Par Dan Israel, du site Mediapart
Face à la fermeture annoncée du berceau historique d’Alstom, salariés, syndicats et responsables politiques entendent répondre d’une seule voix. Certains dénoncent une manœuvre de l’entreprise ferroviaire pour obtenir des marchés publics. Jeudi, la manifestation de rentrée contre la loi sur le travail s’est transformée en démonstration de soutien d’une ville à son industrie.
Tout à coup, dans l’ambiance policée et un rien solennelle, une voix s’élève. Un cri, plutôt. «On n’y croit plus, aux politiques! Laissez parler les syndicats!» En plein milieu du conseil municipal extraordinaire, qui réunit ce mercredi 14 septembre à Belfort tous les élus locaux et les responsables syndicaux d’Alstom, un membre du public s’impatiente. Il en a assez d’écouter les responsables politiques prendre la parole tour à tour pour critiquer l’annonce, faite une semaine plus tôt, de la fermeture de l’usine Alstom de Belfort. Un «transfert» de ses activités de production, et d’environ 400 emplois sur les 480 qu’abrite le site, est programmé vers le site de Reichshoffen (Bas-Rhin) pour 2018.
«C’est Alstom qui décide et les actionnaires qui commandent. Vous, vous vous agitez!» «On veut des actes, pas du blabla, c’est notre emploi qui souffre.» Noël Dollé, salarié d’Alstom et militant FO (Force ouvrière), affiche haut et fort ses opinions, son inquiétude et sa volonté d’en découdre. À la question de la vice-présidente (PS) de la région Bourgogne-Franche-Comté, Maude Clavequin, qui se demande à voix haute comment agir, il lance : «On se bat! On se bat, on se bat!»
La réunion est symbolique, et attendue dans une ville sous le choc depuis huit jours, et en ébullition. Le jour même, l’ancien ministre de l’Economie et candidat socialiste Arnaud Montebourg est passé écouter les salariés et dénoncer les errements de l’Etat et de la SNCF. Le lendemain [le 15 septembre], la manifestation de rentrée contre la loi sur le travail, programmée depuis des semaines comme partout en France, se transformera en démonstration de soutien d’une ville à son industrie.
Le conseil municipal s’est réuni, en présence d’un public nombreux et attentif, pour voter un texte élaboré par le maire (Les Républicains), Damien Meslot, en concertation avec les syndicats de l’entreprise, CFDT, CGT, FO et CFE-CGC. Il dit tout le mal que les Belfortains pensent de l’annonce, soudaine et non concertée, de la direction d’Alstom. «Une décision inacceptable, d’une brutalité inouïe», lance le maire, qui clame depuis des jours avoir «un seul objectif, le maintien du site de production d’Alstom et de tous les emplois à Belfort.» Il se tourne vers le gouvernement : «Nous attendons maintenant des actes concrets, c’est-à-dire des commandes pour faire vivre le site. Il appartient à l’État de faire le job.»
La motion, votée à l’unanimité à l’issue de la soirée, déclare que «les Belfortains ont fait Alstom» et «la fierté et la renommée de l’histoire ferroviaire française». Les élus «demandent aux dirigeants d’Alstom de revenir sur leur décision», de maintenir «les 500 emplois actuels» et «demandent également au président de la République de faire pression sur la direction afin d’atteindre ces objectifs».
Samia Jaber, socialiste, personnalité de l’opposition et fille d’ouvrier de l’entreprise, résume le sentiment général : «Alstom a des comptes à rendre aux Belfortains.» Olivier Kohler, chef de file local de la CFDT et artisan de nombreux conflits sociaux depuis des années, abonde : «Cette usine, elle nous appartient, nous avons fait sa notoriété, il est hors de question qu’on nous vole ce patrimoine.»
