aux grévistes de la faim, un militant «symbolise» leur emprisonnement… et celui de la population

Trump arrive au 36e jour de la grève de la faim de masse menée par des prisonniers politiques palestiniens. La condition physique des prisonniers grévistes commence à se détériorer gravement, et il y a des rapports selon lesquels le service de prison israélien commence à transférer des douzaines de prisonniers à des hôpitaux partout dans le pays.

A ce stade, d’après l’association médicale israélienne, les grévistes de la faim commencent à souffrir entre autres d’étourdissements, de faiblesse, de tremblements, de vacillations, des difficultés à se tenir debout, d’arythmies, de frissons. A partir de la 5e semaine de grève de la faim, une personne subira probablement des signes de vertige, des vomissements incontrôlables et des difficultés à bouger leurs yeux, qui peuvent également connaître des spasmes.

Si les grévistes de la faim palestiniens acceptent de subir ces symptômes, c’est pour obtenir une amélioration des conditions de base dans les prisons, dont l’accès à des téléphones publics (dont disposent tous les autres prisonniers), des visites familiales, des services de santé humains et adéquats, une amélioration des conditions de transport entre les prisons, de l’air conditionné et la fin des détentions administratives.

Le Conseil national palestinien et le High follow-up committee pour les citoyens arabes d’Israël a appelé à une grève générale lundi des deux côtés de la Ligne verte, en soutien aux grévistes de la faim et leurs revendications. Des protestations de solidarité sont prévues en Cisjordanie.

Une coalition d’organisations à Haifa organisera une manifestation séparée de solidarité avec les grévistes de la faim lundi soir. Mardi soir, des activistes du groupe Jaffa Clock Square vont organiser une manifestation au centre de Tel Aviv avec l’objectif d’attirer davantage d’attention sur cette grève de la faim que les Israéliens ignorent largement. (Article publié sur le site israélien +972, le 22 mai 2017; traduction A l’Encontre)

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Yael Marom est la directrice de la communication de Just Vision en Israël et co-éditrice de Local Call, où cet article a également été publié en hébreu.

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Les grévistes de la faim et la mobilisation des Palestiniens

Par Vadim Kamenka

1600 détenus palestiniens ont entamé, le 17 avril, une grève de la faim pour le droit à des conditions de détention dignes, bafoué par l’État d’Israël. Leur combat rencontre un écho dans la société palestinienne, qui fait preuve de solidarité.

Le soleil tape fort sur Bethléem. Les rues sont moins animées qu’à l’habitude. La plupart des commerces sont fermés. Et seuls les touristes, venus visiter la basilique de la Nativité, brisent la tranquillité de la ville, qui tourne au ralenti. Les magasins ont descendu leur store. Les bus ne circulent plus. Depuis 11 heures, hier matin, un mouvement de grève a été lancé.

Cette nouvelle mobilisation se tient en soutien aux 1600 prisonniers en grève de la faim depuis 37 jours. A quelques mètres de la basilique, sur la place de la Nativité, une immense tente a été dressée. Une centaine de portraits de prisonniers (la plupart ont moins de 30 ans) sont affichés et les familles et le comité de soutien se tiennent assis sur des chaises ou allongés sur des matelas. Les larmes viennent facilement dès que l’on évoque le sujet. «37 jours, cela fait beaucoup. J’ai peur pour la vie de mon fils. Il a perdu plus de 20 kg. Mais quel choix ont-ils? C’est leur seul moyen de se battre pour leurs droits», raconte Leïla, la cinquantaine, qui tient le portrait de son fils entre ses mains.

Hier la tension est montée d’un cran dans les territoires occupés. La route entre Jérusalem et Ramallah a été bloquée à la suite d’incidents autour du check point de Qalandia. La veille, le dimanche, à Ramallah, une marche a été organisée de la Mouqata’a (siège de la présidence de l’Autorité palestinienne), jusqu’à la place Yasser-Arafat, au cœur de la ville, où les rassemblements quotidiens ne cessent de s’intensifier.

