Syrie. Une lutte sur deux fronts

Manifestant brandissant une pancarte exigeant le départ de EIIL (Daesh en arabe) de Syrie
Manifestant brandissant une pancarte exigeant le départ de EIIL (Daesh en arabe) de Syrie

Par Syria Untold

«Un, un, un, Assad et l’EIIL ne font qu’un». Ce slogan est devenu un des plus courants dans les manifestations qui continuent à travers le pays, deux ans et demi après le début de la révolte.

De la lutte contre le régime à la lutte contre le régime et l’EIIL

Pendant cette période, les Syriens sont passés de la lutte contre le régime et sa mainmise sur le pouvoir à devoir faire face désormais à une multitude de menaces. Alors que le régime continue de bombarder les zones d’habitations, arrêtant et tuant les militants et les civils, les groupes islamistes comblent le vide laissé par le retrait du régime des régions libérées. Ils s’emparent de la révolution et la détourne en imposant aux populations locales leurs programmes propres. Parmi ces groupes, l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) est souvent comparé au régime pour ses tentatives de réduire toute dissidence au silence et d’imposer une nouvelle forme de tyrannie.

Durant ces derniers mois, l’EIIL s’est lancé dans l’arrestation, l’enlèvement et l’assassinat de dissidents, dont plusieurs chefs de l’Armée libre. Leurs cibles principales ont cependant été les militants pacifiques, qui étaient précédemment la cible du régime, tels que Wael Ibrahim Abou Maryam (activiste arrêté deux fois car ayant refusé un dapeau d’Al-Qaida dans une manifestation). Le prêtre italien Père Paolo, Mohammad al-Amr et Samar Saleh font partie de ces icônes pacifiques visées par l’EIIL. Le cas de Samar Saleh est particulièrement symbolique. Elle a été arrêtée par l’EIIL à Alep quelque mois après l’arrestation de sa sœur Maisa par le régime à Damas. Son histoire, racontée dans Syria Untold, souligne la manière dont ces militants, souvent des femmes, se retrouvent désormais coincés entre deux formes de tyrannie.

L’EIIL est connu pour avoir fait remplacer le drapeau de la révolution par le drapeau noir durant les manifestations, et pour avoir imposé des slogans et messages sectaires. Il s’est également lancé dans la profanation de lieux saints chrétiens, la destruction d’églises et de symboles culturels, comme la statue du poète et philosophe Abul Alaa al-Maarri, connu pour sa dénonciation du dogmatisme et de la superstition.

Réaction populaire contre l’EIIL

En réaction à ce genre de groupes qui essayent d’imposer leurs idées extrémistes et de les appliquer sur la diversité du tissu social syrien, des militants des régions libérées ont organisé des manifestations et des sit-in devant les quartiers généraux de l’EIIL. Une de ces manifestations a été menée à Raqqa par une femme, Suad Nufal, afin d’exiger la libération des prisonniers d’opinion. Le 25 septembre, des manifestants ont brandi une croix en réponse au retrait par l’EIIL de la croix de l’Eglise Notre-Dame de l’Annonciation.

Pancarte: «Notre Syrie est multicolore. L'EIIL est sombre et noir»
Pancarte: «Notre Syrie est multicolore. L’EIIL est sombre et noir»

Le 20 septembre 2013, des manifestants à Alep ont brandi des banderoles appelant à la libération des prisonniers. Ils ont également brandi des banderoles où l’on pouvait lire : «L’EIIL est l’Etat du Régime en Irak et au Levant», ou encore «Notre Syrie est multicolore. Non à l’EIIL et à son drapeau noir».

Des comités de coordination tels que le «Comité Kurde de Fraternité» a accusé l’EIIL «d’occuper les villes et de terroriser les citoyens», les assimilant au Hezbollah qui soutient le régime, et qui a été impitoyable envers les civils. «C’est notre droit de manifester pacifiquement contre ceux qui tentent de s’emparer de notre Syrie, tout comme nous avons manifesté contre le régime», martelaient ainsi des militants du comité.

Des membres de l’Armée libre ont également essayé d’empêcher l’EIIL de prendre le contrôle de leur pays. Durant les derniers mois, ils ont essayé de leur faire relâcher leur emprise sur les quartiers résidentiels et sur l’accès aux routes stratégiques. Le 2 octobre, l’Armée libre a émis une déclaration engageant l’EIIL a évacué Homs sous 48 heures.

C’est désormais fréquent parmi les Syriens d’ironiser sur la «libération du Nord» et d’en parler comme «de la forme de libération la plus oppressive», puisqu’elle a consisté à remplacer la tyrannie de la famille Assad par la tyrannie des groupes islamistes étrangers qui ne représentent pas les attentes et exigences des populations.

Dans ce contexte, «un, un, un le régime d’Assad et l’EIIL ne font qu’une» représente une variante du slogan optimiste, un des symboles de la révolte de 2011: «un, un, un, le peuple syrien ne fait qu’un». (Traduction par Armand Hurault et publié par l’Association de soutien aux Médias Libres, publié en anglais le 10 octobre 2013)

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