Lorsque le maire salue «l’union sacrée» de la ville autour de ses « Alsthommes», comme il est courant de les appeler à Belfort, les élus et une partie du public applaudissent. Mais une poignée de militants, portant les couleurs de FO, huent et sifflent. Daniel Rouillon, militant de Lutte ouvrière [1], en préretraite après 40 ans dans l’entreprise, explique la position de ses camarades. «On n’est pas dupes, tout ça c’est aussi de l’esbroufe. C’est un symbole, oui, mais ce n’est pas de symboles que les gens vivent, rappelle le solide gaillard aux cheveux blancs. Il y a une forme de colère.»
Presque les mêmes mots que ceux de Damien Meslot : «Les salariés ont pris un coup sur la tête, il y a une colère. La majorité d’entre eux est sceptique, et je les comprends » A Belfort, la combativité est là, mais un certain pessimisme également. Un fatalisme qui s’exprime mezzo voce devant la disparition annoncée d’Alstom, malgré toutes les promesses politiques.
Un lien historique avec la ville
L’entreprise tient une place à part dans la ville, qui explique l’émoi sur place, et l’enjeu national qu’est devenue l’usine. Pour mesurer le degré d’émotion, il faut noter que l’annonce, le même jour, par HSBC de la suppression de 466 postes en France est passée quasiment inaperçue. Une phrase résume ce lien entre une ville et son industrie, qui revient en boucle dans la bouche de tous ceux qui s’insurgent contre la fermeture annoncée : «Alstom, c’est Belfort, et Belfort, c’est Alstom.»
Et c’est vrai depuis au moins 137 ans, l’usine Alstom produisant des trains sur place depuis 1879. Installée à Belfort depuis 1872, lorsqu’elle s’appelait encore Société alsacienne de constructions mécaniques, l’entreprise s’est illustrée dès 1881 avec sa première locomotive à vapeur. Mais c’est le programme TGV, dans les années 1970, qui fait ses heures de gloire. A Belfort aujourd’hui, on fabrique des locomotives. De puissantes tractions de fret, et les fameuses motrices du TGV. «Ici, personne n’envisage que le TGV ne soit plus produit à Belfort», souligne Cédric Perrin, sénateur (LR) du territoire de Belfort, qui a succédé en 2014 à Jean-Pierre Chevènement.
Environ 1500 emplois concernés
C’était bien le message qu’entendaient faire passer les quelque 2000 manifestants, ce jeudi 15 septembre. Un chiffre important pour la ville, où certaines manifestations contre la loi El Khomri du printemps n’ont pas vu défiler plus de quelques centaines de personnes. Le rendez-vous était fixé à 10 heures à la Maison du peuple, qui abrite les syndicats et la plupart des partis politiques de la ville. «Les Alstom» s’y sont rendus depuis le pied de leur usine, où ils s’étaient rassemblés une heure plus tôt. La colonne comptait plus de 500 personnes, la plupart vêtues de leur veste grise et rouge frappée du logo de l’entreprise, et parfois barrée d’un autocollant «Non à la fermeture».
Pauline, cadre intermédiaire, chasuble fluo sur le dos et native de la ville, souligne, comme tous, que «pendant des années, c’est Alstom qui a fait vivre Belfort». Quelques instants plus tard, au cœur de la manifestation, une participante raconte à ses voisins comment elle a recadré un de ses amis : «Je lui ai dit, tu ne te sens pas concerné? Mais quand 400 personnes vendront leur maison parce qu’ils déménagent ou qu’ils sont au chômage, tu crois que la valeur de ta maison, elle ne sera pas dévaluée ? Et ces gens, tu crois qu’ils fréquenteront encore ton magasin?»
La veille au soir, juste avant le conseil municipal, Christian, la cinquantaine, fonctionnaire dans la commune voisine d’Offemont, déclarait : «Notre inquiétude, c’est que Belfort devienne une ville morte.» Selon les estimations, aux 480 salariés de l’usine concernés, il faut ajouter au moins un millier de sous-traitants ou d’emplois indirects qui seraient touchés par une fermeture.
