Rien à attendre de la réunion de l’ONU sur les réfugié·e·s

summit_image_slider_graphic_0Par Phoebe Braithwaite

La réunion de haut niveau sur les réfugiés et les migrants devait aider à replacer une personne sur dix se trouvant dans cette situation. En échange les Etats membres devaient à peine assumer de vagues engagements, comme une campagne pour en finir avec la xénophobie.

Les organisations et les personnes qui travaillent sur les questions de droits humains et humanitaires ont été déçues par le résultat du document sur lequel les Etats se sont mis d’accord avant la rencontre qui se réalisera, ce lundi 19 septembre 2016, au siège de l’ONU (Organisation des Nations Unies) à New York. En effet, un tel document n’arrive pas à créer un cadre d’ensemble et contraignant qui protège les réfugié·e·s.

«Si les leaders globaux adoptent une résolution avec de belles paroles, mais sans engagements concrets, ils ne réussiront pas à transformer la vie des personnes qui fuient les guerres et les conflits», a confié à IPS le directeur du bureau d’Amnesty International à l’ONU, Richard Bennett.

Beaucoup de personnes consultées par IPS partagent l’opinion que les Etats membres les plus riches perdent une occasion cruciale de faire front à la xénophobie et au racisme en permettant la réinstallation de réfugiés dans leur pays.

«Quand tu parles avec les réfugiés, ils te disent que les hommes aux kalachnikovs les poussent, mais que ceux qui portent l’uniforme fuient» [allusion aux diverses troupes de l’ONU censées les protéger], a souligné Arvinn Gadgil, directeur des Associations et de la Politique du Conseil norvégien pour les réfugiés, lors d’un entretien avec IPS.

«Il semblait que les Etats membres désiraient réellement trouver un mécanisme pour partager la responsabilité. Peut-être de façon naïve nous avons pensé que cela était vrai et bien sûr nous sommes déçus. Cela devait être un des résultats du sommet que, maintenant, semble-t-il, nous n’obtiendrons pas.»

A. Gadgil s’est référé aux négociations comme «une course à l’abîme» menée avec «une systématique aversion pour les risques» et dans laquelle s’impose une accablante préoccupation pour les intérêts nationaux de chacun.

«Il y a peu de raisons d’être optimistes», a-t-il reconnu, critiquant les échanges préalables qui, comme il l’a répété, ont été dominés par «le plus petit dénominateur commun de la honte».

«Il y a une crise énorme et ces diplomates s’asseyent à New York pour discuter de textes qui peuvent ou pas s’appliquer (…). Il y a une brèche énorme entre leur discours et la réalité» a souligné R. Bennett, en relatant le processus par lequel les pays modifient des promesses significatives en de vagues affirmations de responsabilité partagée.

Le nombre de personnes déplacées se maintient à un niveau élevé dans le monde et comme jamais dans l’histoire de l’ONU. Quelque 65 millions de personnes ont été obligées d’abandonner leur foyer; une personne sur 113 est réfugiée, demandeuse d’asile ou déplacée interne; 21,3 millions parmi ces personnes sont réfugiées et 51% sont mineures [les migrations «Sud-Sud» – dans des pays voisins – sont très majoritaires].

Et néanmoins, même un article du document préparatoire relatif à l’arrestation d’enfants a été considéré comme trop controversé par les membres de ce forum mondial.

La conseillère spéciale [nommée en janvier 2016] pour les «Réunions de haut niveau», Karen AbuZayd [Etats-Unis], a expliqué que l’application du droit des enfants à n’être jamais arrêtés a été extrêmement controversée par quelques Etats et a été modifiée pour établir le principe que «les enfants doivent très rarement, si c’est le cas, être arrêtés».

Dans ses efforts pour s’occuper de questions plus amples de mobilité humaine, la «réunion de haut niveau» s’est concentrée aussi bien sur les réfugié·e·s que sur les migrants, bien que les débats sur les deux thèmes soient l’objet de controverses parce que la question des migrations est une aire moins couverte par le droit international.

La situation des déplacés internes ne sera pas traitée lors de cette rencontre, bien qu’il y ait 45 millions de personnes dans cette situation à l’intérieur des frontières nationales.

Autour de 86% des réfugiés résident dans des pays aux revenus faibles ou moyens comme le Liban, la Jordanie, le Tchad, la Turquie et l’île de Nauru (Océanie). Et même l’Australie les maintient dans des centres de rétention dans des îles, y compris les mineurs.

