Par Noam Sheizaf
Lors de ce quatrième jour de grève, le 8 janvier 2014, quelque 10’000 demandeurs d’asile africains sont présents devant la Knesset (parlement) et exigent un changement de la législation concernant l’asile en Israël. La loi permet aux autorités d’emprisonner les réfugiés et, évidemment, de les expulser. Les demandeurs d’asile réclament l’abrogation de cette loi et l’instauration d’un statut de réfugié.
Le président de la Knesset, Youri Edelstein, s’est refusé à ce qu’une délégation puisse entrer dans les bâtiments de la Knesset, ce 8 janvier 2014, pour présenter leurs revendications. Il a osé affirmer, selon le magazine +972 : «L’entrée des «infiltrés» (clandestins) dans la Knesset pourrait susciter des provocations et conduire à des violences et à des troubles».
Les 10’000 demandeurs d’asile ont payé leur transport, par bus, pour se rendre à Tel Aviv. Lors d’une conférence de presse, le 7 janvier, tenue dans le sud de Tel Aviv – conférence faite en hébreux et en anglais – ils ont expliqué les raisons de «leur grève pour la liberté» et leur volonté de la poursuivre jusqu’à ce qu’ils reçoivent une réponse de la part des autorités.
Netanyahou les traite de «criminels», comme le rapporte Mairav Zonstein, dans son reportage sur la conférence de presse. L’attitude analogue adoptée par le gouvernement face aux demandeurs d’asile et face aux Palestiniens a été soulignée dans divers articles de la presse «non-conformiste.
Face à ces déclarations, les réfugié·e·s répondent: «Israël nous offre un terrible choix: être incarcérés ou faire face à la mort. Si nous sommes une partie du problème, nous devons être une partie de la solution.» L’un de ces immigrés donne une description simple et claire de leur situation: «Aujourd’hui, tu n’as que deux choix seulement: ou bien tu pars dans le centre de détention pour y rester un temps indéfini, peut-être dix ans, vingt ans, ou bien tu signes pour qu’on te rapatrie dans ton pays natal. Et c’est tout. Tu n’as que deux choix. »
Etant donné l’extrême précarité de leur situation et l’attitude du pouvoir étatique, les porte-parole du mouvement ont insisté qu’ils ne voulaient pas créer de «troubles» et d’affrontements avec la police.
Y compris des membres du Parti travailliste – lequel participe pleinement à la politique coloniale de l’Etat sioniste – sont contraints, face à cette nouvelle situation propre à un mouvement de «demandeurs d’asile» en Israël, de déclarer: «Comme Israélien, comme membre du peuple juif, un peuple qui a été réfugié pendant des générations, je m’opposerai toujours avec force au fait que des gens innocents, réfugiés ou immigrés, soient jetés en prison sans procès.»Propos tenus par le député Erel Margalit à Murielle Paradon de RFI. Pour information, nous publions un article du magazine +972, écrit lors du deuxième jour de grève. (Rédaction A l’Encontre)
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Les demandeurs d’asile africains sont à leur deuxième jour de protestation nationale. Lundi 6 janvier 2014, des milliers de demandeurs d’asile, dont la plupart avaient des emplois dans des hôtels et des restaurants, se sont mis en grève et organisent de grands rassemblements devant des ambassades occidentales et africaines.
Les protestataires font appel à la «communauté internationale» pour demander qu’Israël respecte les engagements de la Convention des Nations unies sur le statut des réfugiés, que le gouvernement israélien cesse de rassembler et d’emprisonner sans procès des demandeurs d’asile et libère ceux qui ont déjà été emprisonnés sous la loi révisée contre «l’infiltration».