«Ici, à part l’industrie, il n’y a pas grand-chose en termes d’emplois, on est dans une terre traditionnellement industrielle», rappelle Maxime, 24 ans, qui a suivi tous les débats depuis une semaine. Le jeune homme, qui cherche un emploi de comptable et multiplie les missions d’intérim en attendant, perçoit l’inquiétude générale. «Mais les gens ne sont pas totalement révoltés, il y a une part de résignation», constate-t-il aussi.
«C’est important qu’on sorte tous aujourd’hui, même si on ne sait pas si ça servira à quelque chose», confie en effet Pauline. «On n’est pas très optimistes sur le résultat, on ne s’attend pas à un miracle, disent de leur côté Delphine et Valérie, responsables de service. Mais tout de même, les trois quarts des salariés sont là, tous les secteurs et tous les statuts de l’entreprise sont représentés. C’est un symbole et un bon démarrage.»
Alstom, une entreprise qui va bien
Le but de la manifestation est simple: «Nous voulons montrer au gouvernement que les gens sont décidés à rester dans l’entreprise», déclare Barbarino Augello, délégué syndical CGT. Le message est bien adressé à l’exécutif, et non aux dirigeants d’Alstom: «C’est le gouvernement qui a engagé un bras de fer avec la direction. Mais nous, les représentants syndicaux, nous n’avons eu aucun contact avec la direction depuis l’annonce. C’est du jamais-vu!» Pour enfoncer le clou, le responsable CGT appelle déjà à une grande manifestation à Paris le 27 septembre, avec des bataillons de tous les sites français de l’entreprise.
Et le gouvernement a bien entendu le message. A huit mois de l’élection présidentielle de 2017, le cas Alstom a de bonnes chances de devenir aussi symbolique que celui de Florange en 2012. Il faut donc éteindre l’incendie. Mardi 13 septembre, le président de la République a affirmé que «tout sera fait pour que le site de Belfort soit pérennisé [pour] plusieurs années». Le Premier ministre, Manuel Valls, a, lui, déclaré qu’il était «hors de question que le site ferme».
Le gouvernement se voit, il est vrai, épargner une difficulté: Alstom ne va pas mal, bien au contraire. Début 2015, l’entreprise a vendu sa branche énergie, qui représentait 70 % de son activité, à General Electric (GE). Le fort afflux de trésorerie a épongé ses dettes. Cet été, son carnet de commandes représentait plus de quatre années de chiffre d’affaires. Et son résultat d’exploitation était positif de 388 millions d’euros l’an dernier. Par ailleurs, Alstom a gagné récemment de nombreux appels d’offres à l’étranger: Italie, Pays-Bas, Allemagne, Afrique du Sud, en Amérique du Sud… Fin août, le groupe a surtout obtenu un contrat de 1,8 milliard d’euros pour construire les 28 nouvelles rames de TGV d’Amtrak, la compagnie historique des États-Unis.
Problème: ces machines commandées sont presque systématiquement construites sur place. Et en France, les marchés se font (très) rares. À la rentrée, Alstom a vu passer sous son nez le contrat pour la fabrication de 44 locomotives de manœuvre et de travaux, commandées par l’entreprise de location de machines Akiem, filiale de la SNCF, détenue à parité par la Deutsche Bank depuis moins d’un an. Ces 144 millions d’euros de commandes sont allés à l’allemand Vossloh, moins cher et dont les produits ont été jugés plus modernes.
Des solutions à chercher auprès de la SNCF?