Marwan Barghouti est à la tête du mouvement de grève

L’immense foule agite des drapeaux jaunes du Fatah qui se mêlent aux drapeaux palestiniens et aux portraits de Marwan Barghouti et des autres prisonniers comme le secrétaire général du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), Ahmed Saadat. Marwan Barghouti, le dirigeant du Fatah, emprisonné depuis quinze années, est à la tête du mouvement de grève. Dès le début, il a été transféré à la prison de Kishon, à côté de Haïfa, et placé en isolement. «Nous n’avons aucune nouvelle de lui. Son avocat a pu le voir une fois, il y a près de quinze jours. Il a déjà perdu au moins une vingtaine de kilos. Et, d’après le peu de nouvelles que l’on a, il a décidé de ne plus boire pour forcer le gouvernement israélien à négocier. Et cela nous inquiète profondément», s’alarme l’un de ses fils, Qassam.

Au milieu de la place une immense tente bleue a été dressée depuis le 17 avril, premier jour de grève des prisonniers. Pour Akram Atallah Alayasa, membre de la Commission pour les détenus et anciens détenus (CDA), qui a passé plusieurs années en prison, «ils se battent simplement pour leurs droits, leur dignité et le respect des conventions internationales. C’est-à-dire recevoir des visites, des soins et pouvoir téléphoner à leur famille. Mais il faut accentuer la pression sur le gouvernement israélien. Car, au bout de 37 jours, le temps presse, sinon, nos amis, nos frères, nos parents vont mourir», ajoute-t-il.

La place Arafat est devenue le cœur des mobilisations de soutien pour les détenus. 37 jours plus tard, les familles qui viennent et les militants apparaissent de plus en plus préoccupés. «Si un accord n’est pas trouvé dans les prochaines heures, nous allons avoir plusieurs amis qui vont décéder. Certains n’ont plus la force de bouger. D’autres ont été transportés à l’hôpital. Et personne n’arrive à entrer en contact avec eux», s’emporte l’ancien ministre palestinien désormais président du Club des prisonniers, Qadoura Fares. Malgré la décision de la Haute Cour de justice qui a condamné les autorités carcérales à laisser les avocats voir leur client. Pour ce proche ami de Marwan Barghouti «depuis le début, le gouvernement israélien a décidé de gérer lui-même cette mobilisation afin de briser ce mouvement. Le but est de les déshumaniser. Mais les prisonniers sont déterminés à réussir ou à finir en martyrs».

Cette semaine s’avère décisive. L’état de santé des prisonniers risque de devenir critique, si désormais ils décident de ne plus boire. «Ce dernier geste pour obtenir le respect de leurs droits risque de leur être fatal», appréhende Qadoura Fares. Chaque famille de prisonnier rencontrée tremble désormais pour la vie de ses proches. «Si jamais un drame se produit, je crains que la colère éclate véritablement. Car nous sommes tous touchés. Journaliste, député, médecin, enseignant, jeunes, vieux, même les enfants, tout le monde a été emprisonné. Hélas l’Autorité palestinienne participe à ces arrestations», nous raconte Nabhan Khraishi, la soixantaine, qui a purgé une peine de cinq ans juste pour un article.

Trump doit se rendre à Bethléem pour y rencontrer Mahmoud Abbas

Depuis vendredi 19 mai des pourparlers auraient été finalement initiés par le gouvernement israélien. Le premier ministre Benyamin Netanyahou apparaît sous pression avec l’arrivée, hier, à Jérusalem du président des Etats-Unis, Donald Trump. Ce dernier a entamé une visite de deux jours au cours de laquelle il doit se rendre aujourd’hui à Bethléem, en territoires occupés pour y rencontrer le président palestinien, Mahmoud Abbas. «Notre action ce lundi ne devrait pas passer inaperçue auprès de la délégation états-unienne. Nous attendons des actes concrets de leur part afin de relancer le processus de paix comme faire respecter les droits de nos prisonniers et libérer ceux qui sont gravement malades», conclut Abdel Fattah Dawla. (Article publié dans L’Humanité en date du 23 mai 2017)

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