Lors d’une déclaration de presse envoyée dimanche 5 janvier 2014, les organisateurs de la protestation écrivaient:
«Nous nous adressons aux ambassadeurs et aux diplomates en Israël avec un appel à l’aide désespéré. Nous savons que vos pays doivent affronter le défi d’un grand nombre de réfugiés qui sont arrivés à vos portes et qui ont reçu protection, asile et statut de réfugié. Nous sommes conscients de la difficulté qu’il y a à accepter des réfugiés et à accueillir des étrangers. Il n’est jamais facile d’accueillir un étranger chez vous… Cependant nous constatons que dans beaucoup de pays on traite beaucoup mieux les réfugiés qu’en Israël, où on nous humilie et on nous traite durement. […] Le gouvernement d’Israël nous perçoit comme une menace dont il faut se débarrasser au plus vite, il nous arrête en pleine rue comme si nous étions des criminels, il nous enferme pour des durées indéfinies, nous condamnant à rester en marge de la société, sans accès aux droits fondamentaux et nous provoque encore et encore…”
Il y a quelque 53’000 demandeurs d’asile en Israël. La grande majorité d’entre eux est arrivée à pied depuis l’Erythrée et le Soudan, suite à des guerres civiles et des persécutions par la dictature érythréenne. Les demandeurs d’asile se sont installés dans les quartiers les plus pauvres d’Israël; au moins la moitié d’entre eux vit au sud de Tel Aviv. D’autres vivent, pour la plupart, à Arad et à Eilat, à cause des possibilités d’emploi que fournit le business du tourisme dans ces villes.
Le précédent gouvernement de Netanyahou s’était fixé comme but de stopper l’afflux de demandeurs d’asile en Israël. Tout en reconnaissant qu’ils ne pouvaient pas déporter la plupart d’entre eux, le gouvernement a refusé leurs demandes d’être reconnus comme des réfugiés. Ensuite Israël a installé une barrière le long de sa frontière sud et, selon certains rapports, plusieurs unités de l’armée israélienne ont même effectué des raids dans la Péninsule du Sinaï pour obliger des convois de réfugiés à rebrousser chemin.
Ceux qui étaient déjà entrés en Israël ont été soumis à la première loi contre «l’infiltration» qui permettait au gouvernement d’incarcérer sans procès quiconque entrait illégalement dans le pays. Cela pendant trois ans et dans certains cas pendant une période indéfinie.
Il faut noter que cette mesure ne s’applique qu’à la communauté africaine, alors que le nombre d’immigrants illégaux non-africains en Israël – dont la plupart en provenance des pays de l’ex-Union soviétique – est presque le double de ceux des demandeurs d’asile africains. Or, la vie de la plupart des immigrés post-soviétiques n’est pas menacée dans leur pays d’origine.
Le gouvernement a également essayé de négocier un accord avec d’autres pays africains pour qu’ils acceptent d’accueillir les demandeurs d’asile en échange d’une aide financière israélienne, et peut-être d’autres bénéfices ou biens. Jusqu’à maintenant ces tentatives n’ont pas abouti.
La première version de la loi contre «l’infiltration» avait été rejetée par la Haute Cour de justice, il y a quelques mois. Le mois passé, la Knesset (parlement) a passé une nouvelle loi permettant aux autorités d’emprisonner des demandeurs d’asile pendant une année. En même temps, la police a augmenté le nombre de raids contre les Africains, et certaines municipalités, dont celle de Tel Aviv, ont pris des mesures plus dures contre des magasins appartenant à des demandeurs d’asile et en ont fermé la plupart. (Voir à ce sujet l’article publié sur ce site en date du 21 mai 2013, onglet Moyen-Orient, Israël)
Presque toute la communauté africaine participe à la protestation. Les demandeurs d’asile ont fait plusieurs manifestations à Tel Aviv, et dimanche 5 janvier, au moins 20’000 personnes ont participé à un gigantesque rassemblement à la place Rabin. Le mois passé, des dizaines de demandeurs d’asile sont sortis du centre de détention de Holot, au sud du pays, avant d’être appréhendés et renvoyés par la police. Des dissidents érythréens ont également fait irruption lors d’une conférence de l’ambassadeur érythréen dans un kibboutz au nord d’Israël, en l’interrompant.
En réponse à la grève, les officiels israéliens ont demandé des mesures sévères contre les demandeurs d’asile. Le ministre de l’Intérieur Gidon Sa’ar (Likhoud) a averti que la protestation pourrait devenir violente et a déclaré que les demandeurs d’asile «n’étaient pas des réfugiés». Le Premier ministre Netanyahou a posté le message suivant sur sa page de Facebook :
«Des protestations et des grèves n’aideront pas. Nous avons complètement jugulé l’infiltration vers Israël et maintenant nous sommes déterminés à éliminer les travailleurs illégaux qui s’étaient infiltrés en Israël. L’année passée nous avons multiplié par six – soit à plus de 2’600 – le nombre de personnes infiltrées qui sont parties, et l’objectif, cette année, est d’augmenter encore ce nombre». (Traduction A l’Encontre, article publié dans le magazine +972)
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