Le tout nouveau secrétaire d’Etat à l’industrie, Christophe Sirugue, a convoqué dès l’annonce d’Alstom son discret PDG, Henri Poupart-Lafarge, arrivé aux commandes en février 2016 après avoir dirigé la branche transport pendant cinq ans. Il a ensuite rencontré mardi les élus locaux, puis les syndicats. Il leur a demandé dix jours pour mettre sur pied en urgence des solutions. «On a été écoutés, et le ministre nous a semblé avoir bien compris les problèmes, indique André Fages, délégué CFE-CGC. Il nous a promis que le plan que présentera le gouvernement ne serait pas une solution pour six mois, ou même deux ans. Le gouvernement cherche une solution pérenne pour l’entreprise.»
Les pistes qu’explore l’exécutif sont multiples, et ont été esquissées par le secrétaire d’Etat aux transports, Alain Vidalies. Puisque le carnet de commandes de l’usine est rempli jusqu’à l’été 2018, et qu’elle devrait à nouveau bien tourner à l’horizon 2021 ou 2022, avec le développement puis la production du « TGV du futur » coproduit avec la SNCF, il faut trouver de quoi faire fonctionner les ateliers pendant deux ou trois ans. Le gouvernement entend donc tordre la main, plus ou moins subtilement, à la SNCF pour qu’elle achète quelques locomotives pour la ligne Paris-Turin-Milan, et à la RATP (Régie autonome des transports parisiens) pour commander des machines d’entretien. Il entend aussi lancer des appels d’offres pour plusieurs lignes «Intercités».
Surtout, il compte sur le «marché du siècle», déjà lancé par le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) : 3,5 milliards d’euros de commandes, pour de nombreuses lignes «nouvelle génération» de tram, de métro ou de RER. Le canadien Bombardier, qui dispose d’une usine de 2000 personnes à Crespin, dans le Nord, en a déjà remporté une première tranche. Si une grosse partie des commandes tombaient dans l’escarcelle d’Alstom, cela pourrait changer la situation, espère le gouvernement.
Mais il y a plusieurs obstacles : le STIF et la SNCF vivent très mal de devoir boucher les trous chez Alstom alors que l’Etat leur demande en même temps de réduire leurs dépenses. D’autre part, Bombardier, mais aussi le constructeur CAF (constructeur de trams), dont l’usine est située à Bagnères-de-Bigorre, ne peuvent se voir totalement privés de contrats. Enfin, ces marchés concernent des trains qui ne sont pas fabriqués à Belfort. Il faudrait donc compter sur la bonne volonté d’Alstom, qui accepterait de basculer certaines activités sur le territoire, ou qui consentirait à garder à flot l’usine à fonds perdus.
Un pari sur lequel les syndicats de l’entreprise se gardent bien de prendre position. « On reste prudents, très prudents, réagit Olivier Kohler, de la CFDT. Quels seront les moyens mis en œuvre pour atteindre l’objectif de pérennité du site fixé par le président ? On n’en sait rien encore. On peut espérer que les discussions en cours débouchent sur quelque chose de concret, mais pour le moment, la direction générale n’est pas revenue sur son projet. »
Le syndicaliste souligne aussi qu’il ne pense pas que plus de « quelques dizaines de salariés, au maximum » seront finalement transférés à Reichshoffen. Le site alsacien, qui compte 800 employés, est lui-même en sous-activité. « Cette histoire de transfert, c’est du foutage de gueule, un pur effet d’annonce », estime, elle aussi, Valérie Chardon, de la CFE-CGC. «Que va-t-on transférer à Reichshoffen? Du vide? Je croyais avoir compris que le carnet de commandes était à zéro? » s’interroge aussi le sénateur Cédric Perrin.
« Alstom a produit cette annonce afin de disposer d’une monnaie d’échange»
La méfiance est donc au rendez-vous. D’autant que les méthodes d’Alstom posent question. L’annonce de l’arrêt de la production a été faite le 7 septembre, le jour même de l’officialisation du choix d’Alstom par la SNCF pour développer «le TGV du futur». Et, mardi matin, le groupe a diffusé à tous ses salariés un courrier de son PDG, qui confirmait la fermeture à venir en 2018. Au même moment, François Hollande, Manuel Valls et Alain Vidalies clamaient exactement le contraire dans tous les médias. «Maladresse de communication», a juré l’entreprise.
On peut le voir autrement. «Alstom a produit cette annonce afin de disposer d’une monnaie d’échange pour obtenir des marchés publics», juge ainsi Bastien Faudot, conseiller municipal et départemental, représentant (et candidat à l’élection présidentielle) du MRC, le parti fondé par Jean-Pierre Chevènement, maire puis sénateur de la ville de 1983 à 2014. «Les sujets, la direction les connaît depuis des mois. Elle aurait pu avoir ces discussions bien avant, sans prendre en otages les salariés du site de Belfort. C’est inadmissible», gronde Olivier Kohler. Comme Mediapart l’a expliqué, ce ne serait en effet pas la première fois qu’Alstom se repose sur la commande publique pour remédier à ses errements.
Capital et cocottes en papier
Dans la cité au lion, on ne se prive d’ailleurs guère de remettre en cause la stratégie de l’État, qui dispose de 20 % des droits de vote, prêtés par Bouygues, actionnaire principal avec 28 % du capital. Arnaud Montebourg, de passage pour rappeler qu’il avait su négocier avec le groupe lors de la vente de sa branche énergie [en 2014. le groupe General Electric acquiert, à des conditions plus favorables pour l’emploi que Siemens, le secteur turbine à gaz et à vapeur], s’est fait un plaisir de tailler en pièces le gouvernement, et son successeur au ministère de l’économie, Emmanuel Macron, qui traîne là ce qui ressemble à sa première casserole.
«Si j’ai arraché il y a deux ans que l’État puisse prendre 20 % du capital d’Alstom, ce n’est pas pour qu’il fasse des cocottes en papier au conseil d’administration!» balance celui qui se veut concurrent de Hollande à la présidentielle. «Dans cette affaire, la France est en train de couler la France», juge-t-il, appelant la SNCF à aider Alstom, et l’exécutif «à pousser les deux membres les plus éminents de l’équipe de France du ferroviaire à s’allier.»
Le souverainiste de gauche Bastien Faudot enfonce le même clou : «Ce n’est pas une catastrophe naturelle qui nous arrive, je ne veux pas qu’on la traite comme le dernier tremblement de terre en Italie. C’est une victoire du libéralisme, les choses sont inscrites dans l’absence de politique industrielle de ce pays.» Idem pour le sénateur Perrin: «Ça sert à quoi d’être actionnaire à 20 % d’une entreprise pour ne pas se poser des questions de politique industrielle?»
Ce qui est perçu comme une désinvolture de l’Etat n’aide pas à rassurer les esprits. «Malgré toutes les promesses, rien ne nous dit que dans six mois, après la présidentielle, la fermeture ne devienne pas définitive », lance, parmi d’autres, Alain Ogor, représentant CFDT, 33 ans passés chez Alstom énergie (rachetée en 2015 par GE). Venu soutenir ses anciens collègues lors du passage de Montebourg, il est amer : «A Belfort, on est à bonne enseigne. Alstom, ça a été jusqu’à 8000 personnes, et la branche transport, jusqu’à 1400 salariés. Mais depuis des années, c’est restructuration sur restructuration. Les politiques nous ont beaucoup déçus.»
Du haut des marches de la Maison du peuple, devant les 2000 personnes rassemblées, Bernard, 70 ans, confie que «pour imposer notre voix à coup sûr, il aurait sans doute fallu que nous soyons 10 ou 15’000». Ce retraité CGT, 50 ans de militantisme et 35 ans de mandat chez Alstom, se veut lucide. «Dans les arguments avancés pour défendre les emplois, il y a beaucoup de sentiments, on joue sur la corde sensible, sur les familles. Mais on ne sent pas la fibre politique chez les salariés. Ils pourraient se dire que c’est les actionnaires qui nous mettent dans la merde, ou les politiques, qui les servent. Mais le rapport de force est ce qu’il est. Les gens ont l’arme au pied, ils ne savent plus trop quoi faire.» (Article publié sur le site de Mediapart, le 15 septembre 2016; par l’envoyé spécial à Belfort)
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[1] • Communiqué de Lutte ouvrière date du 14 septembre 2016, signé Nathalie Arthaud: «Alors que, lundi 12 septembre, Hollande a assuré que « tout sera fait pour maintenir le site de Belfort », le lendemain, la direction d’Alstom a confirmé la fermeture de l’usine au personnel. Autrement dit : « Hollande et Valls peuvent dire ce qu’ils veulent, c’est moi qui commande ! »
La direction d’Alstom a-t-elle réellement décidé de fermer l’usine ? Joue-t-elle au poker menteur avec le gouvernement, pour que l’État lui assure de nouvelles commandes ? C’est scandaleux dans les deux cas.
Pour les 500 salariés du site, pour les sous-traitants et les prestataires, c’est de leur vie qu’il est question. C’est l’avenir de la ville de Belfort qui en dépend.
Quand bien même Alstom subirait une baisse de commandes en France pendant quelques années, l’usine doit rester, tous les emplois doivent être maintenus et les salaires doivent être payés sur les profits d’Alstom.»
• Prise de position du NPA, en date du 13 septembre 2016: «La semaine dernière, Poupard-Lafarge, le PDG annonçait la fermeture du site en 2018 pour cause de «manque de commandes», ne proposant comme avenir qu’une mutation aléatoire en Alsace.
Il y a deux ans, pourtant, Emmanuel Macron s’était engagé, au nom de l’Etat, à un maintien intégral de l’emploi à Belfort. Bien qu’actionnaire principal au CA, l’Etat joue encore la chanson de l’impuissance. La seule issue serait « la recherche de contrats ».
Mais de qui on se moque ?
Alstom a réalisé en 2015/2016 un chiffre d’affaires de 6.9 millairds d’euros, en progression de 7%, un résultat net de 3 milliards.
Le Groupe a accumulé les contrats, trains en Afrique du Sud, le TGV aux Etats-Unis, métro de Dubaï et de Panama. Le plus souvent d’ailleurs, ce fut le gouvernement français qui joua les représentants de commerces diplomatiques pour obtenir ces contrats. Mais, dans un secteur en pleine restructuration et consolidation, le Groupe dont les principaux actionnaires, en dehors de l’Etat, sont Bouygues et la Société Générale, préfère faire tourner à plein régime les usines de production de Pologne ou de la nouvelle usine modèle du Kazakhstan, où évidemment les règles sociales et les salaires ne sont pas celles de Belfort.
Pas plus que chez Arcelor Mittal à Florange ou qu’à PSA Aulnay, le gouvernement ne se met en travers de la logique capitaliste du taux de profit maximum et du développement du chômage par des groupes qui accumulent des profits financiers. Le groupe a distribué plus de 3 milliards aux actionnaires en 2015 après la vente du pôle Energie. L’ancien PDG, Patrick Kron, s’est vu attribué 7.2 millions d’euros de salaire en 2015 pour avoir liquidé une partie du Groupe, vendu à General Electric. D’ailleurs, après ce rachat, GE a annoncé 6500 suppressions d’emplois en 2016/2017.
Alors, il y en a assez de ces profits faramineux, de ces politiques menées par les dirigeants des grands groupes au mépris des emplois et des vies des salarié·e·s.
Le NPA exige, non seulement le maintien du site de Belfort et de tous ses emplois mais aussi la nationalisation immédiate sans indemnité ni rachat du Groupe Alstom sous contrôle des salariéEs et de leurs organisations. Montreuil, le 13 septembre 2016. (Communiqués publiés, pour information, par la rédaction de A l’Encontre)
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