En critiquant les pays «qui érigent des frontières et des murs», R. Bennett signale qu’«il n’y a pas un mécanisme déclencheur»; il n’y a pas de critères concrets, ni d’objectifs pour décider comment un Etat remplit l’engagement qui lui revient. C’est une sorte de démarche spéciale qui ferait qu’un pays fasse montre de générosité en offrant ou non des places de réinstallation ou de l’argent.

Le document négocié signale: «Dans beaucoup de parties du monde, nous sommes témoins, avec une grande préoccupation, de réponses chaque fois plus xénophobes et racistes contre les réfugié·e·s et les migrant·e·s», ainsi qu’une plus grande acceptation de ces attitudes. Mais les Etats eux-mêmes les perpétuent en refusant d’accepter des personnes de différents pays, même celles qui fuient la violence et la persécution.

Le lundi 12 septembre, Amnesty a critiqué la déclaration du Groupe des 20 pays riches ou émergents qui appelle à «partager la charge» en se référant aux réfugiés, ce qu’elle a considéré comme une «cruelle hypocrisie», car beaucoup des pays du G20 ont empêché les efforts de réinstallation. Cela en plus, évidemment, du terme utilisé qui a des connotations négatives envers les personnes qui sont dans cette situation.

Les pays «sont réticents à fixer des objectifs pour accepter et aider les réfugié·e·s parce qu’il y a un discours toxique en matière de migrations et de réfugiés qui affecte la politique nationale» explique R. Bennett.

Un autre problème préoccupant du document final, c’est qu’«il avance sur un terrain qui considère le déplacement de personnes comme un problème de sécurité, et qu’il ne tient pas en compte que les réfugiés contribueront à construire des sociétés plus diverses et, de fait, plus fortes», note-t-il.

Le parti de chancelière (chef de gouvernement) d’Allemagne, Angela Merkel, l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (CDU), qui intervient systématiquement comme une force morale pour réinstaller des réfugiés et refuse de tomber dans les stratégies électorales xénophobes qui se propagent dans beaucoup de pays européens, a perdu dans la seconde semaine de ce mois-ci une élection locale face au parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne. [Ce qui s’est répété à Berlin le dimanche 18 septembre; voir sur ce site l’analyse des élections dans le Mecklembourg-Poméranie-Occidentale.]

Sans vouloir tirer trop de conclusions d’une seule élection locale, Gadgil affirme: «Cela pourrait être un moment décisif dans la politique européenne, qui aboutit à la croissance définitive de partis principalement motivés par des visions xénophobes dans le monde et par une représentation artificielle des immigrants comme mauvais, fondamentalement et sans plus.»

Conversations «abstraites, un exercice académique»

Ce 2 septembre, il y a un an qu’est mort Aylan Kurdi, cet enfant de trois ans dont la photographie qui le montrait gisant sur une plage a éveillé la sympathie de beaucoup de personnes, dans diverses parties du monde. Elle a contribué à personnaliser la souffrance qui est subie à une très grande échelle.

L’écrivaine et dramaturge Chimamanda Ngozi Adichie [Nigériane] a déclaré il y a peu: «Personne n’est seulement un réfugié», soulignant la centralité des migrations humaines dans l’histoire de l’humanité, dans le cadre de la Journée mondiale de l’aide humanitaire, le 19 août.

Néanmoins, R. Bennett relève que dans les conversations préliminaires à la réunion de New York, il n’a entendu «aucun pays donner des exemples d’histoires réelles de réfugiés ou de migrants; pour les Etats cela paraît quelque chose d’abstrait, un exercice académique».

Pour sa part, le directeur exécutif de Médecins sans Frontières, Jason Cone, a donné le mardi soir 13 septembre 2016 son opinion sur la Réunion de haut niveau et a considéré qu’«en définitive, ce sont les leaders politiques qui doivent faire un pas en avant et prendre les décisions. Ce sont des problèmes qui, à la base, peuvent se résoudre lorsqu’on leur alloue les ressources adéquates.»

Les espoirs sont maintenant tournés vers le Sommet des dirigeants sur les réfugiés, convoqué pour le 20 septembre par le président des Etats-Unis, Barack Obama, et auquel sont invités des chefs d’Etat et de gouvernement, pour qu’ils assument des engagements nationaux, plus que collectifs, pour la réinstallation de réfugié·e·s. (Par le correspondant à l’ONU d’Inter Press Service – IPS Noticias; publié 16 septembre 2016; traduction A l’Encontre)